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Les interventions du législateur dans le fonctionnement de la justice administrative au Cameroun

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par Cyrille Arnaud FOPA TAPON Cyrille Arnaud
Université de Dschang Cameroun - Master 2012
  

Disponible en mode multipage

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Introduction Générale

La fonction de juger est très différente de la fonction législative : le législateur édicte la norme qui, par définition, est une règle générale et abstraite qui ne vise aucun cas particulier, tandis que le juge est chargé de faire application de la règle pour donner une solution à des litiges concrets1(*). Dans la logique de la séparation des pouvoirs, ces deux fonctions, à raison même de leur spécificité, devraient être confiées à des organes distincts ayant chacun sa propre autonomie.

A l'analyse, force est de constater que l'autonomie du législateur est effectivement sauvegardée par l'interdiction qui est faite au juge de s'immiscer dans la fonction législative. On devrait normalement en déduire que le détenteur de la fonction législative ne doit pas davantage s'immiscer dans la fonction de juger. Mais le principe est loin d'avoir la même rigueur2(*). C'est la raison pour laquelle entre pouvoir législatif et pouvoir judiciaire3(*), on remarque un déséquilibre corrélativement aux interventions répétitifs du législatif dans le domaine du judiciaire. Mais avant d'analyser l'étendue des rapports entre les pouvoirs législatif et judiciaire, il convient de faire un bref détour pour revenir sur le principe de la « séparation des pouvoirs ».

Le principe de la séparation des pouvoirs trouve son origine conceptuelle dans la doctrine libérale qui a prévalu en Europe4(*) vers la fin du XVIIe siècle et se rattache à la réaction des penseurs politiques qui oeuvraient pour la lutte contre l'absolutisme royal5(*). C'est dans le but de limiter les prérogatives du Monarque, de plus en plus exorbitantes, que les premières idées sur la théorie de la séparation des pouvoirs sont émises. C'est John LOCKE6(*), considéré comme le précurseur de la théorie7(*), qui, pour la première fois, en pose les bases. Il démontre, dans son célèbre ouvrage « Essay on civil government » (Essai8(*) sur le gouvernement civil)9(*) en 1690, qu'il existe des fonctions fondamentales au sein d'un Etat qui ne devraient pas être réunies entre les mains d'une seule personne ou d'un seul organe.

Mais c'est à MONTESQUIEU10(*) que revient le mérite d'avoir systématisé et théorisé sous sa forme moderne les idées émises par LOCKE dans « De l'esprit des lois » en 1748. Il préconise à travers des formules telles : « tout homme qui a du pouvoir est tenté d'en abuser ; il y va jusqu'à ce qu'il trouve des limites » et « pour qu'on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que le pouvoir arrête le pouvoir »11(*), une séparation des grandes fonctions de l'Etat12(*) et leur distribution entre plusieurs organes. Ainsi, « il y a dans chaque Etat trois sortes de pouvoirs : la puissance législative, la puissance exécutrice des choses qui dépendent du droit des gens et la puissance exécutrice de celles qui dépendent du droit civil »13(*), et pour établir le fondement de cette séparation, il affirme qu' « il n'y a point encore de liberté si la puissance de juger n'est pas séparée de la puissance législative et de l'exécutrice. Si elle est jointe à la puissance législative, le pouvoir sur la vie et la liberté des citoyens serait arbitraire ; car le juge serait législateur. Si elle est jointe à la puissance exécutrice, le juge pourrait avoir la force d'un oppresseur »14(*).

Toutes ces idées sont recueillies par la Révolution française de 1789 et consacrées dans la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789 dont l'article 16 pose, non sans un certain dogmatisme, que « toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée n'a point de constitution ». Simple déclaration au départ, cet article devient le soubassement des Constitutions modernes y compris celles du Cameroun dès l'indépendance.

Au fil des temps, la séparation des pouvoirs a suscité d'énormes controverses qui ont laissé transparaître ses limites, et de nos jours, elle n'est plus ce qu'elle était jadis. Déjà, il est vrai, que la doctrine du XVIIIe siècle, à l'instar de Jean-Jacques ROUSSEAU15(*), n'admettait pas que la souveraineté soit démembrée entre des pouvoirs indépendants ; la séparation des pouvoirs étant « devenue essentiellement un symbole de nos libertés qui fait partie de la mythologie politique »16(*). Cela s'explique principalement par le fait que chacune des fonctions n'appartient plus nécessairement en exclusivité à un organe déterminé : ainsi, la fonction législative est exercée concurremment par le Parlement (sous la forme de lois) et par le Président de la République (sous la forme d'ordonnances)17(*). Quant à la fonction de juger, elle a cessé d'être l'apanage exclusif du pouvoir judiciaire tant on assiste et de façon régulière à une ingérence tant de l'exécutif et bien plus du législatif dans le domaine judiciaire. De telle sorte que, « le véritable problème consiste moins à faire respecter une séparation des pouvoirs devenue impossible qu'à sauvegarder un difficile équilibre entre les différentes fonctions de l'Etat »18(*).

Ainsi, les rapports entre les pouvoirs vont au-delà même du principe de la séparation des pouvoirs. Les rapports entre les pouvoirs législatif et judiciaire nous intéresse à plusieurs égards : d'abord au regard de la rigueur des textes juridiques qui régissent ces rapports, ensuite parce que ces rapports conduisent à constater dans la pratique leur inégalité. Il convient de remarquer le déséquilibre entre ces deux pouvoirs, déséquilibre qui trouve son origine en droit français dans la loi des 16 et 24 août 1790 qui pose le principe de l'interdiction faite au juge de s'immiscer dans la fonction législative19(*). Egalement, jusqu'à une époque récente, l'article 127 de l'ancien Code pénal français ajoutait que « seront coupables de forfaiture et punis de dégradation civique les juges qui se seront immiscés dans l'exercice du pouvoir législatif ». Enfin, le Code civil de 1804 applicable au Cameroun pose en son article 5 qu' « il est défendu aux juges de se prononcer par voie de disposition générale et réglementaire sur les causes qui leur sont soumises ».

En effet, on ne peut que s'étonner de la rigueur répétitive de ces textes mais, à la vérité, cela peut se comprendre si l'on considère qu'ils ont été élaborés à une époque où le souci était d'éviter que le juge ne se hisse en législateur20(*). Il découle donc de cette rigueur une conséquence importante : les juges ne peuvent pas s'opposer à l'application des lois même si elles leur paraissent inopportunes, néfastes ou mal fait, nonobstant l'appréciation de l'illégalité d'un texte de loi ou le pouvoir d'interprétation qui leur sont reconnus.

On devrait normalement à partir de là déduire, comme nous l'avons déjà dit, que le détenteur de la fonction législative ne doit pas davantage s'immiscer dans la fonction de juger. Mais le principe est loin d'avoir la même rigueur en l'absence de texte. Le législateur peut-il intervenir dans la fonction de juger ? Telle est la question qui se pose. Le principe de la séparation des pouvoirs impose une réponse négative, car il n'appartient pas au législateur de s'immiscer dans le jugement des affaires portées devant les juridictions, spécialement les juridictions administratives. L'absence de sanctions qui viendrait conférer une force obligatoire au principe de la séparation des pouvoirs tend à en diminuer l'effet, la souveraineté du législateur étant plus forte que le principe21(*). Tandis que le pouvoir législatif empiète volontairement sur le pouvoir judiciaire, ce dernier empiète par nécessité sur le premier, n'y a-t-il pas atteinte à l'Etat de droit ? L'Etat de droit permet-il une telle pratique qui semble porter atteinte à la séparation des pouvoirs législatif et judiciaire ? Au regard des interventions du législateur dans le domaine du juge qui se sont multipliées à une vitesse exponentielle, on serait tenté de répondre par la négative mais ce serait aller trop vite en besogne, d'autant plus cette pratique est dans certains cas tolérée par l'Etat de droit.

Ainsi, la présente étude porte sur les interventions du législateur dans le fonctionnement de la justice administrative au Cameroun, au regard de l'intérêt qu'une telle étude comporte. Mais avant de pousser l'analyse plus loin, dans la présente introduction, il convient de cerner le cadre conceptuel du sujet (I), ainsi que le cadre méthodologique (II) qui sont d'emblée nécessaires à une bonne compréhension.

I- CADRE CONCEPTUEL DU SUJET

L'analyse du cadre conceptuel du sujet nous amène à préciser les contours du sujet (A) et d'en montrer ensuite l'intérêt (B).

A- Précisions terminologiques

Avant toute étude au fond du sujet, il convient préalablement, et ce pour une meilleure compréhension, d'apporter quelques éclairages conceptuels afin de lever toute équivoque. Ainsi, il serait judicieux de définir les termes clés de l'étude, ce que nous entendons par «  les interventions du législateur dans le fonctionnement de la justice administrative au Cameroun », ceci « afin de résoudre le problème de la fixation des concepts qui forment l'armature d'un thème »22(*), sinon « on discuterait dans l'obscurité et en vain »23(*). Il n'est pas sans intérêt de sacrifier à une exigence pour toute recherche, qui consiste à préciser le sens des notions qui seront examinées dans cette étude24(*). Il faut donc se méfier des mots, comme l'affirmait René CAPITANT, qui sont la tentation de l'esprit et ne se livrer à eux qu'après les avoir racheté du mensonge, car il n'y a qu'un seul remède pour construire une véritable science : « définissez vos termes ! »25(*). Ainsi les éléments à définir sont : interventions ; législateur ; justice administrative.

1- La notion d'intervention

Elle trouve son origine étymologique du latin « interventio » qui signifie « garantie » ou « caution ». Elle vient du verbe intervenir qui est le fait de « prendre part à une action pour en modifier le cours »26(*). La notion d'intervention peut avoir plusieurs sens selon le domaine d'emploi. Littéralement, c'est le fait d'intervenir dans le déroulement d'une action27(*). Le vocabulaire médical l'emploie pour désigner le traitement réalisé par un chirurgien (intervention chirurgicale)28(*). Selon une acception juridique, elle revêt plusieurs sens.

En droit international public, l'intervention est une action d'un Etat ou d'un groupe d'Etats s'ingérant dans la sphère de compétence d'un autre Etat29(*). C'est un acte d'ingérence d'un Etat dans les affaires d'un autre pour le contraindre à agir selon sa volonté30(*). En principe, l'intervention ici est illicite (sauf quand elle est fondée sur un titre), c'est-à-dire qu'il est interdit à un Etat d'intervenir dans les affaires d'un autre : c'est le principe de la non intervention consacré en droit international public. Ce principe trouve son fondement dans la Souveraineté qui caractérise chaque Etat (Souveraineté étatique), en ce sens que le pouvoir étatique n'a pas d'égal dans l'ordre interne ni de supérieur dans l'ordre international, où il n'est limité que par ses propres engagements et par le droit international31(*). On peut admettre la licéité de l'intervention lorsqu'elle se justifie par une intervention dite d'humanité c'est-à-dire entreprise pour protéger la vie des personnes gravement menacées, soit lors des conflits internes, soit lors des conflits internationaux. Mais de plus en plus, elle sert d'alibi aux politiques de puissance qui en son nom interviennent pour protéger leurs propres intérêts.

En procédure civile, l'intervention est une demande en justice, incidente émanant d'un tiers ou formé contre lui. Dans le premier cas, elle est dite volontaire en ceci qu'un tiers se mêle à un procès auquel il n'était pas partie jusque-là, pour faire valoir ses droits qui pourraient être compromis par un jugement à intervenir entre les plaideurs primitifs32(*). Dans le second cas, elle est dite forcée car formée contre un tiers : l'une des parties au procès, le demandeur ou le défendeur appelle à l'instance un tiers pour que le jugement rendu lui soit opposable.

Mais l'intervention volontaire est celle qui nous intéresse et une définition complète l'appréhende comme « un acte par lequel un tiers qui n'était pas originellement partie à une contestation judiciaire, s'y présente pour y prendre part et faire valoir ses droits ou faire valoir ceux d'une partie principale »33(*). Ainsi, l'intervention du législateur est un acte par lequel ce dernier s'ingère dans un procès en cours pour en modifier le cours, soit dans un but d'intérêt général, soit dans le but de protéger l'Administration.

2- La notion de législateur

Elle dérive du latin « legislator » qui s'entend de celui qui propose. Au sens littéraire, elle signifie toute personne qui établie des règles des principes 34(*); qui légifère ou qui en a le pouvoir35(*). Le terme législateur est une notion juridique qui désigne donc tout organe pouvant édicter des règles juridiques générales que ce soit le Parlement ou le Gouvernement36(*).

Dans la Grèce antique considérée comme le berceau des institutions, le législateur désignait une personne ou un organe qui avait pour rôle d'établir des règles de vie en société. Par contre dans l'ancien droit (en Europe en générale et en France en particulier), la fonction d'établir des règles appartenait exclusivement au Monarque qui édictait des règles (ordonnances) selon ses humeurs et ses états d'âme. Mais c'est la séparation des pouvoirs37(*) dont les révolutionnaires de 1789 ont fait leurs qui vient consacrer une fonction législative distincte des fonctions exécutive et judiciaire et la confie à un organe (non plus à une personne) élu, constitué en assemblée (assemblée politique) qui plus tard prendra le nom de Parlement. L'expression « législateur » est employée pour désigner le pouvoir législatif chargé de l'édiction des normes. Mais il convient de remarquer que, comme nous l'avons déjà dit, la fonction législative n'est plus exclusivement exercée par le Parlement, mais aussi par le Gouvernement (sous la forme d'ordonnances)38(*). Ainsi, « l'initiative des lois appartient concurremment au Président de la République et aux membres du Parlement »39(*).

Le législateur désigne donc à la fois le Parlement et le Gouvernement exerçant la fonction législative qui est celle d'édicter les normes générales et impersonnelles mais aussi - dans certaines hypothèses - des mesures individuelles.

3- La notion de justice administrative

Quoique le concept de justice relève lui aussi de prime abord du littéraire, il est à remarquer qu'il fait davantage l'objet d'une appropriation par le droit. La justice est une notion aux multiples facettes comportant une gamme très riche de significations selon la manière dont on l'aborde : justice sociale, justice civile, justice pénale, justice administrative, etc. chaque type de justice correspondant à des juridictions très différentes par leurs esprits et leurs structures40(*). Mais « quelles que soient les particularités de chacune d'elle, toutes les juridictions ont pour trait commun d'être appelées à trancher les contestations au moyen d'un acte solennel qu'on appelle jugement »41(*). Ainsi présenté, le concept de justice se définit :

- Au sens large, comme une vertu, un sentiment d'équité que l'on porte au fond de soi-même42(*). C'est un principe moral qui exige le respect du droit et de l'équité43(*).

- Dans un sens technique, la justice est une fonction, la fonction de juger, celle de « dire le droit » à l'occasion d'une contestation44(*). C'est la fonction souveraine de l'Etat consistant à définir le droit positif et à trancher les litiges entre les sujets de droit45(*).

- Dans un sens plus restreint, la justice désigne l'ensemble des institutions au moyen desquelles la fonction de juger est exercée 46(*); qui exercent le pouvoir juridictionnel47(*).

La définition ici retenue est celle qui considère la justice comme une « institution publique désignée juridiction, qu'il s'agisse d'un tribunal, d'une cour et de plus en plus d'un conseil, pour autant qu'il déploie une activité juridictionnelle, au sein de laquelle siègent par principe des personnes ayant la qualité de magistrats, lesquelles personnes ont pour mission de trancher les différends dans la société sur la base du droit et au moyen de décisions ayant force juridique que l'on appelle jugement, arrêt, ordonnance... »48(*). Ainsi, la notion de justice administrative se décline de celle de la justice. C'est la raison pour laquelle son évolution historique aussi bien au Cameroun (b) qu'en France mérite d'être analysée (a).

a- Evolution historique et consécration de la justice administrative

La naissance de la justice administrative se rattache au principe de la séparation des fonctions administratives et judiciaires posé par l'article 13 du titre II de la loi des 16 et 24 août 1790 : « les fonctions judiciaires sont distinctes et demeureront toujours séparées des fonctions administratives ; les juges ne pourront à peine de forfaiture troubler en quelle que manière que ce soit les opérations des corps administratifs, ni citer devant eux les administrateurs pour raison de leurs fonctions »49(*). Récusant ainsi l'autorité des juges, l'Administration échappait à tout contrôle du juridictionnel, sinon à celui du chef de l'exécutif à la fois juge et partie50(*). L'administré en conflit avec une autorité administrative ne pouvait pas s'adresser aux tribunaux mais devait saisir celle-ci qui statuait sur sa réclamation : c'est le système de l'administrateur-juge. C'est au terme d'un long processus qui commence avec la Révolution que l'ordre juridictionnel administratif sera constitué. Mal respectée, l'interdiction sera réitérée par la loi du 16 fructidor an III (1795) dans son article unique qui pose que : « Défenses itératives sont faites aux tribunaux de connaître des actes d'Administration, de quelle que espèce qu'ils soient, aux peines de droit ». Peu à peu, sous certaines reformes amorcées depuis l'an VIII, une véritable juridiction se précise avec l'institution des juridictions administratives51(*). Au cours des temps, le statut de la plus haute juridiction administrative (le Conseil d'Etat) sera affecté de quelques reformes importantes :

- d'une part, elle reçoit de la loi du 24 mai 1872 le pouvoir de juger elle-même définitivement, et à condamner au besoin l'Administration

- d'autre part, elle devient en 1889 juge de droit commun en premier ressort de l'ensemble du contentieux administratif.

b- Historique de l'introduction de la justice administrative au Cameroun

L'histoire de la justice administrative (il convient de préciser que la justice administrative doit être entendu au sens large : la justice administrative à compétence générale et la justice administrative à compétence spécialisée) au Cameroun est tributaire de l'héritage colonial franco-britannique que le pays a reçu au lendemain de la première guerre mondiale. La France et la Grande Bretagne prennent pied dans ce territoire, jadis sous administration allemande, à partir de 1916. L'organisation juridictionnelle administrative connait donc deux systèmes : le système français fondé sur la distinction entre les juridictions judiciaires et les juridictions administratives (dualité de juridictions) et le système britannique fondé sur une confusion, une seule juridiction compétente pour connaitre tant des litiges entre particuliers que les litiges auxquels l'Administration est impliquée (unité de juridiction).

L'esquisse d'une instance contentieuse dans la partie du territoire sous administration française, chargée de statuer sur les litiges auxquels l'Administration est impliquée, est consacrée par un décret français du 14 avril 192052(*). La première juridiction administrative camerounaise est instituée : le Conseil du Contentieux Administratif (CCA) dont chaque colonie française en était dotée depuis le décret du 7 septembre 188153(*). Un arrêté du 16 décembre 1921 vient parachever son processus de structuration, fixant ainsi les règles procédurales devant ledit Conseil. Considéré à l'origine comme le prolongement juridictionnel de l'Administration54(*), au regard de sa confusion organique avec le Conseil d'Administration du territoire camerounais55(*), le Conseil du Contentieux Administratif jouait immanquablement le rôle de juge et partie dans les procès administratifs.

L'évolution de la situation politique du Cameroun va entraîner la création du Tribunal d'Etat venant remplacer le Conseil du Contentieux Administratif. Institué par le décret du 4 juin 195956(*), le Tribunal d'Etat est souverain, préservé de toute emprise du Conseil d'Etat français. Au contraire du Conseil du Contentieux Administratif dont le Conseil d'Etat était la juridiction d'appel, le Tribunal d'Etat statue en premier et dernier ressort : le Tribunal d'Etat est donc une véritable juridiction administrative ayant plénitude de compétence pour connaître aussi bien du contentieux de pleine juridiction que de celui de l'excès de pouvoir57(*).

L'accession du pays à la souveraineté internationale58(*) va être à l'origine de la création d'une nouvelle juridiction nationale : la Cour Suprême. Cette première Cour Suprême indépendante est instituée par la loi n°60-12 du 20 juin 1960 ; elle sera la juridiction d'appel du Tribunal d'Etat qui est maintenu59(*), en même temps qu'elle jouera le rôle d'un Tribunal des Conflits en cas de conflits de compétence entre le Tribunal d'Etat et les juridictions judiciaires.

Toutefois, avec l'instauration de la fédération, l'expérience de la Cour Suprême du Cameroun oriental sera de courte durée puisqu'elle sera remplacée un an plus tard par la Cour Fédérale de justice (CFJ) dont la création résultait de l'article 33 de la Constitution fédérale du 1er septembre 196160(*). Elle exerce les fonctions de juridiction constitutionnelle, administrative et de régulation des conflits de compétence entre les juridictions les plus élevées des Etats fédérés. Son organisation est fixée par une ordonnance du 4 octobre 1961. Sa conception initiale est bouleversée par les lois du 29 novembre 196561(*) et du 14 juin 196962(*) qui la transforment en une juridiction administrative de compétence véritablement nationale63(*). « Avec elle, le contentieux administratif camerounais s'étoffe substantiellement et la justice administrative prend vraiment racine dans les moeurs juridiques de l'élite administrative camerounaise »64(*).

La consécration de la forme unitaire de l'Etat par la Constitution du 2 juin 1972 porte création d'une nouvelle Cour Suprême nationale par l'article 32 de la nouvelle Constitution, au détriment de l'ex-Cour Fédérale de justice. Son organisation65(*) et la procédure66(*) exercée devant elle sont complètement rénovées, et elle est composée d'une juridiction du premier niveau (la Chambre administrative) et d'une juridiction d'appel (l'Assemblée plénière). Toutefois, il se dégage d'importantes similitudes par rapport à l'instance contentieuse fédérale. Comme ses devancières, la nouvelle Cour Suprême ne semble pas avoir gagné de beaucoup en qualité puisqu'elle emprunte tous ses magistrats à l'ordre judiciaire.

La dernière reforme du contentieux administratif camerounais date du 29 décembre 200667(*), avec une nouvelle orientation ponctuée par la consécration des tribunaux administratifs dans les chefs-lieux de régions. En attendant leur mise en place effective, la Chambre administrative de la Cour Suprême continue provisoirement à statuer en premier ressort à travers les sections de ladite chambre et à charge d'appel et de pourvoi devant les sections réunies68(*).

L'origine et l'évolution de la justice administrative permettent de la définir comme l'ensemble des organes juridictionnels qui tranchent les difficultés contentieuses de droit public qui opposent un administré à l'administration selon une procédure déterminée tendant soit à établir la responsabilité de cette dernière, soit à annuler ses actes réputés illégaux.

Le fonctionnement de la justice administrative désigne de ce fait l'ensemble des éléments permettant aux juridictions administratives de rendre justice, c'est-à-dire l'ensemble des éléments réunissant la détermination des compétences, les règles de procédures permettant à une juridiction administrative de statuer sur un litige à caractère administratif.

En somme, nous pouvons définir les interventions du législateur dans le fonctionnement de la justice comme des actes par lesquels le législateur, qu'il s'agisse du Parlement au moyen d'une loi de circonstance ou du Gouvernement sous la forme d'une ordonnance se mêle à un procès ou à un litige porté devant une juridiction administrative pour en influencer le cours ou la décision rendue par cette dernière. Une telle étude présente un intérêt particulier.

B- L'intérêt de l'étude

Est-il besoin de souligner l'importance d'une étude sur les interventions du législateur dans le fonctionnement de la justice administrative au Cameroun ? L'étude des rapports entre le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire revêt une importance particulière fondée sur le principe de la séparation des pouvoirs législatif et judiciaire. Ainsi, le thème revêt un triple intérêt : pratique (1), politique et social (2) et scientifique (3).

1- L'intérêt pratique

La pratique récurrente des interventions du législateur dans le domaine du juge administratif est devenue un phénomène de mode. Devenue fondamentale en France, elle prend petit à petit de l'intensité au Cameroun. En bouleversant le fonctionnement courant et normal de la justice, le législateur se met au dessus de la séparation des pouvoirs. Les interventions fréquentes du législateur prouvent une fois de plus de l'intérêt qu'elles revêtent au point où certains penseront que c'est une pratique normale, mais il n'en est rien. Mais toujours est-il qu'il convient de remarquer qu'une fois l'instance engagée, aussi bien les exigences d'une bonne administration de la justice que celles de la sécurité juridique des plaideurs impliquent que les données textuelles du procès ne soient plus modifiées et qu'a fortiori la décision rendue par le juge (administratif) ne soit pas susceptible d'être privée d'effets par le législateur.

2- L'intérêt politique et social

Tout ce qui touche la justice touche de près à la vie de la cité. Du moment où l'Administration est partie à un litige soumis à l'appréciation du juge administratif, il n'est pas étonnant que le lien singulier entre l'Administration et le Gouvernement pousse le législateur à mettre en avant des considérations politiques dans le but de protéger l'Administration au détriment des administrés surtout au détriment de l'intérêt général. De plus, certaines interventions sont considérées comme inspirées par des aspirations politiques dans l'optique de protéger l'Administration non seulement contre les administrés, mais surtout contre le juge administratif.

De même, l'intérêt social d'une telle étude tient au fait que les administrés se trouvent ainsi sacrifiés dans l'exercice de leurs droits (droit à un procès par exemple) dans un souci d'intérêt général.

3- L'intérêt scientifique ou juridique

Cette étude permettra au juriste de prendre un peu de recul pour juger les problèmes qui se posent, pour en découvrir les remèdes et pour éventuellement suggérer les solutions appropriées. Or, quand on étend son horizon à d'autres systèmes (par le biais du droit comparé), on constate qu'à des degrés divers, les mêmes difficultés surgissent. En France comme au Cameroun et dans d'autres pays qui consacrent le principe de la séparation des pouvoirs, les mêmes questions se posent. Ainsi, il conviendra d'étudier les interventions du législateur dans le fonctionnement de la justice au regard de la conception actuelle de la séparation des pouvoirs. L'essentiel est donc de prendre conscience des divergences de solutions autour de la question que le juriste tentera de prendre en considération afin de fonder sa propre opinion scientifique.

II- CADRE METHODOLOGIQUE DE L'ETUDE

La problématique et les hypothèses de l'étude (A), ainsi que la méthode à utiliser (B) constituent le cadre méthodologique de l'étude.

A- Problématique du sujet et hypothèse de travail

Poser la question de savoir si le législateur peut légitimement intervenir pour modifier l'issue d'un procès en cours en intervenant dans l'administration de la justice est sans intérêt ici, car cela nous écarterait de notre sujet, puisque, comme on le sait, rien n'interdit au législateur d'intervenir dans le domaine du juge. Ce qu'il faut retenir ici c'est que la question de la légitimité ne se pose pas, étant donné l'absence d'une règlementation des interventions. S'il est vrai que ces interventions du législateur constituent une atteinte au principe de la séparation des pouvoirs, on ne saurait négliger la nécessité d'une telle pratique : c'est la raison pour laquelle dans un Etat de droit comme le Cameroun, elles sont tolérées, même si les risques d'abus de la part du législateur planent.

Ainsi nous nous poserons la question de savoir : quelle est la portée des interventions du législateur dans le fonctionnement de la justice administrative dans un Etat de droit comme le Cameroun ?

Des points de vue sont partagés sur la légitimité des interventions du législateur dans le domaine du juge. Les juristes se partagent entre réalistes qui, estiment que ces interventions du législateur sont une nécessité et qu'il ne faut pas être trop regardant sur les moyens employés, et les idéalistes qui considèrent que la justice doit suivre son cours et que les actes viciés doivent être sanctionnés quel qu'en soit le coût social. Mais il convient de remarquer que les conséquences d'une décision du juge peuvent être considérablement graves tant pour l'administration, qui voit son fonctionnement perturbé, fut-ce légitimement, que pour les particuliers dont l'exécution d'une décision peut porter atteinte à certains droits et libertés fondamentaux. Par contre, dans certaines hypothèses, le législateur peut plutôt se hisser en bourreau de la justice, s'immisçant, sans justification aucune, dans le jugement de certaines affaires portées devant le juge, portant ainsi atteinte à l'indépendance de la justice et au principe de la prééminence du droit. A l'analyse, on constate le lien étroit entre les interventions du législateur dans le fonctionnement de la justice administrative et les exigences de l'Etat de droit.

B- Méthodes de travail

Toute étude juridique obéit à la méthode juridique. La méthode permet de bien conduire sa raison et de rechercher la vérité dans les sciences69(*), elle conditionne le travail scientifique en ce sens qu'elle en éclaire les hypothèses et en détermine les conclusions. Il s'agira dans le cadre de cette étude d'une méthode juridique à double contenu, c'est-à-dire une double démarche d'analyse des textes et d'explorations des conditions de leur édiction, d'interprétations et d'applications qui en sont effectuées. La première démarche est la dogmatique (ou l'exégèse)70(*) et la seconde démarche est la casuistique, qui seront successivement et complémentairement utilisées dans le cadre de l'étude. Par ailleurs une approche sociologique est indispensable dans la mesure où elle conduira à sortir de l'environnement juridique pour appréhender l'environnement social.

Une dernière méthode non négligeable viendra compléter les précédentes : c'est le droit comparé. La démarche comparative en droit recherche des réponses aux questions suivantes :

- se trouve-t-on en présence des systèmes semblables et, le cas échéant, dans quelle mesure ?

- quelles sont les causes ou les facteurs de ces similitudes ou, le cas échéant des différences constatées ?

Il est donc important d'y faire recours pour confronter l'ordre juridique camerounais avec d'autres ordres juridiques car le droit comparé présente un avantage certain : il s'agit de formuler les problèmes pour ensuite recenser les solutions adoptées dans le contexte de chacun des pays retenus pour la comparaison. Enfin, nous ne saurons négliger l'apport des autres disciplines voisines telles le droit privé ou même l'histoire dont l'intérêt s'avère primordial.

Ainsi, la portée des interventions du législateur dans le fonctionnement de la justice administrative nous paraît rendre compte de deux grands mouvements successifs de l'étude. Dans un premier mouvement, certains interventions sont dites positives, car compatibles avec l'Etat de droit. Dans un second mouvement, certaines sont dites négatives, c'est-à-dire contraires à l'Etat de droit :

PREMIERE PARTIE : LES INTERVENTIONS COMPATIBLES AVEC L'ETAT DE DROIT

SECONDE PARTIE : LES INTERVENTIONS CONTRAIRES A L'ETAT DE DROIT

PREMIÈRE PARTIE :

LES INTERVENTIONS COMPATIBLES AVEC L'ETAT DE DROIT

On a longtemps remis en cause les interventions du législateur dans le fonctionnement de la justice71(*), considérant qu'elles constituent une atteinte flagrante au principe de la séparation des pouvoirs. C'était sans mesurer l'importance voire la nécessité de certaines de ces interventions. Il est vrai qu'en vertu du principe de la séparation des pouvoirs, il n'appartient pas au législateur de s'immiscer dans le jugement des affaires portées devant les tribunaux car, « il ne serait pas sain qu'il en fut autrement »72(*). Ainsi, la logique aurait voulu qu'une fois l'instance engagée, aussi bien les exigences d'une bonne administration de la justice que celles de la sécurité juridique des plaideurs impliquent que les données textuelles du procès ne soient plus modifiées et qu' a fortiori la décision rendue par le juge ne soit susceptible d'être privée d'effets par le législateur73(*). Cela est d'autant plus compréhensible dans la mesure où l'action législative est souvent inspirée par des considérations d'opportunité qui ne sont pas nécessairement celle du juge qui doit avoir pour seul souci de « dire le droit » dans un cas particulier74(*).

Depuis longtemps, la pratique des interventions a pris de l'ampleur. Elles ont toujours été considérées par certains comme un moyen pour le législateur de protéger l'Administration contre le juge75(*). Mais il convient d'avoir à l'esprit que les conséquences d'un jugement peuvent être extrêmement graves et irréversibles pour l'administration dont le fonctionnement est inévitablement perturbé, fut-ce légitimement, quand certains de ces actes sont annulés en justice. C'est à ce niveau que certaines interventions trouvent leur véritable raison d'être : bien qu'entravant au principe de la séparation des pouvoirs et à l'indépendance de la justice, ces justifications rendent les interventions compatibles avec l'Etat de droit, c'est-à-dire tolérées par l'Etat de droit. Quelles sont donc les interventions compatibles à l'Etat de droit ?

Comme on a pu le remarquer dans nos propos précédents, aucun texte ne réglemente les interventions du législateur dans le fonctionnement de la justice et surtout de la justice administrative au Cameroun. C'est la raison pour laquelle, cette pratique est devenue récurrente, ce d'autant plus que rien n'interdit le législateur d'intervenir dans l'administration de la justice. C'est la jurisprudence qui a posé les bases d'un régime juridique des interventions76(*) essayant tant bien que mal de mettre « un terme à la liberté totale dont jouissait jusque là le législateur »77(*), afin de prévenir ou d'éviter éventuellement les abus de la part de ce dernier, voir de les encadrer.

Ainsi avons-nous identifié deux types de loi qui constituent des interventions78(*) compatibles avec l'Etat de droit, encore appelées interventions positives : les lois de validation (chapitre 1) et les lois interprétatives (chapitre 2).

CHAPITRE 1 : LES LOIS DE VALIDATION

Encore appelée « validation législative »79(*) ou loi confirmative, la loi de validation est une loi votée par le Parlement pour conforter a posteriori  une situation juridiquement contestable de manière à la rendre définitive et insusceptible d'annulation80(*). C'est une intervention du législateur en forme de loi destinée, à titre rétroactif ou préventif, à valider de manière expresse, indirecte ou même implicite un acte administratif annulé ou susceptible de l'être81(*). Cette technique est parfois utilisée dans des hypothèses où un acte illégal accompli par l'Administration est déféré à une juridiction administrative pour en obtenir l'annulation et, parfois même, lorsque le juge administratif a déjà décidé que l'acte litigieux était nul82(*). Les lois de validation ou confirmatives ne sont pas simplement limitées à la validation d'un acte administratif, mais peuvent également intervenir en matière contractuelle et être applicables à des contrats passés entre deux personnes privées et relevant donc du droit privé83(*).

La pratique des validations législatives s'est accrue au fil des années et elles ne sont pas toujours répréhensibles comme le soulignent une partie de la doctrine84(*), car elles sont des « lois rétroactives par opportunité »85(*) et permettent d'éviter des situations inextricables86(*). Nous analyserons dans le cadre de ce chapitre tout d'abord les contours de la notion de « validation législative » (section 1) avant d'envisager la compatibilité des validations législatives avec les exigences de l'Etat de droit (section 2).

SECTION 1 : LES CONTOURS DE LA NOTION DE VALIDATION LEGISLATIVE

Utilisé dans une conception tantôt générique, tantôt spécifique, le terme doctrinal de « validation législative » génère un flou terminologique que nous souhaiterions, si cela est possible, tenter de dissiper. Intuitivement, tout juriste semble appréhender la notion : le législateur «valide», «avalise», «consolide» une position favorable à l'Etat, en modifiant l'état du droit87(*).

D'après la définition proposée par Gérard Cornu, il est à remarquer que les validations législatives revêtent des formes (paragraphe1) et des caractères (paragraphe 2) sur lesquels il convient de s'attarder afin de mieux appréhender leur nature juridique.

Paragraphe 1 : Essai de typologie des validations législatives

Les validations législatives peuvent revêtir plusieurs formes. La doctrine a élaboré une classification des protéiformes « validations législatives » en plusieurs catégories. Mais il convient de ne pas confondre les formes de validation aux types de validation. C'est la raison pour laquelle on distinguera les validations a priori88(*) des validations a posteriori89(*), les validations directes des validations indirectes, des validations partielles des validations intégrales qui en sont les formes et sur lesquelles nous ne nous attarderons pas. Mais nous analyserons essentiellement une synthèse de la typologie tirée de la doctrine qui nous permettra d'avoir une vue panoramique sur les types de validation. Nous distinguerons donc les validations par habilitation des validations par substitution (A) d'une part et d'autre part les validations par ratification des validations stricto sensu (B).

Cette typologie permet de découvrir les effets différents des multiples visages des validations, le choix de l'une ou l'autre formule influant directement sur la nature ou l'efficacité d'un contrôle juridictionnel.

A- La validation par habilitation et la validation par substitution

On distinguera la validation par habilitation (1) de la validation par substitution (2).

1- La validation par habilitation

La validation par habilitation90(*) consiste à conférer une autorisation expresse du législateur à l'Administration de prendre certaines mesures. Cette habilitation peut prendre deux formes : soit une autorisation conférée à l'Administration d'adopter des mesures rétroactives, autorisant par exemple la réfection rétroactive de l'acte annulé par le juge ; soit une autorisation délivrée dans une législation à effet rétroactif conférant a posteriori un fondement matériel à des actes administratifs.

Ces deux formes d'habilitation se distinguent essentiellement par l'auteur de la correction : la première hypothèse nécessite un acte supplémentaire à la seule habilitation du législateur, puisque c'est l'Administration elle-même qui opère la réfection ; dans la seconde hypothèse, le seul effet rétroactif de la loi d'habilitation suffit.

La technique ne peut s'analyser comme le maintien formel d'un acte administratif illégal : c'est un soutien du législateur à un acte administratif qui conserve son régime juridique et contentieux initial91(*). L'acte validé reste donc soumis au contrôle juridictionnel des actes administratifs, mais les moyens invoqués à son rencontre se trouveront privés d'effets.

C'est - pour utiliser une image empruntée à la médecine - la « guérison » de l'acte administratif92(*).

2- La validation par substitution

Par une validation par substitution93(*), le législateur reproduit le contenu de l'acte administratif illégal dans une disposition législative identique à effet rétroactif.

La même disposition matérielle mène donc une double vie à deux niveaux de la hiérarchie des normes ; elle dispose alors de deux destins parallèles. L'acte administratif en cause restera soumis au contrôle juridictionnel qui lui est propre. Les critiques qui lui sont adressées conservent leur pertinence, mais l'annulation éventuelle de l'acte administratif n'empêchera pas la survie, sous une forme législative, du contenu matériel de l'acte administratif annulé.

C'est le « dédoublement sous forme législative »94(*) de l'acte administratif, privant aussi d'effet les moyens invoqués à son encontre.

B- La validation par ratification et la validation stricto sensu

La validation par ratification (1) se distingue de la validation stricto sensu (2).

1- La validation par ratification

Alors que les deux premières interventions du législateur visent à sauvegarder le contenu de l'acte administratif, la validation par ratification95(*) tend à maintenir en vigueur l'acte administratif lui-même en modifiant sa nature juridique.

Le législateur s'approprie le contenu de l'acte, l'assume, en conférant à l'acte administratif force de loi96(*). Il en résulte une modification importante du régime contentieux : puisque l'acte administratif ainsi ratifié perd sa nature « administrative », le contrôle juridictionnel des actes administratifs cèdera sa place au contrôle de constitutionnalité des lois le cas échéant.

Il s'agit donc d'une « réincarnation » de l'acte administratif97(*) qui survie cette fois sous la forme d'une loi.

2- La validation stricto sensu

La validation par modification du régime contentieux ou validation stricto sensu98(*) n'essaie même pas de supprimer l'illégalité de l'acte administratif, elle « relève » seulement l'acte de son illégalité : l'illégalité demeure, mais ne peut empêcher l'application de l'acte99(*).

Cette validation constitue l'exemple-type d'une ingérence dans le procès puisqu'elle tend expressément à empêcher le contrôle juridictionnel de l'acte ou la mise en oeuvre d'une décision de justice.

C'est l'« absolution » ou la « résurrection » de l'acte administratif100(*) illégal - selon que l'acte a été annulé ou est susceptible de l'être.

Le législateur dispose donc d'un arsenal de validations à géométrie variable. Mais ces multiples « remèdes » à l'illégalité d'un acte administratif présentent des caractères on ne peut plus particuliers du fait de leur statut à part.

Paragraphe 2 : les caractères des validations législatives

En tant que lois revêtant un statut particulier, les validations législatives présentent des caractères tout aussi particuliers. Afin de sortir sa pleine effectivité, la validation législative doit donc présenter quatre caractères : elle doit émaner d'un législateur au sens large ; mettre les actes administratifs à l'abri du contrôle des juridictions nationales, sous la seule réserve du juge constitutionnel ; opérer de manière rétroactive ; et enfin, ce qui découle de sa cause objective, couvrir une illégalité avérée, patente ou, à tout le moins, problématique101(*).

Si les première et quatrième caractéristiques constituent selon nous moins des critères distinctifs de la notion de validation que des éléments intrinsèques au pouvoir de valider, nous souhaiterions à ce stade de l'analyse envisager les deuxième et troisième caractéristiques, qui constituent selon nous les deux questions fondamentales de la notion de validation législative : le rôle de la rétroactivité (A), et la question de l'interférence dans une procédure juridictionnelle (B).

A- La portée rétroactive des validations législatives

Bien que la validation législative présente un caractère fondamentalement rétroactif (1) il n'est pas à négliger l'aspect préventif qui peut s'y rattacher (2) selon que l'acte est annulé ou susceptible de l'être.

1- Le caractère rétroactif des validations

En dépit de l'article 4 du code civil102(*) qui prévoit que la loi ne dispose que pour l'avenir elle n'a point d'effet rétroactif, et du préambule103(*) de la Constitution camerounaise du 18 Janvier 1996104(*) qui prévoit dans le même sens que la loi ne peut avoir d'effet rétroactif, l'objectif même d'une mesure de validation est d'avoir un effet rétroactif et de purger une irrégularité afin de couper court à toutes contestations fondées sur cette irrégularité105(*). Ainsi, la « couverture » d'une illégalité implique le caractère rétroactif de la validation législative. Cependant, si la plupart des définitions des validations évoquent leur caractère rétroactif, nous estimons que la rétroactivité constitue un élément davantage accessoire que distinctif d'une validation106(*).

Cette rétroactivité n'existe pas par elle-même, n'est pas décidée en tant que telle : puisqu'il s'agit de couvrir l'illégalité d'un acte administratif, la disposition aura nécessairement un effet rétroactif. Si la rétroactivité va de pair avec une validation, c'est parce qu'elle en est la conséquence logique, le revers de la technique107(*). Elle n'en constitue pas une caractéristique intrinsèque, mais une conséquence implicite108(*), dérivée de l'objet même - l'illégalité à couvrir - du procédé de validation. Mais cette rétroactivité, bien qu'implicite, n'en demeure pas moins selon nous un élément nécessaire à la définition de la validation législative.

Par ailleurs, bien que les dispositions du Code civil aient simple valeur législative, pouvant être écarté par la loi109(*), la consécration de la non-rétroactivité dans le préambule ou tout au moins dans la Constitution camerounaise lui confère une valeur constitutionnelle, c'est-à-dire que le législateur est tenu de la respecter. Bien plus, des exigences telles l'intérêt général peuvent faire obstacle à la non-rétroactivité de validation, nous y reviendrons. Ainsi le caractère rétroactif des validations s'explique par le fait que la validation porte sur un acte déjà annulé, et par principe, l'annulation d'une décision administrative contestée entraîne disparition de celle-ci qui est censé n'avoir jamais existé110(*). La rétroactivité est donc une exception à ce principe. Elle n'est pas toujours répréhensible surtout lorsqu'elle est justifiée et c'est dans le souci d'éviter des conséquences désastreuses que le législateur intervient rétroactivement.

La rétroactivité concernant les actes annulés, le caractère préventif est lié aux actes non encore annulés ou susceptibles d'être annulés.

2- Le caractère préventif des validations

Le caractère préventif des validations tient au fait que les validations interviennent souvent avant que le juge administratif ne soit saisie d'une quelconque action d'annulation ou même avant qu'il ne prononce sa décision111(*) (cette dernière hypothèse est la plus récurrente). Ainsi, au lieu d'attendre que sa décision soit annulée par le juge avant d'obtenir du législateur une validation rétroactive, l'Administration peut, dans le souci d'assurer la bonne marche et la continuité du service publique par exemple demander au législateur de valider sa décision, soit lorsqu'elle est consciente que cette décision est susceptible de faire grief et d'être portée devant le juge administratif, soit lorsque celle-ci, ayant déjà été portée devant le juge pour annulation, ce dernier n'a pas encore prononcé sa décision.

Le caractère rétroactif s'appliquant aux décisions administratives déjà annulées, le caractère préventif est lié aux décisions non encore annulées mais donc l'irrégularité est déjà portée devant le juge ou aux décisions susceptibles de faire grief et susceptibles d'être portées devant le juge. Au caractère rétroactif et/ou préventif des validations s'ajoute un autre caractère lié à la question de l'interférence dans un procès en cours.

B- La question de l'interférence dans une procédure juridictionnelle

La question de l'interférence dans une procédure juridictionnelle peut être envisagée essentiellement sous deux angles : l'existence d'un procès en cours (1), et la couverture d'une illégalité avérée (2).

1- L'existence d'un procès en cours

Ici, la validation est envisagée subjectivement, c'est-à-dire qu'elle est liée à un élément d'intentionnalité : pour « valider », le législateur doit avoir pour but d'intervenir dans un procès qui apparaît défavorable à l'Etat. Dans cette optique subjective qui lie la qualification de « validation » à la volonté du législateur, la validation dépend de son contexte et d'une sorte de « dol législatif »112(*), la cause de l'intervention du législateur - un procès en cours. La validation législative implique toujours, puisqu'elle concerne nécessairement une illégalité, deux niveaux de la hiérarchie des normes113(*). Cette circonstance permet de distinguer la validation législative de la rétroactivité décidée comme telle ou de l'interprétation authentique, qui se situe au seul et même niveau législatif114(*) et qui ne couvre pas ipso facto l'illégalité d'un acte administratif.

Ainsi, l'existence d'un procès en cours peut justifier de l'intervention du législateur : cela est d'autant plus vérifiable dans la mesure où un acte administratif ne peut être déclaré illégal que par le juge, et c'est dans le but d'éviter l'annulation de cet acte115(*)par le juge. L'existence d'un procès en cours pousse le législateur a constaté116(*) qu'un acte administratif est illégal et est susceptible d'être annulé par le juge. A défaut d'un procès en cours, la validation législative n'aura pas la même portée.

Mais si l'accent est mis sur l'intervention dans un procès en cours, l'élément objectif consistant en l'existence, même sous-jacente, d'une illégalité, ne peut être négligé.

2- L'existence d'une illégalité avérée

Ici, la validation est envisagée objectivement. Si l'on envisage objectivement la validation, le contexte procédural importe peu. Qu'il y ait ou non une procédure pendante à laquelle l'Etat est partie et que cette procédure en l'occurrence se révèle défavorable à l'Etat, la validation existera en raison même de l'illégalité qu'elle couvre. Le fait de mettre les actes administratifs à l'abri des juridictions nationales apparaît dès lors non comme la cause de l'intervention législative, mais comme un effet, incident ou implicite. Cette protection à l'égard d'un contrôle juridictionnel se confond alors avec l'objet de la validation : une illégalité117(*).

N'impliquant aucun élément d'intentionnalité, cette approche objective, conditionnée par l'existence d'une illégalité, présente l'avantage d'une qualification aisée : dès qu'il y a illégalité couverte, il y a validation. Cependant, cette approche pourrait également induire qu'une intervention «innocente» du législateur confirmant un acte administratif, se révèle a posteriori constituer une validation. Tributaire d'une illégalité, la qualification serait dès lors toujours en suspens118(*). On remarque donc que le législateur peut lui-même constater l'illégalité et décider de la corriger, sans que toutefois cela ne soit lié à une quelconque intention.

On peut donc retenir que, même en l'absence d'un procès en cours, le législateur peut valider un acte administratif illégal. Par ailleurs, il convient de remarquer que ce caractère est fondamental, mais il ne peut être retenu comme une caractéristique intrinsèque dans la mesure où c'est le procès en cours qui justifie fondamentalement le recours à la validation législative par le législateur.

A la croisée des optiques objective et subjective, nous proposons une définition simple de la « validation législative » : l'intervention du législateur en vue de couvrir l'illégalité d'un acte administratif119(*). Nous envisageons donc une validation constitutive, à deux niveaux de la hiérarchie des normes, intervenue en connaissance de cause, c'est-à-dire dans le but d'influer sur la solution d'un litige.

L'étude du régime juridique viendra compléter cette argumentation.

SECTION 2 : LA COMPATIBILITE DES VALIDATIONS LEGISLATIVES AVEC LES EXIGENCES DE L'ETAT DE DROIT

Le régime juridique d'une institution ou d'un concept est l'ensemble des règles applicables à cette dernière ou à ce dernier. Comme nous l'avons déjà dit, aucun texte constitutionnel ou législatif ne réglemente les validations législatives aussi bien en France qu'au Cameroun, mais, les validations législatives sont à certains égards compatibles avec l'Etat de droit. Longtemps considéré comme un empiètement flagrant dans le domaine privilégié de la justice, la nécessité du recours aux validations législatives s'est fait ressentir car on lui reconnait une place fondamentale malgré les gardes fous posés par le principe de la séparation des pouvoirs. C'est pour cette raison qu'au lieu de les supprimer purement et simplement comme l'auraient souhaité certains auteurs, la jurisprudence, principalement constitutionnelle, a jugé mieux de les encadrer afin d'éviter tout débordement de la part du législateur. C'est ainsi pour être mise en oeuvre les validations doivent respecter certaines conditions (paragraphe 1) lesquelles conditions produisent des effets (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Les formalités exigées pour l'exercice du pouvoir de validation

C'est le juge constitutionnel français, qui pour la première fois, pose les conditions que le législateur devrait respecter pour mettre en oeuvre des validations, dans une de ses décisions rendues en date du 22 Juillet 1980120(*). En posant ces conditions, le juge constitutionnel reconnait aux validations législatives leur importante nécessité. Au soutien de cette décision, deux types de conditions ressortent : les conditions communes à toutes les validations (A) et les conditions particulières (B).

A- Les exigences générales du recours aux validations législatives

La décision du 22 Juillet 1980 pose les bases d'une réglementation des validations. La jurisprudence rappelle donc les règles bien établies qui représentent les frontières que le législateur ne peut en aucun cas franchir121(*). C'est ainsi que le législateur doit intervenir en vue de satisfaire un intérêt général (1) et son intervention doit respecter l'autorité des décisions de justice devenues définitives (2). En outre, et plus rigoureusement, la loi doit être assez précise pour que les actes validés soient déterminés exactement (3).

1- La satisfaction d'un intérêt général suffisant

« Si le législateur doit toujours légiférer dans l'intérêt général, l'appréciation doit être plus stricte en matière de validation et au regard de bouleversements opérés dans l'ordonnancement des normes juridiques »122(*). Les mécanismes d'élaboration de la loi permettent-ils la prise en compte de l'intérêt général? Si la détermination de l'intérêt général doit être le fait du législateur, au premier chef des parlementaires qui sont les élus du peuple, il va de soi que les mécanismes d'élaboration de la loi ne sont guère satisfaisants. La part déterminante de l'Exécutif dans l'initiative des lois, la mainmise du Gouvernement sur la procédure législative ne favorisent guère une prise en compte effective du point de vue des élus. Le problème est celui de l'excès de rationalisation des procédures parlementaires, C'est là aussi un problème politique qui peut éventuellement aboutir à des modifications de la Constitution allant dans le sens d'une restauration des pouvoirs du Parlement, particulièrement dans l'édification des lois.

La satisfaction de l'intérêt général est donc la raison d'être d'une disposition de validation123(*). Le contrôle effectué dans ce domaine est d'une intensité variable. Dans certains cas, la référence à l'intérêt général est absente ; dans d'autre cas, les raisons d'intérêt général sont implicites ; dans d'autres cas encore, il est mentionné qu'il existe des raisons d'intérêt général sans que ces raisons soient explicitées124(*) ou avec des précisions quant à l'intérêt général en cause. En vérifiant que le législateur a bien poursuivi un intérêt général suffisant, le juge constitutionnel peut se livrer à un contrôle de proportionnalité entre les mesures prises (de validation) et l'intérêt général.

Il est à noter que l'objectif de la préservation du fonctionnement du service public constitue le motif d'intérêt général le plus souvent invoqué125(*), mais d'autres objectifs d'intérêt général sont tels : éviter que la paix publique ne soit menacée par la multiplication des contestations, mettre fin à des divergences de jurisprudence et éviter par là même le développement des contestations dont l'aboutissement aurait pu entraîner des conséquences financières préjudiciables etc.126(*) Ainsi, l'acte validé ne doit pas contrevenir à un principe de valeur constitutionnel à moins que le but d'intérêt général poursuivit par la validation ne soit lui-même de valeur constitutionnelle. Toutefois, un motif purement financier n'est pas de nature à fonder une validation législative127(*).

Comme on peut le constater, le contrôle de la poursuite d'un but d'intérêt général est donc un instrument d'appréciation de la validité de la loi de validation, en tant que celle-ci, comme toutes autres lois est l'expression de la volonté générale et ne saurait aller à l'encontre de l'intérêt général. La deuxième condition est relative au respect des décisions de justice devenues définitives.

2- Le respect des décisions de justice devenues définitives

Cette exigence découle du principe de la séparation des pouvoirs. Il « n'appartient ni au législateur, ni au gouvernement de censurer les décisions des juridictions, d'adresser à celles-ci des injonctions et de se substituer à elles dans le jugement des litiges relevant de leur compétence »128(*). Il est rappelé qu'aucune loi de validation ne peut intervenir, une fois que le juge administratif a prononcé un jugement, devenu définitif. Un argument utilisé à cet égard, est le fait que le recours pour excès de pouvoir, qui constitue une forme de protection juridictionnelle des administrés129(*), est expressément prévu par la Constitution. Ce qui veut dire qu'une éventuelle validation après l'annulation d'un acte administratif, serait contraire à la Constitution. La condition de respect des « décisions de justice devenues définitives » ou des « décisions de justices passées en force des choses jugées » figure généralement dans le libellé de la mesure de validation130(*). C'est pour cela qu'il est à remarquer que le législateur précise parfois lui-même que les validations sont prononcées sous réserve des décisions de justices devenues définitives. Cette exigence signifie dès lors qu'une loi de validation ne peut intervenir que dans les procédures pendantes ou porter sur les actes pris sur le fondement d'un acte ayant fait l'objet d'une annulation sans avoir été eux-mêmes annulés par une décision de justice devenue définitive131(*).

Par ailleurs, l'expression « respect des décisions de justices définitives » utilisée indifféremment avec « respect de la chose jugée » est-elle absolue tant on a remarqué que l'intérêt général (motif suffisant) peut être invoqué pour justifier la validation d'acte déjà annulés ?132(*) La réponse est négative. Une atténuation doit être apportée à cette exigence parce que la rigueur pourrait conduire à une paralysie des institutions. Ainsi, comme l'a préconisé le juge constitutionnel français, l'acte annulé ne pouvant plus faire l'objet de validation, la mesure prise sur son fondement peuvent l'être à condition de ne pas être annulé par une décision devenue définitive.

Bien que trouvant son fondement dans le principe de la séparation des pouvoirs, cette exigence est atténuée par l'intérêt général qui est une nécessité fondamentale qui tend aussi à la préservation de l'Etat de droit. A ces deux exigences s'ajoute une troisième, la portée limitée des validations.

3- L'exigence d'une précision stricte des actes validés

Le législateur doit prendre soin, lorsqu'il procède à une validation, de préciser dans les dispositions de validation quelle est l'irrégularité dont l'acte sera considéré comme purgé ou lorsque la validation concerne des actes pris sur le fondement d'un acte irrégulier ou l'aboutissement d'une procédure entachée d'irrégularité en amont, de viser l'acte illégal, ou l'irrégularité de procédure133(*). L'objet de cet examen est de rappeler que le législateur ne peut prendre des mesures de validation, « qu'à condition de définir strictement leur portée qui détermine l'exercice du contrôle de la juridiction administrative »134(*). Ainsi, le juge constitutionnel est à même de restreindre le prononcé de validations trop vagues, car, il arrive que le législateur choisisse une formule lapidaire procédant à la validation sans en préciser la portée ; or le caractère circonscrit de la validation est une condition de sa validité. C'est pour cette raison que  « si le législateur peut, dans un but d'intérêt général suffisant, valider un acte dont le juge administratif est saisi afin de prévenir les difficultés qui pourraient naître de son annulation, c'est à condition de définir strictement la porté de cette validation »135(*).

Il convient de remarquer que ces conditions communes aux validations sont cumulatives et aucune ne peut être écartée au profit de l'autre. Qu'en est-il des conditions particulières ?

B- Les exigences spécifiques du recours aux validations législatives

Ces conditions particulières sont relatives tant à l'acte validé (1) qu'aux techniques de validation employées (2). Elles émanent également de la jurisprudence.

1- Les exigences tenant à l'acte validé

Deux questions méritent ici d'être posées : quelle est la nature de l'acte validé ? Quelle est la nature du vice qui affecte l'acte ?

Pour ce qui est de la première question, alors que traditionnellement, comme on l'a dit plus haut, les validations portaient sur des actes administratifs réglementaires ou individuels, est apparut un nouvel objet de validation : le contrat. Ici, la nature de l'acte n'est pas considérée comme une condition de mise en oeuvre de la validation puisqu'il a été établi que l'autonomie de la volonté et la liberté contractuelle n'étant pas des processus constitutionnels, le législateur pouvait intervenir rétroactivement en matière contractuelle, sauf à ce que cette intervention intéresse l'exercice d'une liberté publique ou qu'elle porte atteinte à un autre principe constitutionnel136(*). Il n'existe pas alors de conditions tenant la nature de l'acte, car l'acte peut être soit un acte administratif règlementaire ou individuel, soit un contrat administratif ou un contrat relevant du droit privé. Le législateur n'est pas de ce fait lié par la nature de l'acte.

En ce qui concerne la seconde question, l'inconstitutionnalité de l'acte validé ne peut être retenue à l'encontre de la loi validant l'acte. En effet, l'acte tire sa validité de la loi et non de la procédure initiale de son adoption. Ainsi, il est cependant admis que le législateur commettrait une inconstitutionnalité en légalisant ou en maintenant en vigueur un acte inconstitutionnel. La validation d'un acte susceptible d'être annulé par la juge, pour atteinte au principe d'égalité, ne sera pas nécessairement elle-même inconstitutionnelle si l'intérêt général justifie qu'elle soit dérogée à l'égalité137(*). Par conséquent, l'inconstitutionnalité de l'acte validé n'entraîne pas nécessairement l'inconstitutionnalité de la loi de validation, mais c'est un élément qui peut être pris en compte pour apprécier la conformité de la loi138(*).

Nous remarquons que les conditions tenant à l'acte ne sont pas prises rigoureusement en compte. Qu'en est-il des conditions tenant aux techniques de validation employées ?

2- Les exigences tenant aux techniques de validation employées

La majeure partie des lois de validation ont pour effet de donner une base légale aux actes qu'elles valident soit en modifiant rétroactivement les conditions de leur légalité, soit en les validant tant qu'ils sont conformes à de nouvelles dispositions édictées par la loi, soit en validant des actes pris en application d'un acte annulé139(*). Le législateur peut donc procéder à des validations rétroactives ou préventives, directes et totales, partielles ou indirectes.

Par ailleurs, en ce qui concerne les validations implicites, des restrictions sont encore émises, car, les conditions dites communes n'ont pas d'intérêt à être invoquées pour ce qui est des validations implicites140(*).

Nous venons d'analyser les conditions de mise en oeuvre des validations législatives établies par la jurisprudence constitutionnelle qui rappelle les conditions communes à l'ensemble des mesures de validation et les conditions particulières relatives à l'acte validé et aux techniques employées. Afin de compléter l'étude du régime juridique, il conviendra d'analyser les effets qui découlent des validations.

Paragraphe 2 : La portée des validations législatives

Les validations législatives produisent des effets tant sur l'acte annulé ou susceptible de l'être (A) que sur le cours du procès et les décisions portant annulation de l'acte (B).

A- Sur l'acte annulé

Les validations législatives produisent des effets sur l'acte annulé dans la mesure où l'acte est légalisé ou rendu légal (1), mais celle-ci conserve sa nature d'acte administratif (2).

1- La légalité conférée à l'acte irrégulier par le législateur

Les lois de validation ont pour effet de donner une base légale aux actes qu'elles valident. Dans cette hypothèse, l'intervention du législateur établit l'ordre normal des compétences. Elle a pour effet de légaliser l'acte quand il s'agit de lui donner valeur législative. Ainsi, la légalisation permet une modification du régime juridique de l'acte et dans une certaine mesure son régime contentieux141(*). Le législateur modifie les règles que le juge a pour mission d'appliquer à condition de ne pas rendre tout recours juridictionnel contre l'acte impossible. La légalisation peut laisser croire que l'acte administratif devient un texte de forme législative. Mais il en est rien ; l'acte conserve sa nature d'acte administratif qu'il convient de présenter.

2- La conservation de leur nature d'actes administratifs

La validation conserve aux actes leur nature d'actes administratifs. Les lois de validation, au sens strict du terme, n'ont pas pour objet de modifier la nature administrative d'un arrêté ou d'un règlement ; elles visent seulement à en couvrir l'irrégularité, réelle ou prétendue. Ces lois empêchent le juge administratif de déclarer fondé le recours en annulation dirigé contre l'acte validé ; elles s'opposent à ce que les juridictions administratives refusent d'appliquer l'acte validé en le considérant comme irrégulier ; elles font obstacle à ce que ces juridictions considèrent l'acte validé comme fautif parce qu'irrégulier. L'acte validé reste donc de nature administrative.

L'autorité administrative demeure donc compétente pour l'abroger ou, le cas échéant, le modifier. Par la suite, elle ne prive pas l'autorité administrative du pouvoir de la modifier ou de l'abroger sans procédure ou formalités spécifiques142(*). Mais il arrive, à en croire certaines décisions, que la validation transforme - par quel mystère - les actes validés en texte de forme législative qui ne peuvent être modifié ou abrogé par l'Administration qu'après saisine du Conseil constitutionnel et déclaration par lui de leur caractère réglementaire143(*). Ainsi, les actes validés ne sauraient en aucun cas se transformer en texte de nature législative car la validation n'est pas la transformation ou le changement de la nature d'un acte. Il serait prétentieux de penser que tous les actes administratifs irréguliers et validés puissent intégrer le corpus législatif, car on se retrouverait avec un nombre impressionnant de textes de forme législative chaque fois que le législateur validera un acte irrégulier, et passer outre la procédure d'élaboration des lois. En somme, la légalité conférée aux actes qui étaient au départ irréguliers ne vient que comme une solution offerte à l'Administration de mettre en application un acte pour l'intérêt que celui-ci porte.

Les effets sur l'acte nous montrent que celui-ci, malgré son irrégularité, est légalisé et conserve sa nature d'acte administratif, mais ses effets ont-ils une même portée dans le procès en cours et à l'égard de la décision du juge ?

B- Sur le cours du procès et la décision du juge

Les validations législatives ont un effet considérable sur le cours du procès et sur la décision du juge lorsqu'elles sont prononcées. C'est ainsi que lorsqu'elles interviennent en cours de procès, elles suppriment l'objet de la demande portée devant le juge (1), lorsqu'elles interviennent après que le juge ait rendu sa décision, elles dispensent l'Administration de l'obligation d'exécuter la décision du juge (2).

1- La suppression de l'objet de la demande portée devant le juge

Une affaire est pendante devant le juge et celui-ci n'a pas encore prononcé sa décision. La validation ici a pour but non seulement de valider l'acte irrégulier, mais également de supprimer l'objet de la demande portée devant le juge144(*). Intervenant dans le procès, le législateur en influence ainsi le cours. Certains auteurs estiment que cela est une atteinte grave à l'indépendance de la justice et à la sécurité juridique145(*) ; d'autres par contre estiment que cela contribue à la protection de la sécurité juridique146(*)

L'objet est ce sur quoi le juge statue, c'est-à-dire le problème qui lui a été soumis pour son appréciation. Lorsque le législateur valide un acte dont l'irrégularité constitue l'objet du litige, la légalisation ou la ratification de cette irrégularité retire au litige son objet. La suppression de l'objet n'est que la conséquence de la validation. Dans la mesure où l'objet du litige disparaît, le procès n'a plus de raison d'être et le juge doit prononcer un non-lieu. On entend par non-lieu la décision par laquelle le juge, se fondant sur un motif de droit ou une insuffisance de charge, ne donne aucune suite au litige. Le litige est censé n'avoir pas eu lieu, puisqu'il est suspendu avant même que le juge ait prononcé sa décision. Dans le cadre des validations partielles, le non-lieu n'est pas définitif puisque le juge peut annuler l'acte pour toute autre irrégularité excepté celle qui a été validée.

L'effet est différent lorsque le juge a prononcé sa décision tendant à l'annulation de l'acte, le législateur par la validation dispense l'Administration de l'exécution de la décision.

2- L'abolition de l'obligation d'exécuter la décision du juge

Elle constitue pour certains auteurs une atteinte grave à l'autorité de la chose jugée, car l'Administration, comme n'importe quel justiciable a l'obligation d'exécuter la décision du juge quand cela la lui incombe. En revanche, l'exécution de certains jugements est en effet susceptible de créer d'inextricables difficultés à l'Administration, en même temps que cette exécution préjudicierait gravement à des agents ou à des administrés qui ne sont en rien responsables des illégalités censurées147(*). Il est donc satisfaisant que le Conseil constitutionnel français ait reconnu la conformité de principe des lois de validation à la Constitution qui permet que le législateur prenne des mesures rétroactives et cela notamment, « afin de régler comme lui-seul... (peut) le faire, les situations nées de l'annulation »148(*) d'un acte administratif149(*).

CONCLUSION DU CHAPITRE I

Les lois de validation constituent un moyen pour le législateur de corriger une illégalité contenue dans un acte administratif que l'annulation pourrait causer un préjudice grave dans le fonctionnement des services publics. Cette pratique, bien que décriée par beaucoup, constitue à n'en point douter un moyen plus ou moins efficace dont dispose le législateur pour amender un acte illégal dont l'annulation aurait été inévitable si ce dernier n'était pas intervenu. La nécessité du recours aux validations législatives réside dans le fait que le souci du législateur, motivé par l'intérêt général, est d'assurer le bon fonctionnement de l'Administration (continuité du service public, maintien de l'ordre public...), abstraction faite des risques d'abus et de la prise en compte d'autres objectifs autres que l'intérêt général.

CHAPITRE 2 : LES LOIS INTERPRETATIVES

L'interprétation du droit (et dans une certaine mesure de la loi), depuis l'ancien droit, peut être définie comme l'explication d'une chose obscure ou douteuse150(*). En principe, c'est au juge qu'il appartient d'interpréter la loi, parce que c'est lui qui l'applique à un fait ou une situation litigieuse précise, mais tel n'a pas toujours été le cas. Comme nous l'avons déjà dit, à l'époque de la Révolution française, la crainte du législateur l'a poussé à interdire au juge d'interpréter la loi de manière souveraine (loi des 16 et 24 août 1790). Une procédure très curieuse consistait, à partir de ce moment, lorsqu'une juridiction était saisie d'une question d'interprétation délicate, à se référer au législateur pour qu'il interprète lui-même son propre texte. On appelait alors cette procédure singulière le « référé législatif » dont la raison d'être était justifiée par la maxime : « ejus est legem interpretari, cujus est condere »151(*) qui a fonctionné de 1790 à 1837. Cette perversion à rebours du principe de la séparation des pouvoirs qui tendait à assurer la suprématie absolue du pouvoir législatif à l'occasion des affaires à juger ne fut qu'une courte éclipse qui disparut assez rapidement152(*).

L'interprétation constitue le domaine de prédilection du juge, car il permet à celui-ci de combler les lacunes de la loi, lorsque son application à une situation litigieuse nécessite une rectification de la part du juge, et parfois de la rajeunir pour l'adapter aux besoins du temps, surtout lorsque le texte est vague et contient des notions très malléables, le juge peut conduire une certaine « politique jurisprudentielle »153(*).

Par ailleurs, au fil des temps, il s'est avéré que dans certains cas, le juge, en interprétant une loi lui donnait un sens contraire à l'esprit de la loi ou du législateur. Cela suscitait ou engendrait des conséquences plus ou moins graves, ce qui a poussé le législateur à se reconnaitre le rôle d'interprète occasionnel de son propre texte dans certaines circonstances par l'intervention des lois interprétatives154(*). La loi interprétative constitue une intervention du législateur dans le fonctionnement de la justice car elle intervient généralement lors d'un procès en cours. C'est un acte d'éclaircissement qui interprète un acte antérieur obscur, plus précisément, c'est une loi destinée à interpréter une loi antérieure pour en préciser le sens et la portée. La loi interprétative fixe le sens qu'une loi antérieure est censée avoir eu dès l'origine155(*). Venant s'agréger au texte qu'elle interprète pour lui donner un sens déterminé et différent de celui que le juge va vraisemblablement lui reconnaître, ou lui a déjà reconnu, elle prend effet à la date de ce dernier.

Ainsi, rien n'interdit au législateur d'interpréter lui-même, dans le souci d'apporter un éclaircissement à un texte de loi, ou de mieux préciser sa pensée. En soi, ce moyen législatif n'est pas illégitime, mais il suscite des controverses lorsqu'une loi interprétative est promulguée à l'occasion d'un procès en cours, alors que le texte interprété (applicable au cas d'espèce) avait déjà été interprété par le juge, obligeant ainsi ce dernier à statuer dans le sens donné par le législateur. Mais précisons que la loi interprétative intervient pour dire ce qui a toujours été (ou ce qui aurait toujours dû être) en dépit des malencontreuses interprétations contraires qui auraient pu intervenir entre temps, c'est-à-dire malgré les jugements intervenus entre la loi à interpréter et la loi venant subséquemment interpréter cette dernière156(*).

Très fréquente en droit privé (notamment en droit civil), la pratique des lois interprétatives, bien que rare en droit administratif, n'est pour autant pas inexistante surtout en droit camerounais. Ainsi, dans le cadre de ce chapitre, la nature des lois interprétatives (section 1) ainsi que leur régime juridique (section 2) seront tour à tour analysés, ceci dans l'optique de montrer en quoi cette pratique est compatible avec l'Etat de droit.

SECTION 1 : LES CONTOURS DE LA NOTION DE LOI INTERPRETATIVE

La loi interprétative est une loi « [qui] tend, de la part de l'auteur d'un acte, à clarifier celui-ci par un éclaircissement destiné à s'incorporer à l'acte interprété »157(*). Elle est interprétative de la volonté du législateur158(*). Il s'agit d'une loi purement explicative, car elle prétend ne pas pouvoir excéder le rôle qu'un juge aurait pu exercer dans l'interprétation de la même loi159(*). L'étude de la nature des lois interprétatives revient à cerner la notion même de ces lois. Etant des lois bénéficiant d'un statut particulier tout comme les lois de validation que nous avons analysées plus haut, ces lois n'interviennent que dans des circonstances très particulières, c'est-à-dire lorsqu'une difficulté se présente dans l'application du droit par le juge lors d'un procès. Ceci étant, l'analyse des contours de la notion de loi interprétative nous amènera d'une part à les distinguer de certaines notions avec lesquelles elles ont tendance à se confondre (paragraphe 1) afin de mieux cerner la notion et d'autre part à étudier les caractères qui s'y rattachent (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : La distinction des lois interprétatives avec les notions voisines

Des confusions ou des assimilations sont souvent faites entre les lois interprétatives et d'autres concepts qui s'y ressemblent. Cela entraîne de ce fait des difficultés quant à sa qualification. Ainsi, une distinction doit être faite entre les lois interprétatives et ces notions dans le but de lever toute équivoque afin de cerner les contours véritables des lois interprétatives.

D'abord une distinction doit être faite entre les lois interprétatives et les mesures interprétatives160(*), car on a souvent tendance à assimiler les unes aux autres : premièrement, parce que les deux ont un rôle explicatif. Mais la distinction se situe à plusieurs niveaux : les lois interprétatives émanent du législateur (ce sont des lois) alors que les mesures interprétatives sont prises par une autorité administrative (en tant qu'actes administratifs). Les lois interprétatives sont susceptibles d'être contrôlées par le juge constitutionnel, alors que les mesures interprétatives sont insusceptibles de recours devant le juge administratif. Nous ne nous attarderons pas plus sur cette distinction, nous procèderons plutôt à une distinction avec d'autres lois auxquelles les lois interprétatives semblent se confondre beaucoup plus.

Une distinction doit donc être faite entre les lois interprétatives et les lois modificatives (A) et entre les lois interprétatives et les lois de validation (B).

A- Distinction loi interprétative et loi modificative

Par loi modificative, nous entendons une loi prise par le législateur qui se borne à modifier une loi initiale partiellement ou totalement sans toutefois l'abroger et dont le but est de régler une situation de droit précise et de l'adapter aux besoins. La loi modificative a pour but de changer l'état du droit. A certains égards, une loi interprétative peut être assimilée à une loi modificative ; mais si l'on tient compte de la définition donnée des lois interprétatives161(*), la différence s'établit. Mais il convient de remarquer que la confusion entre les deux notions peut tenir au fait que sous le couvert des lois interprétatives, le législateur édicte des dispositions nouvelles, modifiant ainsi le texte initial qu'il est censé seulement interpréter. Reserve faite de cette confusion, la loi interprétative et la loi modificative se distinguent tant au niveau de leur contenu (1) qu'au niveau de leur finalité (2).

1- Une différence de contenu

Comme nous l'avons déjà précisé, la loi interprétative a pour but d'interpréter - sans rien innover - un texte de loi réputé obscur ou, dans une certaine mesure, de mettre un terme aux incertitudes et aux controverses jurisprudentielles sur le sens d'une règle. Son contenu ne doit porter que sur la controverse à résoudre, c'est-à-dire qu'elle a une fonction purement explicative. En outre, la loi interprétative n'a pas un caractère créateur, mais un caractère recognitif car elle reconnait le droit préexistant162(*) (loi interprétée). En venant conforter le droit existant, elle ne ferait que déclarer un état de droit déjà positif puisqu'elle n'a aucune vocation à modifier le droit applicable163(*). Elle n'est pas indépendante de la loi interprétée puisqu'elle en est une partie intégrante, ce d'autant plus qu'elle ne constituerait pas une rupture, elle serait un gage de continuité164(*). La loi interprétée et la loi interprétative sont appliquées comme un seul texte.

Par contre, la loi modificative, comme son nom l'indique, modifie un texte totalement ou partiellement. C'est un texte nouveau puisqu'il est indépendant du texte modifié, il n'en est pas une partie intégrante, même si ces deux textes peuvent être appliqués ensemble, au regard des dispositions transitoires du moment où le législateur l'a prévu comme tel ; chaque texte pouvant régir des situations particulières. Elle a pour fonction de modifier un état de droit applicable jusque là et dont le besoin de l'adapter se fait ressentir. De plus, et en général, la loi modificative modifie et complète la loi ancienne. La loi modificative et la loi modifiée peuvent être appliquées simultanément puisque la première, même en cas de modification intégrale, n'abroge pas la seconde, auquel cas la loi modifiée disparaîtra.

2- Une dissemblance de finalité

La loi interprétative a pour finalité de résoudre les incertitudes ou des controverses jurisprudentielles sur le sens d'une règle. Sa portée est donc substantielle et non simplement formelle165(*). Comme on peut le remarquer, la loi interprétative n'intervient que lorsqu'une interprétation jurisprudentielle crée des dissensions, elle constitue une ingérence du législateur dans l'administration de la justice afin d'influer sur le dénouement judiciaire du litige166(*). La loi modificative quant à elle n'intervient pas forcément dans le cours d'un procès mais elle a pour finalité d'adapter un état de droit à une « situation » donnée, et en complétant la loi ancienne, elle apporte des éléments nouveaux (pas forcément des précisions) quant à un domaine précis devant régir le droit positif. De plus, la loi interprétative a un effet rétroactif alors que la loi modificative n'est pas rétroactive (à moins que le législateur n'en décide autrement, ce qui lui donnera le caractère d'une loi simplement rétroactive pouvant être attaquée pour inconstitutionnalité).

Ainsi, la loi modificative règle une situation de droit que le législateur juge inadaptable aux situations en cours, ou tout au moins complète ce qui existait déjà, alors que la loi interprétative vise à régler une controverse jurisprudentielle167(*) liée à un problème d'interprétation.

B- Distinction loi interprétative et loi de validation

La loi interprétative et la loi de validation constituent des interventions du pouvoir législatif dans l'administration de la justice afin d'influencer sur le dénouement des litiges168(*).On a toujours tendance à confondre les lois interprétatives et les lois de validation. Certains auteurs les assimilent et leur reconnait un même régime juridique169(*). Même s'il est vrai que ces deux techniques ont un caractère rétroactif, et interviennent dans un procès en cours, elles ne doivent pas être confondues.

La confusion tient parfois au fait que le législateur peut faire passer facilement une loi de validation pour une loi interprétative, on pourrait donc penser qu'il n'y a entre les deux qu'une différence de degré mais ce serait oublier que la loi interprétative est possible en droit pénal puisqu'elle n'est pas censée modifier le texte original170(*). La loi de validation et la loi interprétative s'apparentent parce qu'elles tendent à influencer le juge ; mais les deux techniques sont distinctes aussi bien au niveau de leur objet (1) qu'au niveau de leur contenu (2).

1- Une différence d'objet

Comme nous l'avons mentionné dans le chapitre précédent, en dehors des matières concernées, l'objet même des validations législatives s'est également diversifié : portant traditionnellement sur des actes administratifs, la validation peut également concerner des procédures ou encore des actes relevant des relations de droit privé, y compris en matière contractuelle171(*). L'objet de la loi de validation est principalement l'acte administratif, et de plus en plus les contrats, même ceux passés entre personnes privées172(*). Par contre, l'objet de la loi interprétative ne saurait être un acte administratif, mais bel et bien une loi173(*), antérieure, dont l'application dans des procès a suscité de multiples interprétations qui ont occasionné des controverses poussant ainsi le législateur à intervenir. La loi de validation valide une irrégularité dont un acte administratif fait l'objet, celui-ci étant susceptible d'être annulé par le juge administratif, la loi interprétative clarifie le sens d'une loi antérieure obscure : on note de ce fait une différence d'objet.

La loi de validation a une portée « correctrice », car elle corrige les erreurs commises par l'Administration ; la loi interprétative a une portée explicative, car elle tend à apporter des précisions sur ce qui est ou ce qui a toujours été. Etant donné que la loi de validation ne peut être possible en droit pénal174(*), cela constitue une dissemblance fondamentale avec la loi interprétative.

A côté de la différence d'objet, la différence de contenu est tout aussi palpable.

2- Une différence de contenu

Tandis que la loi interprétative se borne à apporter des précisions quant à l'éclaircissement d'une loi antérieure, sans rien innover ou sans donner toute autre justification, la loi de validation, quant à elle, tend à apporter des correctifs à l'action administrative. Le contenu de la loi interprétative montre que celle-ci n'a pas vocation d'édicter des normes nouvelles, sauf à expliquer. La loi de validation peut avoir un contenu variable selon le type de validation envisagée par le législateur. Ainsi, par exemple, lorsque le législateur prend une validation par habilitation, il confère juste à l'autorité administrative une autorisation expresse de prendre certaines mesures, autorisant cette dernière à procéder à une réfection rétroactive d'un acte administratif annulé par le juge175(*). Il n'en est pas de même pour les validations par substitution176(*), les validations par ratification177(*), ou lorsque le législateur prend une validation dite stricto sensu, qui apparaît comme l'exemple-type des validations législatives ; le législateur modifie le régime contentieux de l'acte incriminé, et relève l'acte de son illégalité178(*). Mais l'exigence de la précision de la validation par le législateur oblige ce dernier à être assez explicite quant au contenu d'une loi de validation. Cette même exigence demeure également pour les lois interprétatives dont le contenu ne doit en aucun cas aller au-delà de la simple explication du texte controversé.

Ainsi, toute équivoque est levée quant à la confusion loi interprétative et loi modificative d'une part et d'autre part loi interprétative et loi de validation. Malgré les éléments qui les unissent, cela ne peut en aucun cas entraîner des confusions tant au niveau de leur nature qu'au niveau des règles qui leur sont applicables.

Paragraphe 2 : Les caractères des lois interprétatives

La loi interprétative, comme la loi de validation, a un statut à part, et en tant que tel, elle présente des caractères particuliers qui sont liés moins à sa nature qui, comme on le sait, est bel et bien une loi179(*), qu'à sa finalité. Ainsi, prise pour « redresser l'interprétation faite de la loi par la jurisprudence qui ne serait pas conforme à l'intention du législateur »180(*) et tendant à briser une interprétation jurisprudentielle, la loi interprétative intervient directement dans les litiges en cours. Il convient de préciser que la loi interprétative est classée parmi les lois rétroactives, c'est-à-dire celles qui s'appliquent aux situations antérieures à leur entrée en vigueur. La rétroactivité est donc ce qui caractérise la loi interprétative (A), associée à un autre caractère qui est l'application immédiate (B).

A- La rétroactivité des lois interprétatives

Une loi est rétroactive lorsqu'elle s'applique à des situations juridiques constituées avant son entrée en vigueur, ainsi qu'aux effets passés de cette situation. Par définition, la loi interprétative a pour objet de clarifier le sens d'une loi antérieure obscure et, en tant que telle, elle fait corps avec la loi qu'elle interprète et entre en vigueur en même temps qu'elle. C'est ce qui justifie sa rétroactivité. Mais cette rétroactivité n'est pas de mise puisqu'elle suscite des polémiques quant à la nécessité du recours aux lois interprétatives. Elle est donc présumée (1), puisqu'elle constitue une exception au principe de la non rétroactivité des lois (2).

1- La présomption de la rétroactivité des lois interprétatives

La loi interprétative est présumée181(*) rétroactive dans la mesure où son entrée en vigueur remonte à celle de la loi interprétée. En outre, elle règle une difficulté née de l'application de cette dernière. En résolvant ce problème d'interprétation, la loi interprétative est censée faire partie intégrante de la loi interprétée depuis son adoption, car elle intervient pour dire ce qui a toujours été ou qui aurait dû être, « en dépit des malencontreuses interprétations contraires qui auraient pu intervenir entre temps »182(*). En principe, la loi interprétative serait par essence même rétroactive183(*), mais la détermination de ce caractère rétroactif pose des difficultés : une loi interprétative est-elle d'emblée rétroactive même lorsque le législateur lui-même ne l'a pas expressément qualifié comme telle?

Cette interrogation revêt une importance capitale, d'autant plus qu'elle porte sur les hypothèses dans lesquelles le législateur n'a pas expressément qualifié la loi d'interprétative (lui conférant ainsi une nature rétroactive)184(*). Dans la mesure où rien n'oblige le législateur à qualifier une loi d'interprétative, le problème ne saurait se poser lorsque la qualification découle d'une disposition législative expresse. A défaut d'une telle disposition, il revient donc en dernier lieu au juge de déterminer si la loi en question crée des dispositions nouvelles, auquel cas elle ne produira d'effet juridique qu'un jour après sa publication185(*), ou si elle ne fait que régler une controverse née de la loi précédente auquel cas elle sera qualifiée de loi interprétative186(*). La qualification de la nature interprétative d'une loi, voire de son caractère rétroactif, incombe donc au juge lorsque le législateur l'a volontairement ou non omis. Le juge présume que la loi est interprétative et par ricochet rétroactive ; cette présomption peut avoir l'avantage d'éviter d'autres controverses qui pousseront encore le législateur à intervenir.

Ainsi présumée, la loi interprétative constitue donc une exception au principe de la non-rétroactivité des lois.

2- L'exception au principe de la non-rétroactivité des lois

L'article 2 du code civil pose comme principe que « la loi ne dispose que pour l'avenir, elle n'a point d'effet rétroactif ». Cette disposition est entérinée dans le préambule de la Constitution camerounaise du 18 janvier 1996187(*). Le principe de la non-rétroactivité protège le citoyen contre la loi. En son absence la loi pourrait remettre en question les actes passés. On ne peut exiger des citoyens l'obéissance à une règle qu'ils ne pouvaient pas connaître puisqu'elle n'existait pas. C'est un principe dit de sécurité juridique. Alors que la tendance du droit contemporain est de faire reculer, en les encadrant, les diverses hypothèses de rétroactivité du droit - de la loi voire de la jurisprudence -, la loi interprétative conserve un statut à part, qui semble la mettre à l'abri d'une telle défiance188(*). C'est que là où la rétroactivité semble constituer une atteinte à la sécurité juridique, la loi interprétative est censée en être un véhicule privilégié favorisant l'application du « droit préexistant » tout en ayant pour finalité de mettre un terme aux incertitudes et aux controverses sur le sens d'une règle189(*). Ainsi une loi n'est interprétative si elle n'est rétroactive. En outre, et comme nous l'avons déjà précisé, le fait pour une loi interprétative d'avoir un caractère recognitif montre que celle-ci ne doit en aucun cas constituer une rupture, elle sera le gage d'une continuité190(*).

Reconnaître le caractère rétroactif des lois interprétatives revient à lui conférer un statut à part191(*). La doctrine majoritaire n'a jamais remis en cause la rétroactivité reconnue aux lois interprétatives sauf dans les hypothèses où ces lois créent des dispositions nouvelles, auquel cas la rétroactivité constituerait une atteinte à la sécurité juridique.

Bien qu'étant considéré en France comme n'ayant qu'une simple valeur législative pouvant être abrogée ou modifiée par une autre loi, la non-rétroactivité des lois a une valeur constitutionnelle au Cameroun, consacrée dans le préambule de la Constitution, qui ne trouve en principe une exception qu'en matière pénale (lois pénales plus douces) et dont le législateur doit s'y soumettre. Le caractère rétroactif des lois interprétatives pourrait donc constituer une inconstitutionnalité en droit camerounais ; mais la nécessité pour le législateur de résoudre une difficulté liée à l'interprétation d'une norme dans le but de préserver la sécurité juridique peut justifier voire tolérer le recours aux lois interprétatives.

La rétroactivité ne doit pas être confondue à l'application immédiate d'une loi qui est un autre caractère des lois interprétatives.

B- L'application immédiate aux instances en cours des lois interprétatives

L'on a le plus souvent tendance à confondre l'effet immédiat d'une loi et son caractère rétroactif. Par l'effet rétroactif, la loi nouvelle192(*) modifierait ou interpréterait une situation établie sous l'empire d'une loi ancienne, en supprimant par exemple les effets des actes déjà accomplis. La loi régit les situations antérieures à son entrée en vigueur. Par contre, la loi nouvelle, qui entre en vigueur, s'applique aux faits et actes postérieurs à sa publication. C'est l'effet immédiat de la loi nouvelle. L'application immédiate de la loi nouvelle signifie donc que la loi ancienne continue à être appliquer aux actes passés sous son autorité et la loi nouvelle régit les situations en cours et actes passés postérieurement à son entrée en vigueur. Ce qui résous le problème du conflit des lois dans le temps.

En principe, la loi nouvelle est automatiquement applicable aux situations en cours et marque une coupure dans le temps. Le passé demeure régi par la loi ancienne, l'avenir par la loi nouvelle. Les lois interprétatives font exception à ce principe puisqu'elles ne constituent pas des lois nouvelles. L'application immédiate est ainsi un caractère de la loi interprétative, lorsque le législateur l'a précisé (1). Mais son application pose des difficultés puisqu'elle intervient dans les instances en cours, selon que le législateur n'a pas expressément précisé que la loi a un effet immédiat (2).

1- La précision expresse par le législateur de l'application immédiate de la loi interprétative

Cela ne pose pas de difficulté à proprement parler, puisque du moment où le législateur a expressément prévu qu'une loi interprétative est d'application immédiate, le juge se contente de s'y conformer et de l'appliquer. Par ailleurs, des débats sont nés sur le point de savoir si, en présence d'une loi interprétative par détermination de la loi193(*), le juge avait la faculté de remettre en cause la qualification législative pour refuser ensuite l'application du texte.

Certains auteurs estiment que le juge pourrait fort bien refuser de prêter tout effet immédiat à la loi, tandis que d'autres faisaient valoir que lorsque la loi est « véritablement »194(*) interprétative, son application immédiate ne saurait être discutée. L'application immédiate apparaît alors comme l'essence même des lois interprétatives, lorsque le législateur l'a expressément précisé. Du moment où l'application immédiate sous-entend que la loi s'applique aux instances en cours, cela a également suscité des controverses au niveau de la doctrine, car, en s'appliquant aux instances en cours, la loi interprétative constitue une immixtion flagrante du législateur dans l'administration de la justice195(*). Mais au regard du but visé par cette loi196(*), son application aux procès en cours reste primordiale, même lorsque le législateur n'a rien dit.

La précision expresse de l'application immédiate de la loi interprétative n'est pas une condition imposée au législateur, il est libre d'en faire la précision. La situation est donc différente lorsque celui-ci n'en a fait aucune précision.

2- En cas d'absence de précision sur l'effet immédiat de la loi interprétative

La question de la justification de l'application immédiate ne vaut que lorsque le législateur lui-même ne précise pas expressément que la loi interprétative s'appliquera immédiatement aux instances en cours. Dans ce cas, le juge doit faire recours aux dispositions transitoires pour déterminer si la loi est applicable aux situations en cours ou pas197(*). Souvent, les lois nouvelles comportent, à l'heure actuelle, des dispositions transitoires, auxquelles il convient de se référer. Une disposition transitoire peut être définie comme une règle ou une prescription énoncée dans un texte juridique, et dont le but est de règlementer les situations pendantes pour l'avenir du moment où certaines dispositions de la loi nouvelle ne seront pas applicables immédiatement pour quelles que raisons que ce soient. Dans ce cas, le législateur peut décider que la loi ancienne continue à s'appliquer totalement ou partiellement, tandis que la loi nouvelle ne pourra soit ne pas s'appliquer immédiatement, soit ne s'appliquer que partiellement. Le juge, sans avoir à qualifier la loi, devra donc respecter les dispositions transitoires.

Une autre hypothèse est celle selon laquelle le législateur a procédé à la qualification de la loi, mais sans toutefois tirer les conséquences quant à l'application du nouveau texte dans le temps198(*). En ce cas, si le juge choisit de l'appliquer immédiatement, c'est bien parce que la loi interprétative, par essence même, commanderait cette solution.

En somme, l'effet rétroactif et l'effet immédiat caractérisent la loi interprétative. Mais il convient de constater qu'au Cameroun, contrairement à la France où le principe de la non-rétroactivité n'a qu'une simple valeur de loi, ce principe a une valeur constitutionnelle ; et de ce fait, le législateur est tenu de bien motiver son recours aux lois interprétatives, sinon elle sera inconstitutionnelle. Il est vrai que ce dernier n'a pas besoin de motiver son recours, car, on le sait, la loi interprétative a un statut particulier du fait qu'elle n'est pas une loi autonome, elle vient simplement corriger, voire rectifier des incertitudes nées dans l'application d'un texte initial et en est donc une partie intégrante. Ainsi, afin d'éviter que le législateur ne sorte de ce cadre et n'édicte des lois nouvelles sous la qualification de loi interprétative, celle-ci est soumise à un régime juridique tout aussi particulier qui justifie une fois de plus son statut à part.

SECTION 2 : LE REGIME JURIDIQUE APPLICABLE AUX TEXTES INTERPRETATIFS

Une lecture soucieuse de la séparation des pouvoirs, de la Constitution - puisque la loi interprétative peut constituer une immixtion du législateur dans le champ de la justice (administrative) -, montre que le caractère rétroactif de cette loi fait problème199(*). C'est la raison pour laquelle, dans le but d'encadrer ces lois afin d'éviter tout risque d'abus de la part du législateur, la doctrine, complétée par la jurisprudence, a élaboré un régime juridique applicable aux lois interprétatives. Ainsi, pour que le législateur édicte une loi interprétative, ou pour qu'une loi soit qualifiée d'interprétative, un certain nombre de conditions doit être remplie (paragraphe 1). Ces conditions ne sont pas sans effet (paragraphe 2), au regard du caractère particulier (rétroactif) que ces lois présentent.

Comme nous l'avons déjà dit dans nos propos introduisant ce chapitre, les lois interprétatives sont rares en droit administratif. Le régime juridique est donc l'oeuvre de la doctrine privatiste suivie par la jurisprudence civile et pénale. En droit camerounais, tant le juge administratif que le juge judiciaire n'ont pas une position établie quant à ce qui concerne le régime des lois interprétatives. Nous emprunterons donc au droit français et dans une certaine mesure au droit communautaire européen pour esquisser une réflexion afin de cerner le régime des textes interprétatifs. Nous essayerons tant bien que mal, et autant que faire se peut d'illustrer au besoin, afin de ne pas rester cantonné dans la théorie.

Paragraphe 1 : Les formalités exigées au législateur dans l'édiction d'une loi interprétative

« [...] Pour qu'une loi soit vraiment interprétative, il faut qu'il ait eu matière à interprétation, qu'il ait eu une controverse à résoudre (que les tribunaux auraient pu résoudre par leurs propres moyens quoique plus péniblement, si la loi n'était pas intervenue) [...]200(*). Il convient de préciser qu'à ces conditions retenues par le Professeur CARBONNIER, d'autres élaborées par la jurisprudence constitutionnelle viennent s'y ajouter. Par ailleurs, afin d'avoir une vue panoramique, nous prendrons en compte celles retenues par le juge communautaire européen c'est-à-dire la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) pour encadrer minutieusement les lois interprétatives. Nous classerons donc celles-ci en formalités liées à l'interprétation proprement dite (A), et en formalités relatives au caractère rétroactif des lois interprétatives (B).

A- Les formalités relatives à l'interprétation proprement dite

Nous retenons avec le Professeur CARBONNIER que, pour qu'une loi soit vraiment201(*) interprétative, il faut qu'il ait eu matière à interprétation (1), qu'il ait eu une controverse à résoudre (2). A ces deux conditions, la Cour de cassation française en a retenu une autre lorsqu'elle affirme qu' « une loi ne peut être considérée comme interprétative qu'autant qu'elle se borne à reconnaitre sans rien innover un état de droit préexistant qu'une définition imparfaite a rendu susceptible de controverse »202(*) : c'est la dénégation du caractère créateur de la loi interprétative (3).

1- L'exigence d'une matière à interpréter

L'exigence d'une matière à interpréter est la première condition sans laquelle une loi ne peut être considérée comme interprétative. Dans la mesure où le législateur n'est censé prendre une loi interprétative que lorsqu'une loi antérieure pose un problème d'interprétation, il ne saurait interpréter une loi qui ne pose aucune difficulté d'interprétation. De plus, et c'est très fondamental, le fondement de l'interprétation du législateur est une loi ; cela veut tout simplement dire que l'interprétation ne peut pas porter sur une fiction ou sur un acte autre que législatif203(*), le texte doit exister, ne pas être abrogé, ni caduc, car le législateur ne peut interpréter une loi abrogée ou caduque. Ainsi, l'équivalence des formes exige qu'on ne puisse concevoir l'interprétation authentique sans équivalence entre le texte originaire et celui qui l'interprète.

2- L'exigence d'une controverse à résoudre

L'exigence d'une controverse à résoudre apparaît comme le corollaire de la première. L'exigence d'une controverse à résoudre est fondamentale dans la mesure où la finalité d'une loi interprétative serait de mettre un terme aux incertitudes et aux controverses sur le sens d'une règle204(*). L'existence des controverses peut donc justifier l'intervention du législateur. L'interprétation jurisprudentielle n'est jamais une mais multiple et diversifiée, car elle répond à une pluralité de buts et de nécessités205(*), qui ne sont pas toujours ceux qui ont motivés le législateur ou ceux visés par lui. C'est face à ces multiples interprétations, qui pour le moins sont éparses, que le législateur se trouve obligé d'intervenir pour pallier à ces égarements jurisprudentiels, afin de donner un sens précis et définitif à une règle. L'exigence de la controverse à résoudre trouve donc son intérêt à ce niveau puisqu'une interprétation ne peut créer une controverse mais plusieurs interprétations divergentes. Cette condition a été posée afin d'éviter que le législateur ne trouve un prétexte pour s'immiscer continuellement dans le jugement des affaires pour justifier cela par une interprétation douteuse de la part du juge.

3- La dénégation du rôle créateur de la loi interprétative

En posant qu' « une loi ne peut être considérée comme interprétative qu'autant qu'elle se borne à reconnaître sans rien innover un état de droit préexistant qu'une définition imparfaite a rendu susceptible de controverse », la jurisprudence établit une nouvelle condition liée à l'interprétation. Au regard de cette exigence jurisprudentielle, la loi interprétative est privée de toute portée créatrice206(*) : elle se « borne à reconnaître sans rien innover ». Humilité évidente prêtée à la loi interprétative, dénuée de toute velléité modificatrice. C'est la raison pour laquelle, « le texte étant interprétatif est applicable aux instances en cours »207(*). Précisément, les termes employés par la jurisprudence, qui semblent issus de la théorie des conflits de lois dans le temps, reposent sur une dénégation du caractère créateur de la loi interprétative. En venant conforter le droit préexistant, elle ne ferait que déclarer un état de droit déjà positif. Du moment où la loi interprétative n'a aucunement vocation à modifier le droit applicable, elle présente à cet effet un caractère recognitif208(*).

B- Les formalités relatives au caractère rétroactif des lois interprétatives

Tout en sanctionnant l'immixtion du législateur dans la fonction des juges, le Conseil constitutionnel français lui reconnaît le pouvoir d'adopter des lois interprétatives, mais à la condition que ces lois répondent à des motifs d'intérêt général suffisants, et respectent par ailleurs le principe de l'autorité de la chose jugée. Il a de ce fait posé une règle générale valable pour toutes les hypothèses de rétroactivité : « que le principe de la rétroactivité des lois n'a valeur constitutionnelle, en vertu de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen qu'en matière répressive ; que si dans les autres matières, le législateur a la faculté d'adopter des dispositions rétroactives, il ne peut le faire qu'en considération d'un motif d'intérêt général suffisant et sous réserve de ne pas priver de garanties légales des exigences constitutionnelles »209(*). Au regard de cette prescription, la considération d'un motif d'intérêt général suffisant (1), le respect du principe de l'autorité de la chose jugée (2) et le respect des normes supérieurs (3) seront exigés au législateur.

1- La prise en compte d'un motif d'intérêt général suffisant

La détermination de l'intérêt général par le législateur est-elle libre? Existe-t-il une nécessaire et présumée conformité de la loi à l'intérêt général? Quelle peut être l'étendue du contrôle du juge constitutionnel en la matière? La promotion d'intérêts catégoriels ou la reconnaissance de droits spécifiques à des groupes peuvent-elles répondre à la détermination de l'intérêt général ou manifestent-elles au contraire un démembrement, voire une négation de celui-ci? Toutes ces questions montrent la nécessité pour le législateur de prendre en considération l'intérêt général lorsque celui-ci est appelé à interpréter une loi.

Dans la tradition juridique camerounaise, « la loi est l'expression de la volonté générale »210(*). Il appartient au législateur d'exprimer cette volonté qui ne peut qu'être conforme à l'intérêt général. Plus exactement, volonté générale et intérêt général ne font qu'un. Il s'en déduit que la détermination de l'intérêt général est entièrement libre et que toute loi, par le seul fait qu'elle est le produit d'une « volonté générale démocratiquement constatée », est présumée d'intérêt général.

Cette présomption longtemps irréfragable peut désormais être renversée : le passage de « l'Etat légal à l'Etat de droit » que manifeste l'existence d'un contrôle de constitutionnalité permet ce renversement, depuis que le Conseil constitutionnel français a affirmé l'existence d'un contrôle effectif de la constitutionnalité des lois, « la loi n'exprime la volonté générale que dans le respect de la Constitution »211(*). Si l'on soutient le parallélisme initial entre intérêt et volonté, on pourrait dire, parodiant le Conseil, que la loi ne détermine l'intérêt général que dans le respect de la Constitution. C'est la raison pour laquelle le législateur, par respect de la Constitution, devrait se plier à cette exigence.

Mais l'appréciation de l'intérêt général pose toujours des difficultés, dans la mesure où elle est réduite, ce d'autant plus que l'appréciation de cet intérêt général faite par le juge ne peut être identique à celle du législateur. Car cela reviendra à transformer le juge (surtout constitutionnel) en juge de l'opportunité, ce qui l'exposerait à la critique212(*). Le contrôle du juge constitutionnel ne peut qu'être minimal. C'est un contrôle de l'erreur manifeste. Le juge de l'application de la loi est-il légitime à contrôler la réalité de l'intérêt général poursuivi par le législateur?

Dans la théorie de la séparation des pouvoirs, le juge ordinaire doit appliquer la loi. Il le fait en évitant les deux écueils majeurs que rappelle le Code civil en ses articles 4 et 5 : l'arrêt de règlement d'un côté, le déni de justice de l'autre. Pour appliquer la loi, le juge ordinaire doit être en mesure de l'interpréter, ce qui lui laisse une marge d'appréciation essentiellement limitée par l'objectif premier qui lui est assigné : l'application. D'ailleurs, le juge ordinaire s'est toujours refusé à contrôler la constitutionnalité des lois213(*). A priori, il n'appartient donc pas au juge de contrôler l'existence ou la réalité de l'intérêt général invoqué par le législateur. Cela reviendrait à faire de lui un juge de 1'opportunité des lois votées par le Parlement. Ainsi, le législateur doit prendre en compte l'intérêt général lorsqu'il édicte une loi interprétative ; en outre, on pourrait également estimer que l'interprétation faite par le législateur, afin d'éviter des controverses peut constituer un intérêt général.

2-Le respect du principe de l'autorité de la chose jugée

L'application d'une loi interprétative ne peut cependant passer outre l' autorité de la chose jugée. On pourrait penser que la rétroactivité reconnue aux lois interprétatives les exempte du respect de l'autorité de la chose jugée. Il n'en est rien. Du moment où la loi interprétative s'applique aux procès en cours, le législateur doit respecter les exigences du principe de la séparation des pouvoirs, ce qui veut dire, qu'il doit s'abstenir de faire obstacle à l'exécution des actes annulés par les décisions juridictionnelles « passées en force de chose jugée ». Ainsi, toutes les décisions devenues définitives ne peuvent plus être perturbées par une loi interprétative postérieure à la décision du juge. Tout comme pour les lois de validation, les lois interprétatives sont également soumises à cette exigence. En application de ce principe, le Conseil constitutionnel français a décidé « qu'il n'appartient ni au législateur, ni au gouvernement de censurer les décisions des juridictions, d'adresser à celles-ci des injonctions et de se substituer à elles dans le jugement des litiges relevant de leurs compétences »214(*). Le législateur est donc tenu d'éviter de faire mention du fait que la loi interprétative s'appliquera aussi aux décisions de justice revêtant l'autorité de la chose jugée. Il peut décider comme nous l'avons déjà dit que la loi interprétative s'appliquera aux instances en cours215(*), mais il ne peut décider qu'elle s'appliquera aux décisions définitives sans toutefois porter atteinte à un principe constitutionnellement reconnu : l'indépendance de la justice.

Ainsi, il n'est pas interdit au législateur d'adopter des mesures interprétatives, mais à la condition que ces mesures respectent par ailleurs le principe de l'autorité de la chose jugée216(*), car l'interprétation qu'il fait d'une loi antérieure ne signifie pas que l'effet rétroactif qui lui est reconnu s'appliquera aux situations déjà jugées, mais plutôt à la loi qu'elle interprète.

3-L'obligation de ne pas priver de garanties légales des exigences constitutionnelles

Le législateur est également tenu de respecter les exigences constitutionnelles et de les garantir légalement. Cela veut dire que ce dernier ne doit pas, si la Constitution renvoie la mise en application d'une exigence constitutionnelle à la loi, priver ces exigences de garanties légales. Il ne doit pas donc passer outre les exigences constitutionnelles.

Paragraphe 2 : L'impact ou les effets des lois interprétatives

A cause de son statut à part dû à son caractère rétroactif, la loi interprétative produit des effets particuliers par rapport aux lois ordinaires, étant donné qu'elle influence non seulement le juge (A) dans sa compétence d'interprétation, mais également le cours du ou des procès (B), lorsque la loi interprétée faisait l'objet d'une application dans un ou dans plusieurs litiges dont les juges étaient appelés à connaître.

A- Les effets des lois interprétatives à l'égard du juge

Comme on le sait, le rôle d'interprétation revient normalement au juge, particulièrement en tant que « gardien du droit », à l'occasion d'un litige qui peut lui être soumis. Rien n'empêche cependant le législateur de mieux affirmer sa volonté. C'est donc la raison pour laquelle, lorsque ce dernier interprète, le juge est tenu de s'y conformer217(*), et il ne peut plus donner une nouvelle interprétation au texte qu'il est censé appliquer, car l'interprétation du législateur est réputée de ce fait authentique218(*).

1- Le respect par le juge de l'interprétation faite par le législateur

Dans la mesure où la loi interprétative apparaît comme un mode de réparation, qui officiellement reconnaît l'interprétation comme relevant du judiciaire219(*), le législateur peut toujours se substituer au juge pour interpréter lui-même la loi de façon substantielle220(*). C'est la raison pour laquelle, en tant qu'auteur d'une loi, le législateur est tenu de l'interpréter, et le juge doit s'y conformer et orienter sa décision dans le sens de l'interprétation faite par le législateur, même s'il avait déjà au préalable donné une interprétation au texte. Cela se justifie par le fait que le principe de la séparation des pouvoirs confie une tâche précise à chaque pouvoir : le législateur édicte les normes, le juge les interprète et les applique aux litiges qui lui sont soumis. Mais lorsqu'un problème d'interprétation se pose221(*), le législateur, en tant qu'auteur de la norme peut se substituer au juge. Certains auteurs se sont posé la question de savoir si le juge était tenu de se plier à l'interprétation faite par le législateur. La réponse à cette question se trouve dans les articles 4 et 5 du code civil de 1804 applicable au Cameroun. En effet, l'article 4 dispose que « le juge qui refusera de juger, sous prétexte de silence, de l'obscurité ou de l'insuffisance de la loi, pourra être poursuivi de déni de justice ». L'article 5 ajoute qu' « il est défendu aux juges de se prononcer par voie générale et règlementaire sur les causes qui lui sont soumises ».

Subséquemment, le principe de la séparation des pouvoirs, bien que prônant une égalité entre les pouvoirs, ne devrait pas perdre de vue qu'il existe une certaine hiérarchie entre les pouvoirs (surtout entre le législatif et le judiciaire), c'est-à-dire que le juge a obligation d'appliquer un texte édicté par le législateur. Le juge ne devrait pas justifier sa position222(*) par le fait que l'interprétation des textes ressortit de sa compétence, car comme on l'a si bien dit, rien n'interdit au législateur d'interpréter son propre texte, car cette interprétation est réputée authentique223(*).

2- La question du caractère rétroactif des revirements de jurisprudence liés à une loi interprétative

Prêter un effet déclaratif à la loi interprétative, croire qu'elle reconnaît le droit préexistant sans opérer de rupture ou introduire de modification, c'est, pour faire bref, nier l'existence même d'une jurisprudence source de droit224(*). S'il y a eu loi interprétative, c'est évidemment parce que l'interprétation précédemment retenue ne satisfaisait pas le législateur. La loi interprétative vient toujours faire échec à une interprétation prétorienne : elle n'est précisément rien d'autre « qu'un changement de jurisprudence d'origine législative »225(*). En première intention, c'est la solution du juge qu'il s'agit de mettre en mal. « La loi interprétative prétend opérer revirement de jurisprudence à droit constant »226(*).

En tant que tel, le problème du caractère rétroactif des revirements de jurisprudence se pose en ces termes : quels effets peuvent entraîner une reconnaissance du caractère rétroactif des revirements de jurisprudence? Si l'on admet que les revirements jurisprudentiels doivent avoir un effet rétroactif, ce sera porté atteinte aux droits acquis des justiciables reconnus par les décisions antérieures passées en force de choses jugées, et pour reprendre l'expression du Professeur MOLFESSIS, un revirement de jurisprudence à effet rétroactif produit des effets pervers227(*). Il reste qu'en toute hypothèse, un revirement de jurisprudence ne peut avoir lieu à droit constant : il est toujours une rupture avec le droit ancien, un droit ancien controversé et discuté certes, mais un droit désormais modifié228(*).

C'est la raison pour laquelle l'application aux instances en cours d'une loi interprétative consiste à lui conférer un effet rétroactif. C'est d'ailleurs, depuis bien longtemps, l'opinion de la très grande majorité de la doctrine. L'idée s'est progressivement affirmée en même temps que l'on reconnaissait à la jurisprudence un pouvoir créateur. Mais croire en la rétroactivité des lois interprétatives, c'est-a-dire croire qu'une solution nouvelle va s'imposer pour le passé, suppose qu'une règle distincte avait été antérieurement consacrée par la jurisprudence. Sous cet aspect, la loi interprétative peut bien avoir pour finalité de restaurer la signification méconnue ou controversée de la loi première, elle constituera tout de même une rupture avec la solution immédiatement applicable. Si elle n'est pas créatrice - en quoi elle mérite bien d'être qualifiée de loi interprétative -, c'est uniquement au regard du corpus législatif existant. Ce qu'elle déclare, c'est le sens de la loi, mais pas le « droit préexistant », comme l'affirme la Cour de cassation dans une formule qui réduit le droit a la loi229(*).

Or, une telle conception - réaliste - devrait conduire à remettre en question l'application automatique des lois interprétatives aux instances en cours, c'est-a-dire pour le cas où le législateur n'a fixé aucune règle de droit transitoire. La doctrine s'est pourtant toujours refusé à l'admettre230(*).

B- Les effets des lois interprétatives sur le cours du procès

C'est ici que les lois interprétatives produisent des effets considérables. Comme on l'a dit, l'une des principales caractéristiques des lois interprétatives est qu'elles sont d'application immédiate, cela veut dire que tous les procès qui n'ont pas été définitivement jugés sur le fondement de la loi interprétée se trouvent ainsi réorientés dans le sens de la loi interprétative. Elle est donc d'application immédiate aux instances en cours (1), ce qui influence la décision que le juge est appelé à prendre (2).

1- L'application immédiate aux instances en cours231(*)

La loi interprétative a pour vocation de s'appliquer aux instances en cours à son entrée en vigueur232(*). Cet effet d'application immédiate trouve sa justification dans le fait le législateur, en interprétant une loi, tient à éviter dans l'avenir d'autres inconvénients liés à une interprétation jurisprudentielle. L'effet immédiat se justifie également par le fait qu'en présence d'une interprétation authentique faite par le législateur, le juge ne peut plus interpréter le texte dans un sens différent de celui du législateur233(*).

L'application immédiate ayant déjà fait l'objet d'une analyse plus haut, nous ne nous attarderons plus là-dessus. La loi interprétative influence en fin de compte la décision du juge.

2- L'influence sur la décision du juge

Du moment où la loi interprétative s'applique immédiatement au procès en cours, il est évident qu'elle influencera la décision que le juge est appelé à prendre. Ce dernier étant tenu de se conformer à l'interprétation réputée authentique du législateur, une autre interprétation de sa part constituerait une immixtion dans le domaine du législateur234(*), ce d'autant plus que la loi interprétative est censée avoir donné toutes les précisions nécessaires à l'esprit du texte. Le juge est de ce fait tenu de prendre une décision qui ira dans le sens de l'interprétation donnée par le législateur. C'est en cela que la loi interprétative est considérée comme « une ingérence du pouvoir législatif dans l'administration de la justice afin d'influer sur le dénouement judiciaire des litiges »235(*).

CONCLUSION DU CHAPITRE II

Au demeurant, le recours aux lois interprétatives apparaît comme une nécessité inhérente à l'Etat de droit, dans la mesure où, premièrement elles permettent de résoudre des difficultés liées à l'interprétation jurisprudentielle d'un texte de loi en apportant des précisions sans lesquelles on se retrouverait dans une situation inextricable ; deuxièmement, elles reconnaissent l'interprétation comme relevant du judiciaire236(*). Cette pratique peut être considérée comme compatible avec l'Etat de droit, et cela se justifie par le fait que, dans le cadre des lois interprétatives, seul le législateur peut intervenir pour lever l'équivoque sur la mauvaise interprétation d'une loi par les juges, le juge constitutionnel ne s'étant pas encore reconnu cette compétence d'interprète authentique de la loi. Le juge constitutionnel (français)237(*) a lui-même reconnu cette « compétence » au législateur sous certaines conditions. Reste donc à ce que le législateur ne se hisse pas en bourreau du juge toutes les fois qu'il jugera opportun pour intervenir au nom d'une loi interprétative pour influer sur le dénouement d'un litige, ce qui appellera à un contrôle plus stricte de la part du juge constitutionnel.

CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE

Au terme de cette analyse des interventions compatibles avec l'Etat de droit, ce qu'il faut retenir que, contrairement à une opinion dominante de la doctrine selon laquelle il n'est pas légitime pour le législateur de s'ingérer dans l'administration de la justice administrative dans le but d'influencer le cours d'un procès et par ricochet la décision du juge, on ne saurait remettre catégoriquement en question la nécessité pour le législateur d'intervenir dans le cours des procès ceci dans le but de pallier aux conséquences irréversibles qu'une décision rendue par le juge pourrait avoir sur l'Etat de droit. C'est en cela que ces interventions sont qualifiées de positives. Mais cela ne veut pas dire que le juge devient une menace permanente pour l'Etat de droit, bien au contraire. C'est juste des mesures mises sur pied pour assurer une sécurité juridique qui se trouverait compromise. Le juge joue ainsi un rôle prépondérant dans la garantie de l'Etat de droit, car il est toujours, sauf opinion contraire, le meilleur garant des droits et libertés fondamentaux et de l'Etat de droit.

Le législateur, tout comme le juge administratif devront jouer chacun son rôle dans la consolidation de l'Etat de droit au Cameroun. Les lois de validation et les lois interprétatives apparaissent alors comme une solution offerte au législateur, non pas de se dresser contre le juge administratif et de se positionner comme le protecteur de l'Administration, mais de régler des situations compréhensibles de droit contribuant à assurer la stabilité juridique qui permettra aux justiciables (Administration y compris) d'évoluer dans un environnement juridique « sain ».

Seconde partie :

Les interventions contraires a l'etat de droit

« Si la loi a perdu une grande partie de son prestige, cela ne tient pas seulement à la concurrence d'autres normes auxquelles elle est subordonnée, mais aussi aux dérives qui affectent son contenu»238(*). «  Le premier mérite d'une bonne législation serait précisément qu'aucun dommage si léger qu'il fût ne demeurât sans réparation et aucun grief sans juge »239(*). Au lieu d'être l'expression de la volonté générale, et partant édictant des normes dans l'intérêt général, la loi240(*) est devenue le sanctuaire des déclarations dépourvues d'effet normatif réel et des dispositions normatives qui, loin de se borner à édicter des principes ou des règles générales de portée véritablement normative, « bricolent » un droit au jour le jour241(*) dont la finalité est de favoriser des intérêts individuels, afin de protéger une poignée (pouvoirs publics) au détriment de l'ensemble.

Par ailleurs, le juge est celui qui subit ces égarements du législateur, puisque ce dernier l'oblige dans certains cas, lorsqu'il est appelé à statuer de jure sur les faits qui lui sont soumis, à se plier à la volonté du législateur. Dans une certaine mesure, le législateur a pris la fâcheuse habitude de s'ingérer dans les procès portés devant le juge administratif, lorsque les intérêts de l'Administration sont en cause. Si les motifs d'intérêt général justifient comme nous l'avons vu plus haut une certaine immixtion du législateur dans le jugement de certaines affaires, ces motifs d'intérêt général ne sont pas toujours poursuivis par le législateur lorsqu'il édicte des lois dont l'objectif est d'empêcher le juge administratif de statuer dans un litige dans lequel l'Administration est partie. Cela engendre des conséquences néfastes tant à l'égard du juge qu'à l'égard des administrés-justiciables, et plus largement sur l'Etat de droit. Mais, le législateur peut passer outre l'intérêt général qui fonde chacune des normes qu'il édicte et prendre des normes qui entravent le cours d'un procès voire la décision du juge.

Ces immixtions injustifiées242(*) dans le domaine du juge administratif constituent ce que nous avons appelé les interventions contraires à l'Etat de droit. Par interventions contraires à l'Etat de droit, il faut entendre ici les ingérences du législateur qui ne sont pas motivées par des garanties constitutionnelles liées au respect du principe de la séparation des pouvoirs243(*) et par ricochet à l'indépendance de la justice, au principe de la prééminence du droit, au droit à un procès équitable et à la sécurité juridique.

Quelles sont donc les interventions contraires à l'Etat de droit ?

Les lois de validation, tout comme les lois interprétatives sont, comme nous l'avons vu en première partie de l'étude, perçues comme compatibles avec l'Etat de droit. Mais certaines dérives de la part du législateur peuvent affecter ces lois et rendre celles-ci contraires à l'Etat de droit244(*). Au regard de ces dérives, ces lois sont généralement inconstitutionnelles. Dans le cadre de cette partie, il conviendra pour nous d'identifier ces interventions contraires à l'Etat de droit, au regard de l'importance singulière que celles-ci revêtent. Il s'agit des lois d'immunité juridictionnelle (chapitre 3) d'une part et des lois expressément rétroactives (chapitre 4) d'autre part.

CHAPITRE 3 : LES LOIS D'IMMUNITE JURIDICTIONNELLE

« Comment le droit peut-il s'épanouir si le juge est lésé dans sa matière même ? Si son domaine de compétence varie au gré des humeurs d'un autre pouvoir (pouvoir législatif) ? »245(*) Il est admis dans toutes les nations dotées d'un Etat moderne que « l'Etat de droit est celui dans lequel les citoyens peuvent déférer devant les tribunaux compétents les actes émanant du pouvoir exécutif et même dans une certaine mesure les lois, par le biais du recours pour excès de pouvoir »246(*). Par conséquent, soustraire certains actes de tout contrôle par quelque juge que ce soit ne peut donc être qu'une mesure spéciale visant une catégorie d'actes clairement définie ou au besoin strictement limitée247(*).

Et comme l'a écrit le Doyen Louis FAVOREU, « aucun acte de l'exécutif ne peut logiquement se voir reconnaître le statut juridique d'acte incontestable, car quelle que soit l'activité qu'il exerce, l'exécutif est soumis à la loi du moins à la Constitution »248(*). L'injusticiabilité de certains actes émanant de l'exécutif249(*) trouve son origine dans l'idée que certains actes des autorités administratives sont pris non pas en vertu du pouvoir règlementaire, mais plutôt en vertu des pouvoirs de gouvernement ; par conséquent, ils échappent à la connaissance de toute juridiction. L'immunité juridictionnelle dont bénéficient certains actes, la justice déniée aux plaideurs, apparaissent évidemment choquantes au regard des principes de l'Etat de droit250(*), et le législateur apparaît comme l'artisan majeur, l'instigateur de cette immunité juridictionnelle.

Concernant au départ, et beaucoup plus les actes de gouvernement, le législateur camerounais a étendu le champ des immunités juridictionnelles à d'autres actes émanant de l'exécutif. Dans le cadre de ce chapitre, il sera question d'analyser le développement des lois d'immunité juridictionnelle (section 1) et leur impact sur l'Etat de droit (section 2).

SECTION 1 : LE DEVELOPPEMENT DES LOIS D'IMMUNITE JURIDICTIONNELLE

Cette pratique a une origine lointaine. En effet, depuis une certaine époque, le législateur camerounais s'est toujours permis de s'ingérer dans le domaine de compétence du juge administratif, en créant des zones d'immunité, soit dessaisissant le juge administratif des affaires pendantes dans certains domaines, soit en déclarant purement et simplement le juge incompétent pour connaître des litiges attachés à certains domaines précis251(*) ; sapant par ce fait même les bases déjà fragiles de l'Etat de droit au Cameroun252(*). On assiste actuellement à une extension législative des immunités juridictionnelles en matière administrative (paragraphe 1). Cette extension suscite une interrogation quant aux actes qui découlent de ces immunités (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : L'extension législative des immunités juridictionnelles en matière administrative

Un bref aperçu de la législation camerounaise montre que les lois d'immunités juridictionnelles remontent aux indépendances et ne concernaient que les actes de gouvernement. Ainsi, la loi du 19 novembre 1965 relative aux modalités de saisine de la Cour Fédérale de justice (CFJ) statuant en matière administrative consacrait l'immunité juridictionnelle des actes de gouvernement. Depuis lors, les immunités juridictionnelles se sont considérablement étendues touchant les actions en indemnisation des préjudices causées par les activités terroristes (A), les actes pris pour le règlement des litiges portant sur la limite des circonscriptions administratives (C), en passant par les actes de désignation des chefs traditionnels (B). La liste n'est pas exhaustive, mais nous ne nous limiterons qu'à celles-là.

A- Immunité juridictionnelle partielle et dommages causées par les activités terroristes

L'immunité juridictionnelle partielle pour les dommages causés par les activités terroristes est instituée par la loi n°64/LF/16 du 26 juin 1964 sur la répression du terrorisme253(*). L'article 1er de cette loi dispose que : « est irrecevable, nonobstant toutes dispositions législatives contraires, toutes actions dirigées contre la République Fédérale, les Etats Fédérés et les autres collectivités publiques dans le but d'obtenir la réparation des dommages de toute nature occasionnées par les activités terroristes ou pour la répression du terrorisme ». En excluant ainsi de la connaissance du juge toutes actions en réparation des dommages causés par les activités terroristes, le législateur consacre le Président de la République comme le seul « juge » exclusif en la matière. Seul celui-ci « peut accorder aux victimes du terrorisme ou de la répression particulièrement dignes d'intérêt ou susceptibles d'apporter une contribution spéciale au développement économique et social du pays, des secours, dans la limite des crédits ouverts à cette fin ou une aide, sous tout autre forme que ce soit »254(*). Ce que certains auteurs qualifient de « considérations métajuridiques »255(*).

En effet, ce n'est pas le fait dommageable du fait des activités terroristes ou de sa dépression qui revêt l'immunité juridictionnelle, ce pourrait être la décision du Chef de l'Etat en raison de son caractère souverain256(*). Ainsi, l'Etat a la qualité de juge et de partie, puisque ce dernier utilise son pouvoir discrétionnaire de réparation comme une arme politique « dans la mesure où il peut s'exercer de façon sélective »257(*). De plus, cette loi a été édictée pendant les périodes troubles qui ont marqué les premières années d'indépendance du Cameroun258(*). Mais ce qui semble curieux c'est qu'on se serait attendu à ce que, passer cette période de troubles considérables et de déréglementation, cette loi soit retirée de l'ordonnancement juridique camerounais surtout avec l'avènement de la démocratie au début des années 1990.

En application de cette loi qui se voulait rétroactive259(*), l'Assemblée plénière de la Cour Fédérale de justice a déclaré irrecevable le recours de la Société Forestière de la Sanaga dans son arrêt du 15 mars 1967260(*). Cette politisation à la fois « discrétionnaire et aléatoire »261(*) donne droit à l'autorité administrative qui soupçonne l'existence d'un groupe ou des faits qualifiés de terroristes de mettre en oeuvre toute procédure inique au mépris des règles élémentaires de protection des mis en cause262(*). « Il y aura ainsi un secret autour de la procédure, la présomption de culpabilité, l'absence des droits de la défense et la toute puissance des autorités publiques, lesquelles peuvent prendre des mesures, y compris les plus graves »263(*). Le principe de la réparation politico-administrative  à la direction du Chef de l'Etat est ainsi posé.

Quelques conséquences peuvent être tirées de ce texte législatif. D'abord, l'immunité juridictionnelle dont bénéficient les actes liés à la répression du terrorisme n'est pas absolue, le contentieux de l'excès de pouvoir à leur encontre est tout à fait recevable264(*) dans la mesure où la répression du terrorisme peut entraîner des dommages aux particuliers, donnant lieu au contentieux de la responsabilité entraînant indemnisation de la victime265(*). Il convient de remarquer que, jusqu'à présent, ce domaine demeure soustrait à tout contrôle juridictionnel et constitue de ce fait une « véritable négation du droit »266(*), le juge administratif demeurant dessaisi de toute affaire y afférant. Qui ne constate pas quelle atteinte à l'Etat de droit cela constitue, si des actes y afférents, faisant pourtant grief, sont insusceptibles de tout recours en responsabilité? Au demeurant, ces actes ne sont pas les seuls.

B- Immunité juridictionnelle absolue et actes portant désignation des chefs traditionnels

A la différence de la répression du terrorisme, les actes portant désignation des chefs traditionnels bénéficient d'une immunité juridictionnelle totale. Ils sont consacrés par la loi n°80/031 du 27 novembre 1980 dessaisissant les tribunaux des affaires relatives aux contestations soulevées à l'occasion de la désignation des chefs traditionnels267(*) dont l'article 1er dispose que : « les juridictions de droit commun et de l'ordre administratif sont dessaisies d'office de toutes les affaires pendantes devant elles et relatives aux contestations soulevées à l'occasion de la désignation des chefs traditionnels ». Ce texte est le prolongement logique de la loi n°79/17 du 30 juin 1979268(*) qui « constitue la première riposte législative à l'attitude un peu trop libérale au gré de l'Etat, du juge administratif »269(*). L'article 1er alinéa 1 de cette loi dispose que « par dérogation à l'article 9 de l'ordonnance n°72/6 du 26 août 1972 fixant l'organisation de la Cour Suprême, les contestations soulevées à l'occasion de la désignation des chefs traditionnels sont portées devant l'autorité investie du pouvoir de décision qui se prononce en premier et en dernier ressort ».

Avant l'adoption de ces lois, la situation était toute autre en la matière. Il convient de préciser que la procédure de désignation des chefs traditionnels est régie par le décret n°77/245 du 15 juillet 1977 portant organisation des chefferies traditionnelles270(*). C'est en relation avec l'article 16 dudit décret qui déclare que « les contestations soulevées à l'occasion de la désignation des chefs traditionnels sont portées devant l'autorité investie du pouvoir de désignation qui se prononce en premier et en dernier ressort » que le législateur vote la loi du 30 juin 1979 précitée, validant271(*) ainsi les dispositions de l'article 16. C'est suite au non respect de ces dispositions par le juge272(*) que le législateur va prendre une loi plus ferme, celle de 1980.

Par ailleurs, on peut constater une mise hors jeu du juge et l'ouverture d'une sorte de recours administratif correspondant au recours administratif classique273(*), car l'immunité juridictionnelle dont bénéficient ces actes est absolue. C'est donc sur cette base que le juge administratif (Assemblée Plénière de la Cour Suprême) se déclara dessaisi dans un arrêt de trois affaires pendantes devant lui274(*), et que la Chambre administrative se déclara incompétente pour les autres qui lui seront soumises ensuite275(*). Ainsi, il n'est point à douter que les actes de l'Administration comme celles du Parlement appellent à des sanctions, et force est de souligner qu'au vu de la configuration actuelle des forces politiques au Parlement, il n'est pas étonnant que le pouvoir prenne encore le risque « antidémocratique » d'emprunter la voie législative pour contrer toute velléité juridictionnelle276(*) ; le Parlement n'étant devenu que l'expression d'une majorité d'occasion dont l'intérêt particulier se confond à l'intérêt général et qui amène cette minorité gouvernante à oppresser la grande majorité277(*). Par conséquent, une mesure visant à inverser cette tendance fâcheuse de neutraliser le juge administratif s'impose.

A la lecture de la loi, au regard de sa formulation, on se serait attendu à ce que le juge administratif se déclarât seulement dessaisi des affaires pendantes et que pour toutes les autres à venir, il ne sente pas sa compétence affectée, « le dessaisissement n'étant pas synonyme d'incompétence »278(*). Malheureusement ce ne fut pas le cas, et le juge administratif a contribué lui-même à cet abus du législateur car si lui-même s'était montré audacieux279(*), il aurait contribué à la neutralisation du législateur.

Ainsi, on voit une fois de plus une immixtion exagérée du législateur dans le fonctionnement de la justice. Qu'en est-il des actes portant sur les limites des circonscriptions administratives ?

C- Immunité juridictionnelle partielle et règlement des litiges portant sur la limite des circonscriptions administratives

L'immunité juridictionnelle ici est partielle. Le règlement des litiges portant sur la limite des circonscriptions administratives est régi par la loi n°2003/016 du 22 décembre 2003280(*). L'article 1er de ladite loi dispose que ces litiges « sont portés devant des commissions qui, à la suite d'une procédure contradictoire, établissent des procès verbaux au vu desquels l'autorité compétente statue en premier et dernier ressort ». Comme on peut le constater, il n'est pas fait allusion à un quelconque règlement juridictionnel. Cela n'est pas étonnant puisque l'article 2 ajoute que : « Est irrecevable, nonobstant toutes dispositions législatives contraires, tout recours judiciaire en annulation d'un acte pris pour le règlement des litiges portant sur la limite des circonscriptions administratives ». Ainsi, comme pour les deux premiers cas, le juge est mis hors-jeu au profit du Gouvernement ou de l'Administration qui reçoit donc compétence de la part du législateur pour le règlement desdits litiges.

Observons avec le Docteur BILONG Salomon que « sans être parfaite, cette loi est nettement mieux présentée que celle sur la désignation des chefs traditionnels. Elle va même jusqu'à préciser que cette irrecevabilité s'étend aux recours pendants devant les juridictions à sa date de publication et, de ce fait soulève un problème juridique, notamment du point de vue de sa constitutionnalité (...) »281(*). Une fois de plus, on remarque cet acharnement du législateur sur le juge administratif. Tout concoure à ce que des barrières soient hissées tout autour de lui afin de l'empêcher d'agir surtout lorsque l'Administration y est impliquée. Quoi de plus étonnant qu'on puisse exclure de tout contentieux juridictionnel les litiges portant sur la limite des circonscriptions administratives, quand on connait les multiples abus, voire les multiples atteintes aux droits des administrés qu'une décision d'une autorité administrative y relative peut engendrer. En confiant le contentieux portant sur la limite des circonscriptions administratives à l'autorité administrative compétente qui statue « en premier et dernier ressort »282(*), le législateur dénie encore une fois de plus l'Etat de droit et le principe de la séparation des pouvoirs législatif et judiciaire et avec l'aide de l'exécutif ou sous son impulsion.

En définitive, peut-on parler dans ces cas d'un « déclin de l'Etat de droit »283(*) ? Quoiqu'il en soit, confier le règlement des litiges soit au Président de la République en personne (cas du contentieux lié aux activités terroristes), soit à une autorité administrative « prétendument » compétente (cas des contestations soulevées à l'occasion de la désignation des chefs traditionnels et des litiges portant sur les limites des circonscriptions administratives), participe à une régression de l'Etat de droit au Cameroun ; et progressivement, on tend vers un retour à l'époque de « l'absolutisme royal » ou dans une certaine mesure de « l'absolutisme législatif », ou à l'époque de l'administration-juge284(*). L'on est tenté de s'interroger de plus en plus sur la place du juge administratif dans le règlement des litiges dans lesquels l'Administration est impliquée.

Par ailleurs, nul ne doute que la juridictionnalisation de l'activité administrative est un élément consubstantiel de l'Etat de droit285(*) ; par conséquent, l'immunité juridictionnelle confiée par le législateur à certains actes de l'Administration constitue cette réticence à la soumission au droit. Ainsi, ni le législateur ni l'Administration ne saurait être, même mue par une grande volonté, des garants efficaces d'une bonne justice. Mais une question reste maintenant à résoudre. Au regard de ces lois évoquées et de bien d'autres, qu'est-ce qui peut justifier l'immunité juridictionnelle dont bénéficient certains actes de l'administration? Quelle est la nature des actes de l'Administration bénéficiant de l'immunité juridictionnelle?

Paragraphe 2 : Le problème de détermination de la nature des actes bénéficiant de l'immunité juridictionnelle

La question de détermination de la nature juridique des actes bénéficiant de l'immunité juridictionnelle est très cruciale, ce d'autant plus qu'elle a toujours embarrassé de nombreux juristes camerounais286(*). Pendant que les uns les assimilent aux actes de gouvernement, d'autres par contre estiment que ce ne sont que des actes administratifs pour lesquels le législateur a consacré un régime contentieux particulier. Quoiqu'il en soit, le débat reste ouvert. Ainsi, les actes de l'Administration bénéficiant de l'immunité juridictionnelle sont-ils des actes de gouvernement? (A) ou des actes administratifs? (B)

A- Actes de gouvernement?

Par définition, l'acte de gouvernement est une « qualification à prétention explicative donnée à certains actes émanant d'autorités de l'Etat, dont les juridictions tant administratives que judiciaires se refusent à connaître et qui en général, soit concernent les relations du Gouvernement et du Parlement, soit mettent directement en cause l'appréciation de la conduite des relations internationales par l'Etat »287(*). C'est la « dénomination appliquée à un certain nombre d'actes émanant des autorités administratives et dont la caractéristique commune est de bénéficier d'une immunité juridictionnelle absolue »288(*). La genèse des actes de gouvernement trouve sa justification dans le fait que certains actes de l'Administration, notamment ceux portant sur les relations entre le Gouvernement et le Parlement, et ceux concernant la conduite des relations internationales par l'Etat au regard de leur délicatesse ne sauraient être justiciables devant le juge (administratif ou judiciaire), car ils sont pris non pas en vertu du pouvoir règlementaire mais plutôt en vertu des pouvoirs de gouvernement289(*). Mais, à l'analyse, il n'existe pas d'explication valable à la non-justiciabilité des actes de gouvernement dans leur ensemble. Nous ne reviendrons pas de façon approfondie sur cette genèse, nous nous contenterons d'analyser si tous les actes auxquels le législateur confère une immunité juridictionnelle sont des actes de gouvernement. Ainsi, l'étude de la consécration de la notion d'acte de gouvernement (1) précèdera celle de ses conséquences (2).

1- La notion d'actes de gouvernement en droit camerounais

La notion d'acte de gouvernement est consacrée par le droit positif camerounais. En reprenant en effet le principe de l'exclusion contentieuse les caractérisant, le législateur camerounais fixe qu'aucun recours n'est possible à l'encontre des actes de gouvernement290(*). Force est de constater que malgré cette consécration législative, aucune définition n'est donnée à cette catégorie d'actes, ce qui a posé et pose encore le problème de leur véritable nature. Leur principale caractéristique est l'immunité absolue dont ils bénéficient. De sa consécration française291(*) jusqu'à sa réception camerounaise, il convient de préciser que la notion d'acte de gouvernement a connu une évolution significative.

Au départ, les actes de gouvernement étaient considérés comme des actes dictés par une « pensée politique »292(*), ce qui justifiait leur soustraction du champ du contentieux administratif et judiciaire. Une tentative du rejet du mobile politique est consacrée par l'arrêt de principe du Conseil d'Etat français Prince Napoléon293(*). Cette tentative bien que progressive aboutit à la juridictionnalisation294(*) des actes de gouvernement qui rompt ainsi avec le mobile politique, l'immunité juridictionnelle qui le caractérise n'étant plus un point de départ mais un résultat, c'est-à-dire que l'immunité juridictionnelle n'est pas le fondement de l'acte de gouvernement mais la conséquence295(*). Le Cameroun a emboité le pas en rejetant le mobile politique comme définissant les actes de gouvernement, cela va de soi car le droit administratif camerounais est essentiellement textuel (même si aucune définition normative n'est donnée à la notion). C'est à l'occasion de trois litiges relatifs à la désignation des chefs traditionnels que le juge administratif camerounais a eu à établir sa position296(*). Mais cette prise de position sera de courte durée puisque ce dernier va revenir sur le mobile politique déjà abandonné quelque temps plus tôt, ce que la doctrine a qualifié de « revirement malheureux »297(*). On croyait la jurisprudence camerounaise définitivement fixée sur la définition de l'acte de gouvernement, mais tel n'était pas le cas, car l'affaire ESSOUGOU Benoît298(*) marque ce retour en arrière lamentable du juge administratif camerounais.

Ainsi, la conception camerounaise de l'acte de gouvernement montre que le mobile politique constitue encore l'élément de définition, ce qui est regrettable ; mais constatons que depuis lors c'est un cas isolé qui n'a pas été entériné jusque-là. On peut donc espérer que le juge administratif revienne sur cette position avec le temps. Mais est-ce que les actes découlant des lois précitées sont effectivement des actes de gouvernement?

2- La dénaturation de certains actes de l'Administration en actes de gouvernement

La définition donnée à certains actes de l'Administration qualifiés d'actes de gouvernement laisse entendre le caractère absolu de l'immunité juridictionnelle dont bénéficient ces actes. Cette même définition établit clairement les domaines ou tout au moins le cadre des actes de gouvernement à savoir les rapports entre le Gouvernement et le Parlement d'une part, et d'autre part les actes à caractère international ou diplomatique299(*). Il convient de ce fait de remarquer que le domaine des actes de gouvernement est bien circonscrit. Mais la question que l'on se pose est celle de savoir est-ce que les actes liés à la répression du terrorisme, à la désignation des chefs traditionnels ou aux limites des circonscriptions administratives rentrent dans les domaines suscités (rapports Gouvernement- Parlement et actes à caractère international ou diplomatique notamment)?

Au regard de la définition des actes de gouvernement consacrée par la jurisprudence, les actes pris en vertu des lois précitées ne sauraient être considérés comme des actes de gouvernement, ce d'autant plus que « l'acte de gouvernement est une notion proprement juridique consacrée par les textes et ayant un contenu qui n'a cessé de se préciser »300(*). On peut se demander si l'intention du législateur est de passer outre cette définition pour élargir le champ et le contenu des actes de gouvernement. Cela ne saurait être établit, puisque le législateur ne qualifie pas expressément ces actes d'actes de gouvernement. Par conséquent, on peut déduire que, en l'absence d'une définition normative des actes de gouvernement, son domaine peut être étendu à d'autres actes consacrés par le législateur. Mais cette déduction n'est pas sans risque, ce d'autant plus que le juge administratif dans l'affaire KOUANG Guillaume Charles affirmait que « c'est la matière à laquelle ils sont relatifs qui déterminent les actes de gouvernement » : matière qui n'a jamais cessé d'être précisée.

En effet, si le législateur camerounais avait voulu faire des actes liés à la répression du terrorisme, à la désignation des chefs traditionnels ou aux limites des circonscriptions administratives des actes de gouvernement, « il avait la possibilité de viser les dispositions pertinentes qui les consacrent »301(*). Mais il s'est acharné plutôt sur les dispositions qui donnent compétence au juge de connaître de tels actes. « C'est pourquoi il dit : « Est irrecevable nonobstant toute disposition législative contraire... », pour reconnaître en l'occurrence que dans les conditions normales ces matières sont justiciables, (...) mais qu'il décide qu'il devra en être autrement dans l'avenir »302(*). Ces actes sont donc justiciables par nature et injusticiables par accident pour reprendre les propos du Professeur FAVOREU303(*). Nous convenons donc que l'idée selon laquelle les actes liés à la répression du terrorisme, à la désignation des chefs traditionnels ou aux limites des circonscriptions administratives constituent des « actes de gouvernement d'un type nouveau »304(*)est fortement contestable car le domaine des actes de gouvernement est suffisamment précis et ne saurait être élargi au gré du législateur, tant on sait que c'est dans le but de neutraliser le juge administratif camerounais.

Si ces actes ne sont pas donc des actes de gouvernement, sont-ils des actes administratifs ordinaires bénéficiant de l'immunité juridictionnelle?

B- Actes administratifs?

Nous sommes tenté de répondre directement par l'affirmative, mais notre réponse sera limitée car dépourvue de tout argument. Ainsi, il apparaît nettement que les actes liés à la répression du terrorisme, à la désignation des chefs traditionnels ou aux limites des circonscriptions administratives sont des actes administratifs (1) qui bénéficient d'une injusticiabilité consacrée par le législateur (2).

1- La détermination du caractère administratif desdits actes

L'acte administratif est un acte qui, considéré sous l'angle de ses caractères propres, du point de vue formel est toute décision prise par une autorité administrative ; et du point de vue matériel est un acte visant un individu ou des individus identifiés ou identifiables305(*). Considéré sous l'angle de son régime juridique, l'acte administratif est tout acte relevant du droit administratif et de la compétence de la juridiction administrative, que cet acte soit unilatéral ou conventionnel, qu'il émane ou non d'une autorité administrative306(*). Nous remarquons donc que d'après cette dernière définition, les actes administratifs sont des actes faisant grief, c'est-à-dire susceptibles d'être contestés devant le juge administratif, soit par un recours pour excès de pouvoir, soit par un recours de plein contentieux lorsque ceux-ci portent atteinte aux droits des individus.

Nul doute que les actes de répression du terrorisme, de désignation des chefs traditionnels ou relatifs aux limites des circonscriptions administratives sont purement des actes administratifs faisant grief. L'explication en est simple : c'est en puisant dans les ressources du recours pour excès de pouvoir, voie ouverte devant le juge administratif par la Constitution contre tout acte administratif faisant grief que le juge administratif allait statuer sur le contentieux relatif à ces actes307(*). De plus, comme on l'a si bien précisé la position du juge administratif camerounais était fort louable lorsqu'il affirmait ou décidait que « même dans l'hypothèse où une loi dispose qu'un acte donné ne peut faire l'objet d'un recours administratif ou judiciaire, cette disposition ne saurait être interprétée comme excluant le recours pour excès de pouvoir qui est ouvert sans texte contre tout acte administratif faisant grief et qui a pour effet d'assurer conformément aux principes généraux, le respect de la légalité »308(*). Force est donc de remarquer que les actes pris en vertu des lois de 1964, de 1980 et de 2003 sont effectivement des actes administratifs à qui le législateur a choisi délibérément de consacrer un régime contentieux particulier. Mais la question qui nous vient à l'esprit est la suivante : Au regard de tout cela, ne peut-on pas tomber sous le coup d'une injusticiabilité générale et totale des actes administratifs au Cameroun? Comment justifier cet acharnement du législateur à s'ingérer intempestivement dans le domaine de compétence du juge administratif?

En somme, on ne saurait affirmer que les actes liés aux trois domaines précités constituent des actes de gouvernement de type nouveau parce que leur contenu est suffisamment précis. Ces actes sont de nature administrative, leur immunité procède tout simplement des lois inconstitutionnelles.

2- L'injusticiabilité desdits actes consacrée par le législateur

La Constitution camerounaise a ouvert et consacré un recours pour excès de pouvoir contre tout acte administratif faisant grief. Et comme on vient de le montrer, les actes découlant des lois de 1964, de 1980 et de 2003 sont des actes administratifs. La consécration par le législateur d'un régime contentieux particulier à leur profit, c'est-à-dire leur injusticiabilité frise au drame309(*), car constitue une atteinte flagrante à l'Etat de droit. Ces lois brillent par leur inconstitutionnalité et dans cet imbroglio juridique, on doit pointer du doigt le manque de hardiesse du juge administratif dont la ténacité à revendiquer son domaine d'intervention reste bien lâche310(*). Ce d'autant plus qu'il ne prend aucune position ferme et se hisse en victime résignée. On se demande donc s'il survivra à toutes ces lois d'immunité qui excluent sa compétence dans des domaines qui lui sont propres.

L'injusticiabilité de tels actes tient au fait que la justice administrative camerounaise est affectée par le phénomène d'une constitutionnalité extrêmement lâche311(*) dont la solidité des principes qui la régissent laisse encore à désirer. Et le juge administratif lui-même hanté par ce manque d'audace qui le caractérise surtout dans ce domaine précis, n'a pas la délicatesse à changer d'attitude. On peut penser qu'il se laisse manipuler dans son propre terrain (nous ne faisons pas ici le procès du juge administratif loin s'en faut). Nous pouvons donc penser avec Charles EISENMANN312(*) que l'injusticiabilité dont bénéficient ces actes serait imputable à l'organisation juridictionnelle administrative camerounaise : la compétence limitée du juge administratif et la quasi-absence d'un juge compétent, le juge constitutionnel.

L'article 40 de la Constitution du 18 janvier 1996313(*) qui se contente d'affirmer que la Chambre administrative connait de l'ensemble du contentieux administratif de l'Etat et des autres collectivités publiques, laisse ainsi au législateur, bien subjugué à l'exécutif, le soin de donner un contenu au contentieux administratif314(*).

En conséquence de tout ce qui précède, remarquons l'inconstitutionnalité de l'injusticiabilité des actes précités, car cette injusticiabilité ne saurait trouver un fondement légal et légitime car cela entraverait la stabilité déjà fragile du contentieux administratif camerounais, et on pourra se retrouver dans une situation où, au gré du législateur, certains actes, administratifs par nature, seront purement et simplement exclus du contentieux administratif. Le juge administratif gagnerait à protéger son champ de compétence qui lui est constitutionnellement reconnu et consacré.

En définitive, retenons que l'infaillibilité du législateur camerounais a poussé ce dernier à se donner plus de pouvoir (avec la bénédiction du pouvoir exécutif) allant jusqu'à s'ingérer dans le domaine du juge administratif en consacrant des lois d'immunité juridictionnelle qui se sont rapidement développés au fil du temps. Ce développement tient au fait que le statut et le domaine d'intervention du juge administratif ne sont pas sécurisés, et également de l'inconstitutionnalité qui caractérise ces lois du fait de l'absence d'un contrôle adéquat. Cette infaillibilité caractérisée du législateur porte atteinte à l'Etat de droit ce qui engendre des conséquences juridiques importantes.

SECTION 2 : LES CONSEQUENCES JURIDIQUES DES LOIS D'IMMUNITES JURIDICTIONNELLES

Au regard de notre analyse, il n'y a plus de doute que les conséquences juridiques des lois d'immunité juridictionnelle sont négatives sur l'Etat de droit, voire désastreuses315(*). Nous analyserons ainsi tour à tour les conséquences que nous qualifierons de générales (paragraphe 1) et les conséquences dites particulières ou spécifiques (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Les conséquences générales des lois d'immunité juridictionnelle

Elles tiennent à la consolidation de la théorie de l'écran législatif (A) et au développement exponentiel de l'inconstitutionnalité (B).

A- Le retour de la théorie de l'écran législatif

On parle de loi-écran ou d'écran législatif lorsqu'un acte règlementaire repose sur une loi inconstitutionnelle, rendant ainsi le contrôle de l'acte impossible à cause du risque de contrôle de constitutionnalité de la loi par le juge administratif (ce qui ne ressort pas de sa compétence)316(*). C'est un obstacle juridique empêchant au juge de retenir l'irrégularité d'un acte administratif, sous peine de censurer, également, la loi à laquelle cet acte est conforme.

Raymond ODENT définit l'écran législatif ainsi qu'il suit : « Quand la légalité d'un acte administratif est contesté, pour des motifs tirés de la violation de la Constitution, la position du juge administratif est totalement différente selon qu'une loi s'interpose entre la Constitution et cet acte, auquel cas, la loi constitue pour le juge un écran infranchissable, c'est en fonction de la loi seule qu'il apprécie la légalité de l'acte litigieux. Si au contraire aucune loi n'est intervenue en la matière, le juge administratif apprécie directement par rapport à la loi constitutionnelle la légalité discutée devant lui de l'acte administratif »317(*).

Il ressort clairement de cette définition que la théorie de l'écran législatif conduit le juge administratif à s'interdire de contrôler la constitutionnalité des lois. La question de l'écran législatif est suffisamment connue au Cameroun et prend de plus en plus de l'ampleur. Ainsi, la Constitution camerounaise318(*), ainsi que l'ordonnance de 1972319(*) en son article 9 alinéa 2 précise que la Cour Suprême connait de l'ensemble du contentieux administratif qui comprend, entre autres, le recours en annulation pour excès de pouvoir dirigé contre les actes administratifs et les recours en indemnisation du préjudice causé par ces mêmes actes. Mais force est de constater que l'avènement des lois de 1980320(*) et de 2003321(*) est venu mettre un point d'interrogation sur la compétence du juge administratif. Ce dernier se trouve face à un dilemme : Doit-il obéir à la norme constitutionnelle qui lui donne autorisation de contrôler les actes administratifs au nombre desquels figurent les actes portant désignation des chefs traditionnels, les actes portant les limites des circonscriptions administratives et des unités de commandement traditionnel? Malheureusement, le juge administratif a choisi de respecter la loi (1) au détriment de la Constitution (2).

1- La soumission du juge administratif au législateur

Le « choix » du juge administratif d'appliquer la théorie de l'écran législatif se manifeste par une soumission implicite au législateur. Bien avant les lois de 1980 et de 2003, deux espèces, Société des grands travaux de l'Est contre Etat fédéré du Cameroun oriental du 28 octobre 1970 et Claude HALLE contre Etat du Cameroun oriental du 8 décembre 1970 marquent la réception par le juge administratif camerounais de la théorie de l'écran législatif consacré en France par la jurisprudence Arrighi322(*). Invoquant la « souveraineté de la loi », le juge de ces espèces (Société des grands travaux de l'Est et HALLE Claude) se déclare incompétent pour en apprécier la constitutionnalité323(*). Bien que n'étant pas la première en la matière, la loi n°80/31 du 27 novembre 1980 a connu un grand retentissement, ce d'autant plus qu'elle est la manifestation parfaite de l'application de la théorie de la loi-écran, car, s'inscrivant manifestement en faux contre l'article 32324(*) de la Constitution du 2 juin 1972 relatif au principe de l'attaquabilité de tout acte administratif faisant grief325(*), dessaisit les juridictions de toutes les affaires portant sur les contestations soulevées à l'occasion de la désignation des chefs traditionnels.

Depuis lors, l'Assemblée plénière en appel326(*) et la Chambre administrative de la Cour Suprême en premier ressort327(*) ont régulièrement appliqué cette loi. Alors que, comme on l'a dit, le juge avait jusque-là adopté une attitude bien audacieuse dans l'affaire MONKAM TIENTCHEU David328(*), position empruntée à la jurisprudence administrative française dans l'arrêt Dame Lamotte du Conseil d'Etat.

Il convient de remarquer que cette soumission du juge administratif au législateur dénote encore du manque d'audace et d'effort du juge administratif à se faire entendre et à adopter une attitude claire (qualification du litige). En effet, « que la désignation d'un chef traditionnel ou les limites des circonscriptions administratives et des unités de commandement traditionnel soient impliqués dans un litige ne signifie pas pour autant que les juridictions seront écartées d'office de leur connaissance »329(*).

Une autre illustration de cette soumission au législateur est tirée du jugement BATEG Daniel330(*), où le juge administratif décide qu' « attendu qu'en conséquence, cette affaire relative aux contestations soulevées à l'occasion de la désignation des chefs traditionnels est exclue de la compétence de cette juridiction, la loi ne précisant pas s'il s'agit des contestations soulevées au cours des consultations ou après l'arrêté préfectoral d'approbation de la désignation ». Cette attitude de repli du juge administratif suscite une grande interrogation : le juge administratif n'a-t-il pas la possibilité de limiter les effets de ces lois d'immunité juridictionnelle afin de lever toute équivoque quant à son indépendance et sa compétence contentieuse même si certaines lois les lui enlèvent? Si on continue de la sorte, l'Etat de droit finira par être dénué de tout sens en droit camerounais. Il appartient donc au juge administratif d'éviter que tout manquement à la légalité ne devienne un principe au profit des autorités administratives et de l'Administration en général.

Si le juge se soumet au législateur, la Constitution se voit sacrifiée et ce sacrifice de la Constitution aura des conséquences graves sur l'Etat de droit.

2- La Constitution sacrifiée

On peut valablement contester la raison d'être de l'écran législatif, dans la mesure où cette théorie est considérée comme une entrave, un obstacle à l'exercice par le juge administratif du contrôle de constitutionnalité d'une loi. Le rejet par le juge administratif de la théorie de l'écran transparent dénote le sacrifice fait de la Constitution ; et l'on est tenté de se poser la question de savoir quelle est à cet égard la place de la Constitution dans la hiérarchie des normes. Sommes-nous revenus à l'époque du règne de la loi? Dans un Etat de droit comme le Cameroun la théorie de l'écran législatif apparait comme une monstruosité car consacrant la sacralisation de la loi au détriment de la Constitution, puisqu'il est généralement admis que la théorie de l'écran législatif « permet d'éviter que le juge administratif contrôle la constitutionnalité d'une loi, oubliant qu'elle amène à sacrifier la Constitution, norme suprême »331(*) ; « le résultat en est qu'on sacrifie le fond à l'autel de la forme »332(*).

La tendance actuelle dans l'ordre juridique camerounais est cette suprématie de la loi sur la Constitution avec les conséquences que cela pourrait entraîner. La raison en est simple et le constat est d'évidence : l'absence d'un véritable contrôle de constitutionnalité des lois est à l'origine de tous ces écarts et atteintes à l'Etat de droit ; et le juge administratif, qui peut bien se hisser contre ces abus, se trouve juridiquement et politiquement désarmé, ayant en face de lui l'Administration et le législateur. Le seul espoir réside donc sur le juge constitutionnel, et comme on le sait, ce dernier est tout aussi impuissant et même plus que le juge administratif, soumis à des considérations plus politiques que juridiques333(*).

En définitive, le juge administratif camerounais est confronté au problème de légitimité dans la mesure où en se prononçant sur la validité ou l'applicabilité d'une loi, il remettrait en cause le monopole de l'interprétation de la Constitution par le « Conseil constitutionnel » en l'absence du mécanisme de l'exception d'inconstitutionnalité. Mais la meilleure solution pour le juge administratif serait de prendre le risque, à moins de sombrer définitivement dans le « non-droit » et dans l'inconstitutionnalité.

Ainsi, l'admission de la théorie de la loi-écran entrave non seulement le contrôle juridictionnel de l'Administration, mais porte atteinte à la hiérarchie des normes. En conséquence, les lois d'immunité juridictionnelle sont en voie de devenir une base légitimante d'inaction et de déni de justice remettant ainsi en cause le principe de l'action juridictionnelle334(*) et ouvrant la voie à l'inconstitutionnalité.

B- Le développement exponentiel de l'inconstitutionnalité

Comme nous venons de l'analyser, le sacrifice de la Constitution au profit de la loi entraîne une inconstitutionnalité. Mais ce qui apparait comme un drame est que cette inconstitutionnalité prend de plus en plus de l'ampleur. Comme il ressort d'une décision du Conseil constitutionnel français, « la loi n'est l'expression de la volonté générale que dans le respect de la Constitution »335(*), peut-on encore penser que l'édiction des normes par le législateur se fait toujours dans le respect de la norme fondamentale? L'inconstitutionnalité se traduit donc ici par l'atteinte portée au principe de la séparation des pouvoirs et de l'indépendance de la justice (1) et la déjudiciarisation de certains domaines de l'action administrative (2).

1- L'atteinte au principe de la séparation des pouvoirs et à l'indépendance de la justice

On peut affirmer que l'indépendance de la Justice est consubstantielle à l'État de droit. Le principe de la primauté du droit postule en premier lieu la primauté de la Constitution et par conséquent l'existence de limitations à la compétence des organes législatifs et exécutifs336(*). L'État de droit n'établit ainsi une pyramide de normes hiérarchisées et interdépendantes que si la séparation des pouvoirs est effective. Une conséquence implicite de la séparation des pouvoirs réside dans la spécialisation des tâches. Celle du pouvoir judiciaire consiste à « rendre justice » aux citoyens et à « déclarer le droit »337(*).

L'atteinte au principe de la séparation des pouvoirs revêt de ce fait un parfum de scandale dans la mesure où la Constitution camerounaise consacre à juste titre ce principe338(*) et par ricochet l'indépendance de la justice et plus spécifiquement de la justice administrative. L'article 37 alinéa 2b de la Constitution de 1996 pose que le pouvoir judiciaire « est indépendant du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif ». Ainsi, « la tendance à la généralisation des lois d'immunité juridictionnelle traduit un empiètement du législateur (...) sur l'indépendance des juridictions (...) »339(*). Cela constitue une inconstitutionnalité flagrante et scandaleuse dans la mesure où comme le disait le Professeur PERROT, la séparation des pouvoirs est devenue un symbole de la « mythologie politique »340(*). Tout compte fait, « il ne saurait appartenir ni au législateur, ni au gouvernement de censurer les décisions des juridictions, d'adresser à celles-ci des injonctions et de se substituer à elles dans le jugement des litiges relevant de leur compétence »341(*) . C'est sur la base de l'article 66 de la Constitution française que le Conseil constitutionnel reconnaît comme valeur constitutionnelle l'existence de la juridiction administrative.

2- La déjudiciarisation progressive de l'action administrative

La déjudiciarisation se définit à l'opposé de la judiciarisation, qui s'entend de l'intervention des juges dans le contrôle de la régularité des actes de certaines autorités342(*). C'est une tendance à privilégier le recours aux juridictions (au sens judiciaire du terme) pour trancher les litiges. Ainsi, malgré les dispositions de l'article 40 de la Constitution du 18 janvier 1996 qui prévoit que « la Chambre administrative connait de l'ensemble du contentieux administratif de l'Etat et des autres collectivités publiques », on assiste avec la recrudescence des lois d'immunité juridictionnelle à un émiettement progressif de la judiciarisation de l'action administrative, pourtant constitutionnellement consacrée.

En empêchant au juge administratif de connaitre du contentieux dans lequel l'Administration est impliquée, le législateur porte atteinte à une règle constitutionnelle : le contrôle par le juge de la légalité des actes administratifs, ainsi que le contrôle de la responsabilité des autorités administratives. Le Conseil constitutionnel pourrait émettre son avis sur cette déjudiciarisation scandaleuse. Un Etat peut-il être qualifié d'Etat de droit si les citoyens ne peuvent pas « déférer devant les tribunaux compétents les actes émanant du pouvoir exécutif et même, dans une certaine mesure, de la loi, par le biais du recours pour excès de pouvoir »343(*) ? Quelle sera donc la place de la justice administrative dans ce cas? Le recours aux tribunaux ou aux juridictions constitue encore pour les citoyens le meilleur moyen de combattre l'arbitraire de l'Administration (recours pour excès de pouvoir) et du législateur (recours en inconstitutionnalité).

Le développement de l'inconstitutionnalité laisse apparaître le problème crucial du contrôle de constitutionnalité. Mais le plus grave est l'impact que les lois d'immunité juridictionnelle ont sur les justiciables (administrés).

Paragraphe 2 : Les conséquences particulières des lois d'immunité juridictionnelle

Par conséquences particulières, nous entendons les conséquences liées aux droits et libertés des justiciables qui ne sont rien d'autre que les administrés. Dans la mesure où les lois d'immunité visent à « protéger l'Administration contre le juge », l'administré se trouve ainsi sacrifié car ne pouvant se prévaloir de son droit à un procès équitable. On assiste ainsi à une atteinte à la sécurité juridique (A) et au droit à un procès équitable (B).

A- Le problème de l'insécurité juridique des lois d'immunité juridictionnelle

« L'insécurité juridique se nourrit de l'inflation normative comme de l'instabilité des règles ou encore du déclin de l'art de légiférer »344(*). En tant que principe, la sécurité juridique s'entend comme la possibilité reconnue à l'opérateur économique, fiscal, à tout administré, d'évoluer dans un environnement juridique « sûr » parce qu'à l'abri des aléas et des revirements impromptus affectant les normes de droit345(*). C'est un principe selon lequel les justiciables doivent pouvoir compter sur une stabilité minimale des règles de droit et des situations juridiques346(*). Si la consécration du principe de sécurité juridique constitue un signal fort quant à l'orientation de la jurisprudence administrative, nous pensons toutefois que sa portée concrète ne doit pas être surestimée347(*).

Le principe de la sécurité juridique est un principe largement utilisé par le droit communautaire européen car rattaché directement à l'Etat de droit348(*). C'est un principe polysémique : il assure la protection contre la rétroactivité, la consolidation des situations individuelles, le respect des engagements, la promesse d'une relative stabilité de l'environnement juridique, la clarté et la cohérence de la règle de droit...349(*) il peut justifier une limitation des interventions du législateur dans le contentieux de certains actes, comme il peut légitimer ces interventions350(*), et ne conduit pas nécessairement à figer les situations juridiques au profit d'intérêts individuels, il prend également en compte des considérations d'intérêt général351(*).

Au Cameroun comme en France, ce principe n'est pas constitutionnellement reconnu. Nous pourrons donc dire que les lois d'immunité juridictionnelle constituent une atteinte à la sécurité juridique dans la mesure où, en retirant du contentieux certains actes administratifs qui sont censés être justiciables, on bouleverse des situations juridiques. Pour cela, la sécurité juridique pourra être invoquée comme ayant une valeur constitutionnelle. « En ce sens, elle ne représente pas un droit subjectif directement invocable par les particuliers, mais permettrait au juge constitutionnel de vérifier que les dispositions prises par le législateur répondent aux exigences qui relèvent de la sécurité juridique »352(*). Nous nous limiterons aux variantes que nous avons jugées importantes tout en rappelant que, comme nous l'avons dit plus haut, il en existe d'autres.

1- Une atteinte à la garantie des droits des justiciables

Les lois d'immunité juridictionnelle constituent une atteinte à la garantie des droits des justiciables que le juge administratif aurait reconnu si ces lois n'étaient intervenues. Contrairement au principe de confiance légitime, consacré par la jurisprudence communautaire européenne, le principe de la sécurité juridique permet la prise en compte d'exigence tenant à la fois à la protection de situations individuelles et à la défense d'intérêts collectifs353(*). Le droit au recours prévu dans la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples de 1981 en ses articles 7 et 26, consacré dans le préambule de la Constitution camerounaise, constitue pour les justiciables une garantie pour la protection de leurs droits. Cela est d'autant plus valable en droit administratif. Le droit au recours à une juridiction est donc l'une des applications fondamentales du principe de la sécurité juridique, à côté du droit reconnu à tout justiciable d'être entendu devant un tribunal compétent. Le justiciable se trouve ainsi dépourvu de ses droits les plus fondamentaux. L'instabilité juridique de certains actes administratifs dont le régime contentieux est sans cesse modifié ne favorise pas l'administré- justiciable, puisque ce dernier se présentera devant le juge pour faire valoir ses droits, et sera confronté à une dénégation de ses droits.

Ainsi, le justiciable se trouve désarmé ; il ne peut invoquer devant le juge l'irrégularité d'un acte administratif, qui en principe est susceptible d'être annulé et qui bénéficie de l'immunité juridictionnelle consacrée par le législateur. Il ne peut non plus se prévaloir de l'exécution de cet acte bien qu'illégal, s'il en est concerné, puisqu'il a obligation de s'y conformer. Il ne peut donc bénéficier du juge administratif la protection de ses droits constitutionnellement reconnus.

Cette atteinte à la garantie des droits des justiciables empêche la décision du juge, lorsqu'elle est déjà rendue, à produire des effets subséquents.

2- Une atteinte aux effets d'une décision juridictionnelle

Dans la mesure où l'action politique a pris la forme d'une gesticulation législative, l'inflation législative et la dégradation de la qualité de la loi sont des phénomènes trop connus par le juge administratif camerounais. A maintes reprises, le juge administratif a été contraint de se déclarer dessaisie ou incompétent, selon le cas.

Les lois d'immunité juridictionnelle portent ainsi atteinte aux décisions juridictionnelles passées en force de chose jugée, du fait de leur caractère rétroactif. Le législateur peut décider que tous les procès en cours seront régis par la nouvelle loi354(*). Toutes les affaires pendantes devant les juridictions et relatives aux domaines concernés se trouvent ainsi influencées. Il convient de préciser que l'avènement de la loi du 30 juin 1979355(*) relative aux contestations soulevées à l'occasion de la désignation des chefs traditionnels, n'a pas empêché le juge administratif de prendre des décisions allant à son encontre356(*). Ces décisions sont donc remises en cause par la loi du 27 novembre 1980357(*).

B- L'atteinte portée au droit à un procès équitable

Le droit à un procès équitable est au coeur de la doctrine juridique, car c'est un élément central et essentiel de l'Etat de droit, en tant qu'organisation de la soumission collective, c'est-à-dire les institutions collectives et privées et les personnes qui habitent cet Etat, au droit358(*). L'Etat moderne est celui qui se préoccupe de l'individu et qui construit les solidarités autour des principes de vie et d'organisation sociale359(*). Et, comme l'a affirmé le Professeur Marcellin NGUELE ABADA dans sa thèse360(*), la construction d'un Etat de droit démocratique suppose la manifestation de la volonté d'être régi par le droit, à l'exclusion de toute autre manoeuvre et, partant, la garantie d'un ordre social fondé sur la liberté et l'égalité. C'est également édifié un ordre juridique cohérent à partir et autour de la Constitution et organiser la sanction des violations du droit grâce à des juridictions qualifiées et totalement dévouées à la cause du droit361(*). Mais est-ce que cela est toujours observé? Le législateur camerounais est devenu le bourreau de la Constitution, sacrifiant ainsi à sa guise certaines exigences constitutionnelles relatives au droit à un procès équitable362(*) reconnu à tous les justiciables, tant en matière pénale, civile qu'administratif. Le contentieux administratif, du fait même qu'il convoque au prétoire la puissance publique, n'organise t-il pas lui-même un déséquilibre favorable à l'Etat?363(*) Le législateur contribue largement à l'inapplicabilité des exigences du droit à un procès équitable (1) ; ce qui empêche de ce fait le juge administratif de l'appliquer aux litiges qu'il est appelé à connaitre (2).

1- L'inapplicabilité des exigences du procès équitable dans le cadre des lois d'immunité juridictionnelle

« L' «égalité des armes» garantie par le droit au procès équitable s'impose donc à un litige opposant des intérêts privés à des intérêts étatiques : l'égalité se situe donc entre les parties à la cause, le justiciable particulier et l'Etat »364(*).

Le principe d'égalité des armes contenu dans la notion de procès équitable ne peut cependant empêcher toute ingérence du législateur dans une procédure juridictionnelle. Le législateur doit donc conserver une marge d'appréciation sur l'opportunité d'une intervention. Ce qui n'est pas toujours le cas. Cette égalité des armes est considérée généralement comme une « fiction » dans le procès administratif365(*). Le législateur rend inapplicable les exigences du droit à un procès équitable, dans la mesure où cette inapplicabilité est implicitement consacrée pour les lois d'immunité juridictionnelle en se présentant comme un obstacle à l'exercice par les administrés-justiciables de ce droit. Ainsi, comme on peut le constater, en consacrant les lois d'immunité juridictionnelle, le législateur camerounais a crée un régime d'inapplicabilité du droit à un procès équitable.

Le droit à un procès rappelle les règles de procédure permettant le déroulement, à la satisfaction des parties, du procès devant la juridiction saisie366(*). Ainsi, tout justiciable doit bénéficier du droit d'accès à la justice, droit à une juridiction impartiale. Ces exigences, bien que reconnues principalement dans les procès civil et pénal, sont aussi valables en contentieux de droit public (constitutionnel, administratif et en matière fiscale). A la vérité, le principe de légalité, qui soumet l'Administration au respect de la loi, est aujourd'hui au prise avec les intérêts politiques éloignés du souci d'assurer la primauté du droit. Mais le législateur ne tient compte que de ces intérêts politiques qui entravent ainsi le droit à un procès équitable. La soumission du législateur, et dans une certaine mesure de l'Administration, au droit en général et à la Constitution et aux instruments internationaux auxquels l'Etat est partie en particulier, n'est plus de mise au Cameroun, au regard de l'atteinte portée au droit à un procès administratif équitable. Cette inapplicabilité rendue possible par le biais du législateur entraîne une inapplication de la part du juge.

2- L'inapplication des exigences du procès équitable dans le cadre des lois d'immunité juridictionnelle

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...) qui décidera, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil »367(*). Ainsi présenté, le champ d'application du droit à un procès équitable, tel qu'il est défini dans le Droit International des Droits de l'Homme, semble ne pas devoir concerner, de près ou de loin, le juge administratif368(*). Il apparaît que l'application du droit à un procès équitable par le juge administratif n'est pas un simple gadget procédural, mais bien une nécessaire et indispensable exigence de Justice. Mais les constatations qui découlent de l'inapplication de ce droit ne favorisent-elles pas un déséquilibre entre les parties au procès?369(*)

Cette difficile application du droit à un procès équitable en droit administratif tient au fait que le juge administratif n'est pas libre : il convient de préciser que le juge qui intervient dans le contentieux administratif ne se préoccupe généralement pas de la finalité des parties, il examine la demande et dit le droit. Par ailleurs, le problème qui pourrait se poser est celui de la liberté de ce juge à dire effectivement le droit sans mettre en péril son statut370(*). Le juge doit de ce fait se plier à certaines exigences extra juridiques imposées par le législateur qui s'érige en protecteur de l'Administration, lorsqu'il édicte des lois d'immunité juridictionnelle. Etant donné la peur et le laxisme du juge administratif camerounais, ce dernier participe à l'inapplication des exigences du droit à un procès équitable. L'administré-justiciable se trouve ainsi sacrifier, et son droit bafoué. On se serait attendu à ce que, en tant que protecteur des droits fondamentaux des administrés, le juge administratif camerounais puisse mettre en oeuvre un régime de protection contre l'immunité juridictionnelle dont bénéficient certains actes administratifs.

CONCLUSION DU CHAPITRE 3

En guise de conclusion de ce chapitre, il convient d'avoir présence à l'esprit que le législateur camerounais a développé une nouvelle typologie des interventions contraires à l'Etat de droit à travers les lois d'immunité juridictionnelle. On assiste à un phénomène d'inflation législative qui s'accentue de plus en plus.  L'Administration se trouve progressivement immunisée dans la prise de certains de ses actes. Telle une peau de chagrin371(*), les lois d'immunité juridictionnelle remettent sur la sellette l'épineux problème de la soumission des autorités étatiques au droit (Gouvernement, Administration, pouvoir législatif). Cela est d'autant plus inquiétant dans la mesure où l'absence d'un véritable contrôle de constitutionnalité des lois au Cameroun, une quinzaine d'années après sa consécration, témoigne de la volonté de l'Etat d'empêcher le juge constitutionnel de s'affirmer et de soulever, à chaque fois que le besoin se présente, la responsabilité constitutionnelle du législateur, soutenu par l'exécutif.

La loi est devenue entre les mains du législateur une arme redoutable contre le juge, et ce dernier l'utilise, non pas dans un but de droit, mais mue par des aspirations politiques : peut-on de ce fait penser que l'Etat de droit est vraiment en déclin au Cameroun?372(*)

CHAPITRE 4 : LES LOIS EXPRESSEMENT RETROACTIVES

« Si le phénomène des lois rétroactives est fort ancien, force est de constater que le recours à de telles lois est plus fréquent que jadis. Laissant de côté les lois « normalement » rétroactives dont la légitimité n'a jamais été contestée, lois pénales plus douces et lois de procédure, on s'attachera à celles, souvent considérées aujourd'hui comme suspectes, probablement parce qu'inspirées par des considérations politiques, que sont les lois de validation, les lois interprétatives373(*) et plus généralement les lois expressément rétroactives »374(*). On remarque donc la distinction qui est faite entre les lois « normalement » rétroactives et les lois expressément rétroactives. Parfois, ces lois trouvent leur justification dans le souci de progrès social375(*), mais hélas, bien souvent de telles lois trouvent leur cause dans la piètre qualité de la législation376(*).

Cette législation, qui est très souvent très mal rédigée ou mal édictée, suscite a posteriori le souci du législateur de réparer les erreurs commises et dans la mesure du possible, d'empêcher la réalisation des conséquences néfastes tirées de la loi par la jurisprudence377(*). L'on pourrait alors penser que ces lois sont simplement rectificatives car elles ne joueraient que pour l'avenir, a contrario, elles sont rétroactives ; et là où le bas blesse, elles se présentent comme une immixtion du législateur dans le domaine du juge du moment où il est établit qu'elles modifient ou changent les règles du droit applicables aux procès en cours. Car l'objectif désavoué du législateur peut être de neutraliser le juge dans son élan.

Le Conseil constitutionnel français a affirmé le caractère particulier des lois expressément rétroactives en posant une règle générale : « que le principe de la non-rétroactivité des lois n'a valeur constitutionnelle, en vertu de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen, qu'en matière répressive ; que si, dans les autres matières, le législateur a la faculté d'adopter des dispositions rétroactives, il ne peut le faire qu'en considération d'un motif d'intérêt général suffisant et sous réserve de ne pas priver de garanties légales les exigences constitutionnelles »378(*).

Par lois expressément rétroactives, il faut entendre une loi dont les effets remontent dans le passé et qui a pour conséquence de faire renaître des droits qui n'existaient pas à l'origine379(*). C'est une loi dont le législateur a décidé expressément qu'elle serait rétroactive380(*). Le terme « expressément » renvoie au caractère particulièrement exceptionnel de ce type de loi trouvant ou justifiant sa nature dans la volonté du législateur. Au regard de tout cela, et comme nous l'avons dit avec le professeur MALINVAUD, on assiste à un développement des lois expressément rétroactives qui sont de plus en plus fréquent dans l'ordre juridique camerounais, ce qui les rend néfaste à l'Etat de droit (section 1). Le caractère anormalement rétroactif de ces lois (leur applicabilité à des actes ou des situations intervenues antérieurement et portées devant le juge) montre une fois de plus l'immixtion intempestive du législateur dans le jugement des affaires par le juge administratif, qui eussent été jugées différemment si la loi n'était pas intervenue. D'où la nécessité d'un encadrement (section 2) non seulement dans le but de protéger l'Etat de droit, mais d'empêcher ou de réduire à sa plus stricte expression les interventions du législateur contraires à l'Etat de droit.

Bien que très rares, les lois expressément rétroactives nécessitent une étude, du fait de leur incompatibilité avec l'Etat de droit. En droit administratif, ces lois ont pour objectif désavoué du législateur de régir des situations antérieures au profit de l'Administration (soit dans la prise des actes administratifs, soit dans la conclusion des contrats), afin de contrecarrer le juge administratif, lorsque ce dernier est appelé à statuer sur une situation mettant au prise l'Administration. Le juge administratif est une fois de plus menacé par la loi.

SECTION 1 : LA NOCIVITE DES LOIS EXPRESSEMENT RETROACTIVES VIS-A-VIS DE L'ETAT DE DROIT

Les individus ont besoin de sécurité juridique : ils accomplissent les actes de la vie juridique en fonction de la législation en vigueur à l'époque où ils agissent. C'est dans le souci de préserver cette sécurité juridique que l'article 2 du Code Civil pose comme principe que « la loi ne dispose que pour l'avenir ; elle n'a point d'effet rétroactif », principe qui est entériné par la Constitution camerounaise, en son préambule. Si les articles 2 du Code Civil et 4 du Code Pénal Français ne visent que la non-rétroactivité des lois pénales, par contre le Préambule de la Constitution Camerounaise est absolument formel et général lorsqu'il dispose : « la loi ne peut avoir d'effet rétroactif ». Le législateur ne peut pas expressément y porter atteinte381(*), à moins d'être expressément autorisé par la Constitution, ce qui n'est pas le cas ; cela constitue donc une inconstitutionnalité. C'est pour cette raison qu'une loi expressément rétroactive est une limite flagrante au principe constitutionnellement reconnu par la Constitution camerounaise de la non-rétroactivité des lois (paragraphe 1), et cela ne peut qu'entrainer des conséquences désastreuses à la stabilité de l'Etat de droit (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Une limite au principe constitutionnel de la non-rétroactivité des lois

La loi expressément rétroactive fait échec au principe de la non-rétroactivité des lois. Bien qu'étant un principe qui s'impose d'abord au juge, le principe de la non-rétroactivité des lois s'impose aussi au législateur au regard de la Constitution camerounaise. Cette exigence sous-entend que le législateur ne devrait pas édicter des lois expressément rétroactives. Un point apparaît d'emblée certain : la loi ne gouverne pas rétroactivement les situations juridiques définitivement achevées avant son entrée en vigueur. Le principe de la non-rétroactivité est fondé sur des considérations de justice, un individu ne peut respecter que les normes qui sont en vigueur au moment où il agit ; de sécurité juridique (un des objectifs du Droit), cela implique la possibilité pour les sujets de droit de connaître avec certitude les règles de droit s'appliquant à leur situation, et de bon ordre social, la rétroactivité peut être synonyme de bouleversement social (la solution révolutionnaire, on efface tout et on recommence)382(*).

Donc, comme on peut le constater, le juge constitutionnel français, sans aucunement être lié par le terme de non-rétroactivité, mais dont il a seulement déduit l'idée, absolument incontestable, du principe que nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée, logique avec lui-même et se prémunissant contre l'impondérable des faits à venir, n'a reconnu au principe valeur constitutionnelle qu'en matière répressive. De cette manière, - qu'il n'a pas choisie, du reste, mais qui lui est imposée par la Constitution, car il ne doit se prononcer que dans son cadre et rien d'autre - il a ouvert la voie non pas à des dérogations (dans la mesure où l'on ne peut juridiquement parler de dérogations que si le principe de non-rétroactivité avait été expressément cité et avait eu valeur constitutionnelle absolue, comme au Cameroun), mais à la faculté pour le législateur d'opérer des dispositions fiscales à caractère rétroactif.

Il arrive donc que le principe de non rétroactivité ait des exceptions (par réaction à une décision d'un juge)383(*). Il faut noter qu'il est de mauvaise politique d'édicter des lois rétroactives, qui ruinent toute sécurité juridique. En matière pénale, il n'est pas possible d'édicter une loi expressément rétroactive lorsque la loi est plus sévère384(*). Par contre, en matière civile et en matière administrative, le législateur a trouvé un terrain privilégié pour édicter des lois expressément rétroactives385(*). Il convient de préciser que ces lois sont rares, au regard de leur caractère exceptionnel. Ainsi, en tant que limite au principe constitutionnel de la non-rétroactivité des lois, la loi expressément rétroactive constitue une inconstitutionnalité (A) ce qui lui confère un caractère exceptionnel (B).

A- La volonté exprimée du législateur d'édicter une loi expressément rétroactive

Les conséquences du principe de la non-rétroactivité des lois prévoient que : la loi nouvelle ne s'applique pas à la constitution ou à l'extinction de situations juridiques antérieures à son entrée en vigueur ; la loi nouvelle ne s'applique pas aux effets déjà passés d'une situation juridique née avant son entrée en vigueur ; la loi nouvelle ne s'applique pas, sauf rétroactivité expresse386(*) prévue par le législateur, aux conditions de l'acte juridique conclu antérieurement. Les lois ne sont rétroactives que si le législateur l'a expressément prévu. Les lois expressément rétroactives sont, comme on l'a dit, rares, mais n'en constituent pas moins une ingérence flagrante du législateur dans les procès pendants devant les juges pour en modifier le cours. Elles interviennent le plus souvent en période exceptionnelle387(*). Ces lois exceptionnelles, rétroactives correspondent à des périodes troublées de l'histoire où il existe une volonté de faire table rase du passé388(*). En tant que volonté exprimée du législateur, ce dernier confère le caractère rétroactif à une loi à travers les dispositions transitoires (1). En revanche, la loi expressément rétroactive entraîne une conséquence grave sur le sort de la loi ancienne qui régissait jusque-là des situations parfaitement valables (2).

1- Une volonté exprimée à travers les dispositions transitoires

Dans quelle mesure la loi nouvelle s'applique-telle aux situations nées avant son entrée en vigueur? Quelle loi appliquer aux situations en cours de constitution, la loi ancienne ou la loi nouvelle? Le législateur peut régler la question de l'application de la loi dans le temps par des mesures transitoires spéciales, à défaut ce sont les règles générales de droit transitoire qui s'appliquent. En adoptant la loi nouvelle, le législateur précise (dispositions transitoires spéciales) qu'elle va s'appliquer aux conditions de formation de situations juridiques déjà légalement constituées, aux conditions d'extinction de situations juridiques déjà légalement éteintes ou aux effets révolus d'une situation juridique en cours. Cette volonté du législateur de préciser la portée d'une loi permet ainsi à ce dernier de contraindre le juge à s'y conformer lorsque celui-ci est appelé à interpréter une loi qu'il devra appliquer à une situation précise. Car, dans le cadre des lois interprétatives, le juge est tenu de se conformer aux dispositions transitoires prévues dans un texte par le législateur389(*).

Souvent, les lois nouvelles comportent, à l'heure actuelle, des dispositions transitoires390(*), auxquelles il convient de se référer lors de leur application. Cela a un intérêt particulier dans la mesure où, elles permettent de régler d'emblée le problème des conflits de lois dans le temps. Il arrive que le législateur insère dans la loi nouvelle un certain nombre de dispositions qui ont pour but de régir l'application dans le temps de la loi nouvelle. Mais cette pratique peut présenter des inconvénients surtout dans le cadre des lois expressément rétroactives, ce d'autant plus qu'elles obligent généralement le juge à orienter son interprétation dans un sens différent. De plus, cela empêche ou ralenti également l'entrée en vigueur des dispositions qui auront pu régir des situations en cours dans un intérêt général.

La volonté du législateur à travers des dispositions transitoires d'édicter des lois expressément rétroactives confère donc à la loi nouvelle un statut particulier : la rétroactivité, ce qui pose le problème du sort de la loi ancienne par rapport à la loi rétroactive.

2- La disparition rétroactive de la loi ancienne

La règle de droit est provisoire car elle suit une évolution constante de la société qu'elle régit. Le problème est de savoir si une loi nouvelle s'applique à des actes antérieurs à la promulgation de la loi mais dont les effets se prolongent après l'entrée en vigueur de celle-ci.
En principe, l'application immédiate d'une loi nouvelle éteint la loi ancienne qui régie les situations actuelles non encore définitivement conclues ou les affaires non définitivement jugées et aussi celles nées postérieurement à son entrée en vigueur. Une loi nouvelle s'applique immédiatement à l'apparition ou à l'extinction des effets après son entrée en vigueur et normalement elle s'applique aussi immédiatement aux situations en cours d'extinction, elle s'applique immédiatement aux effets futurs d'une situation juridique née antérieurement à son entrée en vigueur ; mais ce qui est acquis sous la loi ancienne demeure. Ce principe est incontestable, mais le législateur peut décider que les situations non encore définitivement conclues ou jugées doivent désormais être régies par la loi nouvelle, et ce même en matière contractuelle391(*).

La question que l'on peut se poser est celle de savoir à partir de quel moment la loi ancienne reste-t-elle en vie dans ce cas. La difficulté réside sur le fait que certaines situations juridiques ne peuvent pas être régies par une loi nouvelle sans que cela ne porte atteinte à certaines prévisions notamment en matière contractuelle, cela remettrait en cause la volonté des parties qui avaient fait des prévisions en fonction de certaines circonstances aussi bien liées au temps qu'à leurs intérêts respectifs. En décidant que certains contrats passés sous l'égide d'une loi ancienne et non définitivement conclus seront désormais régis par une loi nouvelle rétroactive, le législateur porte atteinte à l'autonomie de la volonté des cocontractants. Il en est de même lorsque le juge doit appliquer une norme à litige porté devant lui, et se voit dans l'obligation d'appliquer une autre ayant une portée rétroactive.

Ici, la loi ancienne est considérée comme n'avoir jamais existé, puisque du moment où la loi nouvelle rétroagit et régie les actes ou les situations passées avant son entrée en vigueur, celle-ci n'a plus aucun intérêt. Cet état de chose donne à la loi expressément rétroactive un caractère exceptionnel.

B- Le caractère exceptionnel des lois expressément rétroactives

Les lois expressément rétroactives revêtent un caractère exceptionnel dans la mesure où la rétroactivité qui leur est reconnu par le législateur n'est pas en principe le propre de toutes les normes, ce d'autant plus que, comme nous venons de le voir, c'est la volonté expresse du législateur d'édicter des lois rétroactives surtout dans des domaines qui ne ressortissent pas du droit pénal. Cette exceptionnalité se traduit par l'intervention dans des procès en cours.

Paragraphe 2 : Les effets pervers des lois expressément rétroactives

Le législateur peut-il expressément remettre en cause rétroactivement les actes et les situations antérieurs? Les lois expressément rétroactives ont des conséquences néfastes sur l'Etat de droit. A l'inverse d'une loi de validation qui conduit à déclarer valables des actes qui auraient été nuls par application de la loi ancienne, la loi nouvelle rétroactive va entraîner, sinon la nullité, du moins la révision d'actes qui étaient parfaitement valables suivant la loi de l'époque392(*). Cette solution est particulièrement troublante en termes de prévisibilité et de sécurité juridique en ce qu'elle conduit à faire considérer comme irrégulière une situation qui s'est réalisée précédemment de manière tout à fait régulière393(*). Bien que les juges français (Conseil d'Etat, Cour de cassation) retiennent que « les motifs d'intérêt général que le législateur a pris en compte (...) justifient, (...), qu' (...) il ait décidé d'appliquer les dispositions nouvelles aux situations apparues antérieurement et aux instances en cours, tout en réservant comme il le devait, les décisions juridictionnelles passées en force de choses jugées »394(*), il n'empêche pas que cette rétroactivité produit des effets pervers. Ainsi, dans certaines affaires en cours (A), des demandeurs seront déboutés du fait de l'application immédiate de la loi395(*) ; la situation des personnes qui ont acquis des droits sous l'égide de la loi ancienne sera elle aussi influencée du fait de la rétroactivité (B).

A- Les effets sur les affaires en cours

Du moment où le législateur décide qu'une loi est expressément rétroactive, elle commence à produire des effets d'abord sur les situations en cours, c'est-à-dire qui ne sont pas encore définitivement conclues ou jugées par une juridiction. Cette intervention dans les procès en cours affecte considérablement non seulement les parties au litige, mais également le juge. L'application immédiate de la loi risque ainsi d'affecter rétroactivement tous actes qui, lors de leur confection, étaient conformes à l'ordre public de l'époque396(*). La loi expressément rétroactive constitue une entrave aux situations juridiques valables sous l'emprise de la loi ancienne (1), mais exerce aussi une influence sur la décision à venir du juge (2), lorsque les faits sur lesquels il statue ont été radicalement remis en cause par le législateur.

1- Une entrave aux situations juridiques passées valablement sous l'égide d'une loi ancienne

La loi nouvelle entraîne la révision des actes qui étaient parfaitement valables suivant la loi de l'époque. Cela constitue une entrave à la stabilité juridique des normes. La question qu'on peut se poser dans une pareille situation est celle de savoir quel est le statut de la loi ancienne dans ce cas. La situation est telle que la loi ancienne ayant régis certains actes est considérée comme n'avoir jamais existée.

Par exemple, une loi ayant règlementé la passation des contrats entre l'Administration et des personnes privées selon un régime d'indemnisation au profit de la personne privée en cas de rupture abusive du contrat de la part de l'Administration justifiée par les prérogatives exorbitantes de droit commun. Cette dernière se pourvoit devant le juge aux fins d'être indemnisée, lorsqu'une situation similaire s'est produite. Pendant que le procès est en cours, le législateur vote une loi rétroactive qui prévoit expressément que dorénavant, en cas de rupture abusive d'un contrat du fait de l'Administration, aucune indemnisation n'est plus accordée, et cela est valable pour les situations en cours et même passées. Cette situation est particulièrement choquante pour les personnes concernées. Aucun motif d'intérêt général ne peut justifier une telle attitude du législateur, car la loi qui est censée exclure l'indemnisation ne peut être d'ordre public puisqu'elle constitue une atteinte à la sécurité juridique en ce qu'elle conduit à considérer comme irrégulière une situation qui s'est réalisée de manière tout à fait régulière397(*). Deux choses sont particulièrement regrettables dans cet exemple : l'entrave au principe de la non-rétroactivité et l'exclusion d'un régime d'indemnisation au profit des cocontractants de l'Administration lésée, alors que ceux-ci étaient auparavant protégés de tout abus de la part de l'Administration qui l'exonère totalement. Cette insécurité juridique occasionnée par une telle loi aura des répercussions sur la décision du juge du moment où celui-ci sera appelé à statuer sur ce cas.

2- Une influence exercée sur la décision du juge

La principale critique apportée à une loi expressément rétroactive est qu'elle s'ingère dans les affaires en cours pour en influencer l'issue. Le juge se trouve ainsi influencer dans son domaine, car ce dernier ne peut pas passer outre l'application d'une loi. En vertu des articles 4 et 5 du Code civil398(*), le juge est tenu d'appliquer la loi sous peine de déni de justice399(*). Cette obligation qui pèse sur celui-ci l'empêche de se passer d'une loi qu'il juge « critiquable », puisqu'il ne peut émettre des jugements de règlements. Cela est d'autant plus inconcevable dans la mesure où le juge ne peut pas apporter des objections à l'application d'une loi, même si celle-ci entrave le cours d'un litige à lui soumis. Le juge est tenu de se soumettre à la loi, et de l'appliquer dans le sens voulu par le législateur. Cet état de chose montre une atteinte à l'indépendance du juge.

B- Les effets sur les situations devenues définitives

Une norme ne peut constituer un obstacle aux situations juridiques devenues définitives, car cela est une entrave à la stabilité juridique, et dans une certaine mesure à la sécurité juridique. Le principe des droits acquis trouve son fondement ici, car tout sujet de droit ne saurait voir ses droits lui être imputés. Par droits acquis, il faut entendre les droits reconnus à un sujet de droit et qui font partie de son « patrimoine ». Les lois expressément rétroactives ont des effets sur les situations devenues définitives en ce qu'elles constituent une atteinte à l'autorité de la chose jugée (1), et une modification défavorable dans le passé des situations légales (2).

1- Une atteinte à l'autorité de la chose jugée

Cette exigence découle du principe de la séparation des pouvoirs. Dans sa décision de 1980400(*), le juge constitutionnel français rappelle qu'il « n'appartient ni au législateur ni au gouvernement de censurer les décisions des juridictions, d'adresser à celles-ci des injonctions et de se substituer à elles dans le jugement des litiges relevant de leur compétence ». Cela est d'autant plus valable pour les lois expressément rétroactives : le législateur ne peut modifier l'issue d'un litige qui a été jugé et qui a acquis autorité de la chose jugée. Selon une jurisprudence constante401(*), une loi rétroactive ne peut rétroagir sur les effets d'un jugement ayant acquis autorité de la chose jugée. Bien que l'autorité de la chose jugée n'exclut pas l'exercice des voies de recours, la règle est la même lorsqu'une décision du juge est passée en force de chose jugée, c'est-à-dire que toutes les voies de recours ont été épuisées.

Ainsi, les décisions de justice devenues définitives ou passées en force de chose jugée bénéficient d'une protection absolue. Cela ne pourrait en être autrement, puisque le souci de respect du principe de la séparation des pouvoirs, de l'indépendance de la justice, de sécurité et de stabilité juridiques oblige le législateur à respecter l'autorité de la chose jugée. En édictant des lois rétroactives, le législateur remet en cause, même de façon implicite, les faits déjà définitivement jugées, car elle fait remonter ses effets dans le passé, tout en modifiant des droits qui étaient déjà acquis. Cela peut amener un justiciable qui s'est vu débouter sur un droit de saisir une fois de plus le juge pour être entendu sur la base d'une loi nouvelle rétroactive qui a modifié l'état du droit préexistant.

2- La modification défavorable dans le passé d'une situation juridique légale

Comme nous l'avons dit en comparant une loi expressément rétroactive à une loi de validation, à l'inverse d'une loi de validation qui conduit à déclarer valables des actes qui auraient été nuls par application de la loi ancienne, la loi nouvelle rétroactive va entraîner, sinon la nullité, du moins la révision d'actes qui étaient parfaitement valables suivant la loi de l'époque. Cette modification est défavorable dans le passé, puisque les situations que la loi nouvelle régie n'étaient pas contestables, voire illégales. On peut se poser la question de savoir ce qui peut motiver le législateur à édicter des lois qui auront pour effet de déroger aux situations valables, non pas dans un souci de l'adapter, mais de les modifier rétroactivement.

Au regard de ce qui précède, les lois expressément rétroactives sont nocives pour l'Etat de droit. C'est dans le souci de pallier aux effets néfastes des ces lois qu'il convient de strictement les encadrer afin de protéger l'Etat de droit.

SECTION 2 : LA PERSPECTIVE D'UN ENCADREMENT DES INTERVENTIONS CONTRAIRES A L'ETAT DE DROIT

Dans la conception traditionnelle de souveraineté du législateur, « il relevait de sa toute-puissance de légiférer rétroactivement, de délivrer une interprétation authentique de dispositions existantes ou encore de « valider » un acte administratif entaché d'une illégalité en vue de le mettre à l'abri d'une éventuelle censure juridictionnelle »402(*). Paré de l'aura de la légitimité démocratique, le pouvoir législatif trônait au sommet de la hiérarchie des pouvoirs ; il ne pouvait mal faire puisque « la Loi est l'expression de la volonté générale »403(*). En l'absence d'un contrôle juridictionnel - constitutionnel ou conventionnel - de la loi, les cris d'alarme de la doctrine404(*) étaient voués à demeurer de simples voeux platoniques.

En conséquence, l'essor d'un contrôle de constitutionnalité des lois au Cameroun, s'il ravive l'archaïque crainte du gouvernement des juges405(*), érige la Constitution en contrainte effective adressée à l'activité législative : la loi n'est l'expression de la volonté générale que si elle respecte la Constitution406(*). Malgré le voeu du législateur et du gouvernement de retarder le plus longtemps possible la mise en place effective du Conseil constitutionnel au Cameroun, et par ricochet du contrôle de constitutionnalité des lois, la perspective d'un contrôle efficace et efficient est toujours envisageable.

A cet égard, le juge, tant administratif que constitutionnel devrait prendre les choses en main et se hisser en véritable protecteur de l'Etat de droit au Cameroun, afin de limiter, voire de pallier définitivement aux ingérences flagrantes du législateur dans le dénouement des litiges portés devant les juridictions407(*) ; et pour cela, ils devront cesser d'être timides et être audacieux. Ainsi, le contrôle de constitutionnalité de ces lois (paragraphe 1) et la consécration effective de la responsabilité du fait des lois (paragraphe 2) permettra au juge constitutionnel de contrôler ces immixtions, et au juge administratif de veiller à la protection des droits des justiciables qui se trouveront affecter par ces ingérences.

Paragraphe 1 : La reconnaissance effective des pouvoirs du juge constitutionnel en matière de contrôle de constitutionnalité des lois

Le contrôle de constitutionnalité des lois a longtemps suscité au Cameroun, comme en France, une réticence certaine de la part des hommes politiques comme des juristes, tous persuadés que son introduction conduirait à une profonde altération des souverainetés législative et populaire au regard de l'article 6 de la Déclaration du 26 août 1789 («La loi est l'expression de la volonté générale»). Ils rejoignaient à cet égard la conception dégagée par Jean-Jacques Rousseau dans son ouvrage majeur «Du Contrat Social» (1762). Cet auteur confère une supériorité juridique à la loi. Cette conception «rousseauiste» de la loi, faisant de cette dernière un acte inconditionnel, irrésistible, incontestable et irréprochable, a toujours été invoquée pour dénier à toute autorité juridictionnelle le pouvoir de contrôler la conformité de la loi à la Constitution dans le cadre d'une activité de collation des textes. C'est dans cette orientation que s'est rangé le Cameroun dont les premières Constitutions408(*) ne prévoyaient l'exercice d'un éventuel contrôle de constitutionnalité des lois que par le Président de la République409(*), qui se présentait comme le seul garant du respect de la hiérarchie juridique des normes étatiques. Cela trouvait sa justification dans le fait que la loi devait être protégée contre des incessants appels en inconstitutionnalité émanant des citoyens410(*).

Cette conception continue sous la République unie411(*), mais la nuance qui en est apportée est que « le Président de la République saisit la Cour suprême dans les conditions déterminées par la loi lorsqu'il estime qu'une loi est contraire à la présente Constitution »412(*). L'article 27 alinéa 4413(*) permet en effet à la Cour suprême de jouer le rôle du juge de la recevabilité d'un texte de loi, elle peut être saisie lorsque surgit un désaccord. Certes, le Professeur OWONA notait-il déjà qu'en matière de contrôle de constitutionnalité des lois au Cameroun « la Cour Suprême intervient pour juger de la constitutionnalité d'une loi sur demande du président de la République, pour juger de la recevabilité d'une proposition de loi ou d'amendement du chef de l'Etat ou du président de l'Assemblée Nationale »414(*).

Mais cet état des choses a évolué avec l'avènement de la loi constitutionnelle de 1996415(*), qui crée un Conseil constitutionnel dont les attributions, les règles de saisine et la procédure sont contenues dans le Titre VII416(*), et l'article 46 énonce sans équivoque que « le Conseil constitutionnel est l'instance compétente en matière constitutionnelle. Il statue sur la constitutionnalité des lois. ». L'alinéa 1er de l'article 47 ajoute que « Le Conseil Constitutionnel statue souverainement sur : - La constitutionnalité des lois, (...) ». La magnificence présidentielle qui a marqué le cycle constitutionnel depuis plus de quatre décennies est donc totalement remise en cause avec l'avènement d'un contre-pouvoir juridictionnel chargé de dire le droit avec l'autorité absolue de la chose jugée417(*).

La présence d'un juge constitutionnel apparaissait dès lors comme la condition d'un Etat de droit dans lequel l'Etat, dans ses relations avec ses sujets et pour la garantie de leur statut individuel, se soumet lui-même à un régime de Droit, afin d'empêcher l'édiction des lois liberticides et inconstitutionnelles. Par ailleurs, malgré cette consécration constitutionnelle, la mise en place effective tarde à venir, au regard de la panoplie des lois inconstitutionnelles418(*) qui bondent notre ordre juridique et on se demande bien pourquoi : est-ce une volonté des pouvoirs publics à retarder au maximum cette mise en place ou est-ce par conformisme que ces derniers ont institué dans les textes une juridiction constitutionnelle au Cameroun? Cela nous pousse à analyser l'état actuel du contrôle de constitutionnalité des lois au Cameroun (A), avant d'envisager la perspective d'une reforme (B).

A- L'état actuel du contrôle de constitutionnalité des lois au Cameroun

La loi constitutionnelle du 18 janvier 1996 crée un Conseil constitutionnel au Cameroun dont les attributions sont prévues par le Titre VII. Cette consécration entre en droite ligne avec les changements politiques intervenus depuis les années 1990 : « introduites à la faveur des changements politiques intervenues sur le continent, les juridictions constitutionnelles africaines actuelles procèdent d'un mouvement endogène et exogène des constituants africains, qui mettent un point d'honneur à organiser des contrôles de constitutionnalité. Ceux-ci deviennent un élément incontournable de l'Etat de droit »419(*) Les reformes entreprises par l'Etat camerounais en faveur de la promotion et de la protection des droits de l'Homme et des libertés fondamentaux, en raison essentiellement des mutations juridiques touchent la protection de l'intégrité de la Constitution420(*). Mais jusqu'à l'instant présent, cette consécration est restée lettre morte, puisque les dispositions transitoires de la loi constitutionnelle de 1996 confie l'exercice des attributions du Conseil constitutionnel à la Cour suprême (1), de plus, le contrôle de constitutionnalité des lois est encore ineffectif (2).

1- La Cour Suprême statuant comme Conseil constitutionnel

Comme la plupart des Etats africains francophones, « le Cameroun s'est doté d'une juridiction constitutionnelle intégrée à la Cour Suprême, caractérisé par l'inexistence d'une formation spécialisée dans le contentieux constitutionnel »421(*). C'est en effet la Cour Suprême qui se prononce en sections réunies en matière constitutionnelle. L'article 67 alinéa 4422(*) de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996 prévoit que « La Cour Suprême exerce les attributions du Conseil Constitutionnel jusqu'à la mise en place de celui - ci ». Cette disposition transitoire fait de la Cour Suprême juge constitutionnel au Cameroun en attendant la mise en place effective du Conseil constitutionnel. Cela aurait paru logique si cette tâche confiée à la Cour Suprême était de courte durée ; mais on se rend compte que, quinze ans après l'entrée en vigueur de la nouvelle Constitution et six ans après la promulgation de la loi portant son organisation et son fonctionnement423(*), le « Conseil constitutionnel » n'a pas encore été effectivement mis sur pied. On remarque encore le laxisme des pouvoirs publics à prendre des dispositions pour la mise en place du Conseil constitutionnel. En attendant toujours cette mise en place, la Cour Suprême essaye tant bien que mal de jouer ce rôle à côté de ses attributions classiques424(*). Ainsi, la Cour Suprême camerounaise forme un « bloc monolithique »425(*), car elle exerce toute la fonction juridictionnelle au Cameroun.

La Cour Suprême, lorsqu'elle statue comme Conseil constitutionnel, décide en sections réunies. L'article 67 alinéa 4 n'a donné aucune autre précision quant la procédure suivie devant la Cour Suprême statuant comme Conseil constitutionnel ; on estime que cette dernière devra se conformer aux dispositions du Titre VII (articles 46 à 52). Jusqu'à présent, le contrôle de constitutionnalité des lois n'a touché que certains domaines précis426(*), au regard de la panoplie des lois inconstitutionnelles qui abondent dans notre ordre juridique. Cela n'est pas étonnant si quinze ans plus tard on se trouve dans une situation pareille : on comprend dès lors que le souci du constituant de 1996 n'était pas d'innover en consacrant une justice constitutionnelle au Cameroun, mais de se conformer au phénomène de mode lié à la création en Afrique des juridictions constitutionnelles calquée sur les modèles européens et américains. « La difficulté réside au Cameroun dans le fait que le pouvoir refuse de se soumettre à la suprématie constitutionnelle et au contrôle de la conformité de ses actes avec la norme suprême. Le poids du passé reste latent, notamment le maintient d'un mode de gouvernement fondé sur la primauté du président.»427(*)

La doctrine camerounaise428(*) considérait déjà cet état de chose429(*) comme justifiant la prise en compte des dispositions transitoires430(*). Ce sont ces dispositions transitoires qui mettent à mal l'application des dispositions constitutionnelles pour une durée limitée ou illimitée ; « en prévoyant une délégation de pouvoir à un autre organisme »431(*).

Tout en espérant que la Cour Suprême, en attendant la mise en place véritable du Conseil constitutionnel, pourra dans un avenir proche exercer véritablement un contrôle de constitutionnalité des lois. On se pose la question de savoir si cette mise en place sera effective, puisque le constituant a élaboré toutes les stratégies pour contrecarrer le contrôle de constitutionnalité des lois, notamment en instituant une procédure assez rigoureuse, ce qui ne favorisera pas le contrôle.

2- La rigueur des procédures devant le juge constitutionnel pas toujours favorable à un contrôle de constitutionnalité des lois efficient

L'étroitesse de la saisine, la consécration d'un contrôle a priori, sont des éléments qui permettent d'affirmer la rigueur de la procédure consacrée par le constituant camerounais.

Pour ce qui est de la saisine, il convient de distinguer quatre types de saisine du juge constitutionnel432(*): les saisines obligatoires433(*), les saisines facultatives434(*), les saisines intéressées435(*) et les saisines controversées436(*). Si le sort des décisions ne dépend pas des saisines, la sélection des autorités investies du pouvoir de saisine compromet le principe de justiciabilité devant l'instance de garantie de l'idée de droit et de jeu politique437(*). En matière de contrôle de constitutionnalité des lois, la saisine est réservée aux autorités politiques : Président de la République, les présidents des chambres parlementaires (Assemblée Nationale et Sénat), le tiers des députés ou des sénateurs438(*). Cette saisine est confisquée par ceux-là mêmes qui sont à l'origine des textes439(*). En sus de ces autorités, le droit de saisine du Conseil constitutionnel est reconnu aux exécutifs régionaux uniquement lorsque les intérêts de leur région sont en cause440(*). Cette étroitesse de la saisine entrave considérablement l'accès au juge constitutionnel ; « or, pour garantir le contrôle de constitutionnalité, il faut que le juge constitutionnel soit accessible »441(*). Malgré l'extension considérable du droit de saisine, celle-ci est toujours précaire, car mêmes ceux qui ont été ajouté ne peuvent pas être considérés comme exerçant une influence quelconque par rapport à la situation antérieure442(*).

En introduisant un contrôle strictement a priori443(*), le constituant camerounais entendait limiter les recours incessants devant le Conseil constitutionnel. Bien que présentant des avantages considérables, notamment sa simplicité (saisine immédiate du juge constitutionnel dès qu'une loi est votée), sa rapidité (15 jours444(*)), son efficacité (dans la mesure où elle ne remet pas en cause les lois en vigueur), le mode de saisine vient rendre ce type de contrôle contestable. Cela se justifie par le fait que les autorités disposant du pouvoir de saisine sont ceux là mêmes qui sont à l'origine des textes ou qui sont influencées par leur opinion ; et comme nous l'avons dit, le problème de la minorité parlementaire se pose.

Subséquemment, en l'état actuel du contrôle de constitutionnalité des lois au Cameroun, on ne peut s'empêcher de remettre en question ce contrôle, due à l'étroitesse de la saisine du juge constitutionnel et à la consécration d'un contrôle a priori qui apparaissent comme insuffisants pour un contrôle de constitutionnalité efficient. La perspective d'une reforme ou d'une reconsidération de la procédure est envisageable.

B- La perspective d'une reconsidération du contrôle de constitutionnalité des lois

La soumission du pouvoir politique à la norme fondamentale n'est pas encore réalisée au Cameroun. Cela est la conséquence de multiples hésitations, méfiances et craintes des pouvoirs publics. Le constituant camerounais de 1996 a essayé de limiter cette soumission du pouvoir au droit, malgré la consécration d'un Conseil constitutionnel445(*), et par ricochet d'un contrôle de conformité de ses actes à la norme fondamentale. Mais au regard des lois inconstitutionnelles sans cesse croissant, parmi lesquelles les ingérences du législateur dans l'administration de la justice, et au regard de l'échec actuel du contrôle de constitutionnalité des lois, il serait indispensable d'envisager une reconsidération de ce contrôle au Cameroun ; cela dans le but, non seulement d'exercer un contrôle efficient de l'activité législative, mais aussi de protéger l'Etat de droit.

Ainsi, la mise en place effective du Conseil constitutionnel (1) et la consécration de l'exception d'inconstitutionnalité (2) contribueront à l'émergence du contrôle de constitutionnalité des lois au Cameroun.

1- La mise en place d'une justice constitutionnelle autonome

Contrairement à d'autres systèmes africains, le Cameroun est resté au statuquo en matière de contrôle de constitutionnalité. La transition vers le pluralisme politique n'a pas semblé entrainer avec elle les démons du passé. L'importante mutation constitutionnelle du 18 janvier 1996 a permis un changement considérable, mais ce changement se trouve biaisé par la volonté des pouvoirs publics de retarder au maximum la mise en place des institutions telles le Conseil constitutionnel446(*).

En 2004, le législateur camerounais a voté deux lois447(*) relatives au Conseil constitutionnel, promulguées par le Président de la République, qui consacrent définitivement le statut du Conseil constitutionnel. Mais des difficultés se sont présentées quant au statut des membres du Conseil448(*). On peut encore s'étonner de ce laps de temps qui s'est écoulé depuis l'entrée en vigueur de la Constitution de 1996 et les lois fixant l'organisation, le fonctionnement et le statut des membres du Conseil constitutionnel ; et entre la promulgation de ces lois jusqu'à l'heure actuelle.

La mise en place effective du Conseil constitutionnel nécessite donc une prise en compte de certains paramètres : Le juge constitutionnel bénéficie d'un ensemble de garanties dans l'exercice de ses fonctions. Ces garanties sont à la fois personnelles et organiques. Il s'agit des garanties statutaires organisant l'indépendance et la dignité dans l'exercice des fonctions au sein de la juridiction constitutionnelle449(*). Le juge constitutionnel camerounais se trouve placé face aux pouvoirs politiques. Son action dépend des garanties statutaires conférées tant à l'organe qu'aux membres.

Au surplus, l'effectivité de l'Etat de droit se mesure au sort quotidien réservé aux décisions du juge constitutionnel450(*). Dans le souci de construire un Etat de droit, il convient d'assurer au Conseil constitutionnel, ainsi qu'à ses membres des garanties d'indépendance451(*). On espère que lorsque les pouvoirs publics vont enfin se décider de mettre sur pied véritablement le Conseil constitutionnel, toutes ces garanties leur seront retenues ; mais le plus tôt sera le mieux, car l'ordre juridique camerounais pullule des lois inconstitutionnelles, parmi lesquelles certains interventions du législateur dans le fonctionnement de la justice qualifiées de contraires à l'Etat de droit, qu'il conviendrait d'encadrer. Mais la mise en place d'un Conseil constitutionnel autonome ne suffit pas, il faudrait l'accompagner des règles de procédure souples qui permettront une limitation des lois inconstitutionnelles452(*).

2- La reconsidération des règles de procédure devant le juge constitutionnel

La difficile gestation d'une justice constitutionnelle au Cameroun est due à la rigueur de la procédure devant le juge constitutionnel. « il ne suffit pas de proclamer la suprématie du droit dans un texte constitutionnel pour que le droit joue un rôle effectif dans la régulation des pouvoirs publics et la protection des citoyens vis-à-vis de ces pouvoirs »453(*), il faut y consacré des règles pouvant être en mesure d'assurer cette régulation. Ainsi, en introduisant le cumul d'un contrôle a priori avant la promulgation de la loi avec un contrôle a posteriori, cela constituerait un progrès notable. Le contrôle a priori aura l'avantage d'empêcher qu'une loi inconstitutionnelle ne pénètre dans l'ordre juridique, alors que le contrôle a posteriori, par le biais des questions préjudicielles, fera rouvrir le débat454(*).

Par ailleurs, en l'absence de toute disposition constitutionnelle leur accordant le droit de contrôle, les tribunaux camerounais ne se sont pas crus autorisés à instituer ce contrôle par voie jurisprudentielle, « ils ont affirmé de façon implicite que le contrôle de constitutionnalité est interdit aux citoyens au Cameroun »455(*). Cela exclut l'exception d'inconstitutionnalité au Cameroun. Sous l'empire de la Constitution de 1961, la Cour Fédérale de Justice avait eu à prendre position sur le contrôle de constitutionnalité des lois456(*). Sous la Constitution du 2 juin 1972, la Cour d'appel de Garoua a eu aussi à prendre position sur le contrôle de constitutionnalité des lois dans un arrêt du 5 mai 1973457(*). Malgré le fait la Cour Suprême refuse de contrôler par voie d'exception la constitutionnalité des lois, elle a, dans certains cas458(*), amorcé une évolution vers un contrôle indirect de la Constitution459(*). De même le juge des référés460(*), par une démarche audacieuse, « consacre une captation du pouvoir d'interprétation de la Constitution par le juge administratif à des fins d'application au contentieux »461(*).

Cette prise de position hardie du juge camerounais en matière de contrôle de constitutionnalité par voie d'exception pose les bases d'une future consécration de ce type de contrôle. On espère comme en France462(*), le Cameroun malgré les réticences actuelles en faveur de ce type de contrôle pourra faire une avancé considérable vers la consolidation d'Etat de droit au Cameroun. La consécration de l'exception d'inconstitutionnalité constituerait une garantie pour tout justiciable de ses droits et libertés fondamentaux. Mais cela devrait, pour éviter que la Constitution ne devienne entre les mains des justiciables un instrument banal463(*), contenu dans un certain nombre de conditions.

Le contrôle de constitutionnalité des lois permet au juge constitutionnel de veiller au respect de la Constitution par le législateur, lorsque ce dernier intervient dans le fonctionnement de la justice administrative. Ses actes doivent donc être soumis à un contrôle rigoureux de la part du juge constitutionnel, même si celui-ci, avec l'aide de l'exécutif, retarde au maximum l'effectivité d'un contrôle de constitutionnalité au Cameroun. Mais la possibilité peut aussi être donnée au juge administratif pour contrecarrer les élans du législateur à travers la responsabilité de l'Etat législateur.

Paragraphe 2 : La perspective d'une reconsidération de la responsabilité du fait des lois par le juge administratif

La responsabilité du fait des lois ou responsabilité à l'occasion de la fonction législative464(*), ou tout simplement responsabilité de l'Etat législateur rentre dans la catégorie « responsabilité de l'Etat du fait d'activités autres qu'administratives »465(*). Au nombre de ces activités, on en identifie trois : législatives, internationales ou juridictionnelles, que seul l'Etat parmi les personnes publiques peut exercer. La question de la responsabilité de l'Etat à l'occasion de la fonction législative est classique. Elle concerne les dommages causés par les lois formelles mais aussi, d'une manière plus générale, par tout acte ayant valeur législative, tel que les ordonnances, et même indirectement les dommages causés par les mesures d'exécution des lois466(*). La caractéristique non administrative de l'activité législative de l'Etat soulève des interrogations quant à la responsabilité : tout d'abord, peut-on admettre que l'Etat engage sa responsabilité dans l'exercice d'activités qui concernent au premier chef sa souveraineté? Certains auteurs, à l'instar de VEDEL et DELVOLVE467(*) pensent que « l'argument de la souveraineté ne saurait constituer un argument dirimant à la reconnaissance de la responsabilité »468(*). Ensuite, le juge administratif peut-il statuer sur des activités qui ne sont pas administratives? Bien qu'il ne s'agisse pas de la responsabilité administrative au sens strict, les principes applicables à la responsabilité administrative leur sont applicables et c'est au juge administratif qu'il revient de les appliquer469(*).

Le principe qui a longtemps prévalu était celui de l'irresponsabilité absolue de l'Etat pour les dommages causés par la législation. Les dommages causés par une loi n'ouvraient pas de droit à indemnité. Cette irresponsabilité était fondée sur des arguments divers entre autres la souveraineté du législateur470(*) et la portée générale des actes législatifs471(*). La responsabilité de l'Etat législateur trouve sa consécration dans la jurisprudence à travers un arrêt de principe du Conseil d'Etat français, La Fleurette472(*). D'autres arrêts viennent entériner de façon on ne peut plus convaincante l'espèce La Fleurette473(*).

En tant que tel, la responsabilité du fait des lois peut être engagée s'il s'avère qu'il y a violation du principe de l'égalité des citoyens devant les charges publiques474(*). Au regard de sa particularité, la responsabilité de l'Etat législateur pour être engagée est soumise à un certain nombre de conditions (A). Après l'analyse de ces conditions, nous envisagerons la question de la responsabilité de l'Etat législateur relativement aux interventions contraires à l'Etat de droit (B).

A- Les conditions d'existence de la responsabilité du fait des lois en général

Elles ont été élaborées par la jurisprudence du Conseil d'Etat français des espèces La Fleurette, Lacombe et Secrétaire d'Etat à la jeunesse, et théorisées par la doctrine. La responsabilité de l'Etat législateur demeure difficile à mettre en jeu de sorte que ses applications possibles sont relativement rares. Ainsi, plusieurs conditions sont donc strictement exigées par la jurisprudence. La doctrine les a regroupées en conditions négatives (1) et en conditions positives (2).

1- Les conditions négatives de la responsabilité de l'Etat législateur

Certaines circonstances excluent la responsabilité de l'Etat législateur, c'est en cela qu'elles sont dites négatives. La responsabilité de l'Etat législateur peut se trouver exclue par le législateur lui-même, soit à raison des caractères de l'activité à laquelle il a porté atteinte, soit à raison du but poursuivi. En effet, le législateur écarterait tout droit à indemnité lorsque l'activité en cause est elle-même anormale ou lorsqu'elle est limitée ou supprimée dans un but d'intérêt général.

Dans le premier cas, la volonté du législateur s'impose au juge, il ne pourra condamner l'Etat à réparer le dommage causé par la loi, à moins qu'avant sa promulgation les dispositions écartant la responsabilité aient été déclarées contraires à la Constitution par le juge constitutionnel475(*). Le législateur peut rédiger la loi de trois manières : soit en écartant purement et simplement la responsabilité de l'Etat476(*), soit en édictant des dispositions qui écartent implicitement mais nécessairement cette responsabilité, soit enfin en aménageant un régime particulier d'indemnisation477(*).

Dans le second cas, le but d'intérêt général poursuivi par la loi exclut l'octroi d'une indemnité pour préjudice causé par la loi ; mais elle n'est pas absolue. La jurisprudence fait donc référence à l'intérêt général pour justifier la réparation des conséquences dommageables de la loi. Dans d'autres cas, l'intérêt général constitue un obstacle à la responsabilité spécialement en matière économique478(*). S'il est démontré que le législateur a entendu satisfaire des intérêts particuliers aux détriments d'autres intérêts, l'indemnisation des seconds devient une nécessité. D'un autre côté, le principe d'égalité peut être écarté dans un but d'intérêt général, à condition qu'il existe un lien de causalité entre le but d'intérêt poursuivi par une loi et les dommages qu'elle entraîne. Ainsi, le principe de l'égalité devant les charges publiques commande l'octroi d'une indemnité, si les conditions dites positives sont remplies.

2- Les conditions positives de la responsabilité de l'Etat législateur

Elles sont qualifiées de positives parce qu'elles n'excluent pas la responsabilité et par ricochet l'indemnisation, puisqu'elles doivent être remplies pour l'octroi de l'indemnisation. Pour cela, il faut que le préjudice soit spécial et d'une gravité suffisante.

Pour ce qui est de la spécialité, c'est cette exigence qui a longtemps fait considérer que, par définition, la loi ne pouvait donner lieu à responsabilité479(*). Le caractère spécial signifie que la loi ne touche qu'une catégorie de personnes, c'est-à-dire spéciale à celles-ci. C'est à cette condition que s'ouvrira le droit à réparation. Dans les espèces précitées480(*), il s'agissait effectivement d'entreprises spécialisées dans des productions très particulières. La jurisprudence a évolué en consacrant cette application à des cas où il y a une pluralité de victimes à condition notamment que celles-ci constituent une catégorie limitée d'individus481(*).

Pour la gravité et l'anormalité, il faut préciser que la notion de préjudice anormal intervient généralement en matière de responsabilité pour risque, elle entretient une relation avec la gravité. Précisons également que certains préjugés nés de la loi ne sont jamais anormaux, car les activités auxquelles la loi porte atteinte sont elles-mêmes anormales (activités à caractère immoral, illicite ou dangereux). Lorsque les activités n'ont rien d'anormal l'anormalité du préjudice résultant de la loi, les restreignant ou les limitant, n'est atteinte que s'il est grave482(*).

B- Le régime particulier de la responsabilité de l'Etat législateur relativement aux interventions contraires à l'Etat de droit

Au regard du caractère néfaste des interventions du législateur contraires à l'Etat du droit, il convient d'entrevoir l'application qui en est faite par le juge. Du fait de l'atteinte qu'elle porte aux individus, parce qu'elles interviennent dans le cours d'un procès, les interventions du législateur constituent un obstacle particulier aux droits483(*) des justiciables. En cela, la responsabilité de l'Etat législateur dans ces cas devrait être repensée, du fait du caractère particulier de ces lois. Ainsi, la responsabilité de l'Etat législateur peut être différente pour les lois d'immunité juridictionnelle (1) ainsi que pour les lois rétroactives (2).

1- Le cas des lois d'immunité juridictionnelle

Comme nous l'avons analysé dans le chapitre portant sur les lois d'immunité juridictionnelle, ces lois consacrent à certains actes administratifs un régime contentieux particulier qui empêche certains justiciables de porter devant le juge administratif un litige relatif soit à la désignation des chefs traditionnels, soit à la répression du terrorisme, soit à la limite des circonscriptions administratives et des unités de commandement etc. A la différence du régime de la responsabilité des lois ordinaires484(*), les lois qui excluent de la connaissance du juge administratif ces domaines doivent, du fait de leur inconstitutionnalité, tenir compte d'autres paramètres lorsqu'il s'agit de la responsabilité de l'Etat législateur.

Ainsi, les charges publiques ne suffiront plus pour justifier la responsabilité de l'Etat législateur, puisque le législateur entend explicitement remettre en cause des situations spécifiques485(*) au profit de l'Administration et au détriment d'une catégorie d'individus ; il faudra envisager une éventuelle responsabilité pour faute de l'Etat législateur486(*) : il est vrai qu'au nom de la souveraineté absolue de l'Etat législateur, toute idée de faute n'est pas envisageable ; mais au regard de la nocivité des lois d'immunité juridictionnelle, la faute du législateur peut être liée au fait que ce dernier n'oeuvre pas dans l'intérêt général, mais motivé par des considérations extra juridiques487(*). Le juge devra, afin de ne pas permettre d'attaquer la loi intempestivement, encadrer la considération de cette faute dans certaines conditions.

2- Le cas des lois expressément rétroactives

Nous envisagerons ici les lois rétroactives dans leur ensemble, y compris les lois de validation et les lois interprétatives488(*). La particularité des lois rétroactives est qu'elles influencent les situations et actes passés sous l'emprise d'une loi ancienne, qui dans ce cas est censée n'avoir jamais existé, puisque la loi nouvelle, rétroactive, est revenue pour régir des situations passées. Il est vrai que le juge administratif français exclut la responsabilité de l'Etat législateur par rapport au but poursuivi, c'est-à-dire l'intérêt général. Mais les lois rétroactives ne poursuivent pas toujours l'intérêt général, car la rétroactivité qui caractérise ces lois constitue une inconstitutionnalité. Inconstitutionnalité et responsabilité sont liées dans le cadre des lois rétroactives. Mais la responsabilité du fait des lois est difficile à mettre en oeuvre dans le cadre des lois expressément rétroactives ; la difficulté réside ici dans le fait que, un nombre incalculable de personnes ont été régis par une loi ancienne qui est remis en cause par une loi nouvelle qui rétroagit, influençant ainsi les situations antérieures. L'idée de la spécialité du préjudice est ainsi problématique, mais l'anormalité et la gravité doivent être prises en compte.

De plus, une constitutionnalisation de la responsabilité du fait des lois reste envisageable, ce d'autant plus qu'en intégrant dans la Constitution un régime de la responsabilité de l'Etat législateur, à côté du contrôle de la constitutionnalité des lois, cela contribuera à contenir le législateur dans son élan, sans toutefois limiter ses pouvoirs, lorsque ce dernier a l'intention d'agir en marge de la Constitution.

CONCLUSION DU CHAPITRE 4

Nul doute que la volonté du législateur d'édicter des lois expressément rétroactives est contraire à l'Etat de droit. Les lois expressément rétroactives constituent une atteinte flagrante à l'indépendance de la justice. En effet, comme nous avons essayé de le démontrer tout au long du chapitre, le juge se trouve une fois de plus menacé par le législateur, et il se trouve impuissant.

CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE

L'Etat de droit est menacé au Cameroun, et cette bravade est l'oeuvre du législateur qui, au fil du temps, se hisse en bourreau à l'autel du sacrifice du principe de la séparation des pouvoirs. Comme nous l'avons vu dans le cadre de cette partie, le législateur s'est adjugé la place de protecteur de l'Etat en général et de l'Administration en particulier, avec la bénédiction du pouvoir exécutif, et c'est le juge administratif qui en paie les frais. Ce dernier n'est plus en mesure de s'exprimer dans son propre domaine, celui de dire le droit, et se trouve sans cesse au prise avec les interventions du législateur dans son champ de compétence. Le juge administratif camerounais se voit au jour le jour menacé par la loi, et on assiste généralement à une impossibilité de sa part d'aller à l'encontre de la volonté du législateur. Les lois d'immunité juridictionnelle et les lois expressément rétroactives sont devenues récurrentes et le seul remède à ce développement exponentiel est l'intervention du juge constitutionnel qui, jusque-là, tarde encore à faire ses preuves à travers un contrôle pointilleux de constitutionnalité de ces lois qui portent atteinte à l'Etat de droit.

CONCLUSION GENERALE

De ce tour d'horizon sur les interventions du législateur dans le fonctionnement de la justice administrative au Cameroun, on tire cette conclusion que le principe de la séparation des pouvoirs qui fonde notre droit est de plus en plus mis en danger. En dépit des interventions qualifiées de compatibles avec l'Etat de droit, on se rend compte que le législateur a toujours tendance à en abuser.

Certes le pouvoir du législateur, notamment celui de faire des lois qui interfèrent dans le dénouement de certains procès, n'est pas contesté dans son principe489(*). Mais il est singulièrement bridé dans la mesure où cela constitue une entrave à l'exercice par le juge, surtout le juge administratif, de son rôle de protecteur de l'Etat de droit.

Comme le rappelle le Professeur MALAURIE, pour justifier les ingérences du législateur dans la justice, « c'est [...] une donnée fondamentale de notre droit que le législateur a le pouvoir de combattre la jurisprudence, [...] : telle est la conséquence de deux principes constitutionnels essentiels, la hiérarchie des normes et le refus du gouvernement des juges »490(*). Deux siècles plus tôt, PORTALIS491(*) tenait le même langage : « Il faut que le législateur veille sur la jurisprudence : il peut être éclairé par elle, et il peut, de son côté, la corriger ; mais il faut qu'il y en ait une »492(*). Mais il ne faut pas perdre de vue le fait que le législateur n'est pas toujours motivé par ces considérations, et ses interventions dans la justice ne sont pas toujours empruntes de rationalisme et d'intention favorables au bien commun.

On se pose la question de savoir : le Cameroun est-il prêt à passer d'un Etat de droit «relatif» à un Etat de droit «absolu»? La dynamique du contrôle de constitutionnalité semble lancée, et autorise quelques interrogations légitimes. En effet, si Montesquieu présentait le juge comme une «bouche qui prononce les paroles de la loi» (cette fonction étant «en quelque façon nulle »), de nos jours cette fonction de simple diction n'est-elle pas devenue le fait des législateurs?

ELEMENTS DE BIBLIOGRAPHIE

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3-BILONG Salomon, Approche méthodologique du Droit administratif, Dschang, Presses Universitaires de Dschang, 3ième édition (corrigée et augmentée), 2008, 284p.

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II- Articles de doctrine

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4-BACOT (Guillaume), « L'esprit des lois, la séparation des pouvoirs et Charles EISENMANN », in RDP, mai-juin 1992, pp 617-656.

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III- Notes de jurisprudence

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3- KIBALO ADOM (Jules), Droit et liberté fondamentaux : Les validations législatives et le contrôle judiciaire de l'opportunité de la loi, Notes sous Cour de Cassation, Chambre Sociale, 24 avril 2001 par in Recueil Le Dalloz n° 30, 6 septembre 2001, pp 2445-2448.

4- MELLA (Elisabeth), Les validations législatives au regard du droit à un procès équitable, Observations sous Cour européenne des droits de l'Homme (Grande Chambre), 28 octobre 1999, Zielinski et Pradal & Gonzalez et autres c/ France, par in Revue Trimestriel des Droits de l'Homme 2000, pp 787-818.

5- PERES, L'avenir compromis des lois des validations consécutives à un revirement jurisprudentiel, Notes sous Cour de Cassation (Chambre Sociale), 13 juin 2007, par in Dalloz 2007, pp 2439 et suivants.

IV- Thèse et mémoires

1-ABA'A OYONO (Jean Calvin), La compétence de la juridiction administrative en droit camerounais, Thèse de Doctorat en Droit public, Université de Nantes, 1994, 512p.

2-HOUHOULIDAKI (Antonia), L'exécution par l'Administration des décisions du juge administratif en droit français et en droit grec, Mémoire de DEA de Droit public comparé des pays européens, Université Paris I Sorbonne, disponible sur le site www.memoireonline.com

3-NJANKEP NGONGANG (Gilbert), La neutralisation des décisions du juge administratif camerounais, Mémoire de Maîtrise en droit public, Université de Dschang, Année académique 1998-1999.

V- Textes juridiques

a- Textes nationaux

1-Loi n°96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution 02 juin 1972.

2-Loi n°64/LF/1 du 26 juin 1964 relative à la réparation des dommages causés par les activités terroristes.

3-Loi n°79/17 du 30 juin 1979 relative aux contestations soulevées à l'occasion de la désignation des chefs traditionnels.

4-Loi n°80/031 du 27 novembre 1980 dessaisissant les juridictions des affaires relatives aux contestations soulevées à l'occasion de la désignation des chefs traditionnels.

5-Loi n°2003/016 du 22 décembre 2003 relative aux règlements des litiges portant sur les limites des circonscriptions administratives et les unités de commandement traditionnel.

6-Loi n°2004/004 du 21 avril 2004 portant organisation et fonctionnement du Conseil constitutionnel.

7-Loi n°2006/022 du 29 décembre 2006 fixant l'organisation et le fonctionnement des tribunaux administratifs.

b- Textes internationaux

1-Déclaration Universelle des Droits de l'Homme du 10 décembre 1948.

2-Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966, entré en vigueur en 1976.

3-Charte Africaine des Droits de l'Homme et des peuples de 1981.

VI- Recueils de jurisprudence

1-FAVOREU Louis et PHILIP Loïc, Les grandes décisions du Conseil Constitutionnel, Paris, Dalloz, 9ième édition, 1997, 976p.

2-LONG Marcel, WEIL Prosper, BRAIBANT Guy, DELVOLVE Pierre, GENEVOIS Bruno, Les grands arrêts de la jurisprudence administrative, Paris, Dalloz, 16ième édition, 2007, 998p.

3-MBOME François, Les grands arrêts de la jurisprudence administrative camerounaise, Yaoundé, 1990.

VII- Sites Internet

1- http:// www.senat.fr/ Notes de synthèse du Service des Etudes juridiques du Sénat français, 2005-2006.

2- http:// fr.jurispedia.org/

3- http:// www.memoireonline.com/

4- http// fr.wikipedia.org/

TABLE DES MATIERES

Avertissement.......................................................................................i

Dédicace................................................................................................ii

Remerciements.....................................................................................iii

Résumé.................................................................................................iv

Abstract.................................................................................................v

Principales abréviations........................................................................vi

Sommaire...........................................................................................viii

INTRODUCTION GENERALE...................................................................1

PREMIERE PARTIE : LES INTERVENTIONS COMPATIBLES AVEC L'ETAT

DE DROIT.....................................................................................21

Chapitre 1 : Les lois de validation........................................................20

Section 1 : Les contours de la notion de « validation législative ».................24

Paragraphe 1 : Essai de typologie des validations législatives.....................24

A- La validation par habilitation et la validation par substitution..........25

1- La validation par habilitation..........................................................25

2- La validation par substitution.........................................................26

B- La validation par ratification et la validation stricto sensu.................26

1- La validation par ratification...........................................................26

2- La validation stricto sensu..............................................................27

Paragraphe 2 : Les caractères des validations législatives..........................27

A- La portée rétroactive des validations législatives...............................28

1- Le caractère rétroactif des validations législatives............................28

2- Le caractère préventif des validations législatives.............................29

B- La question de l'interférence dans une procédure juridictionnelle.....30

1- L'existence d'un procès en cours.....................................................30

2- L'existence d'une illégalité avérée....................................................31

Section 2 : La compatibilité des validations législatives avec les exigences de

l'Etat de droit................................................................................32

Paragraphe 1 : Les formalités exigées pour l'exercice du pouvoir de

validation......................................................................................33

A- Les exigences générales du recours aux validations législatives.........33

1- La satisfaction d'un intérêt général.................................................34

2- Le respect des décisions de justice devenues définitives...................35

3- L'exigence d'une précision stricte des actes validés..........................36

B- Les exigences spécifiques du recours aux validations législatives......37

1- Les exigences tenant à l'acte validé.................................................37

2- Les exigences tenant aux techniques de validation employées..........38

Paragraphe 2 : La portée des validations législatives.................................39

A- Sur l'acte annulé...........................................................................39

1- La légalité conférée à l'acte irrégulier par le législateur.....................39

2- La conservation de leur nature d'actes administratifs.......................40

B- Sur le cours du procès et la décision du juge...................................41

1- La suppression de l'objet de la demande portée devant le juge..........41

2- L'abolition de l'obligation d'exécuter la décision du juge...................42

CONCLUSION DU CHAPITRE 1...............................................................43

Chapitre 2 : Les lois interprétatives.....................................................44

Section 1 : Les contours de la notion de loi interprétative.........................46

Paragraphe 1 : La distinction des lois interprétatives avec les notions

voisines........................................................................................46

A- Distinction entre loi interprétative et loi modificative........................47

1- Une différence de contenu..............................................................48

2- Une dissemblance de finalité..........................................................49

B- Distinction entre loi interprétative et loi de validation.......................49

1- Une différence d'objet.....................................................................50

2- Une différence de contenu..............................................................51

Paragraphe 2 : Les caractères des lois interprétatives................................52

A- La rétroactivité des lois interprétatives............................................52

1- La présomption de la rétroactivité...................................................53

2- L'exception au principe de la non-rétroactivité des lois.....................54

B- L'application immédiate des lois interprétatives...............................55

1- La précision expresse par le législateur de l'application immédiate....56

2- En cas d'absence de précision.........................................................57

Section 2 : Le régime juridique applicable aux textes interprétatifs.............58

Paragraphe 1 : Les formalités exigées au législateur dans l'édiction d'une loi

interprétative.................................................................................59

A- Les formalités relatives à l'interprétation proprement dite.................60

1- L'exigence d'une matière à interpréter.............................................60

2- L'exigence d'une controverse à résoudre..........................................60

3- La dénégation du rôle créateur de la loi interprétative......................61

B- Les formalités relatives au caractère rétroactif.................................62

1- La prise en compte d'un motif d'intérêt général...............................62

2- Le respect de l'autorité de la chose jugée........................................64

3- Le respect des garanties légales des exigences constitutionnelles......65

Paragraphe 2 : Les effets des lois interprétatives.......................................65

A- Les effets sur la compétence du juge...............................................66

1- Le respect par le juge de l'interprétation faite par le législateur.........66

2- La question du caractère rétroactif des revirements de jurisprudence liés aux lois interprétatives.............................................................67

B- Les effets sur les procès en cours....................................................69

1- L'application immédiate aux procès en cours...................................69

2- L'influence de la décision du juge....................................................69

CONCLUSION DU CHAPITRE 2...............................................................70

CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE.................................................71

SECONDE PARTIE : LES INTERVENTIONS CONTRAIRES A L'ETAT DE

DROIT..........................................................................................72

Chapitre 3 : Les lois d'immunité juridictionnelle.................................75

Section 1 : Le développement des lois d'immunité juridictionnelle..............76

Paragraphe 1 : L'extension législative des immunités juridictionnelles en

matière administrative..................................................................76

A- Immunité juridictionnelle et dommages causés par les activités terroristes....................................................................................77

B- Immunité juridictionnelle et actes portant désignation des chefs traditionnels.................................................................................79

C- Immunité juridictionnelle et règlement des litiges portant sur la limite des circonscriptions administratives...............................................82

Paragraphe 2 : Le problème de la détermination de la nature des actes

bénéficiant de l'immunité juridictionnelle.......................................84

A- Actes de gouvernement ?................................................................84

1- La notion d'actes de gouvernement en droit camerounais................85

2- La dénaturation de certains actes de l'Administration en actes de gouvernement...............................................................................87

B- Actes administratifs ?.....................................................................88

1- La détermination du caractère administratif desdits actes...............89

2- L'injusticiabilité desdits actes consacrée par le législateur...............90

Section 2 : Les conséquences juridiques des lois d'immunité

juridictionnelle............................................................................92

Paragraphe 1 : Les conséquences générales des lois d'immunité

juridictionnelle..............................................................................92

A- Le retour de la théorie de l'écran législatif.......................................92

1- La soumission au législateur.........................................................94

2- La Constitution sacrifiée...............................................................96

B- Le développement exponentiel de l'inconstitutionnalité...................97

1- L'atteinte au principe de la séparation des pouvoirs et à l'indépendance de la justice.................................................................................98

2- La déjudiciarisation progressive de l'action administrative..............99

Paragraphe 2 : Les conséquences particulières des lois d'immunité

juridictionnelle............................................................................100

A- Le problème de l'insécurité juridique des lois d'immunité juridictionnelle............................................................................100

1- Une atteinte à la garantie des droits des justiciables......................101

2- Une atteinte aux effets d'une décision juridictionnelle....................102

B- L'atteinte portée au droit à un procès équitable..............................103

1- L'inapplicabilité des exigences du procès équitable.........................104

2- L'inapplication des exigences du procès équitable..........................105

CONCLUSION DU CHAPITRE 3.............................................................107

Chapitre 4 : Les lois expressément rétroactives.................................108

Section 1 : La nocivité des lois expressément rétroactives vis-à-vis de l'Etat

de droit.......................................................................................110

Paragraphe 1 : Une limite au principe constitutionnel de la non-rétroactivité

des lois.......................................................................................110

A- La volonté exprimée du législateur................................................112

1- Une volonté exprimée à travers les dispositions transitoires............113

2- La disparition rétroactive de la loi ancienne...................................114

B- Le caractère exceptionnel des lois expressément rétroactives..........115

Paragraphe 2 : Les effets pervers des lois expressément rétroactives.........115

A- Les effets sur les affaires en cours................................................116

1- Une entrave aux situations juridiques passées valablement sous l'égide d'une loi ancienne........................................................................116

2- Une influence exercée sur la décision du juge................................117

B- Les effets sur les situations devenues définitives............................118

1- Une atteinte à l'autorité de la chose jugée......................................118

2- La modification défavorable dans le passée d'une situation juridique légale..........................................................................................119

Section 2 : La perspective d'un encadrement juridictionnel des interventions

contraires à l'Etat de droit au Cameroun.......................................119

Paragraphe 1 : La reconnaissance effective des pouvoirs du juge

constitutionnel en matière de contrôle de constitutionnalité des lois.121

A- L'état actuel du contrôle de constitutionnalité des lois....................123

1- La Cour Suprême statuant comme Conseil constitutionnel.............124

2- La nature du contrôle et les règles de saisine pas toujours favorables à un contrôle de constitutionnalité des lois efficient..........................126

B- La perspective d'une reconsidération du contrôle de constitutionnalité des lois.......................................................................................128

1- La mise en place d'une justice constitutionnelle autonome............128

2- La reconsidération des règles de procédure devant le juge constitutionnel............................................................................130

Paragraphe 2 : La perspective d'une reconsidération de la responsabilité du

fait des lois par le juge administratif.............................................132

A- Les conditions d'existence de la responsabilité du fait des lois en général.......................................................................................134

1- Les conditions négatives de la responsabilité de l'Etat législateur....134

2- Les conditions positives de la responsabilité de l'Etat législateur.....135

B- Le régime particulier de la responsabilité de l'Etat législateur relativement aux interventions contraires à l'Etat de droit..............136

1- Le cas des lois d'immunité juridictionnelle....................................137

2- Le cas des lois expressément rétroactives......................................138

CONCLUSION DU CHAPITRE 4.............................................................139

CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE................................................140

CONCLUSION GENERALE.....................................................................141

ELEMENTS DE BIBLIOGRAPHIE...........................................................143

TABLES DES MATIERES.......................................................................151

* 1 PERROT Roger, Institutions judiciaires, Paris, Montchrestien, 7ième édition, 1995, p.27. Voir KEUTCHA TCHAPNGA Célestin, « La juridiction dans l'Etat : place et finalité », Contribution à l'atelier de formation en contentieux administratif portant sur « Juridiction et Jurisprudence », Programme d'appui au secteur de la justice, Kribi du 18 au 22 avril 2011.

* 2 PERROT (R.), Institutions judiciaires, op.cit. p.27.

* 3 Les précurseurs du principe de la séparation des pouvoirs ont consacré une indépendance rattachée à chaque pouvoir. Cette indépendance trouve son fondement dans le fait que pour mieux exercer les fonctions qui leur sont dévolues, chaque pouvoir doit être protégé contre les autres afin de ne pas avoir des comptes à rendre quant à l'exercice de ses fonctions. Cette indépendance qui n'est pas absolue doit laisser une marge de collaboration, mais sans que cette collaboration ne devienne un prétexte pour les uns d'empiéter dans les fonctions des autres.

* 4 Principalement en Grande Bretagne.

* 5 VINCENT Jean, MONTAGNIER Gabriel, GUINCHARD Serges et VARINARD André, Institutions judiciaires : Organisations-Juridictions-Gens de justice, Paris, Précis Dalloz, 6ième édition, 2001, p.84.

* 6 John LOCKE (1632-1704), célèbre philosophe anglais, fondateur de l'Ecole empiriste.

* 7 Même si les toutes premières idées remontent à Aristote. Voir ARDANT Philippe, Institutions politiques et droit constitutionnel, Paris, LGDJ, 8ième édition, 1996.

* 8 Certaines traductions utilisent le terme « Traité », qui semble mieux traduire l'expression.

* 9 Il établit une distinction entre pouvoir législatif, pouvoir exécutif et pouvoir « fédératif » (pouvoir de faire la guerre et de mener les relations diplomatiques).

* 10 MONTESQUIEU (Charles de Secondat, baron de Brède) (1689-1755), magistrat, homme de droit et écrivain français.

* 11 MONTESQUIEU, De l'esprit des lois, Paris, Garnier-Flammarion, 1979, Présentation par Victor GOLDSCHMIDT (Chap.VI Livre XI).

* 12 Fonction législative, fonction exécutive, fonction juridictionnelle.

* 13 MONTESQUIEU, De l'esprit des lois, op.cit.

* 14 Ibidem.

* 15 Jean Jacques ROUSSEAU, Du contrat social, 1762.

* 16 PERROT (R.), Institutions judiciaires, op.cit. p.26.

* 17 Voir à titre d'exemple, l'article 25 de la loi n°96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 02 juin 1972.

* 18 PERROT (R.), op.cit. p.27.

* 19 En vertu de cette loi, «  les tribunaux ne peuvent prendre, directement ou indirectement, aucune part à l'exercice du pouvoir législatif, ni empêcher ou suspendre l'exécution des décrets du corps législatif à peine de forfaiture ».

* 20 PERROT (R.), op.cit. p.27.

* 21 LEMIEUX Charlotte, « Jurisprudence et sécurité juridique : une perspective civiliste », in R.D.U.S., n°29, 1998-1999, p. 229.

* 22 ABA'A OYONO Jean-Calvin, « Les mutations de la justice à la lumière du développement constitutionnel de 1996 », in Juridis Périodique n°44, octobre-novembre-décembre 2000, p.74.

* 23 EISENMANN Charles, Cours de droit administratif, Paris, LGDJ, 1982, p.17, cité par ABA'A OYONO (J.-C.), article précité.

* 24NGUELE ABADA Marcelin, « La réception des règles du procès équitable dans le contentieux de droit public », in Juridis Périodique n°63, juillet- août-septembre 2005, p.20.

* 25 Jeremy BENTHAM (1748-1859), illustre philosophe anglais, fondateur de l'Ecole de l'Analytical Jurisprudence.

* 26 Cf. le petit Larousse illustré, Paris, 2002

* 27 Cf. le Grand Robert de la langue française, 2ième édition, dirigé par Alain REY.

* 28 Cf. le petit Larousse illustré, précité.

* 29 Ibidem.

* 30 GUILLIEN Raymond et VINCENT Jean, Lexique des termes juridiques, Paris, Dalloz, 14ième édition, 2001.

* 31 Ibidem.

* 32 SOKENG Roger, Institutions judiciaires au Cameroun, Yaoundé, Collection «Le Bord», 3ième édition, 2000, p.129.

* 33 VINCENT (J.), MONTAGNIER (G.), GUINCHARD (S.) et VARINARD (A.), op.cit., p.706.

* 34 Cf. le Grand Robert de la langue française, précité.

* 35 Cf. le petit Larousse illustré, précité.

* 36 GUILLIEN (R.)et VINCENT (J.), op.cit.

* 37 Comme on l'a dit plus haut la séparation des pouvoirs prône une séparation des fonctions fondamentales dans un Etat : législative, exécutive et judiciaire, et surtout leur attribution à des organes distincts.

* 38 Il convient de préciser que les ordonnances sont des actes fait par le Gouvernement avec l'autorisation du Parlement (ou sans son autorisation dans certains cas) dans des matières qui sont du domaine de la loi, qui a valeur de règlement lorsqu'ils ne sont pas encore ratifiés par le Parlement, mais qui prend valeur de loi après ratification. Voir GUILLIEN (R.) et VINCENT (J.), op.cit.

* 39 Article 25 de la loi n°96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 02 juin 1972.

* 40 PERROT (R.), op.cit. p.4.

* 41 Ibidem. p.4.

* 42 Ibid., p.23

* 43 Cf. le petit Larousse illustré, précité.

* 44PERROT (R.), op.cit. p.23.

* 45 Cf. le petit Larousse illustré, précité.

* 46 PERROT (R.), op.cit. p.23.

* 47 Cf. le petit Larousse illustré, précité.

* 48 ABA'A OYONO (J.-C.), article précité.

* 49 Elle est la conclusion apportée par l'Assemblée constituante en 1790 qui, saisit de deux propositions, d'une part la proposition de confier le contentieux de l'administration à des tribunaux administratifs et d'autre part la proposition de remettre ce contentieux aux tribunaux judiciaires, va les rejeter l'une et l'autre. Voir CHAPUS René, Droit administratif général, Paris, Montchrestien, Précis Domat, tome 1, 15ième édition, 2001.

* 50 PERROT (R.), op.cit. p.23.

* 51 Le «Conseil d'Etat» institué par la Constitution du 22 frimaire an VIII (15 décembre 1799) et le « Conseil de préfecture » par la loi du 28 pluviôse an VIII.

* 52 KAMTO Maurice, Droit administratif processuel du Cameroun, Yaoundé, PUC, 1990, p.10. ABA'A OYONO Jean Calvin, La compétence de la juridiction administrative en droit Camerounais, Thèse droit public, Université de Nantes, 1994, p.15.

* 53 KAMTO (M.), op.cit., p.10.

* 54 Ibidem.

* 55 Voir ABA'A OYONO (J.- C.), op.cit., pour plus de détail sur ce Conseil d'Administration du territoire.

* 56 Décret n°59-83 du 4 juin 1959, voir Journal Officiel du Cameroun 1959, p.832.

* 57 ABA'A OYONO (J.-C.), op.cit., p.18.

* 58 Le Cameroun accède à l'indépendance le 14 avril 1959, indépendance qui sera proclamée le 1er janvier 1960.

* 59 KAMTO (M.), op.cit., p.11.

* 60 Journal Officiel de la République du Cameroun en Date du 30 septembre 1961.

* 61 Loi n°65/LF/29 du 29 novembre 1965 portant reforme du contentieux administratif. Journal Officiel de la République Fédérale du Cameroun, 1er décembre 1965.

* 62 Loi n°69/LF/1 du 14 juin 1969 fixant la composition, les conditions de saisine et la procédure devant ladite Cour.

* 63 KAMTO (M.), op.cit., p.11.

* 64 Ibidem.

* 65 Ordonnance n°72/06 du 26 août 1972 portant organisation de la Cour Suprême (JORUC, août 1972, pp.97-101), modifiée et complétée par la loi n°76/28 du 14 décembre 1976.

* 66 Loi n°75/17 du 8 décembre 1975 fixant la procédure devant la Cour Suprême statuant en matière administrative

* 67 Loi n°2006/016 du 29 décembre 2006 modifiant et complétant l'ordonnance n°72/06 du 26 août 1972 portant organisation de la Cour Suprême ; et la loi n°2006/022 du 29 décembre 2006 fixant l'organisation et le fonctionnement des tribunaux administratifs.

* 68 Article 119 de la loi n°2006/022 du 29 décembre 2006 fixant l'organisation et le fonctionnement des tribunaux administratifs.

* 69 DESCARTES René, Discours de la méthode, 2ième édition, Paris, Bordas, p.45.

* 70 Appellation désuète.

* 71 Cela paraît légitime au regard de l'inflation législative et de nombreuses dérives qui affectent le contenu des textes législatifs.

* 72 PERROT (R.), op.cit., p.32.

* 73 VINCENT (J.), GUINCHARD (S.), MONTAGNIER (G.), VARINARD (A.), op.cit., p.104.

* 74 PERROT (R.), op.cit., p.32.

* 75 Cela est d'autant plus vérifiable dans la mesure où l'Administration dans le souci de rendre légal certains de ses actes pouvait faire recours au législateur pour valider sans justification des actes réputés illégaux et susceptibles d'être portés devant le juge administratif par un recours pour excès de pouvoir.

* 76 Cela montre que la jurisprudence n'est pas insensible à la nécessité du recours aux interventions du législateur.

* 77 Cf. Notes de synthèses du Services des Etudes Juridiques du Sénat français 2005-2006 in www.senat.fr.

* 78 Nous nous sommes attardés sur les plus importantes.

* 79 Terme qui est le plus souvent employé, parfois juste « validation » dans certains cas.

* 80 GUILLIEN (R.) et VINCENT (J.), op.cit.

* 81 CORNU Gérard, Vocabulaire juridique, Paris, Presses Universitaires de France, Association Henri CAPITANT, 2ième édition, 2001

* 82 PERROT (R.), op.cit. p.33. Sur le cas de la validation de l'acte déjà annulé, certains auteurs à l'instar de FOILLARD Philippe, Droit administratif, manuel, Orléans, Paradigme CPU, 8ième édition, 2003-2004, estiment que le législateur ne peut pas valider les actes déjà annulés par le juge.

* 83 Voir SANDRAS Catherine, «  Les lois de validation, le procès en cours et l'article 6 paragraphe 1er de la Convention européenne des Droits de l'Homme », in Revue Trimestrielle des Droits de l'Homme ; MATHIEU Bertrand, « Les validations législatives devant le juge constitutionnel : bilan d'une jurisprudence récente », in RFDA, n°11, juillet-août 1995.

* 84 Notamment ROSOUX Géraldine, « Le contrôle juridictionnel des « validations législatives » en France et en Belgique : un conflit de légitimité », in Revue de la Faculté de Droit de l'Université de Liège ; SANDRAS Catherine, «  Les lois de validation, le procès en cours et l'article 6 paragraphe 1er de la Convention européenne des Droits de l'Homme », in Revue Trimestrielle des Droits de l'Homme ; LESAGE Michel, Les interventions du législateur dans le fonctionnement de la justice, Paris, LGDJ, 1960.

* 85 MOLFESSIS Nicolas, « La rétroactivité de la norme », article disponible sur le site http//fr.wikipedia.org/

* 86 Par exemple, menace pour la paix publique, continuité du service public, annulation d'un concours administratif dont les candidats avaient déjà fini leur formation au bout de quelques années, etc.

* 87 ROSOUX (G.), « Le contrôle juridictionnel des « validations législatives » en France et en Belgique : un conflit de légitimité », article précité, p.139.

* 88 Il s'agit de la validation préventive d'actes non encore annulés et prospective d'actes non encore édictés. Pour plus de précisions, voir NGONGANG NJANKEP Gilbert, La neutralisation des décisions du juge administratif camerounais, Mémoire de Maîtrise en droit public, Uds, 1998-1999, pp9-10.

* 89 Ce sont celles qui interviennent lorsque l'acte est porté devant le juge c'est-à-dire en cours d'instance.

* 90 MATHIEU (B.), Les « validations » législatives -- Pratique législative et jurisprudence constitutionnelle, op.cit., p.39.

* 91 ROSOUX (G.), « Le contrôle juridictionnel des « validations législatives » en France et en Belgique : un conflit de légitimité », article précité, p.146.

* 92 Ibidem.

* 93 MATHIEU (B.), Les « validations » législatives -- Pratique législative et jurisprudence constitutionnelle, op.cit., p.43.

* 94 ROSOUX (G.), « Le contrôle juridictionnel des « validations législatives » en France et en Belgique : un conflit de légitimité », article précité, p.146.

* 95 MATHIEU (B.), Les « validations » législatives -- Pratique législative et jurisprudence constitutionnelle, op.cit., p.57.

* 96 ROSOUX (G.), « Le contrôle juridictionnel des « validations législatives » en France et en Belgique : un conflit de légitimité », article précité, p.146. Bien que certains auteurs pensent que l'acte administratif doit conserver sa nature d'acte administratif, il ne saurait en aucun cas être transformé en loi. Voir CHAPUS (R.), Droit administratif général, op.cit. ; FOILLARD (Ph.), Droit administratif, op.cit.

* 97 ROSOUX (G.), « Le contrôle juridictionnel des « validations législatives » en France et en Belgique : un conflit de légitimité », article précité, p.146.

* 98 MATHIEU (B.), Les « validations » législatives -- Pratique législative et jurisprudence constitutionnelle, op.cit., p.105.

* 99 ROSOUX (G.), « Le contrôle juridictionnel des « validations législatives » en France et en Belgique : un conflit de légitimité », article précité, p.147.

* 100 Ibidem.

* 101 ROSOUX (G.), « Le contrôle juridictionnel des « validations législatives » en France et en Belgique : un conflit de légitimité », article précité, p.147.

* 102 Code civil de 1804 applicable au Cameroun.

* 103 Depuis la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996, le préambule fait désormais partie intégrante de la Constitution, elle n'est plus comme à une certaine époque considérée comme une simple déclaration. Voir sur ce point MOUANGUE KOBILA James, « Le préambule du texte constitutionnel du 18 janvier 1996 : de l'enseigne décoratif à l'étalage utilitaire », in Lex Lata n°023-024, février-mars 1996, pp.33-38.

* 104 Loi n°96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 02 juin 1972.

* 105 Cf. Notes de synthèses du Service des Etudes juridiques du Sénat français 2005-2006.

* 106 ROSOUX (G.), « Le contrôle juridictionnel des « validations législatives » en France et en Belgique : un conflit de légitimité », article précité.

* 107 Ibidem.

* 108 Ibid.

* 109 Seule une loi peut défaire ce qu'une autre loi a fait précédemment.

* 110 FOILLARD (Ph.), op.cit., pp.141 et ss.

* 111 NGONGANG DJANKEP (G.), La neutralisation des décisions du juge administratif camerounais, op.cit. p.9.

* 112 ROSOUX (G.), « Le contrôle juridictionnel des « validations législatives » en France et en Belgique : un conflit de légitimité », article précité.

* 113 Ibidem.

* 114 Il convient de faire une distinction entre la « rétroactivité » et la « validation législative » en ce qu'elle peut être décidée comme telle par le législateur, sans être la conséquence implicite du procédé de validation ou de loi interprétative (nous y reviendrons). Voir ROSOUX (G.), « Le contrôle juridictionnel des « validations législatives » en France et en Belgique : un conflit de légitimité », article précité.

* 115 Au regard de l'intérêt que cela porte non seulement pour l'Administration mais aussi l'intérêt général.

* 116 C'est généralement à la demande de l'Administration que ce constat est fait, le législateur lui-même peut en prendre l'initiative, mais c'est rarement le cas.

* 117 ROSOUX (G.), « Le contrôle juridictionnel des « validations législatives » en France et en Belgique : un conflit de légitimité », article précité, p.142.

* 118 Ibidem.

* 119 Ibid. Même comme on le sait les validations législatives concernent de plus en plus les contrats mêmes ceux passés sous l'égide du droit privé.

* 120 Décision n°80-119 DC du mardi 22 juillet 1980, in Les grandes décisions du Conseil constitutionnel, Paris, Dalloz, 9ième édition, 1997. Dans cette affaire, le juge constitutionnel a été appelé à statuer sur la constitutionnalité d'une loi de validation.

* 121 MATHIEU (B.), « Les validations législatives devant le juge constitutionnel : bilan d'une jurisprudence récente », in RFDA, n°11, juillet-août 1995, p.781

* 122 Ibidem. p.782.

* 123 Cf. CHAPUS (R.), op.cit. ; DE LAUBADERE (A.), VENEZIA (J. C.) et GAUDEMET (Y.), Traité de droit administratif, Paris, LGDJ, Tome 1, 14ième édition, 1996, p.458.

* 124 Voir MATHIEU (B.), article précité, p.781.

* 125 Quelques exemples tirés de la jurisprudence du Conseil constitutionnel français : continuité et bonne marche du service public de l'enseignement supérieur, continuité du service public des transports urbains, de la protection sociale etc. Cf. notes de synthèses précitées.

* 126 Cf. Notes de synthèses précitées.

* 127 Cf. Notes de synthèses précitées. Une validation de nature purement financière n'est-elle justifiée que si les montants en cause sont suffisamment importants pour mettre en péril un intérêt public.

* 128 Décision n°80-119 DC du 22 juillet 1980 précitée.

* 129 HOUHOULIDAKI Antonia, L'exécution par l'Administration des décisions du juge administratif en droit français et en droit grec, Mémoire de DEA de Droit public comparé des pays européens, Université Paris I Sorbonne, disponible sur le site www.memoireonline.com

* 130 Cf. Notes de synthèses précitées.

* 131 Ibidem.

* 132 C'est le cas par exemple d'un concours administratif annulé pour cause d'illégalité, les candidats reçus ont déjà terminé leur scolarité et sont affectés à leur poste respectif. Quelques années plus tard, le juge annule le concours saisi d'un recours pour excès de pouvoir. Sa décision acquiert autorité de la chose jugée. Mais il serait injuste, et ce dans le souci de préserver la continuité du service public (motif d'intérêt général) d'obliger tous les candidats à subir un nouveau concours.

* 133 Cf. Notes de synthèses précitées.

* 134 Voir MATHIEU (B.), article précité, décision du Conseil constitutionnel français n°95-363 DC du 11 janvier 1995.

* 135 Décision n°99-422 du 21 décembre 1999 sur la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.

* 136 MATHIEU (B.), article précité.

* 137 Ibidem.

* 138 Ibid.

* 139 Voir supra Section 1.

* 140 CHAPUS (R.), op.cit., p.830.

* 141 Dans le cas des validations partielles, le régime contentieux n'est pas modifié puisque l'acte reste soumis au contrôle du juge administratif, qui peut l'annuler pour toute autre irrégularité que celle qui a disparu du fait de la validation.

* 142 CHAPUS (R.), op.cit., p.830.

* 143 Ibidem. p.830.

* 144 PERROT (R.), op.cit. p.33.

* 145 Voir à ce sujet KIBALO ADOM Jules, « les validations législatives et le contrôle judiciaire de l'opportunité de la loi », Notes sous Cour de Cassation, Chambre sociale, 24 avril 2001, in Recueil Le Dalloz, p.2245.

* 146 MALINVAUD (Ph.), « L'étrange montée du contrôle du juge sur les lois rétroactives », in Le Code civil, un passé, un présent, un avenir, Dalloz, 2004, p.671.

* 147 CHAPUS (R.), op.cit., p.831.

* 148 Ibidem., p.831.

* 149 Ibid., p.831.

* 150 WERENNE Jean-Christophe, « Le concept de loi interprétative », disponible sur le site http//fr.wikipedia.org/

* 151 Traduction libre : « A celui qui crée la loi il appartient de l'interpréter ».

* 152 PERROT (R.), op.cit.

* 153 MOLFESSIS Nicolas, « La notion de loi interprétative », in RTD civ, 2002, pp.599 et suivants.

* 154 Les lois interprétatives n'ont rien à voir avec le référé législatif, qui était comme on l'a dit fondé sur l'idée que l'auteur d'une règle est mieux placé que quiconque pour en dévoiler le sens. Les lois interprétatives sont un mode de réparation, reconnaissant l'interprétation comme relevant du juge ; d'où leur caractère incident. Nous y reviendrons.

* 155 WERENNE (J.-C.), Les sources formelles, disponible sur le site http//fr.wikipedia.org/

* 156 LEMIEUX (C.), « Jurisprudence et sécurité juridique : une perspective civiliste », article précité, p.237.

* 157 CORNU Gérard, Vocabulaire juridique, Paris, Presses Universitaires de France, Association Henri CAPITANT, 2ième édition, 2001.

* 158 LEMIEUX (C.), « Jurisprudence et sécurité juridique : une perspective civiliste », article précité, p.236.

* 159 Ibidem.

* 160 Ces mesures interprétatives renvoient aux circulaires administratives qui se définissent comme des actes pris par une autorité administrative dans le but d'apporter des précisions sur un acte initiale. Elles présentent la caractéristique d'être insusceptible de recours juridictionnel devant le juge administratif puisqu'elles ne sont pas des actes administratifs au sens de la définition donnée par la jurisprudence, et bénéficient d'une immunité juridictionnelle.

* 161 Définition donnée plus haut.

* 162 MOLFESSIS (N.), « La notion de loi interprétative » in RTD civ, 2002, pp.599 et suivants.

* 163 Ibidem.

* 164 Ibid.

* 165 LEMIEUX (C.), article précité, p. 237.

* 166 MALINVAUD (Ph.), « L'étrange montée du contrôle du juge sur les lois rétroactives », in Le Code civil, un passé, un présent, un avenir, p.685.

* 167 Ici, le Professeur MOLFESSIS parle de revirement jurisprudentiel d'origine législative ; Jean REYMOND parle de changement de jurisprudence dans sa thèse intitulée « Des lois d'interprétation et de leur rétroactivité », 1925.

* 168 MALINVAUD (Ph.), « L'étrange montée du contrôle du juge sur les lois rétroactives », article précité, p.685.

* 169 MATHIEU (B.), Les « validations » législatives -- Pratique législative et jurisprudence constitutionnelle, op.cit. Étant donné qu'elles ont un caractère rétroactif et interviennent dans un procès en cours.

* 170 LARGUIER Jean, Droit pénal général, Paris, Dalloz, 17ième édition, 1999, p.92.

* 171 Cf. Notes de synthèses du Service des Etudes juridiques du Sénat français 2005-2006.

* 172 Voir MATHIEU (B.), « Les validations législatives devant le juge constitutionnel : bilan d'une jurisprudence récente », article précité ; voir aussi ROSOUX (G.), « Le contrôle juridictionnel des « validations législatives » en France et en Belgique : un conflit de légitimité », article précité.

* 173 Qui pourra être appliquée par le juge administratif ou tout autre juge lors d'un procès qui est encore en cours devant celui-ci.

* 174 Même si une exigence du Conseil constitutionnel français préconise que les lois de validation ne peuvent donner rétroactivement de fondement légal à des sanctions pénales ainsi qu'à toute mesure ayant le caractère d'une punition.

* 175 Cf. les développements sur la validation par habilitation, chapitre 1 section 1 paragr. 1.

* 176 Le législateur reproduit le contenu de l'acte administratif illégal dans une disposition législative. Cf. les développements sur la validation par substitution.

* 177 Le législateur modifie la nature juridique de l'acte administratif illégal qui devient une loi. Cf. les développements sur la validation par ratification.

* 178 Cf. les développements sur la validation stricto sensu.

* 179 Voir sur ce point le Professeur MOLFESSIS qui conteste la nature « extra législative » de la loi interprétative admise par le Professeur ROUBIER en lui déniant sa nature même de loi lorsque ce dernier affirme qu' « au fond, la loi d'interprétation ne fait pas partie de la législation, mais de la jurisprudence ; le législateur qui veut fixer quel est le sens du droit existant, se place sur le même terrain que le juge et prétend jouer un rôle analogue au sien ». ROUBIER Paul, Le conflit de lois dans le temps, Sirey, 1929, tome 1.

* 180 MALINVAUD (Ph.), « L'étrange montée du contrôle du juge sur les lois rétroactives », article précité, p.685.

* 181 Même si cette présomption est fortement contestée par une partie de la doctrine, mais c'est oublier que la rétroactivité d'une loi interprétative ne va pas de soi, car le législateur n'est pas tenu de stipuler explicitement que les précisions apportées à une loi sont de portée rétroactive ; il peut décider autrement, car il est seul maître pour décider de l'opportunité d'une rétroactivité.

* 182 LEMIEUX (C.), « Jurisprudence et sécurité juridique : une perspective civiliste », article précité, p.237.

* 183 Voir LEMIEUX (C.), « Jurisprudence et sécurité juridique : une perspective civiliste », article précité, p.237 ; MOLFESSIS (N.), « La notion de loi interprétative » in RTD Civ. 2002, pp.599 et suivants.

* 184 MOLFESSIS (N.), « La notion de loi interprétative », article précité.

* 185 Il s'agira dans ce cas d'une loi purement nouvelle dépourvu de tout effet rétroactif, sauf si le législateur en décide qu'elle aura un effet rétroactif, auquel cas on sera en présence d'une loi expressément rétroactive.

* 186 MOLFESSIS (N.), « La notion de loi interprétative », article précité.

* 187 Loi n°96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 2 juin 1972.

* 188 MOLFESSIS (N.), « La notion de loi interprétative », article précité.

* 189 Ibidem.

* 190 Ibid.

* 191 Ce d'autant plus que les lois interprétatives sont par essence des lois rétroactives ayant un régime contentieux particulier, sans que toutefois une confusion ne soit faite entre elles et les lois qu'on qualifie de lois « normalement » rétroactives à savoir les lois pénales plus douces et les lois de procédure dont la légitimité n'a jamais été contestée.

* 192 Aucune confusion ne doit être faite car ici la loi nouvelle n'est pas « forcement » une loi interprétative, comme on le sait, celle-ci n'est pas une loi nouvelle puisqu'elle est censée faire partie de la loi qu'elle interprète.

* 193 C'est-à-dire la précision expresse de son effet immédiat.

* 194 Selon la même opinion, une loi dite « faussement » interprétative doit être traitée comme une loi simplement rétroactive.

* 195 MALINVAUD (Ph.), « L'étrange montée du contrôle du juge sur les lois rétroactives », article précité.

* 196 A savoir résoudre des controverses nées de l'interprétation d'un texte afin de proposer une solution adéquate et d'éviter que les procès en cours ne tombent une fois de plus dans les mêmes incommodités

* 197 MOLFESSIS (N.), « La notion de loi interprétative », article précité.

* 198 Ibidem.

* 199 LEMIEUX (C.), « Jurisprudence et sécurité juridique : une perspective civiliste », article précité, p.237. 

* 200 CARBONNIER Jean, Droit civil, Introduction, Paris, PUF, 23ième édition, 1995, p.204.

* 201 Ou « véritablement », selon l'expression utilisée par certains auteurs, MOLFESSIS et MALINVAUD notamment.

* 202 Cass. Soc., 14 juin 1989, Bull. civ. N°442 ; Cass. Com., 2 octobre 2001, D.2001.

* 203 Le législateur ne pouvant interpréter un acte administratif par exemple.

* 204 MOLFESSIS (N.), « La notion de loi interprétative », article précité.

* 205 WERENNE (J.-C.), « Le concept de loi interprétative », article précité.

* 206 MOLFESSIS (N.), « La notion de loi interprétative », article précité.

* 207 Ibidem.

* 208 Elle ne modifie pas le droit applicable mais en donne des précisions qui ne s'en éloigne pas et dont le but est de résoudre rétroactivement des difficultés inhérentes de droit.

* 209 Conseil constitutionnel, 18 décembre 2001, en matière de financement de la RTT (réduction du temps de travail).

* 210 Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789.

* 211 Décision du Conseil constitutionnel n°85-197 DC du 23 août 1985, Nouvelle Calédonie.

* 212 L'on doit se rappeler de la polémique qui est née du « gouvernement des juges »

* 213 Notamment Arrêt n°4/A du 28 octobre 1970 ; Société des Grands Travaux de l'Est C/Etat fédéré du Cameroun Oriental. La Cour Fédérale de justice décide qu' « attendu d'autre part qu'au regard de la constitutionnalité ou de l'inconstitutionnalité de la modification litigieuse, aucun contrôle de la constitutionnalité des lois par voie d'exception, comme en l'espèce, n'est prévu par le Droit Camerounais ».

* 214 Conseil constitutionnel, décision n° 80-119 DC, 20 juillet 1980.

* 215 MALINVAUD (Ph.), « L'étrange montée du contrôle du juge sur les lois rétroactives », article précité, p.676.

* 216 Ibidem.

* 217 MALINVAUD (Ph.), « L'étrange montée du contrôle du juge sur les lois rétroactives », article précité.

* 218 Voir WERENNE (J.-C.), « Le concept de loi interprétative », article précité.

* 219 CORNU (G.), Droit civil : introduction, Les personnes, Les biens, Paris, Montchrestien, 5ième édition, 1991, p.127.

* 220 LEMIEUX (C.), « Jurisprudence et sécurité juridique : une perspective civiliste », article précité, p.237. 

* 221 Comme nous l'avons dit avec Jean-Christophe WERENNE, l'interprétation n'est jamais une mais multiple et diversifiée, car elle répond à une pluralité de buts et de nécessités.

* 222 C'est-à-dire au cas où il refuserait de se conformer à l'interprétation faite par le législateur.

* 223 Voir MOLFESSIS (N.), « La notion de loi interprétative », article précité ; WERENNE (J.-C.), « Le concept de loi interprétative », article précité.

* 224 MOLFESSIS (N.), « La notion de loi interprétative », article précité. 

* 225 Ibidem.

* 226 Ibid.

* 227 Ibid.

* 228 Ibid.

* 229 Ibid.

* 230 Voir cependant BARTHELEMY, « De l'interprétation des lois par le législateur », in RDP, 1908, p.480, qui considère qu'il est « absolument faux de prétendre ... que la loi interprétative est nécessairement rétroactive ». L'auteur estime qu'il faut présumer sa rétroactivité mais que le législateur peut y déroger en prévoyant expressément que la loi interprétative s'appliquera «  à l'avenir » ; cité par MOLFESSIS.

* 231 Cf. paragraphe 2 B section 1

* 232 Entrée en vigueur qui remonte à la date de celle de la loi interprétée.

* 233 WERENNE (J.-C.), « Le concept de loi interprétative », article précité.

* 234 En violation de l'article 4 du Code civil, le juge se hisserait ainsi en législateur et prendra des décisions de règlement (arrêt de règlement selon une expression y relatif), ce qui lui est interdit.

* 235 MALINVAUD (Ph.), « L'étrange montée du contrôle du juge sur les lois rétroactives », article précité, p.685.

* 236 Et comme on l'a dit l'intervention du législateur est dans ce cas occasionnelle, car venant régler un problème imminent de droit.

* 237 Le juge constitutionnel camerounais ne s'étant pas encore prononcé sur la question.

* 238 MATHIEU (B.), « les validations législatives devant le juge constitutionnel : bilan d'une jurisprudence récente », article précité, p.780.

* 239 HALLEYS-DABOT, Note sous C.E., 23 février 1870, Compagnie de chemin de fer d'Orléans, cité par BILONG Salomon, « Le déclin de l'Etat de droit au Cameroun : le développement des immunités juridictionnelles », in Juridis périodique n°62, avril-mai-juin 2005, p.52.

* 240 La loi ici doit être entendue au sens large, ordonnance y compris.

* 241 MATHIEU (B.), article précité, p.780.

* 242 Dans la mesure où le législateur est seul juge de l'opportunité des lois, cela ne l'exempte pas du respect des garanties constitutionnelles liées tant à l'intérêt général, au droit à un procès équitable reconnu à tout justiciable y compris dans un procès dans lequel l'Administration est partie etc. le législateur peut, au nom de ces garanties prétendre que les normes qu'il édicte sont faites dans le respect de la Constitution, le juge constitutionnel devra donc être rigoureux dans le contrôle exercé contre ces immixtions. En dehors de l'intérêt général et de bien d'autres considérations admis par le juge constitutionnel, le législateur ne peut pas prétendre justifier son intervention par d'autres considérations dont il juge lui-même de l'opportunité ; auquel cas il sera dans l'inconstitutionnalité.

* 243 Comme nous l'avons vu dans la première partie, afin d'éviter des conséquences désastreuses liées à une décision du juge, la nécessité de l'intervention du législateur l'exempte du respect de la séparation des pouvoirs. Mais dans la mesure où cette nécessité ne se fait pas ressentir, on considère qu'il y a atteinte à la séparation des pouvoirs

* 244 Les lois de validation comme les lois interprétatives présentent certes une importance singulière, mais cela n'empêche pas que celles-ci puissent être exposées aux dérives du législateur. Elles subiront dans ce cas un contrôle plus rigoureux.

* 245 BILONG (S.), article précité, p.52.

* 246 KAMTO (M.), « Actes de gouvernement et droits de l'Homme au Cameroun », in Lex Lata, n°026, mai 1996, p.9.

* 247 Ibidem.

* 248 FAVOREU Louis, Du déni de justice en droit public, Paris, LGDJ, 1964, p.169.

* 249 L'exécutif doit être entendu au sens large dans l'exercice de son pouvoir réglementaire.

* 250 AUVRET-FINK Josiane, « Les actes de gouvernement, irréductible peau de chagrin », in RDP, n°1, 1995, p.134.

* 251 BILONG (S.), « Le déclin de l'Etat de droit au Cameroun : le développement des immunités juridictionnelles », article précité, p.53.

* 252 Ibidem.

* 253 Intitulée loi n°64/LF/16 du 26 juin 1964 relative à la répression des dommages causés par les activités terroristes (J.O. du 15 août 1964).

* 254 Article 2 de la loi du 26 juin 1964.

* 255 BILONG (S.), article précité, p.53.

* 256 KAMTO (M.), article précité, p.12.

* 257 Ibidem.

* 258 L'accession à l'indépendance du Cameroun a été marquée par une guerre civile qui a secoué le pays, et c'est dans ce contexte mouvementé que les pouvoirs publics avaient constitué un arsenal juridique, législatif et réglementaire, dans le but de remédier à certains effets négatifs découlant de la rébellion. Voir ATEMENGUE Jean de Noël, « Les actes de gouvernement sont-ils une catégorie juridique ? Discussion autour de leur origine française et de leur réception camerounaise », in Juridis Périodique n°42, avril-mai-juin 2000, p.104.

* 259 C'est-à-dire qu'elle concernait les affaires déjà pendantes devant les juridictions.

* 260 CFJ/AP n°5 du 15 mars 1967, Société Forestière de la Sanaga c/ Etat du Cameroun oriental. Voir KAMTO (M.), article précité, p.12 ; BILONG (S.), « Le déclin de l'Etat de droit au Cameroun : le développement des immunités juridictionnelles », article précité, p.53.

* 261 ATEMENGUE (J. de N.), article précité, p.104.

* 262 BILONG (S.), article précité, p.53.

* 263 A titre illustratif, l'arrêt du Tribunal d'Etat en date du 28 août 1963, TAKOUKAM Samuel c/ Etat du Cameroun. Dans cette affaire, le chef d'un district avait ordonné l'incendie de la case du requérant et toutes les dépendances de sa propriété, ses plantations de bananes et d'ananas, sous prétexte de la répression des activités terroristes perpétrées dans le village. Voir BILONG (S.), « Le déclin de l'Etat de droit au Cameroun : le développement des immunités juridictionnelles », article précité.

* 264 ATEMENGUE (J. de N.), article précité, p.104.

* 265 C'est le régime de la responsabilité de l'Administration pour risque qui est ainsi consacré ici.

* 266 ATEMENGUE (J. de N.), article précité, p.104.

* 267 J.O. du 1er décembre 1980.

* 268 Loi n°79/17 du 30 juin 1979 relative aux contestations soulevées à l'occasion de la désignation des chefs traditionnels. J.O.R.U.C. du 1er juillet 1979.

* 269ATEMENGUE (J. de N.), article précité, p.104.

* 270 J.O.R.U.C. du 1er août 1977.

* 271 Car cela est une loi de validation du décret du 15 juillet 1977.

* 272 Jugement ADD n°66/CS/CA/78-79 du 31 mai 1979 KOUANG Guillaume Charles c/ Etat du Cameroun. Recueil MBOME, Yaoundé, 1990, p.106; jugement n°40/CS/CA/79-80 du 29 mai 1980 MONKAM TIENTCHEU David. Recueil MBOME, p.80.

* 273 Le recours administratif s'analyse par opposition au recours contentieux ou juridictionnel. Au Cameroun, le contrôle de la légalité administrative revêt deux formes possibles : il peut être administratif ou juridictionnel. Bénéficiant chacun des caractéristiques propres (le premier étant non contentieux et le second étant contentieux), ces recours ne s'excluent pas l'un l'autre : le recours administratif précède le recours juridictionnel, dans la mesure où l'administré qui se trouve lésé dans son droit par un acte administratif devra d'abord saisir l'autorité administrative, c'est après l'échec de celui-ci qu'il saisira, sous cette condition, le juge administratif. Ainsi, le recours administratif revêt deux formes : le recours hiérarchique porté devant le supérieur hiérarchique de l'auteur de la décision critiquée, et le recours gracieux porté devant l'auteur de l'acte même afin que ce dernier puisse bien vouloir rétracter ou modifier sa décision. Ces deux types de recours administratifs existent même sans texte.

* 274 BILONG (S.), article précité, p.54. Arrêt n°17/CS/AP du 19 mars 1981 : Etat du Cameroun c/ Enfants du Chef Banka ; Collectivité Deido-douala c/Etat du Cameroun ; KOUANG Guillaume Charles c/ Etat du Cameroun.

* 275 Jugement n°3/CS/CA du 25 mai 1989, EGBE BESSONG Alfred ; jugement n°262/CS/CA du 29 juin 1989 NKFU Simon NGWE c/ Etat du Cameroun ; jugement n°345/CS/CA du 3 novembre 1989 EYONG EGBE Martin etc.

* 276ATEMENGUE (J. de N.), article précité, p.107.

* 277 SIETCHOUA DJUITCHOKO Célestin, « Du nouveau pour la coutume en droit administratif camerounais : la constitutionnalisation de la coutume et ses conséquences », in Revue juridique Thémis, n°1, Volume 34, 2000, p.152.

* 278 BILONG (S.), « Le déclin de l'Etat de droit au Cameroun : le développement des immunités juridictionnelles », article précité, p.54.

* 279 Notamment dans l'affaire KOUANG Guillaume Charles, le juge administratif s'est laissé influencer lorsqu'il se déclare incompétent en matière de constitutionnalité des lois et par conséquent, il ne saurait statuer. SIETCHOUA DJUITCHOKO (C.), « Aspects de l'évolution des coutumes ancestrales dans le droit public des chefferies traditionnelles au Cameroun », in Revue Générale de Droit du Canada.

* 280 Intitulée loi n°2003/016 du 22 décembre 2003 relative au règlement des litiges portant sur les limites des circonscriptions administratives et des unités de commandement traditionnel.

* 281 BILONG (S.), « Le déclin de l'Etat de droit au Cameroun : le développement des immunités juridictionnelles », article précité, p.54.

* 282 Article 1er de la loi du 22 décembre 2003 précité.

* 283 BILONG (S.), article précité.

* 284 Comme nous l'avons déjà dit, le contentieux administratif était exercé sur la base de la théorie de l'Administration-juge car point n'était question de confier le contentieux administratif à des juridictions (loi des 16 et 24 août 1790 précitée), et comme on peut le constater, on a tendance à y retourner, comme si les institutions étatiques étaient allergiques à l'évolution.

* 285 PREVEDOUROU Eugénie, Les recours administratifs obligatoires. Etudes comparées des droits allemands et français, LGDJ, Bibliothèque de droit public, 1996, p.1. Cité par BILONG (S.), article précité.

* 286 Par exemple le Professeur Joseph OWONA sur la question de savoir si la décision du Président de la République concernant la répression du terrorisme ne constitue pas un « acte de gouvernement de type nouveau ». Cf. Droit administratif spécial de la République du Cameroun, Yaoundé (séries manuels et travaux de l'Université de Yaoundé), EDICEF, 1985, p.

* 287 GUILLIEN (R.) et VINCENT (J.), Lexique des termes juridiques, op.cit.

* 288 CORNU (G.), Vocabulaire juridique, op.cit.

* 289 BILONG (S.), article précité, p.52.

* 290 Premièrement consacré par la loi fédérale du 19 novembre 1965 relative aux modalités de saisine de la Cour Fédérale de justice statuant en matière administrative, l'immunité juridictionnelle liée aux actes de gouvernement sera réitérée après l'avènement de l'Etat unitaire dans l'ordonnance n°72/06 du 26 août 1972 fixant l'organisation de la Cour Suprême du Cameroun (article 9 alinéa 5) modifiée par la loi n°76/28 du 14 décembre 1976. Cette exigence sera enfin reprise dans la loi n°2006/022 du 29 décembre 2006 fixant organisation et fonctionnement des tribunaux administratifs (article 4).

* 291 Essentiellement jurisprudentiel, la théorie des actes de gouvernement est consacrée par le Conseil d'Etat français dans un arrêt rendu le 9 mai 1867, Duc d'Aumale.

* 292 D'après le juge de l'affaire Duc d'Aumale précitée, c'est précisément parce qu'ils sont pris sous la base de considérations politiques qu'ils sont soustraits du champ des contentieux administratif et judiciaire, l'acte de gouvernement n'étant justiciable ni de son opportunité politique, ni de sa régularité juridique. Voir ATEMENGUE (J. de N.), article précité.

* 293 C.E. 19 février 1875, Prince Napoléon.

* 294 Voir KAMTO (M.), article précité, lorsqu'il affirme que l'acte de gouvernement est une notion purement juridique.

* 295 BILONG (S.), article précité, p.55.

* 296 Il s'agit des affaires KOUANG Guillaume Charles, ESSOMBA Marc Antoine et MONKAM TIENTCHEU David précitées.

* 297 Notamment KAMTO (M.), article précité.

* 298 Jugement n°34/CS/CA/79-80 du 24 avril 1980 ESSOUGOU Benoît c/ Cameroun.

* 299 Définition donnée par la jurisprudence Duc d'Aumale.

* 300 KAMTO (M.), article précité, p.10.

* 301 BILONG (S.), article précité, p.56.

* 302 Ibidem. p.56.

* 303 FAVOREU (L.), Du déni de justice en droit public, op.cit. p.232 et suivants.

* 304 C'est le point de vue d'une bonne partie de la doctrine camerounaise. ATEMENGUE (J. de N.), article précité; OWONA (J.), notamment.

* 305 GUILLIEN (R.) et VINCENT (J.), Lexique des termes juridiques, op.cit.

* 306 Ibidem.

* 307 SIETCHOUA DJUITCHOKO (C.), « Du nouveau pour la coutume en droit administratif camerounais : la constitutionnalisation de la coutume et ses conséquences », article précité, p.151.

* 308 Voir jugement n°40/CS/CA/79-80 du 29 mai 1980 MONKAM TIENTCHEU David. Recueil MBOME, p.80. Voir aussi jugement n°63/CS/CA du 25 septembre 1980, Collectivité Deido-douala c/Etat du Cameroun.

* 309 Car, « un acte n'est juridique que s'il offre la virtualité d'une contestation de sa juridicité par un organe juridictionnel », GOYARD Claude, Etat de droit et démocratie, Mélanges René CHAPUS, Paris, Montchrestien, 1992, p.303.

* 310 BILONG (S.), article précité, p.56.

* 311 Ibidem.

* 312 EISENMANN Charles, Actes d'autorité soustraits à tout contrôle juridictionnel dans le droit français d'aujourd'hui, 1953.

* 313 Loi n°96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 2 juin 1972.

* 314 Loi n°2006/016 du 29 décembre 2006 portant organisation et fonctionnement des tribunaux administratifs. Commentaire KEUTCHA TCHAPNGA Célestin, « La réforme attendue du contentieux administratif au Cameroun », in Juridis Périodique n°70, avril-mai-juin 2007, pp.3-29.

* 315 BILONG (S.), article précité, p.57.

* 316 En ce sens voir arrêt n°68/CFJ-CAY du 30 septembre 1969 Société des Grands travaux de l'Est c/ Etat du Cameroun.

* 317 ODENT Raymond, Contentieux administratif, Paris, Les cours de droit, 1977, fasc.1, pp.32 et ss, cité par SIETCHOUA DJUITCHOKO (C.), « Du nouveau pour la coutume en droit administratif camerounais : la constitutionnalisation de la coutume et ses conséquences », article précité, p.150.

* 318 Loi n°96/06 du 18 janvier 1996 précitée.

* 319 Ordonnance n°72/06 du 26 août 1972 fixant l'organisation de la Cour Suprême du Cameroun modifiée par la loi n°76/28 du 14 décembre 1976.

* 320 Loi n°80/031 du 27 novembre 1980 dessaisissant les tribunaux des affaires relatives aux contestations soulevées à l'occasion de la désignation des chefs traditionnels.

* 321 Loi n°2003/016 du 22 décembre 2003 relative au règlement des litiges portant sur les limites des circonscriptions administratives et des unités de commandement traditionnel.

* 322 C.E. Section, 6 novembre 1936, Arrighi, Recueil. p.966, concl. Roger LATOURNERIE.

* 323 SIETCHOUA DJUITCHOKO (C.), « Du nouveau pour la coutume en droit administratif camerounais : la constitutionnalisation de la coutume et ses conséquences », article précité, p.150.

* 324 Actuellement article 40 de la loi n°96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 2 juin 1972.

* 325 SIETCHOUA DJUITCHOKO (C.), article précité, p.150.

* 326 CS/AP arrêt n°17 du 19 mars 1981 (3 espèces) : Etat du Cameroun c/ Enfants du Chef Banka ; Collectivité Deido c/ Etat du Cameroun, KOUANG Guillaume Charles c/ Etat du Cameroun.

* 327 Jugement n°3/CS/CA du 25 mai 1989, EGBE BESSONG Alfred ; jugement n°262/CS/CA du 29 juin 1989 NKFU Simon NGWE c/ Etat du Cameroun ; jugement n°345/CS/CA du 3 novembre 1989 EYONG EGBE Martin etc.

* 328 Jugement n°40/CS/CA/79-80 du 29 mai 1980 MONKAM TIENTCHEU David. Recueil MBOME, p.80.

* 329 BILONG (S.), article précité, p.58.

* 330 Jugement n°08/CS/CA/02-03 du 31 octobre 2002, BATEG Daniel c/ Etat du Cameroun. Dans cette affaire, les opérations de désignation se sont déroulées dans des bonnes conditions ; l'autorité administrative, en l'occurrence le préfet, en a entériné la décision. Quelques mois après, son supérieur hiérarchique, la ministre de l'administration territoriale lui intime l'ordre d'abroger son acte (le ministre l'abroge alors même qu'il n'est pas compétent), ce qui est fait. Appelé à statuer sur cette grave illégalité, du fait de l'incompétence du ministre, le juge refuse de statuer.

* 331 BILONG (S.), article précité, p.59.

* 332 Ibidem.

* 333 Comme on peut le constater, depuis l'institution par la loi constitutionnel du 18 janvier 1996 du Conseil constitutionnel, aucune autre mesure n'a plus été prise dans le sens de sa mise en place effective 15 ans plus tard, et par ricochet de l'institution d'un véritable contrôle de constitutionnalité des lois. Curieux encore, la Cour Suprême à qui ont été confiées les attributions dudit Conseil ne joue pas pleinement ce rôle.

* 334 BILONG (S.), article précité, p.59.

* 335 Décision du Conseil constitutionnel n°85-197 DC du 23 août 1985, Nouvelle Calédonie.

* 336 DUPLE Nicole, « Les menaces externes à l'indépendance de la justice », disponible sur le site www.wikipedia.org.

* 337 Ibidem.

* 338 Même si cela n'est pas de façon explicite, les Titres II, III et V consacrent les trois pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire

* 339 BILONG (S.), article précité, p.61.

* 340 PERROT (R.), Institutions judiciaires, op.cit. p.32.

* 341 Conseil constitutionnel, décision n°80-119 DC du 20 juillet 1980, validations d'actes administratifs in Les Grandes décisions du Conseil constitutionnel, p.442.

* 342 Cf. Le petit Larousse 2002, précité.

* 343 KAMTO (M.), « Actes de gouvernement et droits de l'homme au Cameroun », article précité, p.9.

* 344 MOLFESSIS (N.), « Combattre l'insécurité juridique ou la lutte du système juridique contre lui-même », in E. D.C.E. 2006, n°58, pp.391-406.

* 345 HEERS Mireille, « La sécurité juridique en droit administratif français: vers une consécration du principe de confiance légitime », in Revue Française de Droit Administratif, septembre-octobre 1995, p.963.

* 346 GUILLIEN (R.) et VINCENT (J.), Lexique des termes juridiques, op.cit.

* 347 LANDAIS et LENICA, « Sécurité juridique : la consécration », AJDA, 2006, p. 1028.

* 348 MATHIEU (B.), « La sécurité juridique, un principe clandestin mais efficient », in Droit constitutionnel, Mélanges P. GELARD, Montchrestien, 1999, p.301.

* 349 Cf. PACTEAU Bernard, « La sécurité juridique, un principe qui nous manque? », in AJDA, 1995, n° spécial juin, p.151.

* 350 MATHIEU (B.), article précité, p.301, à propos des lois de validation et des lois interprétatives.

* 351 Ibidem.

* 352 Ibid.

* 353 MATHIEU (B.), « La sécurité juridique, un principe clandestin mais efficient », article précité.

* 354 C'est le cas des lois dessaisissant les juridictions des affaires relatives aux contestations soulevées à l'occasion de la désignation des chefs traditionnels, et relatives au règlement des litiges portant sur les limites des circonscriptions administratives, entre autres.

* 355 Loi n°79/17 du 30 juin 1979 relative aux contestations soulevées à l'occasion de la désignation des chefs traditionnels précitée.

* 356 Jugement N°66 ADD/CS/CA du 31 mai 1979, KOUANG Guillaume Charles précité.

* 357 Loi n°80/031 du 27 novembre 1980 dessaisissant les tribunaux des affaires relatives aux contestations soulevées à l'occasion de la désignation des chefs traditionnels précitée.

* 358 NGUELE ABADA Marcelin, « La réception des règles du procès équitable dans le contentieux de droit public », in Juridis Périodique n°63, juillet-aout-septembre 2005, p.19.

* 359 Ibidem.

* 360 Etat de droit et démocratisation, Université de Paris I, 1995.

* 361 NGUELE ABADA (M.), article précité, p.20.

* 362 On ne saurait ignorer que le Cameroun est partie aux instruments internationaux qui garantissent le droit à un procès équitable : la Déclaration universelle des Droits de l'Homme de 1948, le Pacte International relatifs aux Droits civils et politiques de 1966 (entré en vigueur en 1976 en même temps que le protocole facultatif),  la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples de 1981, lesquels instruments entrent dans le bloc de constitutionnalité. On peut de ce fait constater que le fait que l'Etat soit partie à ces instruments constitue une obligation pour les pouvoirs constitués.

* 363 NGUELE ABADA (M.), article précité, p.20.

* 364 ROSOUX (G.), « Le contrôle juridictionnel des « validations législatives » en France et en Belgique : un conflit de légitimité », in Revue de la Faculté de Droit de l'Université de Liège, De Boeck et Larcier, pp137-219.

* 365 Du moment où l'Etat, voire l'Administration est partie au litige, cela demeure problématique.

* 366 NGUELE ABADA (M.), article précité, p.21.

* 367 Extraits des articles 14 § 1 du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques de 1966 ; 10 et 11 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948 ; et 7 et 26 de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples de 1981, instruments internationaux auxquels le Cameroun est partie.

* 368 QUILLERE-MAJZOUB Fabienne, « Le droit à un procès équitable et le juge administratif », Beyrouth, 2001, p.2.

* 369 Il convient de préciser que le contentieux administratif a un régime spécial, dans la mesure où un conflit de droit administratif est d'abord porté à la connaissance de l'Administration aux travers des recours administratifs et surtout le recours gracieux préalable, c'est-à-dire préalable à toute saisine du juge dans le fond. Voir NGUELE ABADA (M.), article précité, p.21.

* 370 NGUELE ABADA (M.), article précité, p.21.

* 371 Pour reprendre l'expression d'AUVRET-FINK (J.), « Les actes de gouvernement, irréductible peau de chagrin », Art. Préc.

* 372 Voir BILONG (S.), « Le déclin de l'Etat de droit au Cameroun : Le développement des immunités juridictionnelles », article précité.

* 373 Ne nous égarons pas, comme nous l'avons mentionné à l'introduction de cette partie, des considérations d'opportunité autre que l'intérêt général, peuvent rendre les lois de validation et les lois interprétatives contraires à l'Etat de droit. C'est pour cette raison qu'elles sont classées dans la catégorie des lois rétroactives qualifiées de « suspectes ». Mais cela n'en constitue pas moins une raison pour remettre en cause leur nécessité du moment où, comme nous l'avons montré, le législateur prend en compte l'intérêt général pour justifier ces lois. La mention de ces lois ici ne touche que leur aspect négatif.

* 374 MALINVAUD (Ph.), « L'étrange montée du contrôle du juge sur les lois rétroactives », in Le Code civil, un passé, un présent, un avenir, p.671.

* 375 Concernant les lois de validation et les lois interprétatives dont la nécessité a été démontrée dans la première partie de cette étude.

* 376 MALINVAUD (Ph.), article précité, p.671.

* 377 Ibidem.

* 378 Conseil constitutionnel, décision du 18 décembre 2001 relative à la loi de financement de la Sécurité sociale pour l'année 1999. Cette mesure censure la mesure de financement de la RTT (réduction du temps de travail) qui conduisait à ponctionner rétroactivement les comptes de l'exercice 2000 de la Sécurité sociale.

* 379 PERROT (R.), Institutions judiciaires, op.cit., p.32.

* 380 MALINVAUD (Ph.), article précité, p.689.

* 381 Sauf dans les cas que nous avons énuméré plus haut : loi de validation et loi interprétative se justifient au regard de leur statut à part et de leur nécessité. Cela est d'autant plus vrai que, comme on l'a vu, la rétroactivité, bien qu'étant le principal caractère, n'en est pas le seul, et plusieurs justifications sont apportées à cette rétroactivité.

* 382 CAMARA Fatou Kiné, Introduction au droit civil, Cours de droit civil 1ère année, Année 2010-2011.

* 383 Dans les hypothèses que nous avons énumérées plus haut ; dans ces cas la rétroactivité est justifiée.

* 384 LARGUIER (J.), Droit pénal général, op.cit.

* 385 Malgré l'interdiction formelle de la Constitution, le législateur peut passer outre cette exigence.

* 386 La loi est donc dite expressément rétroactive lorsque le législateur a décidé qu'elle serait rétroactive, cela marque la différence entre les lois expressément rétroactives et les lois interprétatives et de validation. Cela montre que le législateur a la pleine latitude d'édicter des lois qu'il peut décider comme rétroactives, selon qu'il juge cela nécessaire, nécessité qui n'est pas toujours compatible avec les exigences constitutionnelles, mais motivé par d'autres considérations. Voir MALINVAUD (Ph.), article précité, p.689.

* 387 Cela est d'autant plus vrai si on considère les lois expressément rétroactives comme des lois simplement rectificatives, car elles ne joueraient que pour l'avenir, bien qu'il soit vrai que le législateur n'édicte les lois expressément rétroactives la plupart du temps qu'en période exceptionnelle, cette pratique devient de plus en plus récurrente. Et cela se justifie par le fait que le législateur légifère en général trop, trop vite et trop mal, et ce n'est qu'a posteriori, à la lumière de l'application de la loi par le juge que le législateur s'aperçoit que la loi est mal rédigée ou, pire encore, mal conçue. Cf. MALINVAUD (Ph.), article précité, p.671.

* 388 C'est le cas de le dire, un exemple patent de loi expressément rétroactive est la loi n°64/LF/1 du 26 juin 1964 relative à la réparation des dommages causés par les activités terroristes.

* 389 MOLFESSIS (N.), « la notion de loi interprétative », article précité.

* 390 Ibidem.

* 391 MALINVAUD (Ph.), article précité.

* 392 MALINVAUD (Ph.), article précité, p.690.

* 393 Ibidem.

* 394 Avis du Conseil d'Etat du 6 décembre 2002, RFDA 2003, note PETIT.

* 395 Alors qu'il pouvait en être autrement si la loi initiale n'avait pas été modifiée.

* 396 MALINVAUD (Ph.), article précité, p.689.

* 397 Ibidem.

* 398 L'article 4 prévoit que « « le juge qui refusera de juger, sous prétexte de silence, de l'obscurité ou de l'insuffisance de la loi, pourra être poursuivi de déni de justice ». L'article 5 ajoute qu' « il est défendu aux juges de se prononcer par voie générale et règlementaire sur les causes qui lui sont soumises ».

* 399 PERROT (R.), Institutions judiciaires, op.cit. p.28.

* 400 Décision n° 80-119 DC du 22 juillet 1980 sur les lois de validation.

* 401 Jurisprudence du juge constitutionnel et des juges ordinaires.

* 402 ROSOUX (G.), « Le contrôle juridictionnel des « validations législatives » en France et en Belgique : un conflit de légitimité », article précité, p.138.

* 403 Article 6 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789.

* 404 MBOME François, « Le contrôle de constitutionnalité au Cameroun », in RCD n°13 et 14, 1977, pp.30 et suivantes ; MANGA Philippe, « Le contrôle de constitutionnalité des lois au Cameroun : un cliché à corriger », in Juridis info n°11, juillet-août-septembre 1992 ; BILONG (S.), « Le déclin de l'Etat de droit au Cameroun : Le développement des immunités juridictionnelles », article précité. 

* 405 On doit avoir présent à l'esprit que la crainte du gouvernement des juges a également hantée les pouvoirs constitués au Cameroun et c'est dans cette crainte que l'avènement d'une véritable justice constitutionnelle tarde à être effectivement mise en place jusqu'à nos jours, 15 ans après sa consécration par la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996.

* 406 Décision du Conseil constitutionnel n°85-197 DC du 23 août 1985, Nouvelle Calédonie.

* 407 Exception faite de celles qui sont tolérées ou tout au moins compatibles avec l'Etat de droit.

* 408 Notamment celles de 1960, 1961 et 1972.

* 409 Selon la doctrine dominante, le droit d'initiative ou de saisine demeure l'apanage exclusif du Président de la République, car « il paraissait par ailleurs qu'étant garant de la Constitution (cf.art.8 de la Constitution fédérale du 1er septembre 1961 et 5 de la Constitution du 2 juin 1972) il pût seul chercher à extraire de l'ordre juridique interne les lois qu'il estime contraires à la Constitution.» Voir MANGA (Ph.), « Le contrôle de constitutionnalité des lois au Cameroun : un cliché à corriger », article précité, p.62.

* 410 MANGA (Ph.), « Le contrôle de constitutionnalité des lois au Cameroun : un cliché à corriger », article précité, p.62.

* 411 Dont le changement d'appellation est introduit par la loi n°84-1 du 4 février 1984.

* 412 Article 10 de la Constitution du 2 juin 1972. Un commentaire hâtif de cette disposition de la part de la doctrine s'est contenté de conclure que rien n'avait changé par rapport au régime antérieur, alors qu'on assistait déjà à une consécration bien qu'encore timide du contrôle juridictionnel des lois.

* 413 « En cas de doute ou de litige sur la recevabilité d'un texte, le président de l'Assemblée ou le président de la République saisit la Cour Suprême qui décide de la recevabilité ».

* 414 OWONA (J.), Droit constitutionnel et régimes politiques africains, Paris, Berger-Levrault, 1985, p.235.

* 415 Loi n°96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 2 juin 1972.

* 416 Articles 46 à 52.

* 417 NGUELE ABADA (M.), « L'indépendance des juridictions constitutionnelles dans le constitutionnalisme des Etats francophones post guerre froide : l'exemple du conseil constitutionnel camerounais », disponible sur le site www.droitconstitutionnel.org.

* 418 Parmi lesquelles ces interventions du législateur dans le cours des procès que le juge administratif est appelé à trancher pour en influencer le dénouement ; ce que nous avons qualifié d'interventions contraires à l'Etat de droit.

* 419 MOMO Claude, « Heurs et malheurs de la justice constitutionnel au Cameroun », in Juridis Périodique n°64, octobre-novembre-décembre 2005, p.49.

* 420 NGUELE ABADA (M.), « L'indépendance des juridictions constitutionnelles dans le constitutionnalisme des Etats francophones postguerre froide : l'exemple du Conseil constitutionnel camerounais », article précité.

* 421 MOMO (C.), « Heurs et malheurs de la justice constitutionnel au Cameroun », article précité, p.50.

* 422 TITRE XIII DES DISPOSITIONS TRANSITOIRES ET FINALES.

* 423 Loi n°2004/004 du 21 avril 2004 portant organisation et fonctionnement du Conseil constitutionnel.

* 424 La Cour Suprême rempli, à la fois, les fonctions de juridiction suprême de l'ordre administrative, de juridiction suprême de l'ordre judiciaire, de juridiction des comptes et de Cour constitutionnelle, qui sont ailleurs dévolues aux plus hautes juridictions (cas du Gabon, du Benin etc.).

* 425 MOMO (C.), « Heurs et malheurs de la justice constitutionnel au Cameroun », article précité, p.50.

* 426 En ce sens voir KEUTCHA TCHAPNGA (C.), « Une révolution juridique aux conséquences paradoxales en Droit constitutionnel camerounais : Note sous Cour Suprême statuant provisoirement comme Conseil constitutionnel, Décision n°001/CC/02-03 du 28 novembre 2002, validation des mandats des députés, in Juridis Périodique n°53, janvier-février-mars 2003, pp.61-66. Voir aussi NGUELE ABADA (M.), Commentaires de la Décision n°001/CC/02-03 du 28 novembre 2002 à propos du Règlement de l'Assemblée nationale, Petites Affiches n°154, 3 août 2004, pp.15-22.

* 427 Ibidem.

* 428 A l'instar du Professeur OWONA (J.), « l'essor du constitutionnalisme en Afrique noire : Etude de quelques « constitutions janus », in Mélanges GONIDEC, LGDJ, 1985.

* 429 C'est-à-dire l'absence de mise en place d'un véritable juge constitutionnel dans la Constitution de 1972

* 430 La coexistence de deux constitutions oblige que certaines dispositions de la loi fondamentale réduisent à néant d'autres dispositions explicites ou implicites. Dans ces cas, l'une organise les pouvoirs déterminant les règles constitutionnelles vitales d'exercice des pouvoirs, l'autre corruptrice et rédhibitoire portant atteinte soit à l'organisation projetée, soit à la mise en vigueur de certaines règles. Cf. MOMO (C.), « Heurs et malheurs de la justice constitutionnel au Cameroun », article précité, p.51.

* 431 MOMO (C.), « Heurs et malheurs de la justice constitutionnel au Cameroun », article précité, p.51.

* 432 NGUELE ABADA (M.), « L'indépendance des juridictions constitutionnelles dans le constitutionnalisme des Etats francophones post guerre froide : l'exemple du Conseil constitutionnel camerounais », article précité.

* 433 Saisine préalable et obligatoire du Conseil constitutionnel en cas de changement et de modification du règlement d'une chambre parlementaire. Cf. art. 47 alinéa 1 de la constitution.

* 434 Elles visent le contentieux de la normativité dit contentieux « objectif ». C'est celle prévue par la Constitution camerounaise.

* 435 Elles se manifestent dans le contentieux du droit de l'assentiment, dit contentieux « subjectif » ou contentieux électoral.

* 436 Les saisines controversées soulèvent la récurrente question de l'exception d'inconstitutionnalité. Voir NGUELE ABADA (M.), article précité.

* 437 NGUELE ABADA (M.), article précité.

* 438 Article 47 alinéa 2 de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996.

* 439 Des efforts restent toutefois à accomplir de ce point de vue en raison des insuffisances contingentes relatives à la saisine du juge, par la minorité parlementaire due à la sous-représentation de l'opposition au parlement. Cf. MOMO (C.), « Heurs et malheurs de la justice constitutionnel au Cameroun », article précité, p.53. Voir aussi MBEYAP KUTNJEM Amadou, « Le droit à  la justice au Cameroun (à  l'origine de l'accélération de la modernisation du code pénal camerounais) », Chaire Unesco des Droits de la personne et de la démocratie, Université d'ABOMEY-CALAVI - DEA Droits de la personne et de la démocratie 2005, disponible sur le site www.memoireonline.com.

* 440 Article 47 alinéa 2 précité. Voir MBEYAP KUTNJEM (A.), « Le droit à  la justice au Cameroun (à  l'origine de l'accélération de la modernisation du code pénal camerounais) », précité.

* 441 MOMO (C.), « Heurs et malheurs de la justice constitutionnel au Cameroun », article précité, p.53.

* 442 C'est-à-dire à l'époque où le Président de la République était seul détenteur de ce droit de saisine : Constitution du 2 juin 1972.

* 443 Encore appelé contrôle préventif, le contrôle a priori s'appréhende comme un contrôle exercé par le juge constitutionnel avant que la loi n'entre en vigueur, c'est-à-dire avant sa promulgation. Une fois que la loi a été publiée au Journal Officiel, elle devient incontestable et même le juge constitutionnel ne peut la remettre en cause.

* 444 Article 49 de la loi constitutionnelle de 1996.

* 445 Au sens organique du terme.

* 446 Comme nous l'avons dit plus haut, le recours aux dispositions transitoires met à mal l'application des dispositions constitutionnelles pour une durée limitée ou illimitée. Ainsi, « le rédhibitionnisme constitutionnel (pour reprendre l'expression du Professeur OWONA) a justifié jusqu'à une date récente l'absence de mise en place d'un véritable juge constitutionnel, la Cour Suprême continuant à suppléer l'absence d'un conseil constitutionnel, cela s'explique par la coexistence de deux constitutions ». Cf. MOMO (C.), « Heurs et malheurs de la justice constitutionnel au Cameroun », article précité, p.51.

* 447 Loi n°2004/004 du 21 avril 2004 portant organisation et fonctionnement du Conseil constitutionnel et loi n°2004/005 fixant le statut des membres du Conseil constitutionnel.

* 448 Etant donné que ces derniers ne sont même pas encore nommés, la doctrine a posé ce problème, cela dû à la procédure de nomination. Le problème de l'intervention de l'exécutif dans la désignation de ses membres pose le problème des garanties d'indépendance vis-à-vis du pouvoir politique.

* 449 NGUELE ABADA (M.), article précité.

* 450 Ibidem.

* 451 Il est vrai que la Constitution (voir article 47 alinéa 1), entérinée par la loi n°2004/004 garantie l'indépendance du Conseil constitutionnel, et reconnait à ses décisions leur caractère insusceptible d'être contesté.

* 452 Notamment celles qui portent atteinte à l'indépendance de la justice et par ricochet à l'Etat de droit.

* 453 Cf. MOMO (C.), « Heurs et malheurs de la justice constitutionnel au Cameroun », article précité, p.54.

* 454 La norme inconstitutionnelle a pénétré dans un système de droit qu'elle a infecté, l'insécurité juridique est entretenue. Pour éviter de tels inconvénients, il ne faudrait recourir au mécanisme de la question préjudicielle qu'en lui assignant les limites précises dans le temps. Cf. MOMO (C.), « Heurs et malheurs de la justice constitutionnel au Cameroun », article précité, p.53.

* 455 MOMO (C.), « Heurs et malheurs de la justice constitutionnel au Cameroun », article précité, p.55.

* 456 Arrêt n°4 du 28 octobre 1970, Société des grands travaux de l'Est agence de Yaoundé c/ Etat fédéré du Cameroun oriental. La haute juridiction avait été appelé à se prononcer par voie d'exception sur un recours introduite par la Société des grands travaux de l'Est en annulation partielle d'une imposition. Celle-ci soutenait que la loi du 30 juin 1966 qui donne un effet rétroactif aux dispositions nouvelles de l'article 43 du code général des impôts, a violé le principe fondamental de la non-rétroactivité des lois inscrit dans le préambule de la Constitution du Cameroun du 4 mars 1960. Elle est déboutée aux motifs qu' « aucun contrôle de la constitutionnalité des lois par voie d'exception n'est prévu par le droit camerounais ». Cf. MOMO (C.), « Heurs et malheurs de la justice constitutionnel au Cameroun », article précité.

* 457 Cour d'appel de Garoua, Arrêt n°9/Criminel du 5 mai 1973 ; la juridiction avait également été appelé à se prononcer par voie d'exception. Le requérant étant accusé pour vol à main armée, simple délit sous l'empire d'une législation pénale plus douce, mais rendue plus rigoureuse par l'article 3 de l'ordonnance n°72/16 du 28 septembre 1972 portant modification de certaines dispositions du code pénal (rétroactivité d'une loi pénale plus sévère). La Cour rappelle que : « en tout état de cause, la juridiction répressive n'est pas au Cameroun juge de la constitutionnalité des lois »

* 458 CS/AP 15 août 1993, NOUGA André c/ Etat du Cameroun : « considérant que la loi du 27 novembre 1980 dessaisi toutes les juridictions des affaires pendantes devant elles concernant la désignation des chefs traditionnels ; mais considérant que l'article 39 de la Constitution du 2 juin 1972 donne compétence à la Cour suprême pour statuer sur les recours en annulation dirigés contre les actes administratifs ; qu'il échet par conséquent de statuer sur la demande d'annulation de l'arrêté portant la désignation du chef du 2è degré du canton Etouha, et qu'au demeurant, cette demande est fondée ;.. ».

* 459 MOMO (C.), « Heurs et malheurs de la justice constitutionnel au Cameroun », article précité, p.56.

* 460 Ordonnance de référé n°30/OR/PCA/CS 2001-2002 Recours n°135/2001-2002 du 10 avril 2002. Affaire : Union des populations du Cameroun (UPC) (tendance KODOCK) contre Etat du Cameroun (MINAT) & UPC (tendance HOGBE NLEND). Note OLINGA Alain Didier ; Juridis-périodique. Octobre-novembre-décembre 2002. Ord/PCA/CS du 7 décembre 2002. Affaire MAMA BILOA Sandrine c/ Université de Ngaoundéré.

* 461 Cf. MOMO (C.), « Heurs et malheurs de la justice constitutionnel au Cameroun », article précité. Le juge mentionne une disposition constitutionnelle pour écarter de sa propre autorité l'application d'une disposition processuelle législative qui nuit à l'idée qu'il se fait de son nouveau statut institutionnel, et avant une modification en bonne et due forme de la loi. Il déclare caduque les dispositions législatives et règlementaires relatives à l'exigence d'avis conforme du ministère public en matière de référé administratif, car contraire à la Constitution.

* 462 Après deux décennies d'hésitations et d'atermoiements, la France va enfin mettre en place un contrôle a posteriori de la constitutionnalité des lois appelée la question prioritaire de constitutionnalité dont le mécanisme est entré en vigueur le 1er mars 2010, permettant ainsi à tout justiciable d'invoquer l'inconstitutionnalité d'une disposition législative. Voir BENETTI Julie, « La question prioritaire de constitutionnalité : la genèse d'une réforme, de 1990 à 2009 » in AJDA du 25 janvier 2010, pp.74-79; ROBLOT-TROIZIER Agnès, « La question prioritaire de constitutionnalité devant les juridictions ordinaires : entre méfiance et prudence », in AJDA du 25 janvier 2010, pp.80-87 ; VERPEAUX Michel, « Le Conseil constitutionnel, juge de la question prioritaire de constitutionnalité », in AJDA du 25 janvier 2010, pp.88-93.

* 463 C'est l'une des critiques que les détracteurs de l'exception d'inconstitutionnalité invoquent le plus souvent pour contrecarrer sa consécration. Dans tous les cas, que ce soit le contrôle a priori ou le contrôle a posteriori, chaque type a des avantages et des inconvénients, il conviendrait juste d'en faire un usage rationnel et les concilier tous les deux.

* 464 DE LAUBADERE (A.), VENEZIA (J. C.) et GAUDEMET (Y.), Traité de droit administratif, op.cit., p.955.

* 465 VEDEL (G.) et DELVOLVE (P.), Droit administratif, Paris, Presses Universitaires de France (PUF), Tome 1, 12ième édition, 1992, p.635.

* 466 Ibidem.

* 467 VEDEL (G.) et DELVOLVE (P.), op.cit.

* 468 Ibidem. p.635.

* 469 La conséquence qui découle de cette déduction est qu'en principe les activités sont incontestables devant le juge administratif. Ce dernier ne statue pas sur les lois, mais plutôt sur les conséquences dommageables qui en découlent, compétence qui se limite uniquement à l'appréciation de la responsabilité.

* 470 La loi étant l'expression de la volonté générale, on ne pouvait concevoir l'idée de faute commise par le législateur.

* 471 Les lois ne peuvent causer que des dommages communs à tous les individus, dommages constituant ainsi des charges publiques.

* 472 CE, Ass 14 janvier 1938, Société anonyme des produits laitiers « La Fleurette », GAJA n°58.

* 473 CE 21 janvier 1944 Caucheteux ; 1er décembre 1961 Lacombe et 24 octobre 1973 Secrétaire d'Etat à la jeunesse. Pour les deux espèces, admission du principe du droit à indemnisation d'un administré privé par l'effet d'une loi de validation du bénéfice qu'il pouvait attendre d'une annulation pour excès de pouvoir prononcée à sa requête.

* 474 Depuis l'espèce La Fleurette, l'idée du risque a été exclue du fondement de la responsabilité au profit de l'égalité devant les charges publiques qui constitue le seul fondement possible de la responsabilité de l'Etat législateur, car il faut exclure totalement la faute comme fondement de la responsabilité : car la loi promulguée ne pouvant être fautive puisqu'elle est la règle de droit hors de toute critique directe ou indirecte. Cf. VEDEL (G.) et DELVOLVE (P.), op.cit., p.638.

* 475 VEDEL (G.) et DELVOLVE (P.), op.cit.

* 476 C'est le cas de la loi n°64/LF/16 du 26 juin1964 sur la répression du terrorisme précitée.

* 477 Pour ce troisième cas, les solutions relèveront des régimes de responsabilité déterminés par des textes particuliers, le juge ne peut qu'appliquer les dispositions législatives réglant le problème de l'indemnité. Voir VEDEL (G.) et DELVOLVE (P.), op.cit.

* 478 Cela semble paradoxal, puisque l'espèce La Fleurette qui constitue l'espèce de principe en matière de responsabilité de l'Etat législateur concernait des dispositions économiques.

* 479 DE LAUBADERE (A.), VENEZIA Jean (C.) et GAUDEMET (Y.), Traité de droit administratif, op.cit., p.957.

* 480 La Fleurette et Caucheteux notamment.

* 481 C'est ce que décide le juge dans l'espèce Bovero du Conseil d'Etat français rendu en date du 25 janvier 1963. Voir DE LAUBADERE (A.), VENEZIA (J.C.) et GAUDEMET (Y.), Traité de droit administratif, op.cit., p.957.

* 482 Voir VEDEL (G.) et DELVOLVE (P.), op.cit.

* 483 Droit à ce que la cause d'un justiciable soit entendue par le juge administratif (droit à un procès équitable).

* 484 C'est-à-dire celles qui ont été édictées dans l'intérêt général, mais dont une catégorie de personnes s'est trouvée lésée.

* 485 On prendra comme exemple la répression du terrorisme, la désignation des chefs traditionnels.

* 486 Même cela n'est pas envisageable aux yeux de la doctrine, qui estiment qu'il faut exclure totalement l'idée de faute comme fondement possible de la responsabilité du fait des lois : la loi promulguée ne pouvant être fautive puisqu'elle est la règle de droit hors de toute critique directe ou indirecte. Cf. VEDEL (G.) et DELVOLVE (P.), op.cit. Mais cette faute ne doit pas être appréhendée au sens de la responsabilité pour faute de l'Administration.

* 487 C'est l'idée d'une faute immatérielle, c'est-à-dire un préjudice causé par la modification de l'état du droit qui initialement ne posait aucune difficulté et que le législateur a décidé qu'il en serait désormais autrement.

* 488 Car elles aussi peuvent entraîner la mise en oeuvre de la responsabilité de l'Etat législateur, du fait de leur caractère rétroactif, mais aussi du fait du préjudice que ces lois peuvent causer aux personnes affectées par un acte administratif illégal qui est validé par le législateur ou aux personnes bénéficiant d'une interprétation jurisprudentielle qui leur était favorable avant l'interprétation faite par le législateur.

* 489 MALINVAUD (Ph.), « L'étrange montée du contrôle du juge sur les lois rétroactives », article précité, p.691.

* 490 MALAURIE Philippe, « L'handicap de l'enfant : un droit désemparé. A propos de l'avis du Conseil d'Etat du 6 novembre 2002 », JCP, 2003.

* 491 PORTALIS Jean (1746-1807), jurisconsulte et homme politique français ; instigateur du Concordat de 1801, ministre des cultes sous l'empire, il fut l'un des rédacteurs du Code civil.

* 492 PORTALIS Jean, Discours préliminaire sur le projet de Code civil, 1804.






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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld