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Etude de la réception de deux coproductions théâtrales européennes, à travers des articles de la presse écrite d'Europe

( Télécharger le fichier original )
par Laetitia van de Walle
Université Libre de Bruxelles - Master européen en Art du spectacle vivant 2007
  

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Conclusion

Existe-t-il, dans la presse européenne, aujourd'hui encore, une place pour un commentaire critique sur les oeuvres culturelles et particulièrement théâtrales ? A cette question posée par François Roche, nous pensons pouvoir répondre que certains journalistes continuent de s'atteler à émettre un point de vue critique.

Qu'avons-nous détecté parmi les commentaires de presse écrite sur la réception des journalistes lors de spectacles vivants européens ? Comment aborder un spectacle dans son ensemble ? Comment attirer un spectateur qui vit dans un environnement social donné ? Dans quelle mesure cet environnement détermine-t-il la création d'un spectacle et sa réception ?

Généralement, on considère que la réception est liée à l'interprétation de la fable, au jeu des acteurs, à la mise en scène, au système scénique... Nous avons montré que l'élément le plus souvent développé par les critiques de théâtre était la fable. Nous avons également trouvé des références intra ou extra théâtrales liées aux thèmes de la pièce qui suscitent une réflexion. Nous avons rencontré très peu d'analyses critiques relatives à la forme de la mise en scène, aux jeux des acteurs. Cet éclairage est pourtant très intéressant, puisque les comédiens, issus de différents pays, ont une façon originale d'incarner leurs personnages et que leurs jeux sont issus de la Culture du Jeu, elle-même, nationale.

Ainsi la manière dont les acteurs jouent, est fonction de la perception qu'ils se font de la chose à jouer, à travers leur manière de vivre, leur culture. Cet aspect est largement représenté dans Learning Europe. L'autre pièce est jouée en fonction de l'Histoire, souvent commune à de nombreuses nations du continent européen. C'est le cas de Gurs, une tagédie européenne. En outre, le papier du journaliste exprime très peu de ressentis, à peine quelques émotions primaires sont-elles évoquées. W. Sauter pense que la perception du spectacle permet ou non au spectateur de recevoir des sensations, de vivre des émotions théâtrales particulières qui entraîneront une interprétation individuelle, peut-être un questionnement salutaire.

Sans faire de généralité, dans les articles allemands, majoritairement ceux consacrés à Learning Europa, il semble que la description du spectacle et la réflexion sur les thèmes soient mieux représentées. Le jugement émis est souvent en rapport avec une impression générale du spectacle, sans s'attarder à des justifications techniques. En France, en Espagne

et au Luxembourg, la situation est différente. Pour la critique de Gurs, une tragédie européenne, on peut craindre soit une certaine compromission, soit pour les journalistes français, une réticence à prendre position. En effet, la majorité des articles publiés sont positifs, seuls l'article du Monde et celui issu d' Internet émettent un jugement négatif sur le travail artistique. Les autres articles se limitent à des informations générales de présentation et se bornent, en fin de texte, à donner un avis court et non argumenté sur le spectacle. En Espagne, les textes sont assez critiques et s'accordent pour dire que le spectacle est peu théâtral. Les plus acerbes sont les Luxembourgeois, en s'appuyant largement sur l'ennui qu'ils ont ressenti durant la représentation, sans argumentation digne de ce nom.

En revanche, les conditions de production, typiques du Contexte Culturel, jouent également un rôle dans la réception et sont largement citées dans les articles de presse. Les auteurs, metteurs en scène et comédiens sont nommés, ces éléments constituent la Théâtralité en Contexte. Il s'agit malheureusement - nous insistons - d'une simple énonciation et les informations concernant le nom des institutions et des artistes ne sont que très rarement développées.

En outre, la lecture de notre corpus montre que les articles critiques proposent majoritairement des informations promotionnelles en y introduisant, de façon minime, une critique sur la qualité du spectacle. L'objectif poursuivi paraît être la promotion d'un bon spectacle au détriment d'un autre. Or ce qui nous semble le plus intéressant n'est pas ce point de vue « commercial », mais plutôt une réflexion sur les modes de fiction, les différents types de jeux, les options de la mise en scène, les intentions des artistes, les mises en perspective d'une oeuvre.

Nous regrettons que les articles réduits aux informations soient très nombreux, trop nombreux. De même, nous déplorons les commentaires critiques limités par des considérations trop académiques peu utiles dans le cadre de la réception. Rappelons le comportement combien destructeur du professeur dans le Cercle des poètes disparus qui voulait placer la poésie sur une échelle de valeurs. NH Kleinbaum a écrit un hymne magnifique à la liberté de penser. Le critique dramatique devrait véritablement prendre position, il ne peut se contenter d'être neutre. La neutralité entraîne le conformisme et la méconnaissance de tout un monde en constant mouvement.

A notre avis, les critiques dramatiques, par nature indépendants des sphères d'influences
politiques, économiques et artistiques, devraient pouvoir jouer un rôle de médiateurs

culturels, procurant aux lecteurs des clés pour comprendre et apprécier l'oeuvre théâtrale dans sa globalité.

De ce point de vue, le rôle du critique serait le prolongement du choeur des tragédies antiques, espace intermédiaire entre la scène et la salle. Ce choeur avait pour tâche non seulement de partager avec le spectateur l'intrigue qui se déroulait sur la scène, mais également de lui transmettre le message des acteurs. « Il porte secours des deux côtés » 188, comme l'explique la philosophe, Marie-José Mondazain. Le choeur joue le rôle souvent accordé aujourd'hui aux médiateurs culturels, envoyés dans les écoles ou chargés de présenter une pièce sous forme de conférence avant ou après le spectacle, dans le but de préparer le spectateur à ce qu'il va voir, ou de le faire réfléchir à ce qu'il a vu. Ne serait-il pas plus intéressant que la presse critique endosse ce rôle de médiateur, procurant au spectateur des réflexions objectives afin de transmettre des outils d'interprétation, de réception ?

Une véritable presse d'opinion et de réflexion nous semble indispensable pour nous faire évoluer... découvrir des nouveautés et notamment des pratiques européennes très riches. En effet, pour reprendre encore les paroles de Marie-José Mondazain : « Le paradoxe de l'humain, c'est de se reconnaître dans ce qui ne lui ressemble pas, dans son autre. Le propre de l'humain, c'est de se rencontrer lui-même en tant qu'étranger, de son étrangeté à soi. L'altérité irréductible de l'autre est le fondement de la constitution de soi. » .189 La presse a comme devoir, selon nous, de relayer cette altérité, de la présenter.

Il nous semble que cet aspect est encore plus important pour les spectacles européens qui demandent une certaine connaissance des codes, des modes de jeux, de perception du monde sensible.

Lors des rencontres « Scénoscope 1# », les animateurs du débat ont interrogé des programmateurs friands de spectacles étrangers190. Pour Mathieu Menghini, peu importe le spectacle, il ne considère pas que son goût est équivalent à celui du public, mais pense que grâce à l'accompagnement médiatique, il est possible de faire évoluer le public. Le goût des spectateurs se transforme face à de nouveaux types de pièce et ce changement est

188 MONDAZAIN, Marie-José : « L'hospitalité » dans Compte rendu intégral des débats : Rencontres européennes sur le thème « A quoi sert un théâtre en Europe ? du 25 au 26 novembre 2006, au théâtre Dijon Bourgogne, CANTARELLA, Robert, dir. Document non édité, disponible sur simple demande. Vol 1, p 23.

189 Ibid.

190 ÉQUIP'ART & LE THEATRE NATIONAL DE LA COLLINE : Rencontres Scénoscope #1 : Arts Vivants : Désirs d'Europe ? Lundi 4 juin 2007. Pas de publication, notes personnelles. « Table ronde : « programmateur et artiste : radioscopie d'un couple singulier ».

fondamental dans l'apparition d'une « réception européenne ». L'accueil de spectacles étrangers et la création de coproductions font vivre « la pluralité des langues, la multiplicité des regards, la polychromie des sensibilités, l'hybridation des pratiques, le respect des écarts, tout cela fonde la vie commune (...). »191

De l'avis de Marie-José Mondazain, « le théâtre est, à proprement parler, traducteur. Il traverse transversalement toutes les langues »192 . Il est une source intarissable pour aller à la rencontre de l'autre, de l'étranger parfois si proche. Elle ajoute que « l'Europe a besoin des acteurs, des écrivains et des metteurs en scène (...) elle a besoin de toutes les forces de la création pour faire exister la vie politique. (...). Car résistant de toutes ses forces aux sirènes de l'intégration communautaire et mercantile, je vois un théâtre de la marche, de l'accueil et de l'exil. Je l'appelle traductil, un théâtre de mobilité qui n'a rien à voir avec ce qu'on appelle la flexibilité d'un emploi théâtral, mais, au contraire, avec la ténacité du voyageur qui donne, qui sait recevoir, ne se laisse jamais retenir et, je l'espère, ne se laissera jamais assigner à résidence. »193

Pour que cette entreprise fonctionne, il faut évidemment une information et une réflexion sur les pratiques artistiques européennes auxquelles le citoyen moyen puisse accèder facilement. Cette médiation et cette réflexion existent dans les revues spécialisées qui sont malheureusement trop peu diffusées. Nous ne pouvons qu'espérer que cette pratique entre dans la presse généraliste. Mais cela nous semble utopique à l'heure actuelle, étant donné les impératifs économiques que doivent affronter les journaux. L'espoir alors serait le développement de « blogs », animés par des professionnels passionnés. Ces « lieux » de rencontres offriraient la possibilité au lecteur d'émettre son avis et d'engager une discussion. Internet semble une aubaine pour un retour à une véritable espace public de discussions et d'informations sur l'ensemble des paramètres qui influencent la réception du spectateur.

Pour assurer la visibilité des coproductions européennes dans la presse, nous regrettons principalement l'absence de médias européens. En effet, nous déplorons que ces pièces n'aient été annoncées que dans les pays d'accueil, alors que les européens voyagent de plus en plus facilement et pourraient apprécier. D'ailleurs la CTE encourage par son programme

191 MONDAZAIN, Marie- José, Loc. Cit, p 12.

192 Ibid. p 10.

193 Ibid. p 13.

d'échanges de publics, la fréquentation des théâtres d'autres pays afin d'assister à une création originale.

Nous pensons également que le théâtre européen a véritablement besoin du soutien des médias pour présenter des documentaires et des dossiers sur les tendances théâtrales en Europe, sur les différents caractères de chacune, communs ou nationaux, du jeu de théâtre en Europe. Est-ce téméraire d'appeler de nos voeux la naissance de magazines présentant les oeuvres des grands dramaturges et des grands metteurs en scène européens, sans oublier le jeu des acteurs et l'appoint de tous ceux qui, en coulisses ou en amont de la représentation du spectacle, participent à la création théâtrale (décoristes, créateurs de costumes, etc...) ? Mais nous devons attirer l'attention du lecteur : le point le plus important dans ce type de média, serait d'y retrouver des confrontations d'artistes et de théoriciens des différents pays européens.

Ce type d'information nous familiariserait avec d'autres pratiques que les nôtres, avec d'autres formes de jeu, étrangères ou nouvelles et participeraient indéniablement à une ouverture d'esprit et à une tolérance par rapport aux autres. De plus, endossant un rôle de véritable médiateur, le journaliste encouragerait les spectateurs à aller assister, sans crainte, à une réalisation issue d'un autre pays européen.

Le nomadisme théâtral existe depuis bien longtemps, il jouit cependant aujourd'hui d'aides publiques qu'elles soient régionales, nationales ou européennes. 2008 sera une année consacrée au dialogue interculturel, par l'Union Européenne. Espérons que ce thème donnera naissance à de grands projets de théâtre européen et surtout, que la presse et les médias dans leur ensemble accordent plus de crédit aux possibilités intrinsèques du théâtre pour la connaissance et le rapprochement des peuples.

« Mettre théâtre et Europe ensemble, c'est reconnaître que se pose sur les deux scènes la figure moderne du rassemblement parce que, depuis sont origine, le théâtre est un art politique ».194

194 MONDAZAIN, M-J, Loc. Cit. p 7.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci