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L aprotection des droits fondamentaux des personnes privées de liberté au Burkina Faso


par Marou KABORE
Université Thomas Sankara - Master 2 2021
  

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B. L'ignorance des lois

L'ignorance des lois constitue un véritable problème d'adaptation de la protection des droits fondamentaux des détenus mais aussi un problème de prévention de la privation de liberté. Pourtant, en droit, la connaissance de la loi est un concept de premier plan378(*). L'ignorance des lois s'apprécie également aussi bien à l'égard des victimes que du personnel chargé de l'exécution des peines. En effet, la méconnaissance des textes peut avoir pour corollaire l'atteinte à certains droits quand la procédure pénale n'est pas maitrisée par la Police judicaire chargée de l'arrestation et de la détention légale. Dans l'affaire Onyachi et Njoka c. Tanzanie, la Cour relève que l'arrestation ou la détention sans une base juridique est arbitraire et toute privation de liberté doit avoir une base juridique ou être menée « conformément à la loi »379(*).

Au niveau de la victime, certains auteurs estiment que les droits fondamentaux des détenus sont constamment violés du fait de leur ignorance des lois. Pour Tiga Cheick SAWADOGO, les détenus peuvent passer 15 ans en prison avant d'être jugés et quand ils passent à la barre, certains bénéficient d'un non-lieu. Brimés dans leurs droits, ils peuvent attaquer et réclamer des indemnisations pour le tort subit mais par ignorance, une fois que le détenu franchit les portes de la maison d'arrêt, c'est la fin de l'histoire380(*). Cela soulève le problème de la réparation en cas de détentions illégale ou arbitraire.

Par ailleurs, l'action fondée sur l'ignorance de la loi en droit pénal est paralysée par la règle nemocenseturignorarelegemc'est-à dire nul n'est censé ignoré la loi381(*). Cependant, l'applicabilité de la règle « nul n'est censé ignorer la loi382(*) » en dépit de ses origines lointaines383(*), est une question encore chaudement disputée en doctrine384(*). En effet, certaines infractions fondées sur un principe de droit naturel, comme le meurtre, le vol, le viol, ne sauraient être ignorées, car il suffit simplement de consulter sa raison pour connaître ces interdictions385(*). Ainsi, l'ignorance de la loi en matière de droit naturel, de crime contre la loi morale n'est pas recevable car celui qui ignore les lois de la nature s'ignore lui-même386(*). Cependant, quant à l'ignorance en matière de délit contre les lois civiles, la question mérite une réflexion plus approfondie.

En effet, si la méconnaissance de la loi naturelle s'apparente à une ignorance grossière, il est possible de s'interroger toutefois sur le cas de l'individu qui, malgré sa bonne foi, ne pouvait connaître certaines règles prescrites par l'État ou le droit positif. L'expérience montre que certaines personnes commettent des infractions sans savoir la nature pénale de l'acte. Conformément à ce qui a été mentionné, relève des cas d'inadaptation, la méconnaissance des lois pénales par le grand public. En effet, même si nul n'est censé ignoré la loi, nous ne pouvons manquer de noter que certaines personnes sont recluses pour des actes nouvellement incriminés, ou légitimement inconnus. Malgré l'existence de textes de lois proscrivant certains actes passibles de peine d'emprisonnement, la majorité de la population les méconnaissent pour plusieurs raisons387(*).

Un exemple palpable est la loi n°044-2019/AN du 21 juin 2019 portant modification de la loi n°025-2018/AN du 31 mai 2018 portant code pénal. Aux termes des dispositions de article 312-13 de cette loi, « est puni d'une peine d'emprisonnement de un an à cinq ans et d'une amende de un million (1 000 000) de francs CFA à dix millions (10 000 000) de francs CFA, quiconque intentionnellement communique, publie, divulgue ou relaie par le biais d'un moyen de communication quel qu'en soit le support, une fausse information de nature à faire croire qu'une destruction, une dégradation ou une détérioration de biens ou une atteinte aux personnes a été commise ou va être commise. La fausse information est toute allégation ou imputation inexacte ou trompeuse d'un fait. ». L'Article 312-14 renchérit qu' « est puni d'une peine d'emprisonnement de un an à cinq ans et d'une amende de un million (1 000 000) de francs CFA à dix millions (10 000 000) de francs CFA quiconque communique, publie, divulgue ou relaie par le biais d'un moyen de communication, quel qu'en soit le support, des informations relatives au déplacement, à la position géographique, aux armes et moyens des forces de défense et de sécurité, aux sites, aux installations d'intérêt national ou stratégique de nature à porter atteinte à l'ordre public ou à la sécurité des personnes et des biens. »

Cette loi comme bien d'autres est ignorée du grand public, en majorité analphabète qui publie et partage constamment des informations qui pourraient leur compromettre gravement.

Au niveau du personnel chargé de de l'instruction ou de l'exécution des peines, l'ignorance de la loi s'observe et constitue un sérieux problème d'adaptation des sur la protection des droits des P.P.L. En effet, au sein des établissements pénitentiaires, l'atteinte à la dignité des détenus est souvent l'oeuvre du personnel chargé de l'exécution des peines ignorant les principes fondamentaux de la détention contenues dans les textes en vigueur. Ainsi, l'atteinte à l'intégrité physique des détenus a été à moult reprises signalée par les O.N.G. des droits de l'Homme au Burkina Faso388(*). Amnesty International dans son rapport de 2018, a révélé des cas d'atteinte grave à la dignité et à l'intégrité physique des P.P.L. par les agents de la police judiciaire, non seulement au cours de la garde à vue mais aussi dans les établissements pénitentiaires389(*). C'est surtout au cours de la garde à vue que des violations des droits des P.P.L. sont fréquemment constatées390(*).

Pourtant l'article 10 alinéa 1 de la Convention contre la torture dispose expressément que « tout État partie veille à ce que l'enseignement et l'information concernant l'interdiction de la torture fassent partie intégrante de la formation du personnel civil ou militaire chargé de l'application des lois, du personnel médical, des agents de la fonction publique et des autres personnes qui peuvent intervenir dans la garde, l'interrogatoire ou le traitement de tout individu arrêté, détenu ou emprisonné de quelque façon que ce soit». Par ailleurs l'article 10 de la loi nationale contre la torture dispose que  « toute déclaration obtenue par suite de torture ou de pratiques assimilées ne peut être utilisée comme un élément de preuve dans une procédure, sauf pour établir la responsabilité de l'auteur de l'infraction.». Pourtant, dans la pratique cette pratique persiste aussi bien dans les commissariats, les postes de gendarmerie que dans les prisons. Plusieurs détenus ont affirmé à Amnesty International avoir indiqué au tribunal des aveux extorqués sous torture sans que cela ne soit suivi d'effet391(*).

Nations Unies, Code de conduite du personnel chargé de l'application des lois du 17 décembre 1979

* 378 Hugues PARENT, op. cit. p.55.

* 379Cour A.D.H.P., aff.Kennedy OwinoOnyachi et Charles John MwaniniNjoka c. République-Unie de Tanzanie, req. n°003/2015,28 septembre 2017, §132.

* 380Tiga Cheick SAWADOGO,Détentions préventives abusives : Les prisons, zones de non droit ,in Lefaso.net. cf.http:///D%C3%A9tentions%20pr%C3%A9ventives%20abusives%20%20%20Les%20prisons,%20zones%20de%20non%20droit%20%20%20-%20leFaso.net.htm, consulté le 29 janvier 2021 12h:30.

* 381Ibid. p. 82.

* 382Il s'agit d'une fiction juridique selon laquelle une personne ne peut plaider devant un juge son ignorance de la loi.

* 383 Son apparition dans le paysage juridique anglo-saxon remonte au xvie siècle. V. H. DUMONT, IgnorantiaJurisneminemexcusat, mémoire de maîtrise, Montréal, Faculté de droit, Université de Montréal, 1972, p. 18.

* 384 D'un côté, il y a ceux qui s'opposent à l'application du célèbre adage en droit criminel. De l'autre côté, il y a les romanistes qui, contrairement aux tenants de la première approche, militent en faveur du caractère général de la règle et de son application en matière aussi bien pénale que civile. V. Hugues PARENT, « La connaissance de la loi en droit pénal : vers l'émergence d'un nouvel équilibre entre l'efficacité juridique et la faute morale », Vol. 42, n° 1, 2001, coll. Les Cahiers de droit, pp. 53-89., spéc. p.63. cf https://id.erudit.org/iderudit/043630ar, consulté le 18 mars 2021 à 14 :13. Certains, par exemple, classent la connaissance de la loi parmi les différents éléments constitutifs de la mens rea (intention coupable) normative. V. Hugues PARENT, op. cit. p.55.

* 385 Hugues PARENT, op. cit. p.65.

* 386Ibid.

* 387 Il s'agit principalement de l'analphabétisme, l'inaccessibilité et le problème d'information ou d'intelligibilité de la loi pénale.

* 388 Cf. M.B.D.H.P., 2e Rapport, mars 2019, p.28.

* 389 Amnesty international, «Burkina Faso, Amnesty international, submission for the UN Universal periodic review 30th session of the UPR working group, May 2018» (octobre 2017), p.3-4. De même, un autre détenu a déclaré en 2017 avoir été torturé tous les jours pendant un mois.

* 390Lamoussa KADINZA, « Mort de deux jeunes détenus à la gendarmerie, la section MBDHP /Mouhoun exige toute la lumière », Le Pays (1er juin 2016), p.12, : https://fr.calameo.com/read/00318360059a35a92589a consulté 26/01/2021 à 12 :41.

* 391Amnesty International

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