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Résolution extra-judiciaire des conflits fonciers en territoire de Masisi.

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par Didier KAKULE PILIPILI
Université de Kisangani - Licencié en droit 2010
  

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II. Mal gouvernance dans le chef de l'autorité administrative

La mal gouvernance dans le chef de l'autorité administrative, tant de la territoriale que du service technique foncier, est l'une des causes objectives et primordiales présidant à la production des conflits fonciers en milieu rural congolais, spécialement en territoire de Masisi. A ce titre, il faut dénoncer la double défaillance technique et éthique des agents du service des titres fonciers comme de l'autorité administrative locale, qu'il s'agisse de l'autorité coutumière ou non.

A. Les abus des agents fonciers

Après le retour à la métropole des agents fonciers coloniaux qui constituaient la cheville ouvrière de l'administration foncière, le recrutement des agents fonciers s'est fait exclusivement à Kinshasa et sur base des critères arbitraires, sans tenir compte des compétences. L'administration foncière au niveau national ou local constitue un réseau informel d'intermédiaires au service de l'autorité foncière supérieure qui l'utilise pour obtenir de l'argent auprès des demandeurs de terres, la fonction financière présidant ainsi à toute interprétation de la logique foncière étatique au grand détriment de la finalité du développement national et local sur base de la ressource terre.

Tirant à la fois profit des lacunes de l'arsenal législatif et réglementaire en matière foncière ainsi que de la précarité des moyens financiers et techniques, les différents agents du service foncier arguent des rigidités légales pour retarder les attributions foncières et, par une logique de spéculation bénéfique au plus offrant et préjudiciable au paysan démuni. Ce qui conduit de plus habile aux pratiques abusives, puisque seul ce dernier sera le mieux apte à arroser financièrement l'ensemble d'un personnel pléthorique de la hiérarchie des services ayant les affaires foncières dans leurs attributions.

B. Les abus de l'autorité politico-administrative coutumière et non-coutumière

Comme à l'endroit des agents des titres fonciers, on note une mauvaise application de la loi foncière dans le chef des cadres politico-administratifs qui, non seulement ne font pas les enquêtes requises, mais encore ne traduisent pas cette loi pour les populations de leurs entités administratives. Dans un contexte de clientélisme politique, l'intervention de certaines autorités administratives locales se fait à travers des réseaux complexes de relations et d'agents administratifs et techniques ayant certaines affinités avec lui et pour lesquels il serait intervenu en vue d'un engagement définitif ou d'une promotion administrative.

L'administration locale se trouve ainsi à la base d'une corruption généralisée manifeste à tous les niveaux des services fonciers et non réprimée par les autorités supérieures qui s'empêcheront tout naturellement de démanteler le réseau pyramidal de leurs courtiers39(*). Aggravée par un manque de motivation des agents du service public, cette situation est d'autant plus vraie que toute promotion administrative dépend plus de l'importance des fonds de corruption ristournés à l'autorité supérieure que de la compétence de l'agent.

Dans ce contexte, un accent devra tout naturellement être mis sur le non respect des titres attributifs des droits fonciers coutumiers par les services publics. Mais ce qui appelle une note particulière serait le non respect des droits acquis par certaines autorités coutumières locales, même quand lesdits droits émanent de la coutume locale.

Alors que ceux qui connaissent la loi foncière et qui savent jouir de ses avantages profitent de l'entêtement ou de l'ignorance des membres de la communauté paysanne locale pour introduire leurs demandes de terres auprès du représentant de l'Etat en la personne du Conservateur des Titres immobiliers, les enquêtes de vacances relatives à ces demandes sont menées soit avec légèreté soit avec rapidité inspirée par des avis de complaisance de certains chefs traditionnels qui, se croyant toujours maîtres de leurs terres, les cèdent au premier venu au détriment de leurs masses laborieuses.

De cela surgiront des conflits lorsque des villages entiers seront condamnés à déguerpir au profit d'une personne physique ou morale, ou lorsque pour une même parcelle ou une même concession, le Conservateur aura délivré deux contrats de location ou d'emphytéose ou deux certificats d'enregistrement à plus d'un individu, ou encore lorsque les procédures requises pour les mutations des droits fonciers n'auront pas été respectées de sorte qu'au mépris de l'intervention notariale, il n y a aucune garantie pour un acquéreur de bonne foi.

Ces situations décrivent les différentes causes de la conflictualité dans le territoire de Masisi.

De manières brève, concrète et complémentaire, les conflits fonciers en milieu rural sont dus à :

1. La coexistence de la loi foncière et la loi coutumière : la population locale est foncièrement attachée à la coutume et à l'autorité coutumière qu'elle considère comme le représentant des morts dont la terre est la demeure. Par conséquent, elle ne peut pas accepter que l'Etat soit le propriétaire de la terre. Donc la coutume joue un rôle de premier plan dans la gestion du patrimoine foncier ;

2. L'absence ou insuffisance des mesures d'exécution de la loi foncière : l'ordonnance devant régler les droits de jouissance acquis sur les terres dites coutumières n'a jamais été signée par le président de la république conformément à la loi dite foncière du 20 juillet 197340(*). L'absence de cette ordonnance est cause des conflits meurtriers, elle laisse aux chefs coutumiers une grande marge de manoeuvre : ils cèdent les terre, les retirent, les bradent aux premiers venus ;

3. L'ignorance de la loi foncière par la population : la loi foncière est rédigée en Français et non dans les langues couramment parlées dans les communautés et en particulier dans le milieu rural. Ceci entraine la méconnaissance de la loi par la majorité de la population. C'est ainsi que même les clauses du contrat de location que les demandeurs signent avec l'Etat ne sont jamais comprises. Bon nombre des locataires ignorent la condition de la mise en valeur et le payement du loyer annuel. Quand l'Etat reprend le terrain pour le réattribué à un autre locataire, cela aussi est source de plusieurs conflits.

4. L'absence d'enquête de vacance de terre : l'enquête de vacance des terres est préalable à toute concession de terre rurale et la population locale, qui perd certains droits, doit être indemnisé faute de quoi, il ya conflit entre elle et le concessionnaire. De même, certaines enquêtes de vacances sont mal effectuées, elles peuvent être objet de corruption ou de manipulation, ou impliquer des personnes qui ne sont pas représentatives de la communauté.

5. L'ingérence des services de l'Etat : les chefs des quartiers, des cités, les chefs coutumiers, les conservateurs des titres immobiliers, les administrateurs des territoires et les bourgmestres voire les chefs militaires se mêlent dans la distribution des concessions et délivrent des documents ignorés par la loi foncière.

6. Incompétences des services de l'Etat : le manque de formation, surtout juridique, des fonctionnaires appelés à exercer la fonction de conservateurs des titres immobiliers constitue un problème. Leur incompétence est parfois leur cupidité, sont sources des conflits.

7. Insuffisance des terres ou des bonnes terres : le Masisi fait partie de l'Est montagneux et peuplé mais aussi favorable à l'élevage et à l'agriculture. L'espace vital diminue, mais les activités agricoles et d'élevage s'intensifient, la démographie galope. Alors naissent des conflits fonciers.

* 39 P. MATHIEU et MAFIKIRI TSONGO, « Enjeux fonciers, déplacements de population et escalades conflictuelles (1930-1995) », in MATHIEU, P. et WILLAME, J.C. (sous la direction de), Conflits et guerres au Kivu et dans la région des Grands Lacs : entre tensions locales et escalade régionale, Cahiers Africains n° 39-40, Paris, éd. Institut Africain CEDAF et L'Harmattan, 1999, p. 38.

* 40 Articles 387, 388 et 389 de la loi N° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens, régimes fonciers, et régimes de sûretés, telle que modifiée et complétée par la loi N° 80-008 du 18 juillet 1980 in JO de la RDC, 46e année numéro spécial du 15 octobre 2005, p.89.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault