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La primauté du droit communautaire de l'UEMOA sur le droit des états membres

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par Ahmed Rémi OUOBA
Université Saint Thomas d'Aquin de Ouagadougou Burkina Faso - Maitrises sciences juridiques et politiques option droit public 2010
  

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SIGLES ET ABREVIATIONS

AFDI : Annuaire Français de Droit International.

Aff. : Affaire.

ALENA : Accord de Libre Echange Nord-Américain.

Art. : Article.

BCEAO : Banque Centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest.

CE - Ass : Conseil d'Etat, Assemblée.

CEDEAO : Communauté Economique Des Etats de l'Afrique de l'Ouest.

CEE : Communauté Economique Européenne.

CJCE : Cour de Justice des Communautés Européennes.

CJUEMOA : Cour de Justice de l'Union Economique et Monétaire Ouest-

Africaine.

Cf. : confère.

LGDJ : Librairie Générale de Droit et Jurisprudence.

OHADA : Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des

Affaires.

Proto Add. : Protocole Additionnel.

RCADI : Recueil des Cours de l'Académie de Droit Internationale de

La Haye.

Rec. : Recueil.

RFDA : Revue Française de Droit Administratif.

RFDC : Revue Française de Droit Constitutionnel.

RGDIP : Revue Générale de Droit International Public.

RTDE : Revue Trimestrielle de Droit Européen.

SFDI : Société Française pour le Droit International.

Traité CE : traité de la Communauté Européenne.

UEMOA : Union Economique et Monétaire Ouest Africaine.

UMOA : Union Monétaire Ouest-Africaine.

INTRODUCTION

Dès leur accession à l'indépendance, les pays africains avaient envisagé une coopération et une intégration plus forte1(*). L'idée d'intégration est intimement liée à l'histoire des Etats africains avec près d'une quarantaine d'organisations inter gouvernementales dont certaines tirent leur origine de la période coloniale2(*). La genèse de l'intégration a été fortement marquée par une contrariété idéologique entre les dirigeants africains.

En effet au milieu du 20ème siècle, alors que l'Afrique était encore sous le joug colonial, des noirs de la diaspora ont songé à l'avenir du continent. Dès lors le concept de panafricanisme allait naître, ayant pour ambition de réaliser l'unité du continent africain. Cependant dans la marche vers l'union, il s'est dessiné une différence de point de vue, qui a donné naissance à l'existence de deux tendances qui vont bipolariser la scène politique africaine avant et au lendemain des indépendances : le groupe de Monrovia et celui dit de Casablanca3(*).

Pour les tenants de la première tendance qui adoptaient en Décembre 1961 une charte de coopération africaine à vocation régionale, il n'était pas question de réaliser l'unité politique, mais une intégration par cercles concentriques à l'échelle des régions. Celle-ci n'entraîne pas bien-sûr un abandon de souveraineté, dès lors que chaque Etat, chaque population devait garder sa propre identité, sa propre culture constitutionnelle.

Pour la seconde tendance, en l'occurrence les panafricanistes radicaux du groupe de Casablanca, il fallait instituer une intégration réelle à l'échelle du continent. Alors que les premières organisations dites de la « première génération » étaient caractérisées par « l'inter gouvernementalisme », les institutions les plus récentes sont caractérisées par la supranationalité et la part de plus en plus importante prise par le droit dans le traitement des questions qui entrent dans le champ d'application de la compétence de l'Union.

La supranationalité signifie dans son essence, un système institutionnel et normatif qui permet de privilégier le bien commun, c'est-à-dire celui de la communauté, par rapport aux intérêts nationaux4(*). En effet l'intégration est apparue aujourd'hui pour les peuples d'Afrique, comme le meilleur moyen pour relever le défi du développement dans ce monde entièrement globalisé. Les Etats africains, longtemps enfermés dans un carcan d'espace économique étroit, ont senti l'extrême urgence de dépasser le cadre de leur souveraineté nationale ,pour résoudre les problèmes conjoncturels, faire face aux enjeux politiques, économiques et sociaux imposés par le nouvel ordre mondial qui se manifeste à travers le phénomène de mondialisation ou de globalisation5(*).

A l'image de l'Union Européenne (UE), de l'Accord de Libre Echange Nord Américain (ALENA) en Amérique du Nord, ou du Marché Commun du Sud (MERCOSUR) en Amérique du sud, les Etats africains n'ont pas voulu demeurer en rade.

C'est ainsi que le phénomène de l'intégration a aujourd'hui structuré l'Afrique en différentes communautés. Il existe en effet plusieurs institutions à vocation régionale en Afrique6(*). Ainsi on enregistre à titre illustratif, au centre la Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale (CEMAC) créée en 1994, à l'Est le marché commun de l'Afrique orientale et australe (COMESA) établi depuis 1994, en Afrique du Nord, l'Union du Maghreb Arabe7(*) (UMA) a été créée en 1989, et enfin dans la partie Ouest de l'Afrique, où nous invite notre sujet, la Communauté Economique Des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) fut créée en 1975 et l' Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA) qui existe depuis 1994. En outre depuis 1993 une nouvelle institution est venue agrandir le cercle des organisations internationales africaines ; l'Organisation pour l'harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), comme son nom l'indique, à une ambition continentale.

Le droit communautaire est un ensemble de dispositions contenues dans les différents traités constitutifs d'organisations internationales d'intégration et dans les textes élaborés par les organes communautaires de cette structure8(*). Ces normes interviennent dans des domaines variés soit pour harmoniser les législations nationales, soit pour les coordonner. Le droit communautaire est la résultante des processus d'intégration. Dans notre cas on peut affirmer que l'intégration c'est la fusion de certaines compétences étatiques dans un organe supra étatique ou supra national9(*), ou encore l'intégration est considérée comme la fonction d'une structure supra étatique qui vise à unifier progressivement des mécanismes appropriés, à l'économie, voire le système politique des Etats- nations membres10(*).

Quant Michelet dit que : « celui qui voudra s'en tenir au présent, à l'actuel, ne comprendra pas l'actuel 11(*)», il rappelle l'importance d'examiner la genèse de l'organisation à laquelle nous nous intéressons. L'UEMOA créée par le Traité de Dakar du 10 Janvier 1994, qui est entré en vigueur le 1er Août de la même année, est le résultat d'un long processus. En effet après avoir acquis l'indépendance, huit pays de l'Afrique occidentale, membres de la zone Franc (Bénin alors Dahomey, Burkina Faso jadis Haute Volta, Côte d'ivoire, Mali12(*), Mauritanie, Niger, Sénégal, Togo) avaient créés le 12 Mai 1962 l'UMOA. Après le retrait du Mali quelques mois après, c'est la Mauritanie qui se retire en 1973. Les six pays signent un nouveau traité à Paris le 14 Novembre 1973, marquant ainsi une coopération monétaire à la fois entre eux et avec la France au sein de la zone Franc. Cependant dans les années 1980, à cause de la flambée des cours pétroliers, de l'effondrement des prix de matières premières, et de la dépréciation réelle du FCFA, les pays de l'UMOA vont connaître une crise profonde. C'est ainsi que pour y faire face, pour compléter les mécanismes de régulation monétaire par des réformes économiques, et jeter les bases d'une croissance durable, le traité instituant l'UEMOA fut signé deux jours avant la dévaluation du FCFA13(*). L'UEMOA constitue donc un renforcement de l'UMOA, et elle remplace également la CEAO14(*), qui a été volontairement dissoute le 15 Mars 199415(*), afin d'éviter qu'elle ne fasse doublon avec la nouvelle entité ouest- africaine. L'ensemble des institutions de la CEAO seront liquidées et le siège reversé dans le patrimoine de l'UEMOA.

Aujourd'hui, l'Union regroupe sept pays originaires qui ont en commun l'usage du français (Bénin, Burkina Faso, Côte d'Ivoire, Mali, Niger, Sénégal, Togo), et un Etat lusophone en l'occurrence la Guinée-Bissau, qui a adhéré le 02 Mai 1997. Avec ses huit (8) Etats, l'Union regroupe plus de 90 millions d'habitants sur ses 3.509.610 km2 de superficie. L'article 4 du traité l'Union définit cinq (5) objectifs16(*) à travers lesquels l'Union entend élaborer d'abord une réglementation juridique unique dans tout son espace, afin d'espérer une quelconque réussite de ses ambitions économiques.

L'examen de la typologie des sources du droit communautaire de l'UEMOA fait ressortir trois catégories de sources à savoir : le droit primaire, le droit dérivé et le droit subsidiaire17(*).

Le droit primaire constitue le droit constitutionnel de l'organisation parce que ce droit détermine les compétences et pouvoirs des différents organes et la nature des actes pris par ces derniers. Le droit primaire est constitué par le Traité de Dakar du 10 janvier 1994 et des Protocoles additionnels adoptés depuis la création de l'Union. Ainsi nous avons le protocole additionnel n°1 relatif aux organes de contrôle de l'UEMOA, le protocole additionnel n°2 relatif aux politiques sectorielles de l'UEMOA, le protocole additionnel n°3 instituant les règles d'origine des produits de l'UEMOA, et le protocole additionnel n°4 modifiant et complétant le protocole additionnel n°2 relatif aux politiques sectorielles de l'UEMOA.

Le droit communautaire dérivé se compose des différentes normes émanant des organes communautaires: actes additionnels, règlements, directives, décisions, recommandations et avis.

Le droit communautaire se fonde également sur des sources jurisprudentielles, et notamment sur les principes généraux du droit, qui revêtent une importance capitale dans le domaine des droits fondamentaux dont le respect est affirmé par le Traité de l'UEMOA à son article 3. Cette catégorie constitue le droit subsidiaire.

Les principes fondamentaux du droit communautaire sont les principes qui servent à régler les rapports entre l'ordre juridique communautaire et les ordres juridiques nationaux. En effet, il était essentiel de déterminer comment donner au système juridique mis en place par les Communautés sa pleine efficacité. L'UEMOA constitue un ordre juridique propre c'est-à-dire un « ensemble organisé et structuré de normes juridiques possédant ses propres sources, dotés d'organes et de procédures aptes à les édicter, à les interpréter ainsi qu'à en faire constater et sanctionner le cas échéant les violations »18(*). Les normes communautaires, qu'elles soient originaires ou dérivées, forment un corps de règles relativement homogène à même de régir l'établissement et le fonctionnement de l'Union. Si l'existence d'un ordre juridique communautaire distinct et autonome n'est l'objet d'aucune controverse, elle ne soulève pas moins d'autres problèmes liés à son effectivité, tant il est bien connu que  les ordres juridiques ne constituent pas des mondes clos sur eux-mêmes. Ils entretiennent au contraire des relations de complémentarité ou de contradiction.

Le principe de primauté, principe auquel nous nous intéressons, est le principe selon lequel l'ensemble du droit communautaire prime sur l'ensemble du droit national19(*). Ce principe de primauté en droit communautaire de l'UEMOA est affirmé explicitement à l'article 6 du Traité de l'Union: « Les actes arrêtés par les organes de l'Union pour la réalisation des objectifs du présent Traité et conformément aux règles et procédures instituées par celui-ci, sont appliqués dans chaque Etat membre nonobstant toute législation nationale contraire, antérieure ou postérieure. » En d'autres termes, ces actes jouissent d'une valeur juridique qui leur permet de s'imposer à toutes normes nationales. Autrement dit, la primauté du droit communautaire sur les droits nationaux implique que son insertion invalide toute norme nationale existante ou postérieure. L'intégration économique et monétaire tant recherchée par les Etats des sous régions d'Afrique est tributaire de la mise en oeuvre effective du droit généré par les organes communautaires mis en place et l'affirmation du principe de primauté nous interpelle à nous pencher sur la manifestation de ce principe. C'est ainsi que l'on est amené à s'interroger sur l'impact de la consécration de ce principe au sein  de l'UEMOA, compte tenu que l'existence de normes juridiques extra étatique force l'Etat à assurer la mise en oeuvre des obligations imposées par ces normes. Dans ce cadre la question du rang hiérarchique du droit communautaire dans l'ordre interne se pose. Enfin, quels peuvent être les rapports entre les différentes juridictions évoluant dans le même espace communautaire compte tenue de l'érection de la Cour de Justice de l'UEMOA (CJUEMOA), afin d'éviter un conflit de normes entre le droit de l'Union et le droit national?

L'enjeu qui peut être dégagé de cette étude est que le droit de l'Union fait partie intégrante du droit en vigueur dans chaque Etat membre, et ces Etats ayant mis en commun certaines de leurs compétences et laissé à des institutions indépendantes le soin de gérer leurs intérêts reposant sur un ensemble de normes juridiques, doivent être respectées et appliquées par ces Etats membres.

Pour apporter une réponse aux questions soulevées nous nous emploierons à mettre en exergue dans une construction binaire l'analyse d'une part de la primauté normative du droit communautaire de l'UEMOA (CHAP I) et d'autre part de la garantie juridictionnelle de la primauté du droit communautaire de l'UEMOA (CHAP II).

* 1 P. MEYER, « Les conflits de juridictions dans l'espace OHADA, UEMOA, CEDEAO » in Sensibilisation au droit communautaire de l'UEMOA, Actes du séminaire sous-régional, Ouagadougou, 6 - 10 octobre 2003, p. 177.

* 2 M. DIOUF, Intégration économique, perspectives africaines, Dakar, Nouvelles Editions africaines/Publisud, 1984, p. 77.

* 3 A. K. Berramdane, Le Maroc et l'occident, Paris, Karthala, 1987, p. 154.

* 4 P. MEYER, ibid.

* 5 A. de VASCONCELOS, « L'Union européenne et la régionalisation du système international », Mélanges en hommage à Jean- Victor Louis, Bruxelles, Université Libre de Bruxelles, 2003, Vol. II, pp.39-57.

* 6 Sur ces organisations, cf. A. SOMA, Droit de l'homme à l'alimentation et sécurité alimentaire en Afrique, thèse de doctorat en droit, Université de Genève, département de droit constitutionnel, 6-Mars-2009, p. 288-292.

* 7 L'UMA qui se trouvait en ''état de mort clinique'' (compte tenu que son dernier sommet remonte à 1996) semble être en train de se réveiller. En effet les pays membres se sont réunis à Rabat au Maroc le 18-février-2012 afin de donner un nouveau souffle à l'UMA. Un sommet est prévu pour se tenir en Tunisie en cette année 2012.

* 8Cf. CH. EUZET, Relations internationales, Paris, Ellipses, 2004, p. 63.

* 9 R. GUILLIEN et J. VINCENT, Lexique de termes juridiques, Paris, Dalloz, 1995, 10 éd., p. 311.

* 10 J. SALMON, Dictionnaire de Droit International Public, Bruxelles, Bruylant, 2001, p. 551.

* 11 J. MICHELET (1798-1874), historien français, spécialiste de la Révolution française. Né à Paris dans une famille d'imprimeurs, il manifesta rapidement des capacités remarquables d'historien qui le conduisirent en 1838 au Collège de France. Ses cours y firent rapidement scandale par leur anticléricalisme et leur libéralisme affiché, et furent à plusieurs reprises suspendus. Historien universel (Histoire de France, 1833-1846), Michelet consacra cependant à la Révolution française ses travaux les plus importants (1847-1853).

* 12 Quelques mois après le Mali se retira et émis le franc malien.

* 13 http://www.bceao.int/internet/bcweb.nsf/pages/muse1.

* 14 Pour en savoir plus sur la CEAO, cf. K. OUALI, Intégration Africaine, le cas de la CEAO, Paris, Economica, 1982, p. 38 et ss.

* 15 Voir E. CEREXHE et L. LE HARDY de BEAULIEU, Introduction à l'union économique ouest africaine, CEEI, Bruxelles, De Boeck et Larcier SA, 1997, p. 20.

* 16 Art. 4 du Traité de l'UEMOA : « Sans préjudice des objectifs définis dans le Traité de l'UMOA, l'Union poursuit, dans les conditions établies par le présent Traité, la réalisation des objectifs ci-après :

a) renforcer la compétitivité des activités économiques et financières des Etats membres dans le cadre d'un marché ouvert et concurrentiel et d'un environnement juridique rationalisé et harmonisé ;

b) assurer la convergence des performances et des politiques économiques des Etats membres par l'institution d'une procédure de surveillance multilatérale ;

c) créer entre les Etats membres un marché commun basé sur la libre circulation des personnes, des biens, des services, des capitaux et le droit d'établissement des personnes exerçant une activité indépendante ou salariée, ainsi que sur un tarif extérieur commun et une politique commerciale commune ;

d) instituer une coordination des politiques sectorielles nationales, par la mise en oeuvre d'actions communes et éventuellement de politiques communes notamment dans les domaines suivants : ressources humaines, aménagement du territoire, transports et télécommunications, environnement, agriculture, énergie, industrie et mines ;

e) harmoniser, dans la mesure nécessaire au bon fonctionnement du marché commun, les législations des Etats membres et particulièrement le régime de la fiscalité. » .

* 17 L. M. IBRIGA, Cours de Droit Communautaire Ouest-africain, 4è année de Droit, USTA, faculté de droit, p. 27.

* 18 G. ISAAC, Droit communautaire général, 6ème éd., Paris, Armand Colin, 1998, p.111.

* 19 C. BOUTAYB, Droit européen : Institutions, ordre juridique, contentieux, Paris, Ellipses, 2007, p. 252.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus