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Les fusions transfrontalières de sociétés: étude de droit communautaire et de droit comparé franco-allemand

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par Emmanuelle DEFIEZ
Université Paris 10 Nanterre - Master 2 bilingue des droits de l'Europe 2010
  

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1. La protection des salariés

ème

La proposition de 10 directive s'est heurtée principalement à l'obstacle de la

protection des salariés, c'est à dire au choix du régime de participation des travailleurs. En effet, l'Allemagne conna»t le régime de cogestion qui << confère aux salariés le droit de désigner des représentants siégeant avec voix délibérative dans les organes de direction ou de surveillance de la société concernée, ces représentants pouvant constituer jusqu'à la moitié des membres de l'organe de direction >>,69 et refuse de renoncer à ce régime très protecteur. La Commission européenne a fait plusieurs propositions, mais toutes se sont soldées par un échec, l'Allemagne refusant d'admettre comme équivalents les systèmes alternatifs proposés, et les autres Etats membres ne voulant adopter ce régime, comme le Royaume-Uni qui refuse d'intervenir dans les relations entre entreprises et salariés, relevant de la liberté des conventions.70 Par cette proposition de directive, l'Allemagne craignait que les fusions transfrontalières deviennent un moyen pour les entreprises d'écarter l'application du régime de cogestion. Il a fallu trouver une solution pour qu'un régime commun concernant les fusions transfrontalières puisse voir le jour.

Tout d'abord, il s'agissait de définir le terme de <<participation des salariés >>. Seule une définition uniforme pouvait permettre l'établissement des règles pour régir les situations transfrontalières. Cette notion a été décrite à l'article 2 k de la directive 2001/86/CE. Il s'agit de << l'influence qu'a l'organe représentant les salariés ou les représentants des salariés sur les affaires d'une société : en exercant leur droit d'élire ou de désigner certains membres de l'organe de surveillance ou d'administration de la société; ou en exercant leur droit de recommander la désignation d'une partie ou de l'ensemble des membres de l'organe de surveillance ou d'administration de la société ou de s'y opposer >>. Ce texte a été repris à l'article L2351-6 du Code du travail francais et à l'article 2 al. 7 de la loi allemande sur la participation des salariés dans les fusions transfrontalières.

Ensuite, la directive 2005/56/CE a posé à l'article 16 les règles régissant la participation des salariés dans les situations de fusions transfrontalières. Ces règles ont fait l'objet d'une transposition en Allemagne par la loi portant sur la cogestion des salariés dans le cadre d'une

69 M. Menjucq, Droit international et européen des sociétés, domat droit privé, Montchrestien, 2008, §316.

70 J. Boucourechliev, Les voies de l'Europe des Sociétés, JCP E 1996, 560.

fusion transfrontalière, adoptée le 21 décembre 2006, et en France par la loi n°2008-649 du 3 juillet 2008 et les décrets 2008-1116 et 2008-1117 du 31 octobre 2008 créant les articles L2371-1 et suivants, D2371-1 et suivants et R2372-5 et suivants du code du travail. Ces deux lois ont fait l'objet d'une réglementation séparée de la réglementation portant sur le droit des sociétés.

A la lecture de cet article 16 de la directive, il appara»t clairement que le législateur européen a tenu à respecter la diversité des régimes nationaux, en posant le principe selon lequel la société issue de la fusion, c'est-à-dire la société absorbante ou nouvellement constituée, est Ç soumise aux règles éventuelles relatives à la participation des travailleurs de l'Etat membre oü se situe son siège »71 (article 16 al. 1 de la directive 2005/56/CE). Ce principe est réaffirmé à l'article 4 de la loi allemande portant sur la participation des salariés dans les fusions transfrontalières, et par déduction à l'article L2371 -1 du Code du travail francais. Selon ce principe, l'implication des salariés n'a pas à être obligatoirement instituée dans la société issue de la fusion transfrontalière.72 Mais en droit francais comme en droit allemand, un tel régime existe, malgré des divergences profondes. De plus, ce régime de participation ne fait pas l'objet d'une application systématique. En effet, en France, bien que la participation des salariés soit reconnue, cette participation occupe une place, sinon marginale, du moins relative. Les seules sociétés dans lesquelles une participation des salariés est susceptible d'être exercée sont les sociétés du secteur public ainsi que celles qui relevaient de ce secteur mais qui ont été privatisées; les sociétés anonymes du secteur privé, mais seulement si elles ont introduit dans leur statut une clause - facultative - prévoyant que leur conseil d'administration comprend Ç outre les administrateurs (représentant les actionnaires), des administrateurs élus soit par le personnel de la société, soit par le personnel de la société et celui de ses filiales directes ou indirectes dont le siège social est fixé sur le territoire francais È ; et les sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé dont les salariés détiennent plus de 3% du capital, puisque un ou plusieurs représentants des salariés actionnaires doit être nommé comme membre du conseil d'administration ou de surveillance. De plus, le mécanisme selon lequel Ç dans les sociétés, deux membres du comité d'entreprise [...] assistent avec voix consultative à toutes les séances du conseil d'administration ou du conseil de surveillance È ne relève pas du régime de

71 M. Menjucq, Droit international et européen des sociétés, Domat droit privé, Montchrestien, 2008, § 330.

72 M. Menjucq, Des fusions transfrontalieres des sociétés de capitaux, Revue Lamy Droit des affaires, Mai 2006, Nr 5, p10.

participation salariés. 73

des Or contrairement au droit français, en Allemagne, tous les salariés

des sociétés de capitaux ont un droit de participation, à partir du moment oü la société de capitaux emploie plus de 500 salariés.

Comme toutes les sociétés, notamment françaises, ne sont pas soumises à un régime d'implication des salariés, et afin d'éviter qu'un régime de participation des salariés soit évincé par la réalisation d'une fusion transfrontalière, le législateur européen a prévu une exception au principe précédent. Ainsi il a posé à l'article 16 al 2 de la directive un nouveau principe, le principe <<avant-après È, instauré par la directive 2001/86/CE du conseil du 8 octobre 2001 complétant le statut de la société européenne pour ce qui concerne l'implication des travailleurs.74 Selon ce principe, <<lorsque les salariés ont bénéficié d'un régime de participation avant la fusion transfrontalière, ils doivent pouvoir continuer à en bénéficier après È.75 Ce principe ne peut alors être mis en Ïuvre que si au moins une des sociétés qui participent à la fusion emploie pendant la période de six mois précédent la publication du projet de fusion transfrontalière un nombre moyen de travailleurs supérieur à cinq cents et qu'elle est gérée selon un régime de participation des travailleurs au sens de l'article 2 point k) de la directive 2001/86/CE. La deuxième condition alternative, pour que le régime du droit de l'Etat membre où se situe le siège de la société issue de la fusion ne s'applique pas, suppose que la législation nationale applicable à cette société ne prévoit pas au moins le même niveau de participation que celui qui s'applique aux sociétés absorbées, ce niveau étant mesuré par la proportion des représentants des salariés dans les organes d'administration ou de surveillance ou dans le groupe de direction gérant les unités chargées d'atteindre les objectifs en termes de profit dans ces sociétés, à condition qu'il existe dans ce cas une représentation des salariés; la troisième condition alternative étant que le droit de cet Etat ne prévoit pas que les travailleurs des établissements de la société issue de la fusion transfrontalière situés dans d'autres Etats membres puissent exercer les mêmes droits de participation que ceux dont bénéficient les travailleurs employés dans l'Etat membre oü le siège statutaire de la société issue de la fusion transfrontalière est établi.

Ce principe <<avant-aprèsÈ est bien la preuve que la directive respecte les différences entre les Etats, en ce qu'elle n'impose pas un régime de protection uniforme au niveau

73 H. Le Nabasque, Les fusions transfrontalières après la loi n° 2008-649 du 3 juillet 2008, Revue des sociétés 2008 p. 493.

74 A-S. Cornette de Saint Cyr / O. Rault, Aspects juridiques et sociaux des opérations de fusions au sein de l'Union Européenne, JCP E 2008, 1477.

75 M. Menjucq, Droit international et européen des sociétés, Domat droit privé, Montchrestien, 2008, § 331.

européen. Au contraire, elle organise l'articulation des différents régimes entre eux. Elle cherche juste à assurer une protection sociale minimum pour les salariés, afin éviter tout << dumping social >>, en permettant aux salariés de pouvoir continuer à bénéficier de la législation de l'Etat dans lequel il travaille. En effet, suite à une fusion, les salariés continuent de travailler dans le méme établissement. Et le risque serait qu'il existe des inégalités sociales à l'intérieur méme d'un Etat membre. Pour l'Union européenne et l'évolution sociale, il est important que la protection des salariés soit tirée vers le haut.

Si le principe <<avant-après>> s'applique, des négociations d'une durée de six mois renouvelables seront ouvertes, parallèlement à la fusion, pour conclure un accord d'implication des salariés. Ce parallélisme des procédures est louable, car il ne rallonge pas la réalisation de la procédure dans le temps, opération déjà très complexe, mais la complexifie. << Ë défaut d'un tel accord, s'appliqueront les dispositions de référence citées en annexe de la

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directive n° 2001/86 sur l'implication des travailleurs dans la Société européenne >>.

Ce principe <<avant-après>> est applicable aussi bien en France qu'en Allemagne suite aux transpositions respectives. En France, l'article L2371-2 du Code du Travail fait une déduction a contrario de ce principe en prévoyant que <<la société issue de la fusion transfrontalière n'est pas tenue d'instituer des règles relatives à la participation des salariés si, à la date de son immatriculation, aucune société participant à la fusion n'est régie par ces règles >>.77 En Allemagne, l'article 5 de la loi sur la participation des salariés dans les fusions transfrontalières reprend textuellement le principe. Cette loi a pour objectif principal le maintien et la sécurité des droits de participation des travailleurs lors de telles opérations.78 De ce fait, le principe << avant-après >> appara»t fondamental et non plus comme une exception au principe selon lequel le droit de l'Etat membre de la société issue de la fusion est applicable. Ceci s'explique surtout par la comparaison des niveaux de participation des salariés dans chaque société, car l'Allemagne propose un régime particulièrement protecteur. Ainsi, elle propose un niveau de protection plus élevé qu'en droit francais. En effet, en Allemagne le nombre de représentants de salariés au sein du conseil de surveillance est très important et augmente en fonction du nombre de salariés. Par exemple selon l'article 7 de la loi de participation allemande, si la société emploie jusqu'à 10 000 salariés, les représentants

76 M. Luby, Impromptu sur la directive n° 2005/56 sur les fusions transfrontalieres des sociétés de capitaux, Droit des sociétés n° 6, Juin 2006, étude 11.

77 D. Lencou / M. Menjucq, Les fusions transfrontalieres de sociétés de capitaux: enfin une réalité mais des difficultés persistantes !, Dalloz 2009, p886.

78 N. Krause / M. Janko, Grenzüberschreitende Verschmelzungen und Arbeitnehmermitbestimmung, BB, Heft 41, 8. Oktober 2007, 2194.

de salariés sont au nombre de 6 minimum ; si elle emploie plus de 20 000 salariés, les représentants de salariés sont au nombre de 10 minimum.

Par conséquent, en pratique, lors d'une fusion transfrontalière, lorsque la société absorbée a son siège en France et que la société issue de la fusion a son siège en Allemagne, le principe <<avant-aprèsÈ ne s'appliquera pas, car en règle générale les sociétés francaises n'appliquent pas de régime de participation des salariés, ou si un régime de participation des salariés leur est applicable, celui-ci est moins favorable que celui prévu pour société allemande. De ce fait, le régime de participation allemand sera applicable. Dans les rares cas oü la société francaise a plus de 500 salariés et a un régime de participation tel que défini à l'article 2 al 7 de la loi allemande, une procédure de négociation est ouverte d'après l'article 5 al. 1 Nr 1 de ladite loi. Cependant de telles négociations sont -elles réellement obligatoires? La société allemande ne peut-elle pas tout simplement appliquer son régime de participation puisque celui-ci est de toute évidence plus favorable ? Une telle solution permettrait d'éviter une complexification de la procédure de fusion

Dans la situation inverse oü la société absorbée a son siège en Allemagne et la société issue de la fusion a son siège en France, comme les règles allemandes prévoient un niveau de protection plus important, le principe <<avant-aprèsÈ sera applicable et une procédure de négociation sera ouverte. La négociation aura lieu entre les dirigeants des sociétés participantes et les représentants des salariés. On peut soulever ici un problème: la négociation ne s'effectuera-t-elle qu'avec les représentants de la société allemande s'il n'y a pas de représentants dans la société francaise ? La négociation ne sera-t-elle pas faussée, puisque les salariés francais ne seront pas représentés ? La fusion ne pourra être effective que si un accord est conclu, ou à défaut d'accord que les dispositions de référence sont mises en Ïuvre. Les dirigeants mettront en place << les modalités de participation des salariés prévues à titre de dispositions de référence par le code du travail dans le chapitre III du titre sur la participation des salariés, imposant la mise en place d'un comité de la société issue de la fusion et de la participation È.79

Cependant, les dirigeants des sociétés participant à la fusion peuvent mettre en place unilatéralement et directement des dispositions dites <<de référenceÈ au sens de l'article L2371-3 al 2 du Code du travail francais, c'est à dire celles qui prévoient le <<meilleur niveauÈ de participation des salariés dans l'entité issue de la fusion. La même possibilité est retenue à l'article 23 al 1 Nr 1 de la loi allemande portant sur la participation des salariés dans

79 D. Lencou / M. Menjucq, Les fusions transfrontalières de sociétés de capitaux : enfin une réalité mais des difficultés persistantes !, Dalloz 2009, p886.

transfrontalières. 80

les fusions Cette disposition est importante car elle permet d'éviter toute

négociation,81 et ainsi de ne pas prolonger la procédure de réalisation de la fusion transfrontalière de 6 mois ou plus si aucun accord n'est conclu.

Il convient de souligner en dernier lieu qu'un nouvel article L236-32 a été introduit dans le Code du commerce francais. Selon celui-ci, lorsque la société issue de la fusion doit adopter un régime de participation des salariés, ce qui est le cas lorsque la société absorbée est une société allemande, elle doit <<adopter une forme juridique permettant l'exercice de cette participation >>. Par exemple, comme une société à responsabilité limitée francaise ne peut accueillir un régime de participation des salariés, elle devra faire l'objet d'une transformation82. Ceci compliquera la réalisation des fusions transfrontalières, lorsque la société issue de la fusion sera francaise et que la société absorbée sera allemande.

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon