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L'Albanie, histoire de langue(s) : pour une approche sociodidactique de l'enseignement apprentissage du français en contexte universitaire albanais


par Amélie GICQUEL
Université Paris 3 La Sorbonne Nouvelle - Master 2 professionnel Sciences du Langage mention Didactique du Français et des Langues Etrangères 2014
  

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Annexe 15 - Interview informateur 07-ED

Interviewer : Amélie Gicquel

Traduction de « Zysh » (prononcer /zuch/), cela peut être équivalent à « Madame » que l'on adresse à son enseignante lorsque c'est une femme.

Note de lecture : 1 personnes interviewée. Les questions posées par l'enquêteur sont en italique et les réponses en caractères standards. Certains extraits n'ont pas été conservé car pas en adéquation avec le thème de l'interview. Cet entretien a été conservé dans le corpus d'enquête car très représentatif de l'exposition des Albanais aux langues étrangères sous la période du communisme et juste après, en particulier pour l'apprentissage précoce par imprégnation.

Profil de l'informateur ED :

Profession : ancien étudiant de journalisme puis de français, master dans l'enseignement pour les niveaux primaire / collège, emploi actuel dans le tourisme et dans les centres d'appel

Expérience à l'étranger : stage de théâtre en France

Formation initiale : post communisme

1. Tu parlais de l'influence de l'Italie... Les voisins, qui...

2. Concernant... A l'époque communiste, les gens étaient plus sociaux, si je peux dire... Dans le sens qu'ils n'étaient pas individuels. Ils allaient dans la coopérative, travailler, ils étaient ensemble...

3. L'esprit même d'un régime communiste, en fait !

4. Bah voilà, chaque après midi, ils faisaient des spectacles, machin, tout ça. Enfin des films, dans des villages et dans des trucs comme ça. Et la télé, ce n'était pas ouvert toute la journée. Enfin, il y avait le soir à partir de 18h jusqu'à 20h, par exemple. Et tout le monde... Est-ce que tu connais « Sanremo » ? / l'équivalent des Victoires de la Musique en Italie /. Ici, chez nous, on a ça, c'est « le Festival de la Radio - Télévision Albanaise ». Donc tous les chanteurs, ils chantaient live, bien sûr, avec l'orchestre et tout ça. Trois jours, quatre jours, c'était trois jours de spectacle et ensuite la finale. D'ailleurs, on a gardé cette tradition que le gagnant que de cette compétition serait le représentant de l'Albanie pour l'Eurovision. Et tu imagines, la télé, ce n'était pas tout le monde. Celui qui avait une télé à cette époque, il aura été obligé d'obtenir un permis auprès du conseil, du Parti, et tout ça ! Et celui qui avait la télé...

5. C'était la star du village !

6. Pas seulement la star, mais tout le monde venait, / rires / Mais oui, c'est vrai ! Moi, je me rappelle des choses parce que mon oncle avait la télé.

7. Tu es né en quelle année ?

8.

XLIX

1986. Je n'ai pas vécu longtemps sous le communisme, mais j'ai des souvenirs. J'avais 4, 5 ans, mais je m'en rappelle un peu... Quand il y avait un film, un spectacle, tout le monde, hop ! Mais enfin, quand il y avait un spectacle ou quelque chose d'exceptionnel, ils venaient le soir. Après ça a changé, enfin, la télé... 1991, 92, ceux qui avaient de l'argent pouvaient acheter une télé. Ca s'est libéré, la télé en couleurs, tout ça, ça a changé. Après, la télévision albanaise n'avait pas, des programmes, elle n'avait pas grand chose à donner... Tu vois ? Et toujours, c'était limité, elle transmettait à 10h, 11h, elle donnait ce qu'elle avait à donner, hein... Quelques informations, un truc, enfin voilà. Ce n'est pas comme aujourd'hui ou c'est une réelle industrie. Et du coup, une fois ouvert ça, il y avait des chaînes italiennes qui entraient en Italie, enfin qui étaient captées par l'Italie. Et si tu vois, toi, toute, la majeure partie des jeunes de mon âge qui avaient la télé, ils savent tous parler italien. Pourquoi ? Parce que par exemple, si tu vas voir au Kosovo, ou la Macédoine... Enfin la Macédoine, je peux dire que c'est italien. Mais Kosovo, par contre, anglais. Anglais, pourquoi ? Parce que c'était ex-Yougoslavie, et il y avait l'influence, tout ça. Parce qu'ils étaient ouverts même pour voyager, mais s'ils avaient aussi un régime communiste, c'était moins strict qu'en Albanie. Même les groupes de musique, tout ça ! Donc voilà, l'influence, c'était l'Italie. Il y avait même cette chaîne « Telenova », qui rentrait. Les dessins animés, euh, et même « Itali 1 », une autre chaîne italienne, « Rai 1 ». Les jeunes regardaient ça, et du coup, ils ont appris la langue. Enfin je te dis ça, pour te dire comment ça influence les gens, la télé, enfin l'audiovisuel. Ca, c'est très important. Ca, c'était l'époque de l'italien. Maintenant, si tu vois les filles, ou les jeunes, ceux qui regardent les dessins animés en italien... ils comprennent l'italien, ils comprennent très bien. Mais, maintenant c'est l'espagnol ! Mais pas seulement les filles, même si tu es un petit garçon et que ta mère regarde une telenovela, tu t'habitues et tu comprends !

9. D'autant plus que maintenant, tout est sous-titré, c'est très facile de suivre l'émission et d'aller voir l'équivalent en langue étrangère ou vice versa !

10. Oui, c'est sous-titré, c'est très facile ! Donc voilà, tu as l'espagnol. Après, autre autre chose, avec la globalisation, tu as la délocalisation des entreprises, pour accroître leurs revenus, vont envoyer certains de leurs services à l'étranger. Mais même à l'époque, quand tu regardes le boulevard principal de Tirana, c'est grâce à l'Italie, un peu... Là où il y a les ministères jusqu'au carrefour Mère Tereza.

11. /... / ? l'informateur répond à un appel.

L...]

L'informateur parle ensuite de différentes choses, qui n'ont pas attrait à mon enquête.

12. Comment tu as commencé le français, toi ?

13. A l'école.

14. Oui, mais en quelle classe ?

15. En cinquième classe.

16. Et c'était obligatoire ?

17.

L

Non, non, pas de choix, français, c'est tout. Enfin, le français, c'était plus épanoui à l'époque / rires /, non... répandu.

18. Et dis moi, le petit ED, quelle était son opinion pour le français ?

19. Le français... Ce n'est pas que j'avais une opinion, c'était une langue étrangère, voilà... Je l'ai apprise, et du coup, après, même le lycée, j'ai été au lycée des langues étrangères, parce qu'à cette époque, ce lycée, c'était le top, il y avait un concours à passer. Ce n'est pas tout le monde qui y allait. Au début, on était que 12 ou 13 élèves à avoir passé le concours. Ensuite, il y a eu d'autres élèves qui sont arrivés, mais au début, on était peu.

20. Et pourquoi est-ce que tu as choisi de faire le lycée des langues étrangères ?

21. Bah, ce n'est pas que j'avais trop le choix, ou que je pouvais choisir. Enfin, mes parents, langues étrangères ? Langues étrangères. Voilà, ok. Ecoute, Elbasan a la tradition de faire sortir des profs, avec l'école pédagogique de 1909, et du coup, c'était ça. Cette école était la seule école qui avait un internat. Les élèves venaient de tous les coins du pays pour étudier là bas. Et dans cet internat, l'école des langues étrangères ainsi que l'école de la musique avaient quelques chambres dans cet internat. Les écoles professionnelles aussi avaient des internats. Une fois l'école pédagogique finie, tu pouvais tout de suite travailler comme prof. Ca a changé ces dernières années parce que tout le monde va à l'université. Mais à l'époque, c'était comme ça. Il y avait de grands besoins en prof. Donc les gens venaient là bas pour trouver un travail. C'est vrai que ce n'est pas trop trop payé, mais c'est un salaire fixe, et que tu as pour toute ta vie. Et puis tu travailles 6 heures, et voilà, ça va... Donc ce sont mes parents, voilà, qui ont dit, bon... Ce n'est pas qu'on était très ouverts à dire « je vais faire ça », ou « je vais faire telle profession quand je serais grand » / rires /.

22. Et après à l'université ?

23. A l'université, j'ai fait, comment dire ? Journalisme. Parce que c'est à cette époque que cette branche s'est ouverte.

24. A Elbasan, ou à Tirana ?

25. A Elbasan, à Elbasan. Et à cette époque, il y avait encore les concours pour entrer à l'université. Donc j'ai passé ce concours, et je l'ai gagné, d'ailleurs ! Mais je n'ai pas continué le journalisme.

26. Pourquoi ?

27. Bah parce qu'on peut devenir journaliste sans avoir fait l'université. Après, je voulais bien, là, à ce moment là. Ce que je voulais, en effet, c'était voilà... avocat ou un truc comme ça. Je voulais aider les autres, ou connaître les lois, et tout ça. Mais à Elbasan, il n'y avait pas cette filière. A Tirana, seulement, et je ne pouvais pas, avec les dépenses et tout ça. A Elbasan, j'avais la maison et tout ça, il n'y avait pas de dépenses. Eh j'ai continué le français. Je ne voulais pas me fatiguer, si je peux dire comme ça / rires /. On venait du lycée des langues étrangères, c'était plus simple. Je regrette, mais bon.

28. C'est vrai, tu as des regrets par rapport à ça ?

29. Je regrette dans le sens que... Non, ce n'est pas que j'ai des regrets parce que j'ai appris le français, non pas du tout. J'ai des regrets parce que je n'ai pas continué à apprendre l'allemand / rires /. Parce qu'on avait l'allemand comme deuxième

LI

langue. Parce que le prof... L'allemand que je sais pour le moment, je peux communiquer un peu... Demander du pain / rires /. Ca, c'est grâce à ma prof.

30. Et après ta licence, qu'est-ce que tu as fait ?

31. Eh le master de français, pour professeur à Elbasan.

32. Et tu as cherché du travail comme prof ?

33. A vrai dire, non.

34. Tu as essayé ?

35. Bah j'ai envoyé les documents au directoire. Mais si tu connais personne... C'est un peu ça. Mais je n'ai pas voulu travailler comme prof, dans le sens que... Bah, ce n'est pas quelque chose de mauvais, le professeur, mais ça dépend quelle sorte de professeur. Et où tu vas travailler comme professeur ! Ce que j'ai eu peur, c'est de trouver un travail dans un village. Et après, c'est fini la vie, hein ! Tu peux vivre en pleine harmonie avec la nature / rires /.

36. Moi ça me fait rêver !

37. Bah, ça dépend ! Si je trouve du travail comme prof dans mon village. Bah, pas de dépenses, il y a tout à disposition, bio, les fruits, tout ça, tout ça, tout ça. Se marier, faire 5 ou 6 enfants / rires /. Mais je ne voulais pas ça. C'est pour ça que je ne voulais pas faire prof. J'ai vu mes parents, ils ont fait le prof, voilà, ils ont fait leur vie tranquille. Ce n'est pas qu'ils ont eu des problèmes.

38. Bah, je vois, il y a des gens à qui ça convient, et puis d'autres qui ont des ambitions différentes !

39. Bah ce n'est pas une question que ça te convient ou pas, c'est qu'une fois que tu es mis dans cette pâte, tu ne peux pas en sortir. Bien sûr, ça dépend du type de personnes. Et voilà mon histoire avec le français.

40. Mais tu m'as dit quelque chose tout à l'heure et tu ne m'as pas répondue... Je t'ai demandé si tu avais encore des contacts avec les français, et tu m'as répondu que tu avais grandi. Mais tu ne m'en as pas dit plus...

41. Bah, c'est quelque chose qui a plusieurs explications... Il y a beaucoup de choses à dire là dedans.

42. Tu sais, s'il y a quoique ce soit que tu ne veux pas que j'enregistre ou si à la fin, il y a quelque chose que tu ne veux pas que je garde, dis le moi, et je le ferai.

43. Non, non, ça va, tu peux le garder. Quand je serai député ou premier ministre, tu vas me demander de l'argent ! Tu vas venir me voir et tu vas me dire que tu vas sortir ça ! / rires /. « Quoi ? Fais le sortir, tu vas voir ! » Hop ! / rires /. Bon, bref. Non, ça, c'est autre chose. Je ne sais pas si ce que je t'ai dit t'aide à orienter ton étude sur la façon dont ils apprennent les langues étrangères.

44. Bah écoute, après plusieurs entretiens, après avoir réfléchi à la question, je sais que les Albanais n'apprennent pas les langues étrangères à l'école, mais dans des cours privés. Et c'est vrai que c'est une question intéressante ! Et il y a plusieurs raisons qui expliquent ça. Lesquelles ? Soit les élèves se trouvent avoir un enseignant qui ne parle pas la langue, qui n'est pas plus intéressé que ça par les résultats de ses étudiants.

45.

LII

Oui, je pense que ça dépend de la génération. Il y a une génération qui est très bonne en langues étrangères, et l'année qui suit, ils sont nuls. Ca a à faire avec ça aussi / l'informateur parle des élèves, non des enseignants /.

46. Il y a aussi le fait que ceux qui sont intéressés par les langues étrangères vont faire des cours privés pour apprendre plus, pour apprendre mieux. Pour aller plus loin que le programme. Et j'ai observé que c'est devenu une pratique commune, « je veux apprendre telle ou telle langue, je prends des cours privés ».

47. Ca, je pense que c'est une bonne chose, parce que de cette manière, tu n'apprends pas ce que tu n'as pas envie apprendre. Parce qu'à mon époque, il n'y avait pas l'anglais. Si j'avais eu le choix d'apprendre l'anglais, j'aurais fait de l'anglais, hein !

48. Ouais, mais est-ce que tu ne dis pas ça maintenant que l'anglais est devenu la langue internationale ? Tu ne le savais peut-être pas quand tu étais petit...

49. Non, non, du tout. Enfin, il y a plusieurs choses. Tous nos chefs d'état ont fait des études en France. La France, voilà, wow, la langue, l'aristocratie, littérature, romanciers, révolution, tout ça ! Enfin, peut-être que ça a changé en dedans, parce que vous y vivez, mais de l'extérieur. Dans les livres d'école, tout ça, c'est déjà servi, on ne peut pas l'enlever, on ne peut pas le faire changer. Je pense aussi que les jeunes ne sont pas franchement intéressés pour apprendre les langues.

50. C'est l'impression que j'ai aussi...

51. Tiens, je vais te donner l'exemple de mon petit cousin. Il est en 5ème ou 6ème classe. Il apprend l'anglais, le français et l'allemand.

52. C'est lui qui a choisi ?

53. Eh bien c'est dans le programme. Il n'aime pas le français. Parce qu'il aime l'allemand. Pourquoi ? Bon, l'anglais, les parents l'ont emmené dans des cours, tout ça. Ah, il est un peu paresseux, c'est pas qu'il... Il est intelligent, il apprend les choses. Mais il est un peu paresseux, Internet tout ça, ça le rend mou. Ils l'ont emmené dans des cours d'anglais et tout ça. Mais ils ont vu que c'était du gaspillage de l'argent avec lui, pour l'anglais. Il aime l'allemand ! Pourquoi il aime l'allemand ? Pourquoi ? Parce qu'il aime la prof de l'allemand ! Pourquoi ? Parce qu'il a répondu une fois, il a répondu une autre fois, enfin, quelque truc, par hasard il savait. Et du coup, la prof s'est intéressée à lui. Elle a cru qu'il apprenait, et c'est devenu une référence pour elle ! Comme chaque prof, dans chaque cours, ils ont besoin de quelque référence qui fait croire au prof qu'il comprend ce que le prof explique / rires /. Il bouge la tête, ok, ok, ok. Tandis que la prof de français, celle qui était avant... Parce qu'ils sont beaucoup dans la classe, plus de 20, pas loin de 30. Et pour un prof, c'est vraiment dur de les contrôler, hein ! Elle mettait des notes comme ça. L'autre qui est venue, elle a regardé les notes de sa prédécesseur, et du coup, elle a vu qu'il ne participait pas, elle a adopté la même attitude que la prof qui était là avant. Mon cousin, ça l'a fait pas aimer le français, tu vois ? C'est un peu l'effet « hallo », en anglais, tu sais ? C'est à dire que tu peux avoir un élève qui est sérieux, mais tu ne l'estimes pas. Tu vas être influencé par les notes que les autres profs ont mis, ou bien avoir tes préférences et ne pas faire attention aux bons élèves. Enfin, les sciences humaines, c'est difficile. Il n'y a plus 2 + 2, ça fait 4. C'est fini. Je pense aussi que les dirigeants des Alliances Françaises ont une influence. Ce sont toujours les mêmes directeurs depuis

LIII

plusieurs années... C'est un peu dommage dans le sens que, voilà... Ca fait 15 ans que tu as ce poste et tu ne vois personne qui pourrait prendre ta place.

54. C'est ça, c'est que personne n'a envie de s'en occuper...

55. Ils ont tous déjà fait ce qu'ils avaient à faire. Mais personne n'est intéressé pour prendre la relève, même s'il y a plein de choses, plein de nouveautés à faire.

56. Il n'y a pas cette volonté de...

57. Oui les profs ne font pas d'efforts pour faire aimer la langue. Et les élèves aussi, s'ils s'organisent entre eux.

58. Oui et les élèves, mais bon, si les élèves s'organisent, c'est qu'il y a toujours un prof quelque part qui va s'occuper d'eux.

59. Oui, bien sûr, un prof va toujours fait attention à ça. Mais en fait, ce sont les parents qui veulent que leurs enfants apprennent des langues étrangères. Ils les envoient dans des cours privés, ils ne laissent pas au hasard.

LIV

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius