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L'enquête des juridictions pénales internationales.

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par José Tasoki Manzele
Paris 1 Panthéon-Sorbonne - Docteur en droit 2011
  

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Titre II. L'émergence d'autres acteurs dans la procédure d'enquête ou la consécration des limites aux pouvoirs du Procureur

Ce titre se consacre aux limites légales aux pouvoirs d'enquête du Procureur. Il a pour vocation de démontrer, à partir des interactions des acteurs, la manière dont les pouvoirs sont régulés entre eux pendant l'enquête. L'objectif poursuivi est la recherche d'un équilibre des fonctions reconnues aux acteurs d'enquête. A ce niveau, le Juge retrouve toute sa visibilité, car c'est de lui que dépendent le contrôle et l'encadrement des pouvoirs du Procureur pendant l'enquête (chapitre 1er). A ces limitations juridictionnelles, l'on ajoutera celles des organes politiques -le Conseil de sécurité et les Etats- que nous qualifions justement de limitations politiques, même si par ailleurs elles comportent en leur sein des aspects juridiques (chapitre 2ème).

Chapitre I. Les limites juridictionnelles : contrôle et encadrement des pouvoirs du Procureur par le Juge

C'est très récemment que le Juge a fait son apparition dans la procédure d'enquête. A l'époque des tribunaux militaires internationaux, la mission de contrôler l'activité d'enquête et d'instruction du Procureur était confiée à la Commission d'instruction et de poursuite588(*), pour le Tribunal militaire international de Nuremberg, ou au Chef du Conseil, pour le Tribunal militaire international de Tokyo589(*). Il ressort de la mission de ces deux organes que le Procureur était contrôlé par ses pairs. Cette vision de chose a changé depuis l'avènement des juridictions ad hoc et surtout depuis l'entrée en vigueur du Statut de Rome portant institution de la Cour pénale internationale. Le Juge s'est en effet introduit dans la procédure d'enquête pour assurer l'encadrement des diligences du Procureur, limitant ainsi ses dérives éventuelles. De plus en plus actuellement, le Juge tend à occuper une place importante dans le déroulement de l'enquête menée par le Procureur. Loin de heurter l'identité originelle de l'enquête, cette vision en assure plutôt l'équilibre. En même temps, elle assure un déroulement sain de l'enquête dans le respect des droits et obligations des parties intéressées à cette procédure.

Nous nous permettons de préciser aussi que les deux premières sections du présent chapitre seront consacrées au seul contrôle que le Juge de la Cour pénale internationale exerce sur l'activité du Procureur. Nous avons exclu de ce champ le contrôle du Juge sur les Procureurs des juridictions ad hoc, lesquels disposent d'un pouvoir absolu en matière d'appréciation de l'opportunité de poursuivre ou non les personnes sur lesquelles pèsent les lourds soupçons de commission des crimes internationaux590(*). Le pouvoir absolu dont disposent ces Procureurs empêche donc le contrôle du Juge sur leurs activités quotidiennes. Mais, comme nous le verrons dans la troisème section, le pouvoir absolu des Procureurs des juridictions ad hoc est assorti d'une limite dans le cadre de la conférence de mise en état, procédure au cours ou à l'occasion de laquelle un juge de mise en état contrôle l'activité des Procureurs des juridictions ad hoc.

En ce qui concerne la Cour pénale internationale, l'office de la Chambre préliminaire consacre l'intervention du Juge dans l'accomplissement des devoirs du Procureur pendant l'enquête. Le contrôle du Procureur par le Juge est un mécanisme conçu dans le but d'assurer un tempérament et une limite aux pouvoirs d'un Procureur indépendant591(*). Il n'est pas sans rappeler l'idée de juridictionnalisation de la procédure d'enquête. En consacrant le contrôle juridictionnel de l'enquête, le Statut et le Règlement de procédure et de preuve de la Cour ont confié au Juge, dans le cadre d'une procédure contradictoire, le pouvoir de vérification du sérieux de l'activité du Procureur avant toute validation possible. Ce procédé de juridictionnalisation assure le filtrage de l'enquête du Procureur de manière à soumettre au juge de fond l'examen d'un acte d'accusation duquel est élaguée toute charge juridiquement non fondée ou purement politique. Le juge du siège est institué à cet effet en tant que juge du contrôle en ceci qu'il assure la régulation et la supervision du déroulement de la procédure d'enquête. Il autorise le Procureur à accomplir des actes de procédure, ou les accomplit par lui-même, et apprécie la solidité des charges que ce dernier retient pour renvoyer la personne accusée en jugement. Finalement, le juge du siège est érigé d'une part en un organe qui donne autorité judiciaire aux actes accomplis par le Procureur pendant l'enquête, et d'autre part en un rempart contre l'arbitraire ou les dérives éventuelles du Procureur592(*). Aussi, l'étude portant examen de l'intervention du juge sur l'activité du Procureur passe par les faits générateurs du contrôle juridictionnel (section I) et la procédure instaurée par les Statut et Règlement de procédure et de preuve en vue du contrôle juridictionnel du Procureur (section II). Nous ne manquerons pas à cette même occasion d'aborder l'examen de quelques formes particulières du contrôle juridictionnel du Procureur. Il s'agit précisément de l'audience de mise en état et de l'audience de confirmation des charges (section III).

Section I. Les faits générateurs du contrôle juridictionnel

Il s'agit d'examiner dans cette section les différentes hypothèses qui permettent ou ouvrent la voie au contrôle du Procureur par le Juge. Il est important de préciser que le contrôle du Juge intervient en aval de la saisine de la Cour pénale internationale et porte sur la légalité des mesures prises par le Procureur pendant l'enquête.

Paragraphe I. Le contrôle juridictionnel s'exerce sur toute initiative personnelle du Procureur tendant à l'ouverture d'une procédure d'enquête

Fondement de la décision.- L'article 15, § 1 du Statut de Rome donne compétence au Procureur d'ouvrir une enquête de sa propre initiative lorsque, au vu de renseignements recueillis et dont il a vérifié le sérieux, il est convaincu qu'un crime de la compétence de la Cour pénale internationale a été commis593(*). La décision du Procureur d'ouvrir une enquête de sa propre initiative se fonde sur l'existence d'une base raisonnable qui atteste d'une part qu'un crime de la compétence de la Cour serait commis, et d'autre part que l'action contre l'auteur de ce crime serait recevable devant la même Cour.

La portée relative et provisoire de la décision du Procureur.- Conformément à l'article 15, § 3 du Statut de Rome, la décision du Procureur d'ouvrir une enquête ne produit aucun effet tant qu'elle n'est pas validée ou ratifiée par le Juge594(*). Le Procureur est donc obligé de présenter à la Chambre préliminaire une demande d'autorisation, en prenant soin d'annexer à sa requête tout élément qui vient au soutènement de son argumentation. La Chambre préliminaire peut ne pas autoriser le Procureur d'ouvrir une enquête595(*). Raisonnablement, elle vérifie au préalable le bien fondé des renseignements que le Procureur a recueillis, en appréciant souverainement la valeur probante de toute charge retenue contre la personne suspecte. En cette occurrence, l'action du Juge consiste à encadrer les diligences du Procureur, à en fixer les limites. A cet égard, le Juge prend en considération le respect des garanties reconnues à toutes les personnes privées qui interviennent dans cette procédure.

* 588 Art. 14, Statut du Tribunal militaire international de Nuremberg annexé à l'Accord de Londres, 8 août 1945.

* 589 Art. 8, Charte du Tribunal militaire international pour l'Extrême-Orient, 19 janvier 1946.

* 590 Art. 18, §1, Statut du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie ; art. 17, §1, Statut du Tribunal pénal international pour le Rwanda.

* 591 Art. 42, §1, Statut de Rome.

* 592 LOUNICI David, « La procédure préliminaire mise en oeuvre par les Chambres préliminaires de la Cour pénale internationale », KOLB Robert (dir.), op. cit., p. 273 ; Rapport du Comité préparatoire pour la création d'une cour criminelle internationale, Assemblée générale, 51ème session, mars-avril et août 1996, Doc. A/51/22, Supplément n° 22, vol. I, § 228 : « (...) Il a été suggéré qu'une chambre soit créée pour contrôler les enquêtes du Procureur, pour leur donner une autorité judiciaire, pour statuer sur les demandes concernant la coopération des Etats, pour assurer l'égalité entre l'accusation et la défense et pour permettre au suspect de demander que certaines enquêtes soient effectuées (...) ».

* 593 LOUNICI David, « La procédure préliminaire mise en oeuvre par les Chambres préliminaires de la Cour pénale internationale », KOLB Robert (dir.), op. cit., p. 273.

 

* 594 QUATTROCOLO SERENA, « Le rôle du Procureur à la Cour pénale internationale : Quelques brèves réflexions », CHIAVARO Mario (dir.), op. cit., p. 368.

* 595 Art. 15, §§ 4-5, Statut de Rome.

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