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L'enquête des juridictions pénales internationales.

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par José Tasoki Manzele
Paris 1 Panthéon-Sorbonne - Docteur en droit 2011
  

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Section II. Le fondement de la liberté d'appréciation du Procureur pendant l'enquête

La liberté d'appréciation et le pouvoir discrétionnaire du Procureur.- Il se dégage de dispositions emblématiques développées ci-dessus que les Procureurs internationaux disposent d'une large liberté d'appréciation qui est fondée sur le principe d'opportunité de poursuites. Il découle de cette liberté d'appréciation un véritable pouvoir discrétionnaire reconnu aux Procureurs internationaux. Néanmoins, il importe de préciser que l'étendue du pouvoir discrétionnaire des Procureurs internationaux varie selon que l'on se trouve devant les juridictions ad hoc ou devant la Cour pénale internationale.

Le pouvoir discrétionnaire des Procureurs des juridictions ad hoc est absolu.- Devant les juridictions ad hoc, le Procureur jouit d'un large pouvoir discrétionnaire quant à la question d'amorcer les enquêtes562(*). Par ailleurs et bien plus, les Procureurs des juridictions ad hoc disposent non seulement d'une large liberté d'appréciation dans l'ouverture des enquêtes, mais aussi et surtout ils disposent de la liberté d'entamer leurs enquêtes sur n'importe quel territoire563(*).

Le pouvoir discrétionnaire du Procureur de la Cour pénale est limité.- Cela n'est pas toujours le cas avec le Procureur de la Cour pénale internationale dont le pouvoir discrétionnaire est limité par l'institution de la Chambre préliminaire, dans ce sens que lorsque le Procureur est convaincu de l'existence d'une base raisonnable pour engager une enquête, il soumet à la Chambre préliminaire une requête d'autorisation d'ouvrir l'enquête. Le Procureur ne pourra commencer son enquête que si la Chambre préliminaire l'y autorise564(*). Aussi, la régulation des pouvoirs du Procureur par la Chambre préliminaire de la Cour pénale internationale en limite-t-elle les abus565(*).

Le contexte justificatif du pouvoir discrétionnaire.- Le pouvoir discrétionnaire des Procureurs internationaux s'inscrit du reste dans un cadre fonctionnel bien déterminé, compatible avec le Statut et le Règlement de procédure et de preuve. Ce cadre fonctionnel obéit aux buts et principes qui avaient milité à la création de ces juridictions : mettre fin aux crimes, prendre des mesures efficaces pour que les personnes qui en portent la responsabilité soient poursuivies en justice et contribuer à la restauration et au maintien de la paix566(*). Par ailleurs, le pouvoir discrétionnaire du Procureur, qui trouve plus loin sa justification dans l'idée d'indépendance de l'organe d'instruction et de poursuite567(*), implique par cela seul la nécessité d'avoir un Procureur qui agit en prenant la mesure de sa responsabilité dans l'accomplissement de tous les actes d'enquêtes568(*). Il est donc interdit au Procureur de recevoir ou solliciter des instructions de quelque gouvernement ou autre source que ce soit dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire569(*). Il est par ailleurs recommandé au Procureur d'agir de bonne foi570(*) et dans le but pour lequel ce pouvoir discrétionnaire lui a été conféré et non dans un but inavoué, sans rapport avec lui ou illégitime571(*). Le Procureur ne doit donc pas abuser de son pouvoir discrétionnaire572(*). Le juge pénal international a circonscrit le cadre du pouvoir discrétionnaire des Procureurs des juridictions internationales ad hoc en précisant que d'une manière générale le Procureur s'acquitte de sa mission dans le plein respect du droit, en respectant précisément les normes internationalement reconnues en matière de droits de l'homme573(*). Finalement, les buts et principes du Statut du tribunal international, l'indépendance du Procureur, la bonne foi dans l'action du Procureur, qui interdit l'abus du pouvoir d'appréciation et le respect des droits de l'homme se présentent comme des limitations intrinsèques au pouvoir discrétionnaire reconnu au Procureur des juridictions internationales ad hoc. A cela s'ajoute l'obligation imposée à ces Procureurs de concentrer leurs investigations sur les crimes les plus graves et sur les personnes qui portent la plus lourde responsabilité dans la commission des crimes574(*).

En ce qui concerne la Cour pénale internationale, le pouvoir discrétionnaire du Procureur se resserre dans l'expression « intérêt de la justice »575(*), qui suppose la prise en compte par le Procureur des considérations plus politiques que judiciaires dans l'évaluation des informations reçues576(*). Le Procureur devient juge de quelque chose, il évalue les chances de succès d'une poursuite577(*), en examinant tous les avantages que pourrait procurer une action judiciaire tant pour les protagonistes du drame pénal que pour la justice pénale elle-même578(*). L'intérêt de la justice devient la base du pouvoir discrétionnaire du Procureur de la Cour pénales internationale. Le Procureur peut refuser d'engager des poursuites lorsque l'intérêt de la justice le commande. Pour justifier l'existence de l'intérêt de la justice et conclure qu'il n'y a pas lieu d'engager des poursuites aux termes de l'article 53, § 1, (c) du Statut de Rome, le Procureur prend en considération des facteurs divers qui tournent autour de la gravité du crime, les intérêts des victimes, l'âge ou le handicap du suspect et son rôle dans le crime allégué. Ainsi, le recours au pouvoir discrétionnaire du Procureur se conjugue en terme d'exception au principe de la légalité de poursuites579(*). Aussi, dans la recherche des preuves du crime allégué, le Procureur doit-il privilégier les buts et principes du Statut de Rome, à savoir la prévention des crimes les plus graves qui touchent la communauté internationale en mettant fin à l'impunité580(*), sans perdre de vue que la bonne foi dans la gestion des enquêtes commande que le Procureur exerce judicieusement son pouvoir discrétionnaire. Pour ce faire, le Procureur se devra de se départir de toute politique partisane581(*). Dans le même contexte, il agit conformément aux normes internationales relatives aux droits de l'homme, en se fondant précisément sur les principes directeurs qui s'appliquent à la fonction du Procureur.

* 562 CASSESE Antonio, op. cit., p. 396.

* 563 CASSESE Antonio, op. cit., p. 397.

* 564 Art. 15, § 3-4, Statut de Rome ; CASSESE Antonio, op. cit., p. 396 ; GIULIANO Turone, «Powers and Duties of the Prosecutor», CASSESE Antonio, GAETA Paola & JONES John R.W.D.(eds.), op. cit., p. 1159; voir également dans ce sens KIRSCH Philippe, QC and ROBINSON Darryl, «Initiation of Proceedings by the Prosecutor», CASSESE Antonio, GAETA Paola & JONES John R.W.D.(eds.), op. cit., p. 657; NERLICH Volker, «ICC (Pre-Trial Proceedings», CASSESE Antonio (ed.), op. cit., p. 349; ZAPPALA Salvatore, « Prosecutorial Discretion », CASSESE Antonio (ed.), op. cit., p. 472; LEE Roy S., «States'Responses: Issues and Solutions», LEE Roy S. (ed.), States'Responses to Issues Arising from the ICC Statute: Constitutional, Sovereignty, Judicial Cooperation and Criminal Law, New York, Transnational Publishers, 2005, p. 15; WOHLFAHRT Stéphane, «Les poursuites», ASCENSIO Hervé, DECAUX Emmanuel et PELLET Alain (dir.), op.cit., p. 750, n° 8 ; LA ROSA Anne-Marie, op. cit., p. 47 ; CHIAVARO Mario (dir.), op. cit., p. 361 ; BERGSMO Morten & PEJIC Jelena, «Prosecutor», TRIFFTERER Otto (ed.), op. cit. p. 585; NTANDA NSEREKO Daniel D., «Prosecutorial Discretion before National Courts and International Tribunals», op. cit., pp. 138-139.

* 565 CASSESE Antonio, op. cit., p. 405.

* 566 Préambule des résolutions portant création des Tribunaux pénaux internationaux pour l'ex-Yougoslavie et pour le Rwanda.

* 567 Art. 16, § 2, Statut du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie.

* 568 T.P.I.Y., App., IT-96-21-A, le Procureur c/ DELALIC et csrts (camp de Celebici), Arrêt, 20 février 2001, § 604.

* 569 NTANDA NSEREKO Daniel D., «Prosecutorial Discretion before National Courts and International Tribunals», op. cit., p. 135; T.P.I.Y., App., IT-96-21-A, le Procureur c/ DELALIC et csrts (camp de Celebici), Arrêt, 20 février 2001, § 603.

* 570 JALLOW Hassan B., «Prosecutorial Discretion and International Criminal Justice», Journal of International Criminal Justice, Vol. 3, n° 1, 2005, p. 154.

* 571 T.P.I.Y., App., IT-96-21-A, le Procureur c/ DELALIC et csrts (camp de Celebici), Arrêt, 20 février 2001, § 606.

* 572 ZAPPALA Salvatore, « Prosecutorial Discretion », CASSESE Antonio (ed.), op. cit., p. 471.

* 573 T.P.I.Y., App., IT-96-21-A, le Procureur c/ DELALIC et csrts (camp de Celebici), Arrêt, 20 février 2001, § 605.

* 574 ZAPPALA Salvatore, « Prosecutorial Discretion », CASSESE Antonio (ed.), op. cit., p. 471; CASSESE Antonio, op. cit., p. 398; CÔTE Luc, «Reflections on the Excercise of Prosecutorial Discretion in International Criminal Law», Journal of International Criminal Justice, Vol. 3, n° 1, 2005, p. 186; SCHABAS William A., «Prosecutorial Discretion v. Judicial Activism at the International Criminal Court», Journal of International Criminal Justice, Vol. 6, n° 4, 2008, p. 734.

* 575 Voir supra, pp. 85-90 ; SCHABAS William A., « Prosecutorial Discretion v. Judicial Activism at the International Criminal Court », op. cit., p. 748-749.

* 576 BOURDON William et DUVERGER Emmanuelle, loc. cit.

* 577 DECLERCQ Raoul, op. cit., p. 791

* 578 ICC-OTP-20050416-99-Fr, Communiqué conjoint du Procureur et de la délégation de dirigeants des communautés LANGO, ACHOLI, ITESO et MADI du Nord de l'Ouganda, La Haye, 16 avril 2005. Il ressort de ce communiqué de presse que le Procureur de la cour pénale internationale avait déclaré son intention d'arrêter des poursuites si ces dernières ne servent pas les intérêts de la justice ou des victimes (POITEVIN Arnaud, « Cour pénale internationale : les enquêtes et la latitude du Procureur », Droits fondamentaux, n° 4, janvier-décembre, 2004, p. 98, www.droits-fondamentaux.org).

* 579 Bureau du Procureur, Policy paper on the interests of justice, 7 mai 2004: « (...) Firstly, that the exercise of the Prosecutor's discretion under Article 53(1)(c) and 53 (2)(c) is exceptional in its nature and that there is a presumption in favour of investigation or prosecution wherever the criteria established in Article 53(1) (a) and (b) or Article 53(2)(a) and (b) have been met (...) Taking into consideration the ordinary meaning of the terms in their context, as well as the object and purpose of the Rome Statute, it is clear that only in exceptional circumstances will the Prosecutor of the ICC conclude that an investigation or a prosecution may not serve the interests of justice».

* 580 Préambule, § 4 ; Bureau du Procureur, Policy paper on the interests of justice, 7 mai 2004 : « (...) Secondly, the criteria for its exercise will naturally be guided by the objects and purposes of the Statute - namely the prevention of serious crimes of concern to the international community through ending impunity (...)».

* 581 COTE Luc, op. cit., p. 4 : « Si la réalité du nombre de suspects et de crimes commis en matière de conflits internes ou internationaux exige une certaine sélection, l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire sur la scène internationale doit être suffisamment encadré et limité pour éviter toute apparence d'injustice et d'impartialité ».

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore