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L'enquête des juridictions pénales internationales.

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par José Tasoki Manzele
Paris 1 Panthéon-Sorbonne - Docteur en droit 2011
  

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Titre I. Les actes accomplis en vue de la recherche des informations et éléments de preuve

Contrairement à ce que l'on pourrait penser, les actes judiciaires qui tendent à la récolte des informations et des éléments de preuves ne sont pas uniquement l'apanage du Procureur (Chapitre I). Le Procureur donne en effet l'apparence d'être l'unique organe chargé de la recherche des éléments de preuve. Cependant, dans le silence et l'intimité qui caractérisent la sérénité du déroulement de la procédure d'enquête, intervient un Juge auquel le Procureur recourt pour obtenir soit la validation de ses actes, soit l'autorisation en vue d'accomplir ceux-ci. Dans certaines autres hypothèses d'ailleurs, c'est le Juge qui, sentant l'inertie ou l'impasse dans l'activité du Procureur, oriente autrement ce dernier dans une perspective de constitution des données facilitant la mise en état d'un procès. Concrètement, le Juge agit et pose des actes judiciaires à ces fins, et la juridictionnalisation de la procédure d'enquête n'est plus un vain mot (Chapitre II).

Chapitre I. Les actes d'enquête accomplis par le Procureur

Lorsque le Procureur procède à toute opération judiciaire de sa charge, il la consigne dans un procès-verbal. Le procès-verbal participe donc du constat de presque tous les actes accomplis par le Procureur. Il peut s'agir de l'interrogatoire, la saisie, l'audition, la perquisition, le constat... D'autres actes pris par le Procureur consistent à investir un particulier d'une mission déterminée dans le cadre de l'enquête. C'est le cas de l'expert. Dans tous les cas, les actes posés par le Procureur doivent tendre à la recherche de la vérité sur le crime pour lequel il est saisi.

Section I. Le Procureur dresse les procès-verbaux

Nous examinerons d'une part la notion de procès-verbal (§1) et d'autre part les différentes catégories d'un procès-verbal qui correspondent aux différentes opérations d'enquête que le Procureur consigne dans son procès-verbal (§ 2).

Paragraphe I : Notions

A. Définition

Le procès-verbal suggère l'écriture.- Dès le début de son enquête, et pour en faciliter la conduite, le Procureur procède au repérage de toutes les situations qu'il rencontre. Il les consigne, pour raison de preuve, dans un procès-verbal. Le procès-verbal est défini comme un acte dans lequel un fonctionnaire qualifié relate les faits dont il a vérifié l'existence et dont la recherche entre dans ses attributions826(*). Paradoxalement, le procès-verbal suppose l'existence d'un écrit827(*). L'autorité judiciaire peut à cet effet recevoir plaintes ou dénonciations verbales, constater directement une infraction ou consigner le résultat des opérations effectuées dans le cadre de ses enquêtes. Toute opération effectuée pendant l'enquête doit en effet être documentée. Le procès-verbal suppose en outre l'existence d'une certaine solennité. Dans certains cas, l'autorité qui dresse l'acte d'un procès-verbal jure que ce dernier est sincère828(*).

L'évolution de la technologie tend à renforcer l'écriture du procès-verbal.- Depuis longtemps il a été admis en procédure pénale que toute déposition d'une personne entendue dans le cadre d'une enquête devrait être consignée dans un écrit, tout élément de preuve recueilli devrait faire l'objet de constat dans un écrit, toute opération exécutée par une autorité judiciaire devrait être signalée dans un écrit. Cette réalité n'a pas échappé au droit de la justice pénale internationale829(*). De plus en plus actuellement, le procès-verbal, sous sa forme écrite, tend à se renforcer et à se compléter grâce à la technologie moderne d'enregistrements sonores ou vidéo. L'article 39 du Règlement de procédure et de preuve des juridictions ad hoc habilite en effet le Procureur à convoquer et interroger les suspects, entendre les victimes et les témoins et à enregistrer leurs déclarations. L'interrogatoire fait dans ce cas est consigné, selon l'article 43 dudit Règlement, sous forme d'enregistrement sonore ou vidéo. Les juges n'hésitent plus, eux-mêmes, à recourir à la combinaison de ces deux procédés830(*). La conservation d'un enregistrement sonore ou vidéo, qui sert aussi de pièce à conviction utile d'une valeur probante que le juge lui reconnaît831(*), est assurée par le transfert des données recueillies sur des supports DVD. Généralement, la transcription de ces DVD est téléchargée, après finalisation, vers le système électronique de gestion des dossiers judiciaires. Ce nouveau mode de consignation et transcription des éléments recueillis pendant l'enquête tend à objectiver davantage le procès-verbal et rend efficace et permanente la conservation des données, tout en en facilitant la consultation virtuelle.

B. Les mentions essentielles d'un procès-verbal

La valeur d'un procès-verbal dépend en grande partie de l'observance stricte des mentions que la loi exige pour son établissement. La règle 111 du Règlement de procédure et de preuve de la Cour pénale internationale énumère les mentions essentielles d'un procès-verbal d'interrogatoire dressé dans le cadre de l'enquête du Procureur. Ces mentions sont les suivantes : l'identité et la signature de la personne qui établit et conduit l'interrogatoire ; l'identité et la signature de la personne soumise à l'interrogatoire ; l'identité et la signature du conseil de la personne interrogée, si ce conseil est présent ; l'identité et la signature du Procureur ou du juge présent ; la date, l'heure et le lieu de l'interrogatoire et la mention de toutes les autres personnes présentes pendant l'interrogatoire.  Le procès-verbal signale en outre si les personnes interrogées pendant l'enquête ont refusé de signer le procès-verbal, les raisons en sont également consignées.

Il faut bien admettre que les mentions exigées par la règle 111 du Règlement de procédure et de preuve de la Cour s'appliquent mutatis mutandis aux autres catégories de procès-verbal. Le Procureur est à cet effet obligé d'en préciser les circonstances et tous autres événements qui interviennent pendant l'établissement du procès-verbal. Ces circonstances et événements sont de nature à permettre au juge saisi au fond d'apprécier en toute objectivité l'environnement matériel et psychologique dans lequel s'est déroulée l'opération. Dans pareille circonstance, l'enregistrement audiovisuel est d'une grande utilité en ce qui concerne la valeur probante qu'il conviendrait de reconnaître à un procès-verbal832(*).

C. La force probante d'un procès-verbal

Moyen de preuve et loyauté dans l'administration de la preuve.- Le problème qu'il conviendrait de relever à ce niveau est celui de savoir si un procès-verbal établi pendant l'enquête par le Procureur -ou quelqu'un de sien- lie le juge de fond. En d'autres termes, quelle est la valeur que le juge accorde à un procès-verbal en vue de son admissibilité comme élément de preuve pertinent d'un crime international. Sans s'y méprendre, derrière cette question se trouve en filigrane une autre tout aussi capitale : la loyauté dans l'administration de la preuve. Il est en effet admis en droit judiciaire un principe selon lequel la preuve doit être recueillie et administrée en justice de manière loyale833(*), c'est-à-dire que le juge ne peut déclarer recevable un élément de preuve obtenu par des moyens qui entament fortement sa fiabilité ; il ne peut en aucune façon déclarer un élément de preuve recevable si son admission, allant à l'encontre d'une bonne administration de la justice, lui porterait gravement atteinte834(*). Ainsi, le juge pourra exclure tout élément de preuve dont la valeur probante est largement inférieure à l'exigence d'un procès équitable835(*), c'est-à-dire un élément de preuve qui nuit à l'équité du procès ou à une évaluation équitable de la déposition d'un témoin836(*). Car, il est un fait que la vérité est une belle chose qui ne peut pas être saisie par des mains sales.

Loyauté ou crédibilité de la preuve ?- Loin de demeurer une question de pure théorie, la question de la loyauté dans l'administration de la preuve se rencontre dans les différents débats judiciaires qui se déroulent devant le juge pénal international. Par exemple, dans l'affaire opposant les parties devant la Cour pénale internationale, l'accusé Thomas LUBANGA DYILO avait soutenu que le Procureur avait utilisé des éléments de preuve obtenus en violation des règles de procédure congolaises et des droits de l'homme internationalement reconnues, au motif tiré de ce que des perquisitions et saisies furent pratiquées dans une maison d'habitation en l'absence de son occupant et que par ailleurs le juge interne les avait déclarées illégales837(*). La Chambre préliminaire a estimé et fait observer qu'elle n'est pas liée par des décisions rendues par des juridictions internes en matière d'administration de la preuve838(*) et que selon les règles en vigueur et la jurisprudence elle ne peut exclure un élément de preuve uniquement qu'en cas de violation très grave qui compromet la crédibilité de cette preuve, l'accent devant être mis sur l'équilibre à atteindre entre la gravité de la violation et l'équité du procès dans son ensemble839(*). En effet, un élément de preuve est crédible lorsqu'il n'enfreint aucun des droits fondamentaux de la personne mise en cause ; il doit concerner le sujet du débat et être obtenu dans des circonstances qui ne portent pas atteinte à sa nature ou à son caractère. Ces conditions sont remplies si l'obtention de l'élément de preuve se conforme au Statut et au règlement de procédure et de preuve, par des méthodes qui ne s'opposent pas et ne portent pas gravement préjudice à l'intégrité de la procédure840(*). L'on voit ainsi que la justice pénale internationale a tempéré la rigueur de la loyauté de la preuve, telle que développée en droit interne841(*), par un autre concept beaucoup plus souple : la crédibilité des éléments de preuve. L'intégrité de la procédure doit être gravement préjudiciée pour en arriver à écarter ou exclure un élément de preuve842(*).

Toujours est-il qu'en définitive la force probante d'un procès-verbal en tant qu'élément de preuve est évaluée librement par le juge de fond, qui en détermine la pertinence ou l'admissibilité843(*). Il suffit d'en être convaincu, au-delà de tout doute raisonnable844(*). A vrai dire, il s'agit d'une question de fait soumise à la souveraine appréciation du Juge845(*). Ce dernier a « le pouvoir discrétionnaire de rechercher un juste équilibre entre les valeurs fondamentales du Statut dans chaque cas d'espèce »846(*). Encore faut-il que sa décision soit motivée, en fait comme en droit847(*). Cependant, le Juge peut considérer les faits allégués comme établis lorsque le Procureur et la défense qui les invoquent conviennent de ne pas les contester848(*). Dans ce cas, le Juge, qui n'exigera plus la preuve de ces faits désormais devenus de notoriété publique, s'en trouve lié et en dresse constat judiciaire849(*). Par ailleurs, il faut admettre que la force probante d'un procès-verbal dressé par le Procureur pendant l'enquête se renforce davantage dans l'hypothèse d'une constatation matérielle résultant d'une visite sur les lieux du crime et transcrite au moyen d'un enregistrement audiovisuel. Ce qui, en l'espèce, ne laisserait planer aucun doute sur la commission des faits allégués850(*).

* 826 BOSLY Henri et VANDERMEERSCH Damien, op. cit., p. 281 ; CONTE Philippe et Du CHAMBON Patrick Maistre, Procédure pénale, Paris, 3ème éd., Armand Colin, 2001, p. 33 ; BOULOC Bernard, Procédure pénale, Paris, 22ème éd., Dalloz, 2010, p. 381 ; BRAAS A., Précis d'instruction criminelle ou procédure pénale, Bxl., Bruylant, 1932, p. 160. Ce dernier auteur précise qu'un procès-verbal est un acte relatant une infraction dont un magistrat ou agent compétent a été témoin, ou qui est parvenu à sa connaissance, ainsi que les recherches effectuées au sujet de ladite infraction.

* 827 A l'origine, la dénomination de procès-verbal provient de ce que les agents inférieurs chargés de relever les délits étaient fréquemment illettrés, et devaient se borner à faire un rapport verbal au magistrat de police qui en rédigeait acte (BRAAS A., loc. cit. ; FRANCHIMONT Michel et alliis, Manuel de procédure pénale, Liège, Collection scientifique de la Faculté de Droit de Liège, 1989, p. 246).

* 828 Art. 2, al. 4, code de procédure pénale congolais (décret du 6 août 1959, B.O., 1959, p. 1934).

* 829 Art. 56, §2, Statut de Rome ; règle 111, Règlement de procédure et de preuve de la Cour pénale internationale.

* 830 T.P.I.Y., 1ère Inst, IT-95-16, Le Procureur c/Zoran KUPRESKIC et csrts, Ordonnance confidentielle relative au transport sur les lieux et documents en annexe, 13 octobre 1998, Annexe 3, code de conduite à respecter lors du transport sur les lieux, n° 4.

* 831 T.P.I.Y., 1ère Inst., IT-95-11-T, Le Procureur c/ Milan MARTIC, Décision relative au versement au dossier de l'enregistrement d'une visite sur les lieux, 28 novembre 2006, p. 3.

* 832 T.P.I.Y., 1ère Inst., IT-95-11-T, Le Procureur c/ Milan MARTIC, Décision relative au versement au dossier de l'enregistrement d'une visite sur les lieux, 28 novembre 2006, p. 2.

* 833 BOULOC Bernard, op. cit., n° 115 ; GUINCHARD Serge et BUISSON Jacques, Procédure pénale, Paris, 4ème éd. Litec, 2008, n° 549 ; SPENCER John Rason, La procédure pénale anglaise, Paris, PUF, 1998, p. 31 : « (...) Les tribunaux sanctionnent parfois les comportements illégaux et déloyaux de la police dans la recherche des preuves en rejetant les preuves ainsi obtenues. L'article 76 du Police and Criminal Evidence Act (PACE) de 1984 oblige le tribunal à le faire pour tout aveu obtenu par l'oppression. L'article 78, en outre, accorde au tribunal le pouvoir discrétionnaire de rejeter toute preuve apportée par l'accusation s'il considère que l'admission de la preuve rendrait le procès inéquitable (...) ».

* 834 Art. 95, Règlement de procédure et de preuve des juridictions ad hoc.

* 835 Art. 89 (D), Règlement de procédure et de preuve des juridictions ad hoc.

* 836 Art. 69, § 4, Statut de la Cour pénale internationale.

* 837 C.P.I., Ch. prél. I, ICC-01/04-01/06, le Procureur c/ Thomas LUBANGA DYILO, Décision sur la confirmation des charges, 29 janvier 2007, § 62.

* 838 C.P.I., Ch. prél. I, ICC-01/04-01/06, le Procureur c/ Thomas LUBANGA DYILO, Décision sur la confirmation des charges, 29 janvier 2007, § 69 ; art. 69-8, Statut de la Cour pénale internationale.

* 839 C.P.I., Ch. prél. I, ICC-01/04-01/06, le Procureur c/ Thomas LUBANGA DYILO, Décision sur la confirmation des charges, 29 janvier 2007, § 87 et 89.

* 840 T.P.I.Y., 1ère Inst. II, IT-96-21, le Procureur c/Zdravko MUCIC, Décision relative à l'exception préjudicielle, 2 septembre 1997, § 41.

* 841 CATALDI Giuseppe et DELLA MORTE Gabriele, « La preuve devant les juridictions pénales internationales », RUIZ FABRI Hélène et SOREL Jean-Marc (dir.), op. cit., p. 212.

* 842 Art. 69, §7, Statut de Rome ; ALLEGREZZA Silvia, Les règles d'exclusion de la preuve testimoniale devant la Cour pénale internationale et dans la jurisprudence des tribunaux pénaux internationaux : un aperçu critique, FRONZA Emanuela et MANACORDA Stefano (dir.), La justice pénale internationale dans les décisions des tribunaux ad hoc, Milan, GIUFFRE EDITORE, 2003, p. 243.

* 843 CASSESE Antonio, Lineamenti di diritto internazionale penale, Vol. II, Diritto processuale, Bologna, il Mulino, 2006, pp. 132-136 ; CATALDI Giuseppe et DELLA MORTE Gabriele, « La preuve devant les juridictions pénales internationales », RUIZ FABRI Hélène et SOREL Jean-Marc (dir.), op. cit., p. 211 ; La ROSA Anne-Marie, op. cit., p. 352 ; règle 63, §2, Règlement de procédure et de preuve de la Cour pénale internationale ; art. 75, code de procédure pénale congolais (sauf pour les procès-verbaux auxquels la loi accorde une valeur probante particulière, le juge apprécie celle qu'il convient de leur attribuer).

* 844 Art. 66, §3, Statut de Rome ; art. 87 (A), Règlement de procédure et de preuve des juridictions ad hoc.

* 845 Art. 89 (C), Règlement de procédure et de preuve des juridictions ad hoc ; art. 69, §4, Statut de Rome ; CATALDI Giuseppe et DELLA MORTE Gabriele, « La preuve devant les juridictions pénales internationales », RUIZ FABRI Hélène et SOREL Jean-Marc (dir.), op. cit., 212.

* 846 C.P.I., Ch. prél. I, ICC-01/04-01/06, le Procureur c/ Thomas LUBANGA DYILO, Décision sur la confirmation des charges, 29 janvier 2007, § 84.

* 847 Règle 64, § 2, Règlement de procédure et de preuve de la Cour pénale internationale.

* 848 Règle 69, Règlement de procédure et de preuve de la Cour pénale internationale.

* 849 Art. 69, § 6, Statut de la Cour pénale internationale ; art. 94 (A), Règlement de procédure et de preuve des juridictions ad hoc.

* 850 T.P.I.Y., 1ère Inst., IT-95-11-T, Le Procureur c/ Milan MARTIC, Décision relative au versement au dossier de l'enregistrement d'une visite sur les lieux, 28 novembre 2006.

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