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L'enquête des juridictions pénales internationales.

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par José Tasoki Manzele
Paris 1 Panthéon-Sorbonne - Docteur en droit 2011
  

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Section II. Les méthodes et techniques dans la conduite de l'enquête

La justice pénale internationale reconnaît au Procureur la responsabilité de l'instruction des dossiers judiciaires. Le Procureur dispose du pouvoir d'agir en toute indépendance dans la conduite de ses enquêtes409(*), dont il examine la faisabilité dans chaque cas d'espèce. Cette indépendance d'action permet au Procureur de prendre des mesures propres destinées à assurer l'efficacité de ses enquêtes410(*), en déterminant pour ce faire, personnellement et suivant son intime conviction, les techniques et méthodes à employer dans la recherche et la découverte de la vérité des faits criminels.

La recherche de la preuve des crimes internationaux a permis au Procureur de recourir à des techniques et méthodes tout à fait particulières, liées précisément à l'envergure des enquêtes411(*) et aux obstacles412(*) auxquels il fait face dans la conduite de ses enquêtes. En parcourant les rapports d'activités des Procureurs internationaux (des juridictions ad hoc et de la Cour pénale internationale), les décisions, ordonnances, jugements et arrêts des juridictions ad hoc et de la Cour pénale internationale, nous en sommes arrivé à classifier les méthodes dont les Procureurs internationaux ont fait usage dans le cadre de leurs différentes enquêtes. Nous en avons relevées quatre. La méthode d'enquêtes directes ou les enquêtes de perception réelle des preuves, la méthode de sélection des crimes et des criminels, la méthode de télé enquêtes ou l'externalisation des enquêtes et la méthode d'enquêtes séquentielles ou la césure des enquêtes.

Paragraphe I. La méthode d'enquêtes directes ou les enquêtes de perception réelle des preuves

A la Cour pénale internationale.- Il ressort de l'article 54, §1 du Statut de Rome que le Procureur de la Cour pénale internationale étend l'enquête à tous les faits et éléments de preuve utiles à la détermination de la responsabilité pénale de la personne accusée. Ce faisant, le Procureur est dans l'obligation d'enquêter sur tous les éléments du crime, à charge tout comme à décharge413(*). La même disposition de l'article 54 du Statut de Rome ajoute que le Procureur prend des mesures propres à assurer l'efficacité des enquêtes et poursuites qui visent les crimes de la compétence de la Cour pénale internationale. Le Statut de Rome rajoute que le Procureur peut recueillir et examiner les éléments de preuve qui sont en sa possession. A cet effet, il peut convoquer et interroger toutes les personnes qui font l'objet d'une enquête, les victimes et les témoins414(*). Pour atteindre son objectif, le Procureur de la Cour pénale internationale peut enquêter sur le territoire d'un Etat, ou même chercher la coopération de ce dernier ou celle des organisations intergouvernementales415(*).

Au sein des juridictions ad hoc.- De même, les Statuts des juridictions pénales internationales ad hoc, quoiqu'un peu laconiques à ce propos, abondent dans le même sens que le Statut de Rome. En effet, les articles 18, §2, pour le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, et 17, §2, pour le Tribunal pénal international pour le Rwanda, habilitent les Procureurs de ces juridictions à interroger les suspects, les victimes et les témoins, à réunir des preuves et à procéder sur place à des mesures d'instruction. A cet égard, contrairement à la Cour pénale internationale, les Statuts des juridictions ad hoc n'obligent pas les Procureurs d'enquêter à charge et décharge. Néanmoins, face à une évidence qui plaide en faveur d'une personne accusée, les Procureurs des juridictions ad hoc ne s'obstineront point416(*). Ils agiront comme le Procureur de la Cour pénale internationale. Il existe en effet à la base une ressemblance entre l'article 67, §2 du Statut de Rome et l'article 68 (i) du Règlement de procédure et de preuve des juridictions ad hoc. Ces deux dispositions prescrivent à charge du Procureur l'obligation de communiquer aussitôt que possible à la défense tous les éléments dont il sait effectivement qu'ils sont de nature à disculper en tout ou en partie l'accusé ou à porter atteinte aux éléments de preuve de l'accusation. La ressemblance de ces deux dispositions suggérerait plutôt aux Procureurs des juridictions ad hoc d'enquêter à charge et à décharge, comme le fait le Procureur de la Cour pénale internationale.

Par ailleurs et comme le Procureur de la Cour pénale internationale, les Procureurs des juridictions ad hoc peuvent, selon que de besoin, solliciter le concours des autorités de l'Etat sur le territoire duquel ils envisagent entamer leurs enquêtes. Les articles 18, § 2, pour le tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, et 17, § 2, pour le Tribunal pénal international pour le Rwanda, indiquent que le Procureur peut solliciter le concours de l'Etat sur le territoire duquel il entend mener ses enquêtes. Ces deux dispositions légales sont confortées par l'article 39 (i) du Règlement de procédure et de preuve des juridictions ad hoc, lequel indique que le Procureur est habilité à convoquer et interroger les suspects, entendre les victimes et les témoins, enregistrer leurs déclarations, recueillir tous les éléments de preuve et enquêter sur les lieux.

La perception réelle des preuves à l'occasion d'une perquisition.- A cet égard et conformément aux pouvoirs reconnus aux Procureurs internationaux par les Statuts et Règlements de procédure et de preuve, les enquêtes de perception réelle des preuves sont celles qui s'inscrivent dans le cadre d'une perquisition et permettent la constatation matérielle des preuves d'un crime417(*). Le Procureur procède aux constatations matérielles au moyen de la descente sur le lieu du crime. Il dresse un procès-verbal de constat de toutes les opérations accomplies à l'occasion de cette procédure d'enquête418(*).

Avantage de la méthode.- La méthode d'enquêtes directes présente pour le Procureur l'avantage d'explorer les scènes des crimes419(*) -qu'il a repérées à l'avance- en vue de la recherche et de la réunion des éléments de preuve. L'exploration des scènes des crimes facilite l'accès aux charniers et donne au Procureur la possibilité d'intégrer directement les pièces à conviction fournies par les exhumations des cadavres420(*). L'objectif du Procureur serait de soumettre les cadavres ainsi découverts aux analyses médico-légales de manière à corroborer les récits des témoins, prélever des éléments de preuve qui se rapportent au soutènement des chefs d'accusation, établir des dossiers circonstanciés sur les lésions physiques et déterminer la cause et la date des décès421(*). Les mêmes analyses médico-légales aident aussi le Procureur à identifier les victimes et à déterminer leur profil démographique422(*), ou même à rassembler les images photographiques desdites victimes423(*). En outre, la méthode d'enquêtes directes facilite aussi, à l'occasion d'une perquisition, la découverte des documents susceptibles d'étayer l'accusation du Procureur, qui en ordonne par ailleurs la saisie. Le Procureur tire également un autre profit dans cette méthode de recherche. C'est que, à l'occasion d'une perquisition, le Procureur peut soumettre à un interrogatoire ou à une audition toute personne trouvée sur le lieu de perquisition. Dans tous les cas, toutes ces opérations font l'objet d'un constat et sont consignées dans un procès-verbal424(*).

* 409 Art. 41, Statut de Rome ; art. 16, Statut du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie ; art. 15, Statut du Tribunal pénal international pour le Rwanda.

* 410 Art. 54, § 1 b), Statut de Rome ; CRYER Robert et al., op. cit., p. 367.

* 411 GOLDSTONE Richard, « Le tribunal de tragédie », Politique Internationale, Paris, n° 67, Printemps 1995, p. 291 : « (...) Nous sommes en présence ici des enquêtes criminelles les plus importantes jamais engagées dans l'histoire : le nombre de suspects potentiels est considérable, les témoins se comptent par dizaines de milliers et les victimes par millions (...) ».

* 412 Il s'agit le plus souvent de difficulté d'accessibilité aux lieux du crime.

* 413 CRYER Robert et al., op. cit., p. 367 ; TURONE Giuliano, «Powers and Duties of the Prosecutor», CASSESE Antonio, GAETA Paola & JONES John R.W.D. (eds.), op. cit., p. 1164; Art. 54, § 1 (a) et 67, § 2, Statut de Rome.

* 414 TURONE Giuliano, «Powers and Duties of the Prosecutor», CASSESE Antonio, GAETA Paola & JONES John R.W.D. (eds.), op. cit., p. 1166.

* 415 Art. 54, §3, Statut de Rome; TURONE Giuliano, «Powers and Duties of the Prosecutor», CASSESE Antonio, GAETA Paola & JONES John R.W.D. (eds.), op. cit., p. 1167-1169.

* 416 CRYER Robert et al., op. cit., p. 367: « (...) If such evidence emerges anyway during the investigation must it be considered and disclosed (...)» ; voir aussi TURONE Giuliano «Powers and Duties of the Prosecutor», CASSESE Antonio, GAETA Paola & JONES John R.W.D. (eds), op. cit., p. 1165

* 417 La perquisition se définit comme étant une mesure coercitive par laquelle une autorité judiciaire compétente -généralement le magistrat- pénètre dans un endroit bénéficiant de la protection liée à l'inviolabilité du domicile en vue d'y rechercher des preuves et d'y saisir des pièces à conviction d'un crime ou d'un délit (BOSLY Henri et VANDERMEERSCH Damien, loc. cit.). Strictement réglementée, la recherche judiciaire des éléments de preuve d'une infraction peut être réalisée au domicile de toute personne ou en tout autre lieu où pourraient se trouver des objets, documents ou données informatiques, dont la découverte serait utile à la manifestation de la vérité (GUINCHARD Serge et DEBARD Thierry (dir.), op. cit., p. 596). Ainsi, toute perquisition implique la recherche, à l'intérieur d'un lieu normalement clos, notamment au domicile d'un particulier, d'indices permettant d'établir l'existence d'une infraction ou d'en déterminer l'auteur (MERLE Roger et VITU André, Traité de droit criminel, TII, procédure pénale, Paris, Cujas, 1989, p. 198).

* 418 Voir infra, pp. 207-208.

* 419 Il s'agit de lieux d'exécutions sommaires, charniers, tombes ou puits au profond desquels sont jetés des corps.

* 420 CRYER Robert et al., op. cit., p. 367 ; HARMON Mark B. & GAYNOR Fergal, « Prosecuting Massive Crimes with Primitive Tools : Three difficulties Encoutered by Prosecutors in International Criminal Proceedings », Journal of International Criminal Justice, vol. 2, n° 2, 2004, p. 406.

* 421 T.P.I.Y., 3ème rapport du T.P.I.Y. à l'attention de l'Assemblée générale et du Conseil de sécurité des Nations Unies, A/51/292, S/1996/665, 16 août 1996, § 79.

* 422 T.P.I.Y., 4ème rapport du T.P.I.Y. à l'attention de l'Assemblée générale et du Conseil de sécurité des Nations Unies, A/52/375, S/1997/729, 18 septembre 1997, § 67 : « (...) Tous les corps exhumés des charniers ont été autopsiés par une équipe de médecins légistes afin de déterminer les circonstances et la cause du décès ainsi que le profil démographique des victimes. Des éléments de preuve relatifs à leur identité ont dans certains cas été également recueillis (...) ».

* 423 T.P.I.Y., 6ème rapport du T.P.I.Y. à l'attention de l'Assemblée générale et du Conseil de sécurité des Nations Unies, A/54/187, S/1999/846, 25 août 1999, § 129.

* 424 Voir infra, pp. 207-208.

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