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Politique, pauvreté et stabilité. le Sénégal peut-il basculer dans des violences sociales

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par Vivien MANEL
Institut français de géopolitique - Université Paris 8 - Master I géopolitique 2008
  

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D - 2 : Programme pour l'emploi des jeunes : l'office pour l'emploi des jeunes de la banlieue de Dakar (ofejban)

Dans un entretien accordé au journal LeQuotidien le 06 juillet 2009, le Directeur général de l'Ofejban, Boubacar Ba, a déclaré que dans le ((cadre de la politique de création massive d'emplois, l'Office pour l'emploi des jeunes de la banlieue de Dakar (Ofejban) a lancé un vaste programme de recensement des jeunes de la banlieue. Les jeunes, qui sont, soit demandeurs d'emplois, soit porteurs de projets ou à la recherche d'une formation sont invités à se présenter aux équipes de l'Ofejban. Après avoir donné des informations sur leur niveau d'études, leur filière, leur profession et l'emploi souhaité, ils vont être enregistrés dans une banque de données, qui va servir par la suite de tribune entre les demandeurs et les employeurs ». Il ajoute : ((Les jeunes ont besoin de travail. Nous leur

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lançons le message suivant : On vous ouvre les portes, soyez les bienvenus!»52.

L'objectif de ce programme pour les autorités est, à travers l'emploi des jeunes, d'extirper la pauvreté dans les quartiers périphériques de la capitale sénégalaise. Dakar, comme déjà évoqué, regroupe sur 550 Km2 plus du 1/4 de la population du Sénégal avec un effectif important de jeunes qui croît chaque année du fait de l'exode rural. Du coup, avec la crise économique et les nouvelles mesures pour réduire voire freiner les flux de l'immigration clandestine en partance des côtes dakaroises, ce programme pour l'insertion des jeunes semble répondre à une très forte demande.

Mais, même si les jeunes de la banlieue (Pikine) restent partagés entre espoir et scepticisme « Je suis venu comme ça m'inscrire car on ne sait jamais, mais a vrai dire, je ne suis pas trop confiant car l'Etat a l'habitude de faire des promesses qui ne sont jamais respectées »53, cette initiative induit, entre autre, une discrimination territoriale qui pourrait renforcer le sentiment d'exclusion des jeunes des régions rurales comme Tambacounda. En effet, si dans l'imaginaire commun, tout semble les opposer, dans la réalité de nombreuses similitudes apparaissent entre les jeunes de la banlieue dakaroise et ceux des autres régions du pays en particulier celles rurales. Exclusion géographique, réseaux de transport en commun moins développés, offres d'emploi moins nombreuses, éloignement des services publics..., les jeunes de ces deux types de territoires ont beaucoup de points communs dans leur quotidien. Qu'ils habitent à Tambacounda ou à Dakar, ils doivent faire face aux mémes difficultés liées à l'échec scolaire, ainsi que les problèmes de pauvreté extrême et de discrimination, et aux mêmes problèmes d'accès à l'emploi. La seule différence entre les jeunes de ces deux territoires c'est que les problèmes n'y sont pas ressentis de la méme façon. A Tambacounda, le territoire est plus vaste, aussi les problèmes existent de manière aussi importante, parfois plus, mais de façon beaucoup plus diffuse

52 - LeQuotidien du 06 juillet 2009

53 - un étudiant en management sous le couvert de l'anonymat cité par Safi Amadou Bâ dans SunuNews du 04 août 2009

et bien moins concentrée.

Dans le contexte où la crise économique mondiale exacerbe les conditions de vie des populations les plus vulnérables, lancer un programme qui n'aurait pour cible que les jeunes de la banlieue de Dakar pourrait engendrer de nombreux problèmes. D'une part, les jeunes des autres régions du Sénégal (Tambacounda, Ziguinchor...) pourraient, par le phénomène des migrations internes en particulier de l'exode rural, affluer massivement vers la banlieue dakaroise pour bénéficier des opportunités qu'offre ce nouveau programme. Ainsi, en plus de vider les campagnes, renforçant du coup leur pauvreté et leur dépendance par rapport à la capitale, cet exode participera à faire croître les densités déjà très fortes de la banlieue (Guédiawaye : 22 569 ht/km2). Ce mouvement de population renforcera aussi et surtout les problèmes de la banlieue déjà marquée par une précarité sociale très forte, une faiblesse des infrastructures (sanitaires, scolaires, culturelle etc.). Une banlieue où en plus des jeunes, l'essentiel de la population est au chômage, ce qui l'oblige ou plutôt explique le développement d'activités informelles souvent en marge de la légalité. Cette misère ambiante doublée d'une promiscuité très forte a favorisé le développement de la délinquance juvénile de plus en plus violente prenant la forme de vols à la tire souvent en bande, d'agressions parfois très sanglantes, de la prostitution clandestine et récemment de la création de comités de vigilance qui s'érige de fait en une police informelle pour essayer d'assurer la sécurité des populations locales et ainsi pallier l'absence de la police. Des comités de surveillance qui, si l'on n'y prend garde, pourraient très vite se muer en milices. Une situation lourde de nombreuses menaces et de dérives liées notamment à la paix sociale dans ces zones.

D'autre part, le lancement de ce programme pourrait être considéré par les jeunes des autres régions comme la concrétisation du manque de considération des autorités publiques face aux difficultés qu'ils rencontrent quotidiennement dans la recherche de l'amélioration de leurs conditions de vie. En effet, s'il reste vrai que les jeunes sont nombreux dans la banlieue dakaroise et pourraient l'être encore plus grace à la mise en oeuvre de ce

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programme, il n'en demeure pas moins que dans les autres régions du Sénégal, à Tambacounda singulièrement, les jeunes de 15 à 34 représentent 32,4 % de la population contre 15,8 % pour les 35 - 59 ans et seulement 4,4 % pour les 60 ans et plus54. Une situation démographique qui montre la nécessité pour les jeunes de s'insérer très vite dans le marché du travail pour pouvoir prendre en charge ou tout au moins aider leurs parents dans la lutte contre la pauvreté familiale. De plus si on considère que dans la région de Tambacounda, le secteur informel reste très peu développé et qu'en dehors de la Sodefitex qui appuie de petits producteurs de coton et de maïs et de la nouvelle société d'exploitation minière, il n'existe aucune autre unité industrielle ou agro- industrielle, l'on constate que les opportunités d'offres d'emploi y sont extrémement faibles. Une situation qui renforce le sentiment d'inégalité de traitement et d'exclusion selon le territoire.

Au total, ce que les autorités semblent avoir perdu de vue c'est que, comme le soutient Mamadou NDAO, les jeunes de la banlieue n'ont pas attendu le lancement de ce programme pour « travailler, produire de la richesse, et que ce qui leur manque le plus, ce sont des débouchés, des opportunités pour valoriser leurs exploitations avec des prix rémunérateurs »55. Ainsi, parler d'emploi pour la banlieue aujourd'hui, c'est accélérer la vague migratoire vers les zones ciblées et l'installation sauvage sur des sites non viabilisés, bref reproduire à l'identique un phénomène dont on cherche à juguler les méfaits après la survenance récurrente des inondations. Par ailleurs, si la banlieue cristallise tous les maux de la jeunesse, celle-ci n'en est pas moins nationale. Aussi proposer des solutions jugées par beaucoup d'observateurs comme non globale, résiduelles et surtout sectaires, est une approche qui peut être pernicieuse et plus insidieuse qu'elle ne paraît. Pour Mamadou NDAO la lointaine, moyenne et proche banlieue ne se limite pas seulement aux départements de Pikine, Guédiawaye et Rufisque. En fait la plupart des régions du Sénégal (Tambacounda, Matam, Kolda...) pourraient être assimilées à la banlieue de

54 : Source : Recensement Général de la Population et de l'Habitat du Sénégal, ANDS, 2002

55 - Mamadou Ndao dans : « Quand Wade se trompe de banlieue » dans LeQuotidien du 25 Novembre 2008

Dakar en termes faiblesses d'équipement et d'infrastructures sanitaires, scolaires, ou autres. A ce titre toute mesure qui concerne les populations des trois départements ci-dessus cités devrait aussi concerner ces régions car « tous les citoyens sénégalais sont admissibles aux emplois publics sans autres distinctions que celles de leurs vertus, de leurs talents »56 et de leurs compétences.

56 - Idem

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault