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L'enquête des juridictions pénales internationales.

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par José Tasoki Manzele
Paris 1 Panthéon-Sorbonne - Docteur en droit 2011
  

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Paragraphe II. La méthode de sélection des crimes et des criminels

Les moyens financiers et humains justifient la rationalité de la méthode.- Tout aussi importante est la méthode de sélection des crimes et des criminels425(*). Au regard de conditions exigées pour l'ouverture des enquêtes, la sélection des cas précis est une politique pénale pragmatique et réaliste qui permet d'assurer la rationalisation de la procédure d'enquête. Le Tribunal pénal international pour l'ex Yougoslavie n'a pas manqué de traduire dans le concret la disposition de l'article 18, § 1 de son Statut qui reconnaît au Procureur le pouvoir de se prononcer sur l'opportunité ou non d'engager des poursuites. Le tribunal précise que « (...) [l'] entité chargée des poursuites dispose de ressources financières et humaines limitées et il serait irréaliste d'attendre d'elle qu'elle poursuive tous les criminels qui sont de son ressort. Elle doit nécessairement décider des crimes et des criminels qu'elle entend poursuivre (...) »426(*).

La gravité des crimes justifie aussi la rationalité de la méthode.- Il semble que l'insuffisance de moyens financiers et humains ne soit pas l'unique motif de sélection des crimes, car, en effet, il y aurait d'autres facteurs, le plus souvent inhérents aux crimes, qui justifient la démarche du Procureur dans la sélection des affaires devant faire l'objet des enquêtes approfondies. C'est ainsi que le Procureur de la Cour pénale internationale a admis et reconnu que « (...) Même si tout crime relevant de la compétence de la Cour est grave, la question de la gravité des crimes est essentielle dans le processus de sélection des affaires (...) »427(*). Pour ce faire, poursuit-il, il y a lieu de prendre en considération des facteurs tels que l'ampleur et la nature des crimes, en particulier le nombre élevé d'assassinats, le caractère systématique et l'impact de ces crimes, ainsi que d'autres facteurs aggravants pour sélectionner les crimes devant faire l'objet d'une enquête428(*). La sélection des crimes graves détermine en outre le Procureur à analyser les différentes formes de criminalité en se fondant sur les groupes qui en sont les auteurs, la localisation géographique des crimes présumés et l'accès aux éléments de preuve. L'impact des enquêtes et des poursuites en termes de prévention de futurs crimes est également un élément important à prendre en considération lorsque le Procureur décide d'ouvrir une enquête429(*). Il s'ensuit que le Procureur devra accorder en priorité toute son attention aux crimes qui touchent à la vie et à la sécurité des personnes aux fins de les protéger contre de nouvelles attaques430(*).

La qualité du délinquant justifie également la rationalité de la méthode.- La démarche sélective du Procureur en matière d'enquête accorde une priorité ou une attention particulière à certaines personnes ou catégories de personnes, généralement celles qui portent la plus lourde responsabilité dans la commission des crimes graves relevant de la compétence du juge pénal international431(*). Il s'agit généralement des hauts responsables, qui exercent ou possèdent le pouvoir étatique (civil ou militaire) ou qui jouissent d'une qualité officielle432(*). Ainsi, l'article 28 (A) du Règlement de procédure et de preuve des juridictions pénales internationales ad hoc donne pouvoir au Président du tribunal de confier à son bureau l'examen liminaire de l'acte d'accusation du Procureur de manière à déterminer si cet acte d'accusation vise bien un ou plusieurs des hauts dirigeants soupçonnés de porter la responsabilité la plus lourde des crimes relevant de la compétence du tribunal433(*). Cette formalité préalable n'est pas anodine, elle peut en effet aboutir à une sanction de fin de non procéder, c'est-à-dire si le bureau estime que l'acte d'accusation du Procureur ne vise pas un ou plusieurs hauts responsables qui porteraient la responsabilité la plus lourde à propos des crimes allégués, le Président n'en ordonne pas l'examen au fond. Bien au contraire, il renvoie l'acte d'accusation au greffier, qui en avise le Procureur.

Aussi la qualité du délinquant devient-elle un motif de sélection d'une affaire devant faire l'objet des enquêtes approfondies du Procureur. A certains égards par ailleurs, l'on suggérerait au juge pénal international de regarder la qualité du délinquant -gouvernant434(*) ou supérieur hiérarchique435(*)- comme une circonstance aggravante des crimes internationaux. Il faut et il suffit que ce juge pénal démontre que ledit délinquant a usé de sa position, de son autorité ou de son pouvoir pour commettre matériellement ou moralement un crime de la compétence du juge pénal international pour que sa peine soit aggravée436(*). La politique judiciaire qui consiste à privilégier la recherche et la poursuite des personnes qui portent la plus lourde responsabilité dans la commission des crimes internationaux présente l'avantage de décongestionnement de la procédure d'enquête. Le Conseil de sécurité des Nations Unies, qui l'a adoptée dans le cadre de la stratégie d'achèvement des travaux des juridictions ad hoc437(*), a estimé qu'il était nécessaire de séparer les enquêtes sur les crimes reprochés aux principaux responsables civils, militaires et paramilitaires de celles qui concernent les simples exécutants438(*), de telle sorte que le juge pénal international ne se consacre qu'aux seules enquêtes qui visent les plus hauts dirigeants soupçonnés de porter la responsabilité la plus lourde de crimes relevant de sa compétence439(*). A l'avantage de décongestionnement de la procédure d'enquête s'associe celui de célérité dans l'administration de la justice, sans toutefois perdre de vue qu'il y aurait un risque de contrariété des décisions de justice rendues en décalage temporel et spatial par deux juges différents, mus par ailleurs et forcément par deux logiques différentes en matière de politique criminelle.

* 425 SCHRAG Minna, « Lessons Learned from ICTY Experience », Journal of International Criminal Justice, vol. 2, n° 2, 2004, p. 430.

* 426 T.P.I.Y., App., IT-96-21-A, le Procureur c/ DELALIC et csrts, Arrêt, 20 février 2001, § 602.

* 427 C.P.I., 3ème rapport du Procureur au Conseil de sécurité des Nations unies, 14 juin 2006.

* 428 Ibid.

* 429 Ibid.

* 430 Ibid.

* 431 TRACOL Xavier, « Les pratiques du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie en matière d'enquêtes, de présentation, de protection et de divulgation des preuves », Revue Pénitentiaire et de Droit Pénal, n° 4, 2008, p. 748.

* 432 VANDERMEERSCH Damien, « Droit belge », CASSESE Antonio et DELMAS-MARTY Mireille (dir.), Juridictions nationales et crimes internationaux, Paris, P.U.F., 2002, p. 100.

* 433 Pour bien comprendre les origines de l'article 28 (A), voir infra, pp. 179-181.

* 434 DECAUX Emmanuel, « Les gouvernants », ASCENSIO Hervé, DECAUX Emmanuel et PELLET Alain (dir.), op. cit., pp. 183 et s.

* 435 ANDRADE De Aurélie, « Les supérieurs hiérarchiques », ASCENSIO Hervé, DECAUX Emmanuel et PELLET Alain (dir.), op. cit., pp. 201 et s.

* 436 T.P.I.R., 1ère Inst. I, ICTR-97-23-S, le Procureur c/ Jean KAMBANDA, Jugement portant condamnation, 4 septembre 1998, § 44 ; T.P.I.R., 1ère Inst. I, ICTR-96-4, le Procureur c/ Jean-Paul AKAYESU, Sentence, 2 octobre 1998 ; T.P.I.Y., 1ère Inst. II, IT-97-24, le Procureur c/ STAKIC, Jugement, 31 juillet 2003, § 912 ; T.P.I.Y., 1ère Inst. I, IT-98-34, le Procureur c/ NALETILIC et MARTINOVIC, Jugement, 31 mars 2003, § 51 ; VAURS CHAUMETTE Anne-Laure, op. cit., p. 416.

* 437 Voir infra, pp. 179-181.

* 438 Déclaration du Président du Conseil de sécurité des Nations Unies, 23 juillet 2002 (S/PRST/2002/21) ; Résolution 1503 (2003), 28 août 2003, S/RES/1503 (2003).

* 439 WOHLFAHRT Stéphane, « Les poursuites », ASCENSIO Hervé, DECAUX Emmanuel et PELLET Alain (dir.), op. cit., p. 754, n° 27 : « (...) [l]e partage se fait naturellement entre principaux responsables des crimes internationaux et leurs agents et autres exécutants qui, à un niveau inférieur, n'ont fait qu'appliquer les ordres donnés par les premiers. Ces derniers devront faire l'objet de poursuites au plan national (...) Les poursuites viseraient en premier lieu les personnes en position de leadership, plutôt que les personnes en bas de l'échelle qui ont exécuté des instructions (...) ».

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault