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Les enfants en situation de rue du Sénégal. L'identité et la socialisation dans le processus de sortie de la rue

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par Corentin SIROU
Université Lumière Lyon 2 (ISPEF) - Master 1 sciences de l'éducation 2011
  

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TROISIÈME PARTIE : DISCUSSION

Chapitre 1 : Analyse des résultats

1.1. Les relations entre pairs : freins et accélérateurs de la carrière

Dans les cas que nous avons abordé durant notre enquête, les relations entre pairs se sont avérées centrales dans les carrières des enfants. Ces relations de différentes formes, en qualité et en quantité, ont soit accéléré ou soit ralenti les carrières des enfants en situation de rue.

Les pairs agissant comme un frein sur la carrière se voit au travers de deux cas, celui d'Ahmed et de Tarik. Ahmed est un adolescent d'un petit village du Nord du Sénégal. A la mort de sa mère, alors qu'il a 17 ans, son père arrive dans sa vie. Il raconte son arrivée dans la rue :

Au début j'étais au village à N., chez la grand-mère, ma mère est décédée, en 2005 et moi j'étais chez ma grand-mère. Et mon père, que je n'avais pas connu... Depuis le jour où ma mère est décédée, après j'étais en troisième à l'école secondaire à Podor. En faisant la troisième, récemment, mon père a voulu intervenir dans ma vie, bon, pour me reconnaître, à l'âge de 17 ans. Il a voulu me reconnaître. Il m'a téléphoné pour me dire qu'il est mon père, et bon, moi, ça m'a perturbé et moi j'ai découragé jusqu'à aller même à échouer mon examen, et bon je suis resté là-bas au village. J'ai traîné, je me battais avec les jeunes, les enfants qui me disaient des calomnies tout ça bon.

Après cet événement qui marque le début de sa carrière, il va donc habiter chez sa grand-mère et traîner dans la rue la journée, en compagnie d'un ami. Cette relation va alors, d'une certaine manière, entretenir la présence d'Ahmed dans la rue. Cet ami qui comme lui était désoeuvré lui tenait compagnie la journée. Ce lien prendra fin lorsque cet ami quittera le village, emmené par son père en Europe.

[...] lorsque j'étais au village, que je traînais, je n'allais pas à l'école, lui aussi n'allait pas à l'école, il avait abandonné les études. Mais lui, ce n'était pas à cause des problèmes. Il avait abandonné parce qu'il ne voulait pas. [...] Avec lui, on traînait, on ne faisait qu'écouter de la musique, fumer, aller de gauche à droite. Je parlais de mes problèmes, parfois il me conseillait, parfois moi aussi je le conseillais, mais ça a fini, malheureusement ça n'a pas duré. Son père l'a amené en Italie et je suis resté seul.

C'est donc lorsque la relation qu'il a avec son ami a pris fin qu'il se retrouve seul, avec sa grandmère qui ne peut pas grand chose pour lui. Il choisira une formule forte pour signifier la solitude qu'il ressent alors, et que compensait jusque là son amitié :

Je me considérais sans patrie, c'est comme si je n'avais pas de patrie. Je me considérais

sans famille, sans patrie dans le village. J'étais seul. Ma grand-mère seule ne me suffisait pas. Je vivais seul.

C'est alors qu'il va formuler un projet d'avenir, en essayant de quitter le village qu'il considère sans lendemain pour lui. Plus précisément, c'est le départ de son ami vers l'Europe, et donc vers un avenir assez prometteur, qui va motiver Ahmed à se construire son propre futur hors de la rue, et hors du village.

- Donc, c'est au moment où ton ami est parti que tu as voulu voir avec ton oncle alors... - Oui, je vais essayer de voir avec mon oncle pour pouvoir moi aussi évoluer. Lui est parti pour apprendre et travailler. Lui il a réussi, et moi aussi je vais faire quelque chose pour mon avenir. Si je ne le fais pas, personne le fera pour moi. Je suis seul : je n'ai pas de frère, ni de mère, ni de père. Ma grand-mère n'a pas de moyen, pour faire quelque chose pour moi.

Le lien d'amitié a très probablement, dans un premier temps, entraîné Ahmed dans une sorte de complaisance, lui procurant une certaine sécurité affective, le laissant dans le désoeuvrement. La rupture subite de ce lien et l'avenir à priori prospère de son ami ont alors encouragé Ahmed a prendre les choses en mains pour s'extraire d'un milieu peu engageant (son village) et peu propice à la construction d'un avenir viable à ses yeux. Il redira plusieurs fois son manque d'attache au village et son impression, laissée après une visite récente à sa grand-mère, témoigne du bénéfice qu'il semble apprécier à avoir quitter le village pour se consacrer à son avenir :

Depuis que je suis revenu, avant hier on m'a téléphoné, on m'a dit, que il y a encore des gens qu'on a emmené à la police. Jusque maintenant, ils n'ont pas arrêté. Mais, je me suis dit que moi, en tous cas je ne suis pas là-bas. Je n'y peux rien. Bon, en ce moment, là, tout ce que je vise c'est mon avenir. Au village ils se disputent, ils se battent encore.

Dans la cas d'Ahmed, la relation avec son ami a certe un rôle déterminant, mais elle n'est pas le seul élément d'influence en jeu dans sa carrière. Elle se place dans un faisceau d'autres facteurs qui vont à des moments différents dans sa carrière l'aider à se construire un projet d'avenir. On voit notamment, et nous y reviendrons ensuite plus en détails, que le rôle des contacts qu'Ahmed a su nouer avec certains adultes a beaucoup joué pour sa sortie du village. Sa relation a donc dans un premier temps servit d'attache à Ahmed, puis, dans sa rupture, elle a créé un événement fort qui a guidé (assez rapidement) Ahmed vers la fin de sa carrière dans la rue. Il ne faut pas aussi oublier qu'une des causes du passage dans la rue de son village reste le manque de ressources, notamment financières, pour s'extraire de cette condition.

Ce qui m'a fait rester c'est que je n'avais pas de moyen. Je ne travaillais pas, je n'avais pas d'argent pour me déplacer. Et mon oncle, pour qu'il me donne de l'argent, c'est trop difficile. En venant, je lui avais dit que c'est comme ça, moi je vais me débrouiller, et

après il m'a laissé.

Nous voyons donc l'importance qu'avait ce lien d'amitié pour Ahmed, notamment au regard de son sentiment de solitude après le départ de son ami. La force du lien entretenu avec ses pairs marque également fortement l'histoire de Tarik, ancien talibé, qui a été placé dans un daara à l'âge de 5 ans.

Moi j'ai commencé la rue à l'âge de cinq ans. Je viens de Dagana, c'est mon père qui m'a mis dans la rue, c'est mon père qui m'a mis dans le daara. C'est à dire c'est pas la rue, c'est les daaras, et c'est nous même qui vont aller dans la rue pour mendier, trucs comme ça. J'étais à l'âge de cinq jusque... aujourd'hui j'ai vingt ans. J'ai eu de la chance d'être adopté quand j'étais encore plus jeune, à l'âge de quinze ans.

C'est en parlant de sa « famille » que Tarik va évoquer ses relations entre pairs. Il va dire la force qui l'unit aux autres enfants talibés de son daara de la façon suivante :

... j'avais des amis dans la rue, mais on était des frères, pas des amis parce que on fait tout ensemble, depuis tout petit on a grandi ensemble. On mendiait, on a travaillé un peu, on s'est battu dans la rue, tout ça.

C'est donc comme des frères qu'il a grandi aux côtés de ses amis talibés du daara, étant avec eux du matin au soir, pendant une dizaine d'années. Dans son parcours, on va voir comment, comme pour Ahmed, les enfants et adolescents talibés vont le retenir au daara, et donc à sa condition d'enfant en situation de rue112. C'est particulièrement le cas lorsqu'au début, il tente sa condition en fuyant le daara.

- Quand tu étais talibés, il y a des moments où tu voulais rentrer chez toi ? - Oui, beaucoup de moments, parce que, en fait, quand tu es encore jeune, tu vois, c'est dur, parce que dans le daara, il faut avoir le courage pour rester là-bas. T'as des jeunes - nous on étaient les plus jeunes - il y a les plus âgé qui étaient derrière nous, c'est eux qui nous soutenaient pour pas retourner. Mais j'ai pris la fuite mais je suis resté à St-Louis, parce que je savais pas où était le chemin, je savais pas beaucoup de choses et on m'a attrapé et mis dans le daara. [...] Tous les enfants étaient là, tous mes potes que j'ai connu au daara étaient là. Ça m'a empêché [de partir]. Et je savais que si j'y allais et que je revenais, ça allait être plus dur, je voulais pas ça. - Je dis quelque chose de juste si je dis : « tu es resté à Saint-Louis parce que tu avais tes « frères », comme tu dis, et c'était avec eux que tu te sentais le mieux peut-être »? - Bon, ça peut jouer, parce qu'avec eux j'ai évolué, on s'entendait bien, je me sentais bien.

Deux choses ressortent ici. D'abord, il dit encore une fois son attachement aux autres enfants de son
daara, avec qui il a grandi, et qu'il considère comme ses frères. Ils constituent en quelque sorte sa

112Tarik le redit lui-même (« C'est à dire c'est pas la rue, c'est les daaras, et c'est nous même qui vont aller dans la rue pour mendier »), et nous l'avons déjà évoqué (voir notamment page 30), les talibés mendiant ne vivent pas (forcement) dans la rue, mais la rue occupe une place importante dans la mesure où ils sont contraints d'y passer une partie non négligeable du temps.

famille. Telle est l'importance symbolique et affective qu'il donne à ce groupe. Ensuite, on voit l'importance qu'ont joué les plus grands talibés dans son parcours. Comme des grands frères, ils ont encouragé et aidé les plus jeunes. Ils ont donc pris une part importante dans la socialisation des jeunes talibés. Cette prise de responsabilité de la part des plus âgés nous était déjà apparue à plusieurs moments. Une fois nous avons visité un daara, où en l'absence du marabout, parti pour une durée indéterminée, les plus anciens donnaient les cours de Coran aux plus jeunes, gérant également de manière prépondérante les aspects touchants à la vie quotidienne (repas, santé, etc). Ce cas démontrait une réelle prise en charge des plus jeunes par les plus âgées dans tous les aspects de la vie du daara (sur demande du marabout ou prise d'initiative des plus grands, nous ne savons pas). Dans un sens beaucoup moins plaisant, nous avons déjà vu des marabouts envoyer ou s'entourer des plus âgés de ses talibés pour partir à la recherche (au centre ou dans la rue) de talibés en fuite afin de les ramener au daara. Ces exemples illustrent l'influence que peuvent avoir les plus âgées des talibés sur les plus jeunes, notamment en terme de socialisation. Ils montrent comment ces relations avec les autres talibés, quelque soit l'âge, peuvent ancrer les enfants dans leurs situations de talibés, et donc ralentir la carrière. Dans les cas d'Ahmed et de Tarik, nous tenons à souligner l'intensité particulière des liens qui les unis à leurs pairs, et qui vont agir comme un frein à la sortie de la rue.

Il arrive aussi que les relations entre pairs aillent dans le sens d'une fin de carrière dans la rue. Nous nous appuyons sur le cas de Mohamed et de Djiby pour montrer comment ces relations peuvent aider l'enfant à mettre fin à sa carrière. Mohamed a été confié par sa mère à un groupe de Baay Fall. Il effectue pour eux quelques tâches domestiques puis part mendier dans la rue. Il n'est pas satisfait de sa condition, car il subit des maltraitances de la part de certains Baay Fall.

C'est ma mère qui m'avait confié aux Baay Fall. [...] J'étais toujours avec les Baay Fall [...]. Le premier jour j'étais affecté aux corvées de leur maison, les tâches domestiques, et après cela, j'allais automatiquement demander l'aumône dans la rue. [...] ça ne me plaisait pas. [...] ... ils maltraitent les enfants...en les tapant tous les jours. Seulement ça.

Je me suis confié à mes amis, ils savaient mes conditions de vie, et eux m'ont parlé de N. E.. Ensuite j'ai parlé à N. E..

C'est après s'être confié à ses amis que ces derniers sont allés prévenir du cas de Mohamed auprès de l'AEMO, qui est ensuite venu le chercher pour le placer au centre. C'est donc via son réseau de sociabilité que Mohamed a trouvé une issue à sa situation. On ne sait pas s'il a fait la demande explicite à ses amis d'en parler à l'AEMO, ou si ce sont eux, de leurs propre initiative qui sont allés dévoiler le cas de Mohamed aux services éducatifs, mais on peut affirmer, d'après ses dires, que sa

situation ne lui convenait pas, et il n'a jamais cherché à revenir auprès des Baay Fall, ni auprès de sa famille. Son dossier confirme ses propos. Il décrit un parcours émaillé de violences et de situations d'exploitation, que ce soit en famille ou auprès des Baay Fall à qui il était confié. C'est après une fugue qu'il rencontre un enfant à qui il se confie, et qui va ensuite l'aider à rentrer en contact avec l'AEMO.

Djiby, lui, était dans sa famille à Dakar, avant de la quitter subitement pour aller dans la rue. D'après son dossier, la situation de sa famille était socialement assez difficile et il devait accomplir des tâches (ménagères, aller au marché, s'occuper de ses frères et soeurs). Il endosse donc de grosses responsabilités alors qu'il n'a qu'une dizaine d'années. Il semble également être indexé comme voleur de vélo dans son quartier, et affiche un certaine crainte de son père, qu'il dit violent parfois (il frappe uniquement lorsqu'il est énervé). Il raconte son arrivé dans la rue :

Mon séjour dans la rue remonte à longtemps, mais si je me rappelle bien, on m'avait accusé d'avoir volé un vélo. Et ma mère m'a dit de ramener le vélo sinon elle m'amène à la police. C'était des menaces, mais je suis parti sur ce coup de tête et je suis resté dans la rue.[...] Auparavant, j'étais fatigué dans la maison et spécialement, c'est mon père qui rentrait tard le soir, et à chaque fois qu'il rentrait, il me réveillait pour me faire faire des commissions et j'avais peur car le quartier est dangereux. Il m'envoyait à la boutique, et le chemin à traverser était très dangereux.

Il n'osera pas rentrer chez lui de peur des représailles de la part de son père, et reviendra devant la porte de sa maison, sans jamais y rentrer. Son dossier précise qu'à ce moment là, il a été entraîné par une bande de jeunes en situation de rue. Il juge le réseau de ses relations dans la rue de manière ambivalente. Il nous parle de ses relations :

J'avais comme référence quelqu'un de plus grand que moi, mais que de taille. Il avait de l'argent sur lui, il me payait le petit déjeuner et c'est celui là qui m'a fait rencontrer M. et c'est aussi lui qui m'a orienté au Samu Social.[...] Il y avait des grands aussi mais c'était des fakhmans, qui faisaient le ginz. Il y avait parmi eu un nommé B. F. qui nous posait pas mal de problèmes...

On voit donc que parfois, ces relations sont perçues positivement (en terme de ressources notamment), et d'autres relations (ou plutôt « fréquentations ») sont perçues comme dangereuses, ou « à risques ». Il mesure donc l'ambivalence des contacts qu'il peut trouver. Djiby a en effet identifié certains dangers de la vie de la rue (ici le ginz avec lequel certains fakhmans qu'il fréquentait se droguaient). Un autre de ses propos nous montre qu'au début de son passage dans la rue, ce sont deux de ses connaissances qui vont le retenir, alors que lui voulait rentrer chez lui, et réclamer leur aide pour l'aider à retourner dans sa famille.

Moi, je n'avais pas l'habitude d'être dans la rue, mais c'est N. C. et un autre, qui m'ont convaincu de rester dans la rue, mais je les avais supplié pour qu'ils m'accompagnent jusque chez moi et c'est eux qui m'ont convaincu de rester. « On va bien s'occuper de toi ici dans la rue ». On a pas mal d'activité, c'est les vols et tout ça.

Dans un premier temps, ce sont ces deux amis qui vont le convaincre de rester avec eux, en situation de rue. A ce moment là, son réseau de sociabilité va donc jouer contre sa sortie de la rue, et freiner sa carrière, car cela va le conduire à poursuivre vers un long séjour dans la rue. C'est ensuite un autre ami, qui lui procurait déjà une aide matérielle qui l'a aidé à trouver le Samu Social. Son arrivée dans cette institution va être sa porte de sortie de la rue, et donc marquer la fin de sa carrière dans la rue. Il n'hésitera pas entre son placement et la rue.

Mon séjour dans la rue à Pikine a pris fin quand l'ambulance du Samu Social est venue me récupérer. Au centre, on m'a posé des questions, ils ont fait des recherches jusqu'à trouver ma mère qui est venue me rendre visite au centre. Et du coup, je n'ai pas voulu rentrer avec elle et j'ai dit au personnel du Samu Social que je voulais être dans un centre dans le but d'apprendre un métier pour travailler. Ils m'ont amené dans un premier temps dans un centre qui s'appelle « E. » et c'était plein. Ils ne pouvaient pas me recevoir donc on m'a ramené au Samu Social et je suis venu jusque la Liane.

... La rue, c'est mauvais.[...] Le Samu Social est mieux car les gens là-bas sont bien.

Nous avons également rencontré des cas similaires, où, à l'occasion de rencontres plus fortuites, de discussions avec d'autres jeunes (pas forcément en situation de rue), l'enfant sera orienté ou mis en contact avec le centre, et mettra donc fin à sa carrière dans la rue. C'est le cas de Papis et de Mame, qui, après une longue fugue et plusieurs jours à se débrouiller dans la rue, se sont retrouvés dans les rues de Saint-Louis, et ont rencontré d'autres jeunes qui les orienteront vers le centre.

Le cas de Hassan nous semble particulier et retenir notre attention puisqu'il se distingue par une absence presque totale de contacts avec d'autres jeunes. Il fuguera de la maison de sa tante, dans laquelle il a été placé par son père, face au climat défavorable dans lequel il se trouve. Il est toujours affecté aux tâches ménagères et subit les moqueries des enfants - apparemment indisciplinés (dixit le dossier de Hassan) - de la maison.

A force de ruminer ces rancoeurs là, et ne voyant pas de solution, un bon coup, je ne me souviens pas comment, c'était un coup de tête, j'en ai eu marre, je suis sorti dans la rue, je n'avais nulle part où aller...

A son arrivée dans la rue, Hassan ne cherche à prendre de contact qu'avec des adultes. Ses
premières tentatives se marqueront par des échecs, jusqu'à rencontrer une dame qui l'aidera. Il dit ne
jamais avoir eu d'amis, et le seul contact (qu'il relate) avec d'autres jeunes sera mal vécu, et donc

sans suite.

Je me suis débrouillé tout seul, je n'ai jamais eu d'amis...[...] Je voulais dire aussi que j'ai rencontré D., un éducateur de l'association E., et qu'il m'avait emmené pour les douches, mais j'ai vraiment été emmerdé là-bas parce qu'on arrêtait pas de se moquer de moi. A chaque fois, il y avait des jeunes qui me traitaient de « fakhman, fakhman ! », ce qui me faisait mal. J'allais jusqu'à me battre sur ces provocations.

Là encore, comme chez sa tante, il était la cible de moquerie qu'il n'acceptait pas. Nous ne pouvons toutefois pas affirmer la présence d'un lien entre le traitement qu'il subissait chez sa tante et l'absence de relations entre pairs une fois dans la rue. Nous observons simplement que son parcours est parsemé de relations conflictuelles avec les jeunes de son âge. Jamais, ni dans ses propos, ni dans son dossier, il n'y a de trace d'un ami, d'un camarade de jeu, d'un enfant proche de lui dans la rue.

Les relations entre pairs dans la rue ont donc une influence notable dans les carrières des enfants en situation de rue. Elles peuvent aller dans le sens d'une sortie de la rue. C'est en effet via un réseau de connaissances que l'enfant arrive à rentrer en contact avec une institution et ainsi mettre fin à sa carrière dans la rue. Aussi, ces relations peuvent agir comme un frein, et dans ce cas, prolonger leurs carrières. C'est le cas lorsque les relations nouées sont particulièrement fortes (Ahmed et Tarik), où lorsque les personnes rencontrées sont les seules figures viables dans la rue et sont également, dans un premier temps, le (seul) vecteur de socialisation (Djiby).

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe