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De la prescription à  la mise en coopération réelle: l'activité des animateurs pédagogiques de l'OCCE en situation de formation


par Rachel GIRARDIN
Université Clermont Auvergne  - Master Sciences de l'Education, parcours "formation de formateurs dans le milieu de l'enseignement" 2022
  

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3.3.5 Données d'entretien d'instruction au sosie

Pour les mêmes raisons que précédemment, nous avons souhaité augmenter les données de terrain. L'animateur D ayant accepté de participer mais sans possibilité de captation du réel, nous avons donc décidé de réaliser un entretien d'instruction au sosie.

Cette technique de recueil de données, mise au point par Oddone dans les années 1970 dans le cadre de l'analyse de l'activité des ouvriers Turinois des usines Fiat (Oddone & al., 1981), permet d'obtenir des effets similaires à celle de la clinique, en l'absence de traces du réel. Les questions, naïves, posées par le sosie qui ne connaît pas le métier, permette à l'instructeur de faire émerger sa manière de répondre aux imprévus auquel il fait face d'ordinaire, et de lui permettre de prendre conscience de son activité réelle. La consigne suivante est donnée à l'acteur interrogé : « Suppose que je sois ton sosie et que demain je me trouve en situation de te remplacer dans ton travail. Quelles sont les instructions que tu devrais me transmettre afin que personne ne s'avise de la substitution ? » Cette méthode, revue par Clot (1999) ouvre la possibilité d'un développement professionnel, au même titre qu'avec une approche clinique (Saujat, 2002, p.6), dans le cadre d'une analyse de l'activité.

Cela a permis, dans notre recherche, de recueillir des traces de l'activité de cet animateur en l'absence de vidéo de l'acteur au travail.

L'entretien a été réalisé le 9 mai 2022, et a duré 1h10. Il a été effectué en téléréunion, et enregistré grâce à la fonction dédiée sur l'application permettant cet entretien. La prise de son a été doublée par un enregistreur audio, afin de s'assurer de sa bonne qualité en vue de la transcription.

L'entretien a porté sur la mise en situation de l'animateur, en charge de nous expliquer l'ensemble de ce que nous devrons faire, demain, si nous devons le remplacer en formation, pour que personne ne s'aperçoive de la substitution. La thématique de la formation a été laissée au choix de l'animateur, qui a souhaité décrire son activité lorsqu'il forme à la maïeutique de groupe.

38

3.4 Traitement des données 3.4.1 Analyse des données écrites

Afin de voir quelle est la place laissée à la question de la coopération dans les formations dispensées par les animateurs pédagogiques, nous avons procédé à une analyse lexicométrique des textes prescripteurs. Nous avons cherché, à l'aide du logiciel Iramuteq, les occurrences du mot coopération et de ses dérivés, afin de voir de quelle manière ils sont liés à l'activité des animateurs en formation. Nous avons par ailleurs relevé l'ensemble des mots qui pourraient être en lien avec les principes de la coopération portés par l'OCCE, ainsi que les phrases qui les contiennent, pour en percevoir le contexte. Un tableau nous permet de rassembler les résultats.

3.4.2 Analyse des données d'entretiens d'auto-confrontation simple et croisée

Etape 1 : Les données ont été transcrites pour réaliser des verbatim. Les enregistrements des entretiens ont fait l'objet d'une écoute sélective, afin de conserver les éléments des échanges relatifs à la coopération. Ainsi, nous avons retenu dans un premier temps ce que chacun des animateurs dit de ce qui est pour lui la coopération, où il la voit dans les extraits, comment elle est mise en oeuvre ou non, lorsqu'il est étonné de son absence, lorsqu'il est certain qu'elle n'a pas sa place dans une situation identifiée.

La transcription manuelle des extraits d'entretiens sélectionnés a été effectuée lors d'une nouvelle écoute. Les verbatim sont anonymes, chaque animateur étant renommé « Anim X » selon le pseudonyme donné dans la partie « Recueil de données ». Nous sommes nous-même nommés R dans les échanges, en référence au prénom de l'auto-confronteur.

Le texte final est augmenté si besoin des informations nécessaires à la compréhension du contexte. Les hésitations et les manifestations des émotions vécues par les animateurs (rires, temps de silence, gestes physiques) sont conservées pour éventuellement permettre par la suite un repérage des questions qui soulèvent le plus de réflexion, et pourraient faire l'objet de débats en interne. Les verbatim de chaque entretien sont disponibles pour consultation en annexe.

Etape 2 : L'ensemble a constitué le corpus qui a fait l'objet d'une analyse de contenu. Celle-ci a été réalisée à l'aide du logiciel QDA Miner, qui permet une extraction des données sélectionnées dans un document unique, aisément exploitable. Les éléments les plus évocateurs de la coopération ont ainsi pu être classés selon des préoccupations sous-tendues par la définition que se fait chaque

39

animateur de la coopération. D'autres préoccupations indépendantes de cette focale ont pu également être mis en évidence. Elles sont conservées pour l'analyse de l'activité et la discussion, car elles sont partagées par l'ensemble des animateurs et pourraient apporter des éléments de compréhension supplémentaires.

L'analyse de contenu a également permis de dégager les différentes dimensions de l'activité :

· Action : ce que fait l'animateur, visible et filmé lors de la session de formation

· Valeur : élément d'importance pour l'animateur en question, en lien avec ce qu'il considère comme « bien » (exemples : respect de la parole, engagement)

· But : ce que l'animateur vise par son action ; elles peuvent être multiples pour une même action (exemples : tenir compte des besoins de chacun, gérer le temps des différentes phases de la formation)

· Difficulté ou point de vigilance : obstacle intrinsèque à l'animateur (exemples : difficulté à ne pas couper la parole, à tenir le timing) ou élément à prendre en compte selon lui pour ne pas se trouver en difficulté (exemples : anticiper les conditions de la coopération en cas de formation en distanciel, ne pas laisser trop de temps d'accueil)

· Activité empêchée : obstacle extrinsèque à l'animateur, rencontré lors de l'activité (exemples : refus des formés d'allumer leur caméra, crise de larmes d'une formée)

Etape 3 : Les différentes dimensions ont été rassemblées dans un tableau, auquel ont été ajoutées les prescriptions. Celles-ci proviennent de la Convention pluriannuelle d'objectifs ainsi que de la Motion d'orientation, documents de référence pour les animateurs ainsi que cela est stipulé sur leur contrat de travail et sur d'autres documents internes qui guident leur activité.

Chaque préoccupation issue des entretiens fait l'objet d'un tableau différent.

Afin de pouvoir ensuite mettre en débat les éléments provenant de l'ensemble des entretiens, chaque tableau rassemble les données issues des quatre animateurs, bien que le recueil ait été effectué de manières diverses. Cependant, des marques sont ajoutées pour préciser ces différences et permettre de pondérer les dires de chacun. Ainsi, l'animatrice C, qui a contribué à l'auto-confrontation croisée de l'animatrice B sans avoir cependant de trace de sa propre activité, a donné des exemples de celle-ci. Elles sont alors nommées comme provenant d'«actions décrites, rapportées, alternatives à ce qui est vu chez Anim B ». De la même manière, l'animateur D a donné accès à son activité via une

40

instruction au sosie, pour laquelle nous ne disposons d'aucune trace du réel. Les dimensions de son activité proviennent d' « actions rapportées ».

Exemple d'un tableau (Tableau 1 - Analyse des données d'entretien pour la préoccupation "faire échanger"Erreur I Source du renvoi introuvable.) qui rassemble les dimensions de l'activité et les prescriptions associées pour les quatre animateurs, pour la préoccupation « faire échanger » qui soutient leur activité :

41

Tableau 1 - Analyse des données d'entretien pour la préoccupation "faire échanger"

 

Actions réalisées

Valeurs

Buts

Difficultés et points de vigilance

Activité empêchée

Prescriptions

Anim A

Donne son

« ...que chacune puisse

« ...plus être dans le questionnement, que

« Quand je fais

« ...parce que

Mobiliser les

 

avis sur une

parler »

dans l'affirmation. »

ça, c'est que je

moi je donne mon

principes et

 

question

 

« Je pense que chez moi, y'avait la notion du

pointe quelque

avis, euh, mais je

pratiques de la

 

ouverte posée par un formé

 

temps. Euh, trois jours c'est super court euh, pour tout ce que j'avais envie de partager, et

chose, qui m'interpelle, et

me suis

demandée, je me

coopération dans nos instances et

 
 
 

qu'elles partagent entre elles. Euh... le quoi

que je ne veux

souviens très bien

dans la mise en

 
 
 

de neuf durait assez longtemps, je savais

pas oublier.

que je me suis

oeuvre de nos

 
 
 

qu'il y avait encore plein de choses à faire, alors, oui, j'aurais pu tout à fait dire " et vous, et caetera", mais certainement que j'ai choisi de ne pas le faire pour que chacune puisse parler, qu'on ait le temps. Parce que je sais très bien que quand quelque chose est trop long, on perd l'attention. »

Euh... donc évidemment j'attends qu'elle ait terminé, euh... parce que je veux pas l'interrompre,

demandée, si j'aurais pas dû demander l'avis aux autres aussi. »

Dilemme : laisser les formés

actions

42

 
 
 
 

mais je me connais, parce que je peux oublier très vite. »

s'exprimer vs avancer dans le programme du jour

 
 

Laisse de côté

« J'aime pas le mot

« Ce que je gagne, c'est la concentration

« Et ce que je

 

Mobiliser les

 

un formé qui ne parle plus, sans le

" retrait " parce que, euh, ça voudrait dire que tu t'es retirée

maximum, pour pouvoir aussi donner mon avis. »

perds

effectivement, c'est la vigilance

 

principes et pratiques de la coopération dans

 

regarder, durant plusieurs

volontairement de, d'un mouvement... Non, c'est que tu, c'est que

 

par rapport au reste du groupe, pour m'assurer

 

nos instances et dans la mise en oeuvre de nos

 

minutes

juste, tu as pas

forcément grand-chose à dire, ou qu'à ce moment-là t'es peut-être un peu fatiguée, ou que, juste le plaisir d'écouter, ou que t'as pas spécialement

 

qu'il, qu'elles décrochent pas. »

 

actions

43

 
 

d'avis, ou que tu réfléchis avec les autres... Il peut y avoir de multiples raisons en fait... »

 
 
 
 
 
 

« Je suis très attachée à ce que chacune trouve sa place dans le groupe. »

 
 
 
 

Anim B

Laisse les formés

« ...ils sont là euh, dans un groupe de travail, je

« C avait souvent des questions pertinentes, et en fait elle s'adresse, ben, elle fait pas

« C, elle a pas fini de parler

« Après, je trouve ça difficile des

Se construire des espaces/temps de

 

échanger entre eux, sans

dirais, donc euh, en gros, chacun participe, apporte sa pierre à

l'école dehors, et elle pose la questions aux autres, et je trouve qu'elle a souvent des questions très pertinentes. Et donc, je la

que MN elle, déjà elle

embraye quoi !

fois, de reprendre la parole dans une visio. Parce que

rencontres, d'échanges de pratiques, de

 

régulation

l'édifice, même s'ils

laissais faire. »

Parce que c'est

les gens nous

savoirs

 

spécifique

sont là qu'en tant que

« ... je pense qu'elle se sent écoutée. »

vrai qu'elle avait

voient pas au

Mobiliser les

 
 

euh, spectateurs je

 

tendance

sens, en disant

principes et

 
 

dirais,... »

 

beaucoup à...

« bon stop ».

pratiques de la

 
 

« ...je pense qu'elle se

 

embrayer avant

Parce qu'on aurait

coopération dans

 
 

sent écoutée. »

 

même que

été en cercle,

nos instances et

44

 
 
 
 

quelqu'un d'autre ait le temps de répondre... Bon, elle était toujours très pertinente hein.

j'aurais dit "attendez, stop, on reprend". Enfin... et moi qui ait pas une forte... je me voyais pas

dans la mise en oeuvre de nos actions

Initier les enseignants aux principes et pratiques du

 
 
 
 

Sur ces

m'imposer "bon

travail en

 
 
 
 

réponses, c'était

stop !" [rires] Des

coopération et les

 
 
 
 

toujours euh...

fois, je trouve que

accompagner.

 
 
 
 

mais c'est vrai qu'elle laissait

dans une visio, c'est pas évident

 
 
 
 
 

pas beaucoup la

de reprendre

 
 
 
 
 

place aux autres.

la... »

 
 
 
 
 

... et là ouais, j'aurais dû

« Je trouve ça un peu violent. Je

 
 
 
 
 

intervenir. ... »

sais pas comment

 
 
 
 
 

« Parce que je

dire... En fait

 
 
 
 
 

pense qu'elle a

euh, je trouve

 
 
 
 
 

repris la parole,

qu'il faudrait qu'il

 

45

 
 
 
 

alors que

y ait un truc

 
 
 
 
 

d'autres auraient

visuel sur le...

 
 
 
 
 

peut-être

une main, temps

 
 
 
 
 

parlé. »

mort, je sais pas, quelque chose de, sur l'écran "temps mort, attendez !"

 
 
 
 
 
 

On reprend, qu'il, que tu poses ta question, ouais... »

 
 
 
 
 
 

« On a pas instauré ça, le "je laisse, je prends", c'est... En tout cas, le "je laisse" on pourrait l'instaurer, parce que c'est vrai que je savais pas

 

46

 
 
 
 
 

quand est-ce qu'elle avait fini. »

 
 

Sollicite les formés pour

« ... ils sont là euh, dans un groupe de

« Et après du coup, je les laisse compléter, parce qu'eux ont sûrement d'autres choses à

« ...quand j'ai discuté avec M

« On a pas instauré ça, le "je

Mobiliser les principes et

 

qu'ils

participent

travail, je dirais, donc euh, en gros, chacun

apporter. »

« ...ils sont là euh, dans un groupe de

ça m'a éclairé, de me dire qu'en

laisse, je prends", c'est... En tout

pratiques de la coopération dans

 
 

participe, apporte sa

travail, je dirais, donc euh, en gros, chacun

fait, y'en a c'est

cas, le "je laisse"

nos instances et

 
 

pierre à l'édifice... »

participe, apporte sa pierre à l'édifice, même

pas que ça les

on pourrait

dans la mise en

 
 

« ... quand j'ai discuté

s'ils sont là qu'en tant que euh, spectateurs

intéresse pas, ou

l'instaurer, parce

oeuvre de nos

 
 

avec M ça m'a éclairé, de me dire qu'en fait, y'en a c'est pas que ça les intéresse pas, ou

je dirais, là, en formation, je demandais leurs attentes. »

« Parce que je lui dis "toi t'interviens pas, toi, ça te..." Elle me dit "non mais moi en

qu'ils ne trouvent pas leur place, c'est qu'ils sont

que c'est vrai que je savais pas quand est-ce qu'elle avait

actions Initier les enseignants aux principes et

 
 

qu'ils ne trouvent pas

fait, il me faut le temps, donc c'est pas que

comme ça.

fini. »

pratiques du

 
 

leur place, c'est qu'ils

je me sens frustrée", elle a dit, "c'est que

C'est... faut le

 

travail en

 
 

sont comme ça. C'est...

moi en fait, il me faut un peu plus de temps

temps qu'ils

 

coopération et les

 
 

faut le temps qu'ils
assimilent, et qu'ils
écoutent à droite à

que d'autres pour assimiler les choses". Surtout qu'elle estime qu'elle connaît pas trop, donc euh... Donc elle a dit "moi en

assimilent, et qu'ils écoutent à droite à gauche,

 

accompagner.

47

 
 

gauche, et... ouais, je

fait, je, je voilà, et ensuite les questions

et... ouais, je

 
 
 
 

pense qu'on est pas tous

viennent"... Donc... non, je pense que...

pense qu'on est

 
 
 
 

pareil quoi. »

c'est pas toujours en lien. Des fois oui, mais

pas tous pareil

 
 
 
 
 

des fois non. Je pense qu'il y a des gens, juste, ça leur va, on disait, qu'ils sont spectateurs ou... ou des gens qui, tout

quoi. Mais par contre euh, voilà, avoir leur

 
 
 
 
 

simplement, bon, ils voient qu'il y en a qui prennent beaucoup de place, ben c'est

ressenti, sur, après, un

 
 
 
 
 

comme ça mais euh... »

questionnaire

 
 
 
 
 

« Mais c'est vrai qu'elle laissait pas beaucoup la place aux autres. »

post-formation, ça peut euh... être un éclairage pour nous. Et là, je pense qu'en l'occurrence, euh, par rapport aux interventions de

 
 
 
 
 
 

MN, y'a des choses qui

 
 

48

 
 
 
 

seraient

ressorties oui. »

 
 
 

Coupe un

« ...pour moi S était

« ...pour moi S était prioritaire. Puisqu'elle

R : « Et

 

Mobiliser les

 

formé qui

prioritaire ».

avait levé la main. Mais effectivement, peut-

pourquoi tu te

 

principes et

 

commence à

« ...elle avait sûrement

être qu'A s'est pas rendue compte du coup

l'interdis ça, en

 

pratiques de la

 

prendre la parole pour la

pas fait attention que, que S voulait prendre la

de, elle était dans son truc, elle voulait répondre, en direct, à C. Mais voilà, elle

visio, de dire stop ? » Anim

 

coopération dans nos instances et

 

donner à un

parole. Mais moi j'ai...

avait sûrement pas fait attention que, que S

B : « Je trouve

 

dans la mise en

 

autre qui

j'ai privilégié ça parce

voulait prendre la parole. Mais moi j'ai...

ça un peu

 

oeuvre de nos

 

l'avait

que c'est une question

j'ai privilégié ça parce que c'est une

violent.»

 

actions

 

demandée avant

de respect de la parole. »

question de respect de la parole. »

 
 

Initier les enseignants aux principes et pratiques du travail en coopération et les accompagner.

 

Laisse un

 

« Peut-être que des fois on, on cherche

 

Dilemme avec le

Mobiliser les

 

formé

interrompre

 

l'efficacité pour plusieurs raisons hein, euh, peut-être aussi parce que... bon, y'a le

 

point précédent

principes et pratiques de la

49

 

une

conversation

 

temps. Bon là, j'étais pas limitée mais euh, des fois y'a le temps. Et aussi pour pas que

 
 

coopération dans nos instances et

 

entre deux

 

les autres décrochent. Parce que si c'est

 
 

dans la mise en

 

autres

 

toujours la même personne, qui est un peu longue, à expliquer et tout, ou qui est pas tout à fait dans le sujet, les autres se lassent un peu. Tandis que si à un moment donné, y'a quelqu'un qui intervient, qui est efficace dans sa réponse, hop, ça relance le truc, on passe à autre chose. »

 
 

oeuvre de nos actions

Initier les enseignants aux principes et pratiques du travail en coopération et les accompagner.

 

Demande aux

« Et après du coup, je

« Là je leur demande de conforter ce que je

« C'est pour ça

 

Se construire des

 

formés de valider les aspects théoriques

les laisse compléter, parce qu'eux ont sûrement d'autres choses à apporter.

dis en fait, quelque part. De, enfin, si l'expérience est bien celle-là, si ce qu'ils vivent c'est bien ça. »

« ... quelque part, je vérifie... enfin, c'est

que j'avais peur, si j'intervenais pas dès le début, que ça parte

 

espaces/temps de rencontres, d'échanges de pratiques, de

 

qu'elle vient

C'est-à-dire, c'est un

pas à moi de vérifier, mais, qu'ils sont bien

dans chacun

 

savoirs

 

d'énoncer, et d'apporter des

peu une idée générale, et après, ce sera plus

dans la règle, voilà. Et que... je suis bien dans la réalité du terrain. C'est-à-dire de dire

apporte son exemple. »

 
 

50

 

témoignages

euh, des précisions,

"vous voyez, effectivement, ils font bien

« Mais c'est vrai

 

Déployer une

 

pour les

voilà. » R : « Tu fais

comme ça, eux". Donc euh... ça crédibilise

que chacun euh,

 

écoute active du

 

illustrer

appel à eux par, tu fais appel à leur

expérience professionne lle ? » Anim B :

« C'est ça ». R : « Qui
viennent compléter ton... qu'il y ait un intérêt quoi, cette fois, à avoir un avis du collectif ? » Anim B : « C'est ça. Oui oui, c'est ça. »

ce que je viens de dire aussi »

va dire "oui alors moi quand je vais sur le petit chemin", enfin, on voit, des fois c'est un peu long les descriptions, et effectivement, je me dis, si chacun commence à raconter son petit truc euh, "jeudi dernier...", je sais pas quoi

 

terrain

 
 
 
 

[rires] ... à la

 
 

51

 
 
 
 

fois c'est bien, mais voilà, on a quand même un... oui, un temps à tenir.

 
 
 
 
 
 

On le voit bien nous, des fois dans les formations, quand y'a des gens qui racontent leur vie, des fois... c'est un peu pénible. »

 
 
 

Apporte elle-

 

« En fait euh, là, c'est pas une discussion.

 
 

Connaître les

 

même une

 

C'est-à-dire que c'est un, c'est une règle.

 
 

priorités

 

réponse à une

 

C'est une sortie régulière. Donc euh, c'est

 
 

ministérielles afin

 

question qui porte sur un

 

pas "oui ben moi je fais comme ça, moi je fais comme ça", c'est pas un avis là-dessus

 
 

de pouvoir agir en

52

 

aspect

réglementaire

 

sur la question [rires]. C'est, la règle, c'est une sortie régulière. »

 
 

complémentarité collectivement

 
 
 
 
 
 

Initier les enseignants aux principes et pratiques du travail en coopération et les accompagner.

 

Actions décrites, rapportées, alternatives à ce qui est vu chez Anim B

Valeurs

Buts

Difficultés et points de vigilance

Activité empêchée

Prescriptions

Anim C

Intervient

« ..."ça serait bien

« ..."ben écoutez, là, ça serait bien qu'on

 
 

Mobiliser les

 

pour réguler

qu'on prenne la parole

prenne la parole chacun notre tour, est-ce

 
 

principes et

 

les échanges

chacun notre tour, est-

qu'on peut choisir une façon de prendre la

 
 

pratiques de la

 

au moment où tout le monde

ce qu'on peut choisir une façon de prendre la

parole et de s'écouter ?" Parce que pour euh, pour les personnes qui échangent, et pour

 
 

coopération dans nos instances et

53

 

parle en

parole et de

ceux qui écoutent surtout, les autres

 
 

dans la mise en

 

même temps

s'écouter T" »

participants, c'était très peu audible finalement. Je sais pas ouais... Je pense que je serais intervenue peut-être euh... pour dire "ben là c'est euh, c'est compliqué de suivre votre échange, qui est très intéressant,... " »

 
 

oeuvre de nos actions

Initier les enseignants aux principes et pratiques du travail en coopération et les accompagner.

 

Coupe court aux

 

« Peut-être j'en aurais profité pour euh, revenir sur cette dimension très sécuritaire

 
 

Connaître les priorités

 

témoignages sur les aspects réglementaire

 

dont elle parle, accompagnateurs, et caetera, pour euh, pour poser un cadre que tu, enfin, qu'on connaît, du coup avec Anim B. Ben

 
 

ministérielles afin de pouvoir agir en complémentarité

 

s pour donner

 

voilà, pour une sortie, faut au moins 2

 
 

collectivement -

 

le texte

 

accompagnateurs... pour qu'on puisse

 
 

Se construire des

 

officiel

 

passer à autre chose peut-être. Parce que, effectivement, dans les classes dehors, y'a cette dimension de, c'est nécessaire,

 
 

espaces/temps de rencontres, d'échanges de

54

 
 
 

d'organisation, de sécurité, mais le, l'objectif, justement, c'est de dépasser

 
 

pratiques, de savoirs

 
 
 

tout... et c'est souvent la crainte des

 
 

Affirmer les

 
 
 

enseignants, c'est de dépasser la dimension

 
 

finalités du Projet

 
 
 

pratico-pratique euh, sécuritaire, et caetera, pour vraiment pouvoir vivre la classe

 
 

éducatif de l'OCCE : une

 
 
 

dehors. »

 
 

visée

d'émancipation

 
 
 
 
 
 

Initier les enseignants aux principes et pratiques du travail en coopération et les accompagner.

 

Stoppe les

 

« C'est plutôt une ligne de conduite en fait.

 
 

Se construire des

 

échanges sur

 

A quel moment on laisse les échanges euh...

 
 

espaces/temps de

 

les pratiques

 

souvent, ben notamment avec des collègues animatrices, on dit "ben moi, je privilégie le... le vécu au prévu..." Euh, moi je me

 
 

rencontres, d'échanges de

55

 
 
 

pose des limites quand même. Parce que sinon euh, effectivement, dans l'échange de pratique, on sait très bien qu'on peut blablater pendant euh, des heures. »

 
 

pratiques, de savoirs

 
 
 
 

Difficultés et

 
 
 

Actions rapportées

Valeurs

Buts

points de vigilance

Activité empêchée

Prescriptions

Anim D

Pose le

« Ceux qui veulent pas

« A ce moment-là, quand t'as fait ça, ce que

 
 

Mobiliser les

 

« contrat »

trav... qui veulent pas

je te propose, c'est de poser le contrat.

 
 

principes et

 

pour donner

accepter ces trois règles

C'est-à-dire de... une fois qu'on a posé ce

 
 

pratiques de la

 

les règles à

somme toute assez

truc-là, de dire "je vous propose quatre

 
 

coopération dans

 

suivre

simple, il faut pas qu'ils

règles très simples. La première règle, c'est

 
 

nos instances et

 

pendant la formation, dont celle de participer activement

restent. »

que tout ce qu'on va dire là, c'est à nous, ça nous appartient à nous, c'est confidentiel. Voilà. Euh... la deuxième règle, c'est celle du... du respect, c'est-à-dire qu'on va avoir une attention particulière de respecter les personnes et les paroles. La quatr... la troisième règle, c'est celle de ben, de participer activement, parce que vous l'aurez

 
 

dans la mise en oeuvre de nos actions Encourager l'expression de controverses (faire de nos différences de points de vue le

56

 
 
 

compris en fait, depuis tout à l'heure... " Tu vas leur dire ça hein ! "je vous chauffe depuis tout à l'heure, je parle, je pose le truc, mais c'est vous qui allez faire le job ! Euh, parce qu'en fait, y'a que vous qui pouvez euh... accueillir ce que vous voulez, accueillir et tirer ce que vous voulez tirer comme profit de cette formation. Et... la quatrième règle... c'est que, qu'on est d'accord avec les trois premières quoi.

 
 

moteur de l'apprendre et de l'agir ensemble) Initier les enseignants aux principes et pratiques du travail en coopération et les accompagner.

 
 
 

C'est... l'engagement." »

 
 
 
 

Demande aux

« "Tout à l'heure, à "qui

« Et pour chercher un point commun

 
 

Initier les

 

formés de

comme moi", t'as dit

invisible, ben là, on... on se parle, on va se

 
 

enseignants aux

 

trouver un point commun invisible avec

que t'aimais les salades vertes. Bon ben en fait, ça nous fait un point

parler, quelques secondes quoi : "alors ? tu, t'habites dans le département ? Tu, t'as des enfants ? Tu vas au cinéma ? Tu as une

 
 

principes et pratiques du travail en

 

leur voisin

commun. Moi aussi

couleur préférée ? Je sais pas, on va trouver.

 
 

coopération et les

 

direct

j'aime les salades vertes. Et quand on se regarde comme ça, ben,

T'as... t'as un chien ? Ouais, mais moi j'ai un chat... bon c'est pas grave !" Euh, on cherche un point commun invisible. »

 
 

accompagner.

57

 
 

c'est invisible.

 
 
 
 
 
 

Personne peut le savoir que, qu'on mange de la salade verte." »

 
 
 
 

58

4. Résultats

L'analyse de contenu des entretiens fait émerger plusieurs résultats quant aux éléments qui sous-tendent l'activité des animateurs pédagogiques OCCE relative à la coopération, dans le cadre de leurs missions de formation.

4.1 Des préoccupations partagées par l'ensemble des animateurs interrogés

Voici un tableau (Tableau 2 - Préoccupations partagées par les animateurs) qui résume et catégorise les préoccupations partagées par les quatre animateurs concernés :

Tableau 2 - Préoccupations partagées par les animateurs

Préoccupations relatives à

la coopération et aux
pratiques associés

Préoccupations

indépendantes de la
coopération

Références à des éléments extérieurs

- Faire échanger

- Une place pour chacun

- Créer du lien

- Faire vivre la situation

- Attentes supposées des

formés

- Posture de l'animateur

- Rôle de l'animateur

- Rapport au temps vs
objectif de formation

- Références à des

connaissances scientifiques
et/ou théoriques antérieures

Tout d'abord, les analyses indiquent l'existence de préoccupations partagées entre l'ensemble des animateurs interrogés, et relatives aux valeurs de la coopération et aux pratiques associées, selon les définitions données par ces mêmes animateurs. Dans cette étude, quatre d'entre elles ont pu être mis en évidence. La première, « faire échanger », correspond à la volonté de laisser une grande liberté d'expression aux formés. L'échange est perçu comme un élément en lien avec le projet éducatif fédéral d'émancipation, qui vise entre autres la formation à l'utilisation d'instances démocratiques comme le conseil de coopérative. Cette préoccupation sous-tend l'ensemble des conditions mises en place par l'animateur afin d'ouvrir l'espace d'échanges : règles de fonctionnement, durée, espace physique. La seconde préoccupation est celle de donner « une place à chacun ». L'animateur accorde une importance à la présence cognitive des formés, ainsi qu'à une forme d'équité dans la distribution de la parole. Le rôle de l'animateur vis-à-vis du cadre et les questions d'horizontalité et d'asymétrie prennent leur place

59

dans cette rubrique. C'est le cas également des éventuelles responsabilités données aux formés. « Créer du lien » est la troisième préoccupation qui émerge de cette étude. L'animateur s'attache aux conditions d'accueil et de travail des individus, ainsi qu'aux relations qu'ils entretiennent avec lui et entre eux. Enfin, la dernière préoccupation est celle de « faire vivre la situation » coopérative aux formés. Il s'agit de les mettre en activité de manière à ce qu'ils puissent éprouver les « principes et pratiques de la coopération », selon ce qui est indiqué dans la motion d'orientation, pour mieux les comprendre et éventuellement les mobiliser en classe.

L'analyse des entretiens fait par ailleurs ressortir d'autres préoccupations partagées par les animateurs, a priori plus éloignées de la question qui nous occupe ici. Cependant, ces éléments semblent être importants pour les animateurs, et sont parfois difficilement dissociables, dans les entretiens, de ceux qui sont relatifs à la coopération. Aussi, il peut être intéressant d'en dire deux mots. Au nombre de quatre également, ils se rapportent essentiellement à l'activité de formation standard, les animateurs se positionnant d'eux-mêmes à certains moments en tant que formateurs et non plus animateurs. Deux préoccupations sont directement reliées à la « posture de l'animateur » et au « rôle de l'animateur » dans ce cadre. Elles donnent des indications quant à la manière de piloter la session : rôle spécifique de l'animateur, éléments d'autorité, apports de contenus, rappel des aspects réglementaires, degré d'explicitation des valeurs et pratiques rencontrées. Une troisième préoccupation correspond aux « attentes supposées des formés » par l'animateur, qui organise sa formation selon ce qu'il pense que les stagiaires en attendent. La dernière préoccupation, « rapport au temps vs objectif de formation », décline les objectifs de l'animateur face à de nombreuses situations où se pose la question de la durée.

Nous pouvons également ajouter ici les références des animateurs à des connaissances théoriques extérieures, scientifiques dans la plupart des cas, dans un souci d'étayage de leurs dires en formation, ou pour expliquer leurs choix en situation lors des entretiens d'auto-confrontation ou d'instruction au sosie. Néanmoins, cet étayage n'a pas été réalisé par tous les animateurs, et l'un d'entre eux, le moins expérimenté, ne mentionne aucune référence extérieure.

4.2 Des actions multidimensionnelles sous-tendues par plusieurs préoccupations

L'analyse du corpus permet ensuite de mettre en avant le caractère multiple des préoccupations sous-tendues par une même action. Prenons par exemple une action vue dans la

60

plupart des cas, celle de « laisser les échanges se développer entre formés ». Selon les animateurs et le moment où cette action est réalisée, elle peut être liée au souci de « créer du lien » comme à celui de « faire échanger », de « faire vivre la situation » relative à un apprentissage, ou encore au besoin de répondre à une « attente supposée des formés », voire, tout cela en même temps.

Voici le tableau récapitulatif (Tableau 3 - Actions et préoccupations des animateurs pédagogiques) des actions et des préoccupations abordées lors des entretiens :

61

Tableau 3 - Actions et préoccupations des animateurs pédagogiques

 

Faire échanger

Une place pour

chacun

Créer du lien

Faire vivre la situation

Attentes supposées des formés

Posture de

l'animateur

Rôle de

l'animateur

Rapport

temps vs

objectif de

formation

Références extérieures

Donner son

avis

X

 
 

X

 

X

X

X

 

Laisser les

échanges se

développer

X

X

 

X

X

X

 
 
 

Apporter une réponse réglementaire ou pédagogique

X

 
 
 
 

X

X

 

X

Apporter un

témoignage personnel

 

X

 
 
 
 
 
 
 

Inciter à

prendre son

 

X

X

 
 

X

 
 
 

62

temps après

une émotion

forte

 
 
 
 
 
 
 
 
 

Réguler les

échanges

X

X

 
 
 
 

X

 
 

Créer le cadre

de la
formation

X

 

X

 

X

 

X

 

X

Donner des

exercices,

ateliers à
réaliser, coopératifs ou non

X

X

X

X

 
 
 
 

X

Accueillir les

formés

 

X

X

 
 

X

 

X

 

Inciter à

apporter son

témoignage

X

 
 
 

X

X

X

 
 

63

Expliciter la

dimension coopérative

 
 
 
 
 

X

 
 
 

Piloter les

différents

temps de la
formation

 
 
 
 
 
 

X

X

 

Nous voyons ici que chaque action est sous-tendue par au moins deux préoccupations. Pour une majorité d'entre elles, ceux-ci sont empruntés conjointement à la catégorie de celles qui sont relatives à la coopération et celles qui sont relatives à l'activité du formateur. Pour plus de lisibilité, il est possible de modéliser les actions de l'animateur selon les préoccupations qu'il mobilise à chaque fois (Figure 3 - Exemple de modélisation des préoccupations qui sous-tendent une action) :

64

Exemple : Préoccupations qui sous-tendent l'action « Donner son avis » chez Anim A

Préoccupations indépendantes de la coopération

Références à des connaissances

Posture de l'animateur

extérieures

Donner son avis - Anim A

Rapport temps vs objectif de formation

Préoccupation relative à la coopération

Attentes supposées des formés

Une place pour chacun

Figure 3 - Exemple de modélisation des préoccupations qui sous-tendent une action

65

4.3 Lien entre tâche et activité réalisée 4.3.1 Résultats des analyses lexicométriques

L'analyse lexicométrique des prescriptions apporte des éléments sur le cadre réglementaire de travail des animateurs. Des tableaux contenant l'ensemble des données sont disponibles en annexe. Ils indiquent un certain nombre de mots comme étant soit des « principes liés à la coopération », selon le mot donné par les textes eux-mêmes : engagement, solidarité, principes démocratiques, soit des leviers pour atteindre les objectifs généraux : encourage les controverses, se former en interne et former à l'externe, clarifier les fonctions de l'animateur...

Une analyse comparative de la motion d'orientation et de la CPO (Tableau 4 - Analyse lexicométrique comparative MO / CPO) témoigne d'une proximité de termes non négligeable, résumée dans le tableau ci-dessous :

Tableau 4 - Analyse lexicométrique comparative MO / CPO

Mots

Remarques

Affirmer

 

Animateur

Indique un travail à réaliser pour accompagner le développement professionnel des animateurs

Controverse

Insiste sur l'intérêt des controverses, notamment dans une recherche d'identité

Coopératif, coopérative

Pratiques, coopératives scolaires

Coopération

 

Débat

Levier

Démocratique / démocratie

Principes

Engagement

Principe

Ensemble

Penser et agir ensemble

Formation

En interne et à l'externe

Former

Idem

Humain

En rapport avec les moyens humains

Interaction

 

Partager

 

66

Partenariat

 
 
 

Programme ministérielles

/

priorités

Complémentarité avec le ministère de tutelle

Projet

 
 

Pédagogique, associatif

Promouvoir

 
 

Valeurs

Solidaire

 
 

Lien avec l'ESS

Solidarité

 
 

Lien avec l'ESS

4.3.2 Comparaison entre les prescriptions et l'activité des animateurs

L'analyse permet de mettre en évidence les prescriptions auxquelles se raccroche l'activité des animateurs, d'après l'activité réalisée dans les situations qui nous intéressent (Tableau 5 - Eléments de prescription visibles en cours d'activité).

Tableau 5 - Eléments de prescription visibles en cours d'activité

Pour les objectifs généraux définis dans la motion d'orientation : Axe 1, « Tisser notre culture commune »

Objectifs généraux

Anim A

Anim B

Anim C

Anim D

Produire et diffuser des connaissances et des outils pédagogiques sur la coopération à l'école

X

 
 
 

S'enrichir de regards extérieurs

X

 

X

 

Déployer une écoute active du terrain

 

X

X

X

Affirmer les finalités du Projet

éducatif de l'OCCE : une visée
d'émancipation

 
 

X

X

Connaître les priorités ministérielles

afin de pouvoir agir en
complémentarité collectivement

 

X

X

X

67

Axe 2 : « Favoriser l'horizontalité et la mise en réseau »

Objectifs généraux

Anim A

Anim B

Anim C

Anim D

Mobiliser les principes et pratiques de la coopération dans nos instances et dans la mise en oeuvre de nos actions

X

X

X

X

Encourager l'expression de

controverses

X

X

X

X

Se construire des espaces/temps de rencontres, d'échanges de pratiques, de savoirs

X

X

X

X

Axe 3 : « incarner en interne le projet politique que l'on défend »

Objectifs généraux

Anim A

Anim B

Anim C

Anim D

Entretenir une démocratie vivante en interne et la porter en externe

 
 
 

X

Pour l'objectif retenu dans la Convention pluriannuelle :

Objectifs généraux

Anim A

Anim B

Anim C

Anim D

Initier les enseignants aux principes et pratiques du travail en coopération et les accompagner

X

X

X

X

Notons que la seule référence explicite à l'activité de formation des acteurs de l'éducation par l'association se trouve dans la Convention pluriannuelle d'objectifs, et indique « l'association propose ... des modules sur les principes et pratiques ... du travail en équipe d'adultes. » Elle n'indique pas que cette activité doit être menée par les animateurs, ni comment elle doit être réalisée, mais laisse entendre que la formation au travail en équipe fait aussi partie des missions de l'OCCE.

68

4.3 De l'activité empêchée

Ainsi que nous le permet le cadre théorique, l'analyse des entretiens fait émerger des exemples d'activité empêchée, mises en lumière par les entretiens d'auto-confrontation simples et croisés.

L'exemple d'Anim B est emblématique dans cette recherche. En effet, elle convoque, dans ses entretiens, la nécessité pour elle de créer une équité de parole et un respect de l'autre, qui se rapproche des principes portés par l'OCCE, dont il est question dans cette partie de la prescription. Cependant, elle mentionne sa difficulté, à plusieurs reprises, à reprendre la main sur le pilotage de la formation, du fait d'interventions impulsives et chronophages d'une des formées, qui coupe la parole aux autres, n'écoute pas leurs questions, et monopolise le temps. Ces interventions sont source de malaise pour l'animatrice, qui a le sentiment d'y perdre en légitimité, et s'interdit, à plusieurs reprises, de recadrer, ce qu'elle dit pourtant en entretien qu'elle aurait dû faire. L'activité empêchée d'Anim A pointe un conflit entre son action : « laisse parler l'enseignante », ses buts : « gérer le temps et dynamiser les échanges » et les prescriptions : « Mobiliser les principes et pratiques de la coopération dans nos instances et dans la mise en oeuvre de nos actions » et « Initier les enseignants aux principes et pratiques du travail en coopération et les accompagner ». Son action n'est ici pas en adéquation avec ce qu'elle vise, ni ce qui lui est demandé, puisqu'elle se trouve empêchée par un sentiment d'illégitimité provoqué par l'enseignante qui « en impose ».

De la même manière, nous pouvons noter l'activité empêchée d'Anim A, qui s'interdit un lien physique avec une formée lorsque celle-ci fond en larmes, et l'oubli des formés invisibilisés par leur caméra éteinte pour Anim B.

4.4 Des références aux parcours individuels

Les quatre animateurs, enseignants à l'Éducation nationale, détachés à l'OCCE, font tous référence à leur ancien métier. Ils s'attachent à faire vivre des situations coopératives telles qu'elles pourraient être présentées à des élèves. Par exemple, ils indiquent à plusieurs reprises qu'ils régulent les échanges « comme s'ils étaient en classe », ou qu'ils font certains exercices « avec des gamins, comme avec des adultes ». Ils utilisent par ailleurs leurs connaissances de la classe pour apporter des témoignages individuels, permettant entre autres de se positionner dans l'horizontalité avec les formés. Dans les entretiens, les animateurs font régulièrement la comparaison entre la formation d'adultes et la classe, indiquant la plupart du temps les ressemblances entre des formés et des élèves d'âge primaire ou secondaire.

69

Outre les préoccupations partagées présentées plus haut, les deux animatrices dont l'activité a été filmée ont mis en évidence dans leurs entretiens des éléments de nature plus personnelle. En effet, Anim A indique penser ses formations comme elle vit sa vie, de manière intense pour éviter l'ennui. Anim B, de son côté, insiste sur le sentiment profond qu'elle ressent d'être toujours enseignante, de « toujours avoir ça en [elle] ». Ces éléments donnent une coloration personnelle aux choix effectués par ces animatrices en situation, et sur leur façon de penser leur activité.

4.5 Des convergences et des divergences parmi les animateurs 4.5.1 Dans la définition de la coopération

Tout d'abord, il est à noter que les quatre animateurs interrogés donnent une définition différente de ce qu'est pour eux la coopération. Pour rappel des données recueillies pendant les entretiens, voici les quatre définitions :

Anim A : « Mettre en oeuvre un ensemble de techniques et procédures qui permettent le partage des désirs, la confrontation des points de vue, la création, le don de soi, au service d'une transformation individuelle dans une harmonie sociale. »

Anim B : « Échanges de savoirs, d'arguments, de points de vue et souvent partage des tâches en vue de co-construire un projet qui ne pourrait pas, ou difficilement, se faire seul. »

Anim C : « Y'a un but commun euh... et, comment dire... une, y'a toujours cette dimension formelle et informelle. ... Donc, y'a la dimension de formalisation de ce qui est en train de se jouer qui me semble importante, pour que la coopération soit vraiment en jeu. »

Anim D : « ce que je partage comme, comme définition, c'est celle de faire ensemble... ça c'est juste... co-opérer... mais que dans la coopération, y'a l'idée d'accepter d'être altéré. »

Les quatre définitions pointent le fait de faire ensemble, le but commun. Anim A, B et D décrivent également la notion d'échange, de partage, qui va jusqu'à la transformation de l'autre chez Anim A et Anim D. Anim C insiste sur l'importance de la formalisation pour que la coopération soit réelle, mais montre des difficultés à la définir précisément.

70

4.5.2 Dans les actions réalisées en formation

L'analyse des verbatim permet tout d'abord de mettre en avant des convergences dans les actions réalisées par les animateurs. Afin de repérer plus aisément ces actions, celles-ci ont été regroupées par thématique générale. Un tableau (Tableau 6 - Convergences et divergences des actions réalisées) permet ensuite de visualiser les animateurs qui les réalisent.

Tableau 6 - Convergences et divergences des actions réalisées

 

Anim A

Anim B

Anim C

Anim D

Donner son avis

X

 
 
 

Laisser les échanges se développer

X

X

 

X

Apporter une réponse réglementaire ou pédagogique

X

X

X

 

Apporter un témoignage personnel

 

X

 
 

Inciter à prendre son temps après une émotion forte

X

 
 
 

Réguler les échanges

X

X

X

 

Créer le cadre de la formation

 

X

X

X

Donner des exercices, ateliers à réaliser, coopératifs ou non

X

 

X

X

Accueillir les formés

 
 
 

X

Inciter à apporter son témoignage

 

X

X

 

Expliciter la dimension coopérative

 
 

X

 

Piloter les différents temps de la formation

X

X

X

X

Il est possible de remarquer qu'une seule action est mise en oeuvre par les quatre animateurs : « piloter les différents temps de la formation », qui correspond à la volonté de respecter le temps imparti et d'atteindre l'objectif fixé initialement. Cette action englobe le fait de couper les discussions lorsqu'elles n'apportent plus de contenu, de marquer clairement le passage à un nouveau point, ou encore de s'aider d'un guide écrit pour revenir à l'objectif malgré les digressions. Plusieurs actions sont mises en oeuvre par les quatre animateurs : « laisser les échanges se développer » entre les formés, sans intervention, « apporter une réponse réglementaire ou pédagogique » à une question ou face à une situation abordée, « créer

71

le cadre de la formation » en installant des règles, des conditions de travail, « réguler les échanges » entre les formés, notamment lorsque l'un d'eux se montre irrespectueux de la parole des autres ou parle trop longuement, et « donner des exercices, des ateliers à réaliser, coopératifs ou non » aux formés, de manière à les mettre en activité. Une action est vue chez deux animateurs uniquement : « inciter les formés à apporter un témoignage », pour illustrer de manière concrète ce qui est dit en amont. Enfin, certaines actions ne sont rencontrées que chez un seul animateur : « donner son avis », et « inciter à prendre son temps après une émotion forte », qui fait référence à la crise de larmes d'un formé, mises en avant chez Anim A, « apporter un témoignage personnel », pour Anim B, qui insiste beaucoup par ailleurs sur l'horizontalité avec les formés et son passé d'enseignante, et « expliciter la dimension coopérative » chez Anim C.

4.5.3 Dans les différentes dimensions de leur activité

Des convergences et des divergences sont aussi visibles dans les différentes dimensions étudiées. Ainsi, du point de vue des valeurs, l'analyse révèle le souci d'accueillir et de respecter la parole de chacun des formés. L'engagement des formés et la création d'un cadre rassurant et bienveillant sont des éléments présents chez plusieurs animateurs également (Anim B, Anim C et Anim D). Il est à noter l'insistance de la mise en retrait de l'animateur chez Anim B, la seule qui le mentionne, ainsi que l'accentuation de la notion d'humanité chez Anim D, pour qui cette valeur semble centrale. Du point de vue des buts, il semble y avoir convergence des animateurs vers la question du respect du délai en regard de l'objectif visé. Selon le réel vécu, cependant, le délai effectif peut varier par rapport au délai prévu, pour certains animateurs. La pertinence des interactions, liée à la densité des nouveaux apports des témoignages des formés, est pour les animateurs une préoccupation corrélée à la précédente. Souhaitant donner à vivre des échanges dynamiques et riches d'apprentissages, ceux-ci n'hésitent pas à les interrompre lorsqu'ils jugent qu'ils n'apportent plus de nouvelles idées ou informations. Anim A insiste par ailleurs beaucoup sur ce point, allant jusqu'à expliquer avoir peur de l'ennui si les discussions s'enlisent. De la même manière, tous s'accordent à dire qu'ils font en sorte de provoquer les échanges entre formés. Certains expliquent vouloir créer des liens entre eux, notamment grâce au cadre de travail dont ils font en sorte d'être le garant. La régulation des échanges pour favoriser un équilibre dans les temps de parole est mise en avant chez trois animateurs. Celle-ci peut se faire de manière différente selon chacun : si Anim A fait en sorte d'être très présente et apporte son avis, entre autres pour couper court à certaines discussions, Anim C intervient

72

clairement pour rappeler le cadre (exemples : s'écouter, laisser parler les autres...) lorsqu'elle le juge nécessaire, tandis qu'Anim B reste en retrait et analyse les discussions pour repérer ceux qui parlent moins, ceux qui sont en général pertinent et ceux qui monopolisent la parole, pour intervenir si besoin. Enfin, pour ce qui est des difficultés rencontrées ainsi que les points de vigilances relatifs aux actions dont il est question, les animateurs font à plusieurs reprises référence à leur façon de réguler les échanges. En effet, ils se disent tous plus ou moins empêchés d'interrompre une intervention, même si celle-ci est jugée inutile d'un point de vue des apports. S'ils s'obligent néanmoins à le faire, ils se demandent comment le faire avec tact, de manière à ne pas froisser ou blesser la personne concernée. Parfois, si la personne est impressionnante, comme le relate Anim B, il arrive qu'il lui soit impossible de l'interrompre. Dans leur échange au sujet de la formation d'Anim B en format distanciel, les deux animatrices font référence aux difficultés engendrées par les aspects techniques de cette modalité de formation. En effet, l'impossibilité pour certains formés d'allumer leur caméra, voire, leur micro, impose aux animateurs d'anticiper ces questions pour les faire participer malgré tout. Anim A aborde quant à elle la question des émotions partagées avec le groupe qu'elle forme, et qui peuvent la submerger, au risque de perturber la session. Pour éviter cela, elle tente de garder le contrôle, notamment en ne prolongeant pas trop longuement le temps où l'émotion est présente. Anim A explique également sa difficulté à tenir compte de tous les formés lorsqu'une discussion est en cours, car sa concentration est toute entière dirigée vers la recherche d'une réponse ou d'un avis à apporter. Anim D évoque l'effort à faire pour revenir à l'objectif, lorsqu'il y a des digressions, qu'il souhaite pourtant car elles montrent, pour lui, l'engagement des formés. Pour y remédier, il se prépare une fiche sur laquelle il indique les différents temps de la formation, chronométrés, qu'il garde près de lui pour y revenir. Enfin, seule à aborder ce point, Anim C est très vigilante quant aux questions relatives à l'explicitation, qu'elles soient pour les consignes en cours ou le cadre de travail. En particulier, cela l'aide à se demander quelle est la plus-value de l'OCCE dans une pratique en particulier, et si la coopération y a sa place, en lien avec ses connaissances en sciences sociales.

À l'inverse, si nous pouvons imaginer que les animateurs partagent certaines valeurs et certains buts sans pour autant apporter une action identique, les captations et entretiens réalisés ici ne permettent pas de l'illustrer.

Pour terminer, notons que les convergences et les divergences se retrouvent également dans l'inscription dans la prescription, qu'elle soit mise en avant ou non par les animateurs dans les formations ou les entretiens. Les tableaux inscrits en 4.5 - Lien entre tâche et activité réalisée

73

indiquent que l'ensemble des objectifs retenus pour l'axe 2 « Favoriser l'horizontalité et la mise en réseau » et celui issu de la Convention pluriannuelle d'objectifs sont partagés par les quatre animateurs. A l'inverse, l'objectif issu de l'axe 3 « Incarner en interne le projet politique que l'on défend » n'est mis en oeuvre que par Anim 4. Les objectifs liés à l'axe 1 « Tisser notre culture commune » sont partagés diversement.

Les tableaux récapitulatifs de ces éléments sont consultables en annexes.

4.5.4 Dans leur lecture de la prescription

Tout d'abord, il nous faut noter la proximité lexicale entre les mots retenus dans l'analyse lexicométrique des textes prescripteurs, et les discours tenus par les animateurs. Vingt mots sont relatifs à la coopération ou au travail de l'animateur dans les textes. Enlevons les mots « animateur », « formation » et « former » (qui n'apportent rien ici) et « humain » (qui ne revêt pas la même signification que celle donnée par les animateurs). Sur les seize mots restants, onze d'entre eux sont exprimés au moins une fois par au moins un animateur, dans la formation qu'il dispense et/ou dans son entretien : controverse, coopératif, coopération, débat, démocratique, engagement, ensemble, interaction, partager, programme, projet. Il semble donc qu'une partie du lexique utilisé dans la prescription soit reprise par les animateurs en situation. En outre, les actions menées par les animateurs sous couverts du même objectif issu de la prescription peuvent être différentes, voire, antagonistes. C'est par exemple le cas pour Anim A et Anim B, lorsqu'elles cherchent à « Mobiliser les principes et pratiques de la coopération dans nos instances et dans la mise en oeuvre de nos actions », dans le principe « faire échanger » et bien qu'elles s'attachent toutes deux à la valeur « Respect de la parole ». En effet, si Anim A répond immédiatement à une question posée par un formé, Anim B laisse quant à elle les enseignants parler entre eux. Cependant, cette divergence laisse entrevoir des buts différents. Si Anim A souhaite ici gagner du temps, Anim B n'en fait pas un but majeur pour elle dans la situation correspondante. Il est complexe de faire état de l'ensemble de ces divergences, du fait du caractère multidimensionnel de l'activité des animateurs dans un tableau unique. Par ailleurs, l'information majeure à retenir ici tient davantage au caractère multidimensionnel de l'activité qu'aux détails de l'activité de chaque animateur dans chaque situation. Nous pouvons ainsi proposer un schéma représentatif de cette activité réelle, qui témoigne de l'ensemble des éléments cités plus haut (Figure 4 - Proposition de modélisation de l'activité réelle de l'animateur pédagogique).

TACHE

PRESCRIPTION

Mobiliser les principes et pratiques de la coopération dans nos instances et dans la mise en oeuvre de nos actions, Encourager l'expression de controverses, ...

ACTIVITE REALISEE

ACTIONS

Laisser les échanges se développer, piloter les temps de formation, ...

VALEURS Engagement, respect,

ACTIVITE REELLE DE L'ANIMATEUR

ACTIVITE EMPECHEE

DIFFICULTES

Interrompre une personne, penser aux « invisibles », ...

BUTS Dynamiser les échanges, engager dans une interaction, ...

74

PREOCCUPATIONS

Figure 4 - Proposition de modélisation de l'activité réelle de l'animateur pédagogique

75

5. Discussion

5.1 L'animateur OCCE, un animateur comme les autres

Ainsi que nous avons pu l'observer dans les entretiens, les animateurs interrogés se présentent parfois autrement que comme des animateurs. En effet, nous pouvons relever les mots : formateur, expert, facilitateur, intervenant, collègue, qui témoignent de la difficulté pour eux de se positionner clairement dans un métier et dans la posture correspondante. Nous pourrions nous demander alors si l'animateur pédagogique OCCE est bien un animateur comme un autre. Les travaux de (Gillet, 1996), et ceux, complémentaires, de (Dansac & Vachée, 2016) nous donnent une première réponse. Reprenons le schéma des cinq fonctions professionnelles de l'animateur socio-culturel (Figure 1 - Les cinq fonctions professionnelles) :

Si nous comparons les cinq pôles identifiés, nous constatons que ceux-ci coïncident avec ce que nous avons appelé précédemment les « préoccupations » des animateurs pédagogiques OCCE invoqués dans l'analyse de leur activité de formation. Illustrons cela dans la figure suivante (Figure 5 - Mise en correspondance des préoccupations et des fonctions de l'animateur) :

« Attentes supposées des

formés », « Parallèle avec le

métier d'enseignant » et
« Éléments personnels »

« Faire vivre la situation »

« Rôle de l'animateur

», « Références

extérieures » et

« Rapport au temps vs

« Posture de l'animateur »

« Une place pour chacun »

« Créer du lien »

76

Figure 5 - Mise en correspondance des préoccupations et des fonctions de l'animateur

Les données sur les attentes des formés, ce qui est hérité du passé d'enseignant des animateurs et les éléments personnels, cependant, semblent se superposer à cette grille de lecture, et se répartir sur l'ensemble des pôles.

Ainsi, les premières données indiquent des caractéristiques convergentes à propos de l'activité des animateurs pédagogiques OCCE et des animateurs socio-culturels issus des mouvements d'éducation populaire en général. Cela nous conduit à affirmer que les animateurs pédagogiques OCCE sont tout d'abord des animateurs comme les autres.

77

Cependant, nous tenterons plus loin de comprendre pourquoi ceux-ci ont parfois des difficultés à l'exprimer.

5.2 Des divergences qui font émerger des dilemmes professionnels

À l'intérieur du groupe professionnel des animateurs pédagogiques OCCE, les captations du réel et les entretiens mettent en exergue des convergences et des divergences dont les résultats font état plus haut. Si les premières peuvent indiquer une adhésion à la prescription et/ou au genre professionnel, les secondes peuvent quant à elles nous apporter des éléments intéressants sur le métier. Regardons de plus près ces divergences.

Prenons par exemple l'action « piloter les différents temps de la formation », que nous retrouvons chez les quatre animateurs. Rappelons que cette action, du point de vue de ce qui est visible dans l'activité des animateurs, peut être rapprochée, dans la prescription, de l'objet « Se construire des espaces/temps de rencontres, d'échanges de pratiques, de savoirs ». Comparons les buts de chacun. Si tous s'accordent sur la volonté d'atteindre l'objectif fixé, Anim A insiste sur l'importance de générer des moments courts et intenses, ponctués par des apports qu'elle réalise. Anim B et Anim C ont un but proche, mais moins marqué affectivement, puisqu'elles indiquent vouloir dynamiser les échanges, garder l'attention des formés et respecter le délai imposé par la commande. Anim D, quant à lui, cherche à éviter de dévier de son objectif, et contraint le temps de manière à créer une frustration, postulant que cela permettra de susciter de nouveaux échanges plus tard. Ainsi, si tous cherchent à avoir le contrôle du temps, Anim A, B et C indiquent un pilotage plus fort, pour « relancer [...] et passer à autre chose [...] pour pas que les autres décrochent » tandis qu'Anim D laisse la place aux digressions et les accueille volontiers. Nous pourrions nous demander quel intérêt a chacun des animateurs pour choisir de laisser les discussions se développer ou non lorsque celles-ci s'éloignent du propos. Il semble qu'Anim D soit guidé par ses valeurs intrinsèques : accueil de l'autre, humanité, engagement, ce qui pourrait se rapprocher du pôle « convaincre » de la schématisation de (Dansac & Vachée, 2016). Les autres animatrices, dans leurs entretiens, mettent plutôt en avant la dimension technique : gérer le temps, et la dimension pédagogique : maintenir l'attention, en référence aux pôles « opérationnaliser » et « former ». Cet exemple met en lumière un dilemme pour l'animateur en situation : accueillir toutes les interventions ou les contraindre au temps et au sujet ? Quels risques rencontre-t-il dans un cas comme dans l'autre ? Qu'y gagne-t-il à accueillir ou à contraindre ? Dans lequel des cas sera-t-il efficace à mettre en oeuvre la coopération ?

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De la même façon, si l'animatrice B tient à être « dans un rapport horizontal » avec les formés, l'animatrice A assume pleinement de « ne pas être une pair », invoquant la posture experte du formateur (cf. « opérationnaliser »). Anim B se met en retrait lors des échanges, au risque d'avoir des difficultés à reprendre la parole lorsqu'un formé prend l'ascendant sur la discussion. Anim A est quant à elle partie prenante des échanges, bien qu'elle pointe le risque de couper court parfois à certaines réflexions des formés, qui ne peuvent aller au bout puisqu'elle donne son avis avant qu'ils aient pu construire leur propre réflexion. Cette divergence de posture pourrait conduire les animatrices à discuter de la lecture de la prescription. En effet, celle-ci : « Mobiliser les principes et pratiques de la coopération dans nos instances et dans la mise en oeuvre de nos actions » est-elle mise en application ici ? Anim A respecte-t-elle la prescription lorsqu'elle intervient avant les formés, au risque d'empêcher leur expression ? Anim B, quant à elle, la respecte-t-elle également si sa mise en retrait conduit une formée à « prendre l'ascendant sur la visio » ? Anim A se définit comme une experte des pratiques coopératives, et insiste fortement sur ce point lors de son entretien d'auto-confrontation simple. C'est la raison pour laquelle elle donne systématiquement son avis sur toutes les questions posées par les stagiaires, et qu'elle a « toujours le dernier mot ». De cette manière, elle pourrait répondre à un autre point de la prescription : « Produire et diffuser des connaissances et des outils pédagogiques sur la coopération à l'école », mettant de fait le premier en tension. Ces éléments pointent un nouveau dilemme : faire vivre les principes de la coopération ou apporter des éléments théoriques sur les pratiques afférentes ?

D'autres dilemmes sont visibles dans l'analyse des dimensions qui sous-tendent l'activité des animateurs : favoriser l'intervention d'une personne qui saura aller à l'essentiel ou garantir le tour de parole dans un ordre chronologique ? accepter de montrer ses émotions ou les contenir ? expliciter les objectifs et les procédures ou les laisser infuser ? faire vivre des exercices coopératifs créés pour les élèves ou profiter des opportunités qui se présentent ?

5.3 Les textes prescripteurs

5.3.1 Une mise en tension qui pousse les animateurs à faire avec et contre la prescription

Nous venons de le voir, dans certaines situations, les prescriptions sont mises en tension, et l'animateur se doit de faire un choix. Par ailleurs, dans d'autres situations, il semble compliqué d'évaluer l'écart entre la tâche et l'activité réalisée. En effet, si nous reprenons l'exemple « Mobiliser les principes et pratiques de la coopération dans nos instances et dans la mise en oeuvre de nos actions », nous pouvons nous demander de quelle manière le prescripteur

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voit l'animateur « mobiliser les principes et pratiques de la coopération ». Cela signifie-t-il qu'il doit les appliquer systématiquement ? Ou qu'il doit plutôt les expliciter lors des formations ? Nous sommes ici dans le cas décrit par Faïta et Duc (1996, cités par (Leplat, 2004)) d'une organisation à prescription floue, qui conduit l'acteur à traduire celle-ci pour qu'elle puisse être opérationnelle, à « faire pour le mieux ». Les dilemmes évoqués plus haut témoignent des conflits générés par ces prescriptions très générales. Cela explique aussi probablement les différences de définitions de la coopération données par les animateurs. Il semble que l'organisation OCCE aurait intérêt à se doter d'une définition unique, admise par tous, qui reflèterait son identité propre et renforcerait, par cette unicité, son action sur l'ensemble du territoire national. Peut-être serait-il possible d'imaginer une définition simple et courte, apportée par l'étymologie du mot, qui serait complétée pour indiquer ce que cela recouvre en clarifiant les « principes et pratiques de la coopération ».

De plus, les « principes et pratiques de la coopération » ne sont jamais définis en tant que telles dans les documents produits par l'OCCE, en interne comme à l'externe. Sur le site fédéral, la partie historique cite « la première définition de la doctrine pédagogique de l'OCCE » :

Dans l'enseignement public, les coopératives scolaires sont des sociétés d'élèves gérées par eux avec le concours des maîtres en vue d'activités communes. Inspirées par un idéal de progrès humain, elles ont pour but l'éducation morale, civique et intellectuelle des coopérateurs par la gestion de la société et le travail de ses membres.

La Convention pluriannuelle d'objectifs, quant à elle, liste les objets suivants comme les principes coopératifs de l'OCCE : engagement, renforcement de l'estime de soi, respect de l'autre, interdépendance cognitive, interaction dans la résolution de problèmes complexes, retour réflexif, participation active, responsabilité, solidarité, autonomie, ouverture, esprit critique, justice scolaire, auxquels s'ajoutent les principes républicains et démocratiques. Les pratiques correspondantes sont : dispositifs pédagogiques favorisant le développement de ces principes, dispositifs participatifs de la vie associative, projets pédagogiques qui font sens. Ce texte précise comment les animateurs doivent s'y prendre lorsqu'ils interviennent en classe, et sont très explicites : les animateurs doivent mettre les élèves en situation de vivre les principes

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de la coopération. Or, il s'agit ici uniquement des principes et pratiques en lien avec les interventions auprès des élèves. Nous retrouvons le caractère implicite de la prescription quant à la manière de former les acteurs de l'Éducation nationale aux pratiques coopératives.

Enfin, le projet associatif en cours indique que le « projet coopératif d'éducation [est] fondé sur les valeurs humanistes de solidarité, de démocratie, de justice sociale, de liberté, d'égalité en droit, de fraternité et de laïcité » et que leur déclinaison revient à :

Faire expérimenter et prendre conscience aux jeunes que la coopérative scolaire leur donne des droits et des responsabilités pour l'accomplissement de leurs projets collectifs et leur permet un engagement citoyen dès maintenant, là où ils sont ; leur faire vivre et comprendre qu'apprendre en coopération leur donne leur pleine place dans la communauté solidaire d'apprenants que sont l'école ou l'établissement, sans discrimination, en respectant l'identité, les capacités, le rythme de chacun, dans un climat bienveillant qui demande organisation, exigence, et permet à chacun d'être, de faire, de grandir et de réussir avec, et non en compétition contre les autres. Expliciter pour tous les acteurs de la communauté éducative que la mise en oeuvre d'une pédagogie de la coopération est une opportunité pour accomplir leurs missions dans un climat de respect pour tous, jeunes et adultes, de donner du sens aux apprentissages qu'ils sont chargés de conduire. Y informer et former les divers acteurs et proposer des dispositifs coopératifs inscrits dans les pratiques pédagogiques et de vie scolaire, qui tissent étroitement le projet de réussite de chaque élève, le développement et l'engagement des personnes, l'accomplissement du projet éducatif collectif.

Dans ce dernier texte, nous pouvons retenir deux phrases qui peuvent éclairer le travail des animateurs : « Expliciter pour tous les acteurs de la communauté éducative que la mise en oeuvre d'une pédagogie de la coopération est une opportunité pour accomplir leurs missions » et « former les divers acteurs et proposer des dispositifs coopératifs inscrits dans les pratiques

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pédagogiques et de vie scolaire ». La question de l'explicitation, en formation, du rôle de l'OCCE et de la plus-value de l'approche coopérative en classe, discutée par Anim B et Anim C, trouve ici une réponse. Le second levier, quant à lui, par la citation de « dispositifs coopératifs inscrits dans les pratiques pédagogiques », peut laisser entendre la nécessité de mettre les enseignants formés dans ce genre de dispositif.

L'ensemble de ces textes est flou. Il n'existe aucune définition unique de la coopération, la liste des « principes et pratiques » est variable selon le document, et concernent la plupart du temps les élèves. L'activité de l'animateur n'y est jamais clairement pointée.

Formulons ici une hypothèse : l'animateur pédagogique OCCE, qui vient du milieu de l'enseignement, est imprégné de sa façon de faire avec les élèves, ainsi que les quatre animateurs le soulignent dans leurs entretiens. La prescription relative à la formation à la coopération d'un public adulte est implicite, et conduit l'acteur à la redéfinir de son point de vue. N'ayant pas de point de repère, l'animateur « fait pour le mieux » : ce qu'il connaît et maîtrise. Il n'a aucun élément qui lui permette d'envisager que les adultes auraient d'autres besoins, il n'a aucune formation sur l'ensemble des phénomènes psychologiques ou les cadres didactiques qui entrent en jeu dans le cas d'une formation en milieu professionnel. Il fait avec ce qu'il est, ses pratiques, ses principes, ses croyances, renforcés par la dimension axiologique qui pèse sur lui, dans un milieu où il est important de marquer son appartenance militante.

5.3.2 Des textes qui témoignent de difficultés internes

Le contenu des textes prescripteurs permet de faire plusieurs constats intéressants pour l'activité des animateurs. Tout d'abord, la motion d'orientation, qui donne les objectifs à atteindre pour 2023, laisse apparaître en filigrane que cela n'est pas aussi simple qu'il y paraît. Elle indique la nécessité de « clarifier les fonctions de l'animateur ». Nous pouvons donc en déduire que ces fonctions ne sont pas claires pour le moment, que l'organisation en a conscience, et prévoit de se donner le temps de se pencher sur la question afin d'y répondre. En outre, sur un plan plus général, la référence à « mieux connaître l'histoire et le projet éducatif de coopération » tend à laisser entendre qu'il existe un manque à cet endroit. Cependant, ce projet semble difficile à trouver. En effet, les animateurs n'en disposent pas en tant que tel. Seule, sur une page du site internet de la fédération nationale, accessible au public, une phrase y fait référence :

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Au coeur des classes coopératives, au fil d'actions et de projets nationaux et départementaux, de forum, congrès, universités d'été, de publications... est mise en acte une philosophie éducative, caractérisée par les valeurs de solidarité, de respect des identités, du partage des savoirs et des responsabilités, de l'exercice effectif de la démocratie à l'école par les enfants et par les jeunes.

Ensuite, notons la présence d'objectifs comme « Se construire des espaces/temps de rencontres, d'échanges de pratiques, de savoirs », « Mobiliser les principes et pratiques de la coopération dans nos instances et dans la mise en oeuvre de nos actions » ou encore « Entretenir une démocratie vivante en interne et la porter en externe ». Si ces éléments, pourtant portés à l'externe en formation comme l'expression de valeurs humanistes, ont besoin d'être réaffirmer dans les objectifs prioritaires de l'OCCE, cela témoigne certainement de la difficulté de congruence entre ces valeurs et leur mise en application au sein même de l'organisation. Enfin, la mention de l'ouverture d'un cycle de recherche-action afin que l'association puisse « se doter d'une identité pédagogique affirmée, lisible et transmissible » démontre quant à elle un flou quant à l'identité de l'OCCE en tant que mouvement pédagogique. Pris dans l'ensemble de ces difficultés générales, il n'est pas surprenant que les animateurs peinent à unifier leurs pratiques en formation et à trouver eux-mêmes leur identité professionnelle.

Cependant, les textes prescripteurs laissent une place non négligeable à l'importance de l'étayage par la recherche. En effet, ils mentionnent les ressources produites dans le cadre de l'Observatoire/Conservatoire des pratiques coopératives, l'interaction avec les chercheurs en sciences sociales, l'appui du Conseil scientifique. Il semble donc que la dimension scientifique influence aujourd'hui de manière significative la prescription, dans une recherche de rationalisation, de professionnalisation et de caution extérieure.

5.4 Des animateurs en quête d'identité professionnelle

Nous avons vu que l'animateur OCCE est un animateur comme les autres. Pourtant, il se donne parfois d'autres fonctions, ce qui nous pousse à penser qu'il peine à trouver sa place et la reconnaissance de son travail. Ainsi que l'indique Clot, pour être en bonne santé, un travailleur doit pouvoir trouver du sens à son travail, se sentir utile. Anim A en parle dans le début de son auto-confrontation, où elle explique avoir eu le sentiment, lors de la formation,

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d'être « très utile ». L'acteur doit savoir également qu'il appartient à un groupe professionnel bien défini, qu'il dispose en conséquence d'un répertoire d'actions qu'il peut mobiliser pour agir.

Si nous reprenons les préoccupations qui guident l'activité des animateurs pédagogiques OCCE, nous nous apercevons qu'il est possible de les répartir dans quatre grands domaines. L'un d'entre eux correspond à celui de l'héritage de l'éducation populaire : faire échanger, faire vivre la situation, une place pour chacun, créer du lien. Un second regroupe les préoccupations tournées vers les destinataires en particulier : attentes supposées des formés, rôle et posture de l'animateur, rapport au temps vs objectif de formation. Le troisième rassemble les éléments plus individuels : les rappels au métier d'enseignant et les éléments personnels qui jouent sur l'activité de l'animateur. Enfin, le dernier domaine, peu documenté ici cependant, comprend les références à la prescription : « quelle place on a, dans cette pratique-là ? [...] moi je trouve que c'est important de mettre la coop en avant, parce qu'aujourd'hui, je suis plus PEMF, mais je suis bien animatrice pédagogique OCCE ». Nous pouvons rapprocher ces quatre domaines des instances architecturales de Clot : l'instance personnelle car le métier est réalisé par un sujet singulier, interpersonnelle car il est adressé à un destinataire précis, transpersonnelle en cela qu'elle s'inscrit dans une histoire collective constitutive du genre professionnel (l'éducation populaire) et impersonnelle du fait de la dimension prescriptive généraliste et décontextualisée.

Voici un tableau qui retranscrit les préoccupations qui sous-tendent l'activité des animateurs selon le modèle des quatre instances architecturales (Tableau 7 - Préoccupations et instances architecturales du métier) :

Tableau 7 - Préoccupations et instances architecturales du métier

Instance transpersonnelle

Instance interpersonnelle

-Faire échanger

-Une place pour chacun -Créer du lien

-Faire vivre la situation

-Attentes supposées des formés

-Posture de l'animateur

-Rôle de l'animateur

-Rapport au temps vs objectif de formation

Instance personnelle

Instance impersonnelle

-Rappel au métier d'enseignant -Éléments personnels

-Prescription

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L'animateur OCCE, s'il est un animateur comme les autres, est aussi un animateur imprégné d'un héritage spécifique, qui s'ajoute à celui, plus général, de l'éducation populaire. En effet, les préoccupations nommées « faire échanger », « une place pour chacun » et « créer du lien » ne ressortent pas dans la littérature au sujet des animateurs socio-culturels. Nous pouvons donc postuler qu'il s'agit là d'une marque spécifique des animateurs OCCE, en lien avec les principes cités dans la Convention pluriannuelle d'objectifs.

Le présent travail montre que les animateurs OCCE sont aujourd'hui à la croisée des chemins, entre recherche d'une identité professionnelle, héritiers d'une histoire collective issue de l'éducation populaire et forts de compétences diverses non uniformisées. Le schéma présenté plus haut décrivant l'activité multidimensionnelle de l'animateur peut être repris ici et complété, de manière à faire apparaître les instances du métier (Figure 6 - Proposition de modélisation : activité multidimensionnelle et métier) :

TACHE

PRESCRIPTION

Mobiliser les principes et pratiques de la coopération dans nos instances et dans la mise en oeuvre de nos actions, Encourager l'expression de controverses, ...

ACTIVITE REALISEE

ACTIONS

Laisser les échanges se développer, piloter les temps de formation, ...

Alimentent l'instance impersonnelle

VALEURS

Engagement, respect, ...

ACTIVITE REELLE DE L'ANIMATEUR

Alimentent les instances inter-
personnelle, transpersonnelle et
personnelle

ACTIVITE EMPECHEE

DIFFICULTES

Interrompre une personne, penser aux « invisibles », ...

BUTS Dynamiser les échanges, engager dans une interaction, ...

PREOCCUPATIONS

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Figure 6 - Proposition de modélisation : activité multidimensionnelle et métier

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Enfin, nous pouvons nous questionner sur l'absence de référence à la prescription pour trois animateurs sur quatre. Celle-ci est-elle incorporée à tel point qu'elle disparaît du langage professionnel de ces animateurs ? Pourrait-il être envisagé qu'elle soit méconnue ou n'ait aucune influence ? Ou alors, les valeurs intrinsèques de ces acteurs, engagés dans un métier qui reconnait ces valeurs, se confondent-elles avec celles de l'organisation ? Pour autant, nous l'avons vu, le lexique propre à l'OCCE dont fait état la prescription est bien connu et mobilisé par les animateurs.

Quoi qu'il en soit, il semble qu'un travail sur la prescription s'impose, afin de la rendre plus explicite pour tous, et permettre aux animateurs de savoir exactement comment se positionner. Nous pouvons faire l'hypothèse qu'un tel travail leur permettrait de s'affirmer dans une identité professionnelle conforme à ce qui est indiqué sur leur contrat de travail. Nous pouvons aller plus loin dans cette direction, en imaginant la participation active des animateurs à la redéfinition de leur métier, selon une méthodologie inspirée de la clinique de l'activité, utilisée ici, mais également dans certains travaux internes à l'OCCE accompagnés par des experts de ce cadre théorique. De ce fait, il serait tout à fait envisageable d'installer des espaces dialogiques, à partir de vidéos de l'activité réalisée des animateurs, afin d'amorcer des « disputes professionnelles ... sur le travail bien fait », des « conflits de critères » (Clot, 2020) afin de définir justement ce qu'est ce travail, et comment il est possible de « bien le faire » dans l'organisation OCCE. Les principes partagés par les quatre animateurs participants à cette étude pourraient ainsi être interrogés dans un collectif plus large. Leur caractère commun, s'il est confirmé, peut en faire le terreau d'une prescription nouvelle, plus affinée, de la mise en oeuvre des « principes et pratiques de la coopération ». Une telle approche qui met en avant l'émancipation des acteurs serait en outre en adéquation avec l'objectif porté par la fédération d'émancipation des jeunes coopérateurs, à un niveau adulte. Il semble en tout cas que la question de la prescription soit prise en considération par l'organisation, car parmi les objectifs de la motion d'orientation sur la période 2020-2023 nous pouvons lire : « clarifier les fonctions de l'animateur ».

5.5 Vers une évolution du métier d'animateur pédagogique OCCE

En outre, cette clarification pourrait être utile dans le cadre d'une projection à moyen terme. En effet, il existe aujourd'hui une volonté affirmée de professionnalisation des animateurs. Cela est d'ailleurs clairement établi dans la Convention pluriannuelle d'objectifs. Le contenu des formations nationales obligatoires dédiées aux animateurs a évolué : tourné vers

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les pratiques ciblées il y a quelques années (comment mener un conseil de coopérative, comment animer des débats philo...), il s'oriente maintenant vers une réflexion sur le métier, par l'analyse de l'activité notamment, mais aussi, grâce à des apports théoriques issus des sciences sociales. La fiche de profil de poste permettant le recrutement des animateurs en 2022 est beaucoup plus détaillée que les précédentes, indiquant des tâches supplémentaires et en décrivant d'autres plus précisément. La dimension évaluative des tâches fait également son apparition dans cette fiche de profil, en concordance avec un type de prescription décrit par (Daniellou, 2002), ce qui peut laisser présager l'évolution du rapport à la prescription vers une forme marquée par l'évaluation et la nécessité de produire des comptes-rendus de l'activité réalisée. Nous n'avons pas accès, pour l'heure, aux contrats de travail des animateurs nouvellement recrutés pour la rentrée 2022, mais il serait intéressant de les comparer à ceux des années précédentes. Cependant, il est à noter que les contrats 2022/2023 des animateurs déjà en poste restent inchangés.

De surcroît, la question du statut de l'animateur est clairement posée aujourd'hui à l'OCCE. Nous l'avons dit, la professionnalisation porte actuellement pour partie sur la mission de formation des acteurs de l'Éducation nationale, mission réaffirmée dans l'ensemble des textes cadres. À cela s'ajoute des questions liées au droit du travail, et notamment, celle de l'évolution de carrière des employés et la prise en compte de leur parcours professionnel, ce qui transparait dans les comptes-rendus de réunions du Conseil d'administration national. Enfin, les conditions de partenariat avec le Ministère de l'Éducation nationale et de la Jeunesse évoluant en défaveur de l'OCCE depuis 2008 : substitution des mises à disposition par le statut de détaché, baisse de la subvention annuelle, nombre croissant de refus de détachements, laisse craindre à l'organisation un désengagement total à l'avenir. Elle doit donc anticiper cette évolution pour survivre. Une des possibilités envisagées actuellement serait de transformer l'OCCE en organisme de formation indépendant. Dans ce cas, les animateurs verraient leur statut évoluer vers celui de formateur aux pratiques coopératives. Or, nous l'avons dit plus haut, les animateurs s'inscrivent dans une histoire qui est celle de l'éducation populaire, qui se développe depuis plus d'un siècle. Cet héritage se traduit dans les « principes et pratiques » définis dans les textes cadres, régissant le travail des salariés, mais aussi la vie de la fédération et des associations départementales. Dans l'hypothèse où l'OCCE ferait le choix de devenir un organisme de formation et s'il souhaite préserver son identité et ses valeurs, pour éviter de devenir « un parmi d'autres », il semble indispensable de prendre en compte cet héritage professionnel constitué au fil du temps par l'activité des animateurs pédagogiques. Clot postule

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que dans certains cas, la clinique de l'activité, par la dimension dialogique qu'elle installe, permet aux acteurs de participer à l'évolution de leur métier et à la redéfinition de sa prescription. Cela augmente leur rayon d'action, leur pouvoir d'agir, et le développement professionnel devient possible. Une telle approche dans le cas qui nous intéresse ici pourrait ainsi voir la transmission d'une partie du genre professionnel des animateurs pédagogiques OCCE vers une nouvelle prescription. Ainsi, la professionnalité et les compétences des animateurs en termes de formation à la coopération seraient clairement affirmées par l'organisation.

De surcroît, cette reconnaissance institutionnelle aurait pour effet connexe de rendre leur travail désirable, quel que soit le nom donné à leur statut. Il est probable que les animateurs auraient ainsi moins de difficultés à indiquer lequel il est. Les responsables de la formation des animateurs font part d'un turn-over important ces dernières années (renouvellement de 45% des postes d'animateurs entre 2020 et 2022). La reconnaissance de leur métier et de leurs compétences pourrait contribuer à garantir une certaine pérennité des postes. Ceci permet en retour une professionnalisation plus importante sur le long terme, et un gain pour la reconnaissance du professionnalisme de l'OCCE auprès de l'ensemble des partenaires.

5.6 Proposition d'un outil pour guider la formation des animateurs

Le travail de professionnalisation des animateurs quant à leurs missions de formateurs peut être guidé par un outil de positionnement, leur permettant de concevoir et mettre en oeuvre les objectifs de formation fixés par la commande. Nous nous inspirons du pentagone des fonctions professionnelles de Gillet pour créer cet outil. Il pourra être repris, redéfini pour l'activité spécifique des animateurs pédagogiques OCCE lorsqu'ils forment à la coopération. Le contenu précis des différents pôles devra être clarifié et explicité aux animateurs. Ce pentagone peut aider l'animateur dans le cadre de ses missions de formation, à partir de l'objectif visé, que celui-ci soit imposé par un éventuel partenaire, ou auto-prescrit par l'animateur.

Voyons ici un exemple de son utilisation, à partir de l'objectif de formation donné à Anim D, et de son activité réelle, donnée par son entretien (Figure 7 - Un exemple d'utilisation de l'outil de positionnement) :

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Objectif de formation d'Anim D : faire découvrir ce qu'est la maïeutique de groupe

CONVAINCRE

FORMER

RELIER

OPERATIONNALISER

 
 

REPARER

Figure 7 - Un exemple d'utilisation de l'outil de positionnement

Cet outil a également pour intérêts de rationaliser le travail de l'acteur et de contribuer à sa professionnalisation par l'analyse de sa propre activité. Étayé par les travaux du conseil scientifique, il pourrait être utilisé en formation d'animateurs. Cela aurait pour résultat de renforcer l'homogénéisation des pratiques au niveau national, sans pour autant les standardiser. Le sentiment d'appartenance des acteurs à leur groupe professionnel pourrait s'en trouver augmenté. Nous pouvons faire le postulat que cela aurait pour effet complémentaire de mieux souligner la professionnalité dans l'image renvoyée aux partenaires de l'OCCE.

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6. Biais et limites de notre étude

Cette recherche comporte un certain nombre de limites intrinsèquement liées à la méthodologie utilisée. En effet, nous nous sommes appuyés sur l'analyse de l'activité de quatre animateurs seulement, sur 102 employés par la fédération nationale OCCE. Si cette étude de cas révèle des éléments intéressants, il ne nous est toutefois pas possible de généraliser nos conclusions à l'ensemble de ce groupe professionnel. Par ailleurs, les quatre animateurs dont il est question dans nos travaux sont tous issus du milieu de l'enseignement. Il n'est pas à exclure que les résultats pourraient être affectés par l'analyse de l'activité d'animateurs dits « HEN » recrutés dans le cadre de la convention collective de l'animation, issus de parcours professionnels différents. Le recueil des données est à prendre avec précaution également. Le cadre a été posé de manière à ce que les animateurs se sentent en sécurité et s'autorisent à dévoiler leur activité réelle. Cependant, nous pouvons nous demander s'ils nous disent effectivement tout, malgré la confiance qu'ils nous accordent. D'ailleurs, cette confiance, due en partie à notre statut de « collègue animatrice » peut être un facteur de dissimulation ou d'évitement, de peur d'être jugé ou de voir les relations professionnelles se détériorer par la suite. Aussi, il est possible que s'installe, même de manière inconsciente, une recherche de consensus lors des entretiens, même si les réactions et les controverses qui se sont développées tendent à montrer le contraire. Enfin, nous fondons nos résultats sur la captation d'une session de formation pour deux animateurs sur quatre. Ces vidéos nous servent de base pour la discussion, mais il est prudent de garder en tête qu'il existe probablement des éléments sur lesquels nous aurions pu échanger et que nous n'avons pas eu l'occasion de voir dans les situations données.

Ajoutons à cela un commentaire sur les textes prescripteurs. La motion d'orientation, texte cadre de l'animateur, est un document interne à l'OCCE, marquant la congruence entre les dimensions axiologique et praxéologique, très présente dans l'organisation. Or, ce document concerne les bénévoles autant que les salariés. Aussi, nous sommes en mesure de nous demander si les éléments de prescription, qui décrivent les tâches, englobent les missions de formation de l'animateur pédagogique. Ce point serait à clarifier. Nous n'avons pris que peu de références dans les contrats de travail, lesquels ne sont d'ailleurs pas tous identiques selon les animateurs, du fait des particularités locales. Cela semblait donc opportun d'y accorder une importance relative. Enfin, nous avons travaillé sur les textes en vigueur actuellement, qui témoignent des difficultés du mouvement à se doter d'une identité pédagogique affirmée. Il

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pourrait être intéressant d'effectuer une étude comparative des textes successifs régissant l'activité des animateurs depuis leur création, pour approfondir l'évolution de leur profession.

En ce qui concerne la revue de littérature, nous nous sommes cantonnés ici à utiliser les conclusions des travaux sur le métier d'animateur socio-culturel, sans prendre en considération celles issues des études sur le métier d'animateur périscolaire, qui se développe particulièrement depuis une dizaine d'année (Lebon, 2017). En effet, si les animateurs socioculturels travaillent essentiellement au sein d'association d'éducation populaire, cela n'est pas le cas pour les animateurs périscolaires, recrutés par les collectivités territoriales. Les conclusions s'éloignent de ce qui nous concerne dans notre étude pour un certain nombre de raisons, mais une étude comparative pourrait cependant s'avérer intéressante. Notons également le manque de travaux récents sur les animateurs socio-culturels. Si les années 1990 et 2000 ont été marquées par un grand nombre d'études, celles-ci se restreignent ensuite, et les résultats dont nous disposons sont peut-être partiellement faussés. Enfin, le pentagone des fonctions des animateurs emprunté à Dansac & Vachée (2016) sert à l'origine à décrire les fonctions générales de l'ensemble du travail de l'animateur. Nous l'avons donc librement adapté ici à la seule activité de formation, pour laquelle les données de terrain nous semblaient en adéquation. Il conviendrait de préciser, lors d'un travail plus poussé, le contenu de chaque pôle, voire, de faire évoluer leur dénomination, si nécessaire, selon ce qui semblerait le plus adapté à l'OCCE.

Notre étude a été contrainte par des éléments extérieurs, notamment du fait de la situation sanitaire, et il ne nous a pas été possible de réaliser toutes les captations d'auto-confrontations que nous avions prévues. Cela a limité en particulier le nombre d'auto-confrontations croisées, et les discussions entre animateurs, qui auraient pu nous permettre d'approfondir davantage.

Nous pouvons néanmoins espérer que ces analyses sont représentatives, sinon de l'ensemble de la structure, du moins de la réalité dans un certain nombre de terrains. De fait, les animateurs concernés assurent que ces captations vidéo étaient le reflet de leurs pratiques ordinaires.

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard