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L'enquête des juridictions pénales internationales.

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par José Tasoki Manzele
Paris 1 Panthéon-Sorbonne - Docteur en droit 2011
  

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Section III. Les manifestations du pouvoir discrétionnaire du Procureur

Il s'agit d'examiner les manifestations ou les spécificités du pouvoir discrétionnaire du Procureur international pendant l'enquête. Le Procureur dispose en effet d'une large liberté d'appréciation dans le choix des enquêtes ou des personnes à poursuivre. Dans cette première hypothèse, le Procureur dispose du droit de refuser d'enquêter. En toute liberté, le Procureur peut aussi décider de modifier, retirer ou rejeter l'acte fondant l'accusation d'une personne ou en ordonner la jonction avec un autre582(*). Le droit au retrait ou au rejet d'acte d'accusation et celui tendant à ordonner la jonction des actes d'accusation feront l'objet d'une étude minutieuse dans la deuxième partie de ce travail. Il s'ensuit que dans le cadre de cette section seule la première manifestation de la liberté d'appréciation du Procureur, c'est-à-dire le refus d'enquêter, sera abordée.

Paragraphe unique. Le refus par le Procureur d'enquêter ou de poursuivre

La décision du Procureur relève de son pouvoir discrétionnaire.- La première manifestation du pouvoir discrétionnaire ou d'appréciation du Procureur consiste en sa décision de ne pas ouvrir une enquête, alors qu'il est régulièrement saisi. L'article 53 du Statut de Rome dispose en effet que si, après évaluation des renseignements reçus, le Procureur conclut en l'inexistence d'une base raisonnable pour poursuivre, il en informe sans retard la Chambre préliminaire et la partie requérante qui a procédé au renvoi de la situation criminelle conformément aux articles 13 et 14 du Statut de Rome583(*). La décision du Procureur, contenant conclusions et motifs juridiquement fondés, est prise par écrit et notifiée en bonne et due forme aux parties intéressées584(*).

La portée relative et provisoire de la décision du Procureur.- La décision prise par le Procureur de ne pas ouvrir d'enquête ni d'engager des poursuites n'a qu'une portée relative et provisoire. Elle ne produit d'effet définitif sur la procédure que si la Chambre préliminaire la confirme585(*). En effet, à la demande de l'Etat qui a saisi la Cour conformément à l'article 14 du Statut de Rome ou du Conseil de sécurité des Nations Unies sur base de l'article 13 ou même d'office, la décision du Procureur est soumise à un contrôle de régularité par la Chambre préliminaire586(*). Cela implique que la décision du Procureur devient définitive dans l'hypothèse où aucune des parties habilitées à la contester n'exerce ce droit dans le délai légal que le Règlement de procédure et de preuve a fixé587(*). Il est par ailleurs important de préciser qu'en ce qui concerne les juridictions ad hoc, le Juge n'intervient pas à la phase d'ouverture d'enquête pour contrôler l'action du Procureur. La Chambre de première instance agit en effet sur l'action du Procureur lorsque ce dernier délivre contre la personne accusée un acte d'accusation. Cet exploit de justice, dont le contenu sera abondamment exploité dans la deuxième partie de ce travail, peut se livrer au jugement univoque du Procureur, en en assurant la métamorphose qui pourrait aller d'un simple retrait au rejet en passant par la jonction.

Conclusion.- Le Procureur de la Cour pénale internationale et ceux des juridictions pénales internationales ad hoc disposent d'une liberté d'appréciation dans la conduite des enquêtes. Cette liberté d'appréciation, encore que variée selon les cas, mais qui se manifeste de plusieurs façons, traduit en définitive l'immensité des pouvoirs dont dispose un Procureur international dans la conduite de ses enquêtes. Dans le cadre de ses enquêtes, le Procureur évalue en toute liberté les informations et éléments de preuve qu'il reçoit de toutes sources dignes de foi et qui se trouvent en sa possession ; il arrête aussi en toute liberté les méthodes et techniques qui lui permettent d'entreprendre son activité d'enquête. Le Procureur devient ainsi le maître d'oeuvre de l'enquête et l'organe le plus visible des juridictions pénales internationales. Cette thèse se traduit au travers de pouvoirs dont le Procureur dispose pour mener ses enquêtes. Cependant, à la suite de l'émergence d'autres acteurs tout aussi agissants que le Procureur, les pouvoirs de ce dernier organe ne vont pas sans limitations.

* 582 NTANDA NSEREKO Daniel D., « Prosecutorial Discretion before National Courts and International Tribunals », op. cit., p. 136.

* 583 Il s'agit soit des Etats ou du Conseil de sécurité des Nations Unies. Il est intéressant de remarquer que même les sources que le Procureur juge dignes de foi et qui lui fournissent des renseignements sont informées de sa décision de ne pas ouvrir d'enquête si les renseignements fournis ne constituent pas en eux-mêmes une base raisonnable (art. 15, § 6, Statut de Rome).

* 584 Règle 105, Règlement de procédure et de preuve de la Cour pénale internationale.

* 585 Art. 53, § 3 (b), Statut de Rome. La règle que pose cette disposition du Statut semble limiter l'intervention de la Chambre préliminaire à la seule hypothèse du refus d'enquêter ou de poursuivre justifié par les intérêts de la justice. Selon donc cette disposition, le refus du Procureur d'entamer les enquêtes ou d'engager des poursuites constitue une décision provisoire et relative qui ne produit d'effet qu'en cas de confirmation par la Chambre préliminaire. A notre avis, nous pensons que peu importe la raison de la décision négative du Procureur en matière d'enquête ou de poursuites, le Juge doit intervenir pour donner son aval. Le contraire risquerait d'insinuer que l'action publique internationale appartient au Procureur, qui la soumettrait à son bon vouloir.

* 586 Toute la procédure du contrôle de l'action du Procureur refusant d'ouvrir une enquête sera abordée dans la partie relative aux limites légales aux pouvoirs du Procureur. Voir infra, pp. 131 et s.

* 587 Le Conseil de sécurité et l'Etat Partie disposent d'un délai de 90 jours pour contester la décision du Procureur (règle 107, § 1, Règlement de procédure et de preuve) ; la Chambre préliminaire dispose, quant à elle, d'un délai de 180 jours pour exercer le même droit (règle 109, § 1, Règlement de procédure et de preuve).

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