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Les interventions du législateur dans le fonctionnement de la justice administrative au Cameroun

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par Cyrille Arnaud FOPA TAPON Cyrille Arnaud
Université de Dschang Cameroun - Master 2012
  

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Paragraphe 2 : Les caractères des lois interprétatives

La loi interprétative, comme la loi de validation, a un statut à part, et en tant que tel, elle présente des caractères particuliers qui sont liés moins à sa nature qui, comme on le sait, est bel et bien une loi179(*), qu'à sa finalité. Ainsi, prise pour « redresser l'interprétation faite de la loi par la jurisprudence qui ne serait pas conforme à l'intention du législateur »180(*) et tendant à briser une interprétation jurisprudentielle, la loi interprétative intervient directement dans les litiges en cours. Il convient de préciser que la loi interprétative est classée parmi les lois rétroactives, c'est-à-dire celles qui s'appliquent aux situations antérieures à leur entrée en vigueur. La rétroactivité est donc ce qui caractérise la loi interprétative (A), associée à un autre caractère qui est l'application immédiate (B).

A- La rétroactivité des lois interprétatives

Une loi est rétroactive lorsqu'elle s'applique à des situations juridiques constituées avant son entrée en vigueur, ainsi qu'aux effets passés de cette situation. Par définition, la loi interprétative a pour objet de clarifier le sens d'une loi antérieure obscure et, en tant que telle, elle fait corps avec la loi qu'elle interprète et entre en vigueur en même temps qu'elle. C'est ce qui justifie sa rétroactivité. Mais cette rétroactivité n'est pas de mise puisqu'elle suscite des polémiques quant à la nécessité du recours aux lois interprétatives. Elle est donc présumée (1), puisqu'elle constitue une exception au principe de la non rétroactivité des lois (2).

1- La présomption de la rétroactivité des lois interprétatives

La loi interprétative est présumée181(*) rétroactive dans la mesure où son entrée en vigueur remonte à celle de la loi interprétée. En outre, elle règle une difficulté née de l'application de cette dernière. En résolvant ce problème d'interprétation, la loi interprétative est censée faire partie intégrante de la loi interprétée depuis son adoption, car elle intervient pour dire ce qui a toujours été ou qui aurait dû être, « en dépit des malencontreuses interprétations contraires qui auraient pu intervenir entre temps »182(*). En principe, la loi interprétative serait par essence même rétroactive183(*), mais la détermination de ce caractère rétroactif pose des difficultés : une loi interprétative est-elle d'emblée rétroactive même lorsque le législateur lui-même ne l'a pas expressément qualifié comme telle?

Cette interrogation revêt une importance capitale, d'autant plus qu'elle porte sur les hypothèses dans lesquelles le législateur n'a pas expressément qualifié la loi d'interprétative (lui conférant ainsi une nature rétroactive)184(*). Dans la mesure où rien n'oblige le législateur à qualifier une loi d'interprétative, le problème ne saurait se poser lorsque la qualification découle d'une disposition législative expresse. A défaut d'une telle disposition, il revient donc en dernier lieu au juge de déterminer si la loi en question crée des dispositions nouvelles, auquel cas elle ne produira d'effet juridique qu'un jour après sa publication185(*), ou si elle ne fait que régler une controverse née de la loi précédente auquel cas elle sera qualifiée de loi interprétative186(*). La qualification de la nature interprétative d'une loi, voire de son caractère rétroactif, incombe donc au juge lorsque le législateur l'a volontairement ou non omis. Le juge présume que la loi est interprétative et par ricochet rétroactive ; cette présomption peut avoir l'avantage d'éviter d'autres controverses qui pousseront encore le législateur à intervenir.

Ainsi présumée, la loi interprétative constitue donc une exception au principe de la non-rétroactivité des lois.

2- L'exception au principe de la non-rétroactivité des lois

L'article 2 du code civil pose comme principe que « la loi ne dispose que pour l'avenir, elle n'a point d'effet rétroactif ». Cette disposition est entérinée dans le préambule de la Constitution camerounaise du 18 janvier 1996187(*). Le principe de la non-rétroactivité protège le citoyen contre la loi. En son absence la loi pourrait remettre en question les actes passés. On ne peut exiger des citoyens l'obéissance à une règle qu'ils ne pouvaient pas connaître puisqu'elle n'existait pas. C'est un principe dit de sécurité juridique. Alors que la tendance du droit contemporain est de faire reculer, en les encadrant, les diverses hypothèses de rétroactivité du droit - de la loi voire de la jurisprudence -, la loi interprétative conserve un statut à part, qui semble la mettre à l'abri d'une telle défiance188(*). C'est que là où la rétroactivité semble constituer une atteinte à la sécurité juridique, la loi interprétative est censée en être un véhicule privilégié favorisant l'application du « droit préexistant » tout en ayant pour finalité de mettre un terme aux incertitudes et aux controverses sur le sens d'une règle189(*). Ainsi une loi n'est interprétative si elle n'est rétroactive. En outre, et comme nous l'avons déjà précisé, le fait pour une loi interprétative d'avoir un caractère recognitif montre que celle-ci ne doit en aucun cas constituer une rupture, elle sera le gage d'une continuité190(*).

Reconnaître le caractère rétroactif des lois interprétatives revient à lui conférer un statut à part191(*). La doctrine majoritaire n'a jamais remis en cause la rétroactivité reconnue aux lois interprétatives sauf dans les hypothèses où ces lois créent des dispositions nouvelles, auquel cas la rétroactivité constituerait une atteinte à la sécurité juridique.

Bien qu'étant considéré en France comme n'ayant qu'une simple valeur législative pouvant être abrogée ou modifiée par une autre loi, la non-rétroactivité des lois a une valeur constitutionnelle au Cameroun, consacrée dans le préambule de la Constitution, qui ne trouve en principe une exception qu'en matière pénale (lois pénales plus douces) et dont le législateur doit s'y soumettre. Le caractère rétroactif des lois interprétatives pourrait donc constituer une inconstitutionnalité en droit camerounais ; mais la nécessité pour le législateur de résoudre une difficulté liée à l'interprétation d'une norme dans le but de préserver la sécurité juridique peut justifier voire tolérer le recours aux lois interprétatives.

La rétroactivité ne doit pas être confondue à l'application immédiate d'une loi qui est un autre caractère des lois interprétatives.

* 179 Voir sur ce point le Professeur MOLFESSIS qui conteste la nature « extra législative » de la loi interprétative admise par le Professeur ROUBIER en lui déniant sa nature même de loi lorsque ce dernier affirme qu' « au fond, la loi d'interprétation ne fait pas partie de la législation, mais de la jurisprudence ; le législateur qui veut fixer quel est le sens du droit existant, se place sur le même terrain que le juge et prétend jouer un rôle analogue au sien ». ROUBIER Paul, Le conflit de lois dans le temps, Sirey, 1929, tome 1.

* 180 MALINVAUD (Ph.), « L'étrange montée du contrôle du juge sur les lois rétroactives », article précité, p.685.

* 181 Même si cette présomption est fortement contestée par une partie de la doctrine, mais c'est oublier que la rétroactivité d'une loi interprétative ne va pas de soi, car le législateur n'est pas tenu de stipuler explicitement que les précisions apportées à une loi sont de portée rétroactive ; il peut décider autrement, car il est seul maître pour décider de l'opportunité d'une rétroactivité.

* 182 LEMIEUX (C.), « Jurisprudence et sécurité juridique : une perspective civiliste », article précité, p.237.

* 183 Voir LEMIEUX (C.), « Jurisprudence et sécurité juridique : une perspective civiliste », article précité, p.237 ; MOLFESSIS (N.), « La notion de loi interprétative » in RTD Civ. 2002, pp.599 et suivants.

* 184 MOLFESSIS (N.), « La notion de loi interprétative », article précité.

* 185 Il s'agira dans ce cas d'une loi purement nouvelle dépourvu de tout effet rétroactif, sauf si le législateur en décide qu'elle aura un effet rétroactif, auquel cas on sera en présence d'une loi expressément rétroactive.

* 186 MOLFESSIS (N.), « La notion de loi interprétative », article précité.

* 187 Loi n°96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 2 juin 1972.

* 188 MOLFESSIS (N.), « La notion de loi interprétative », article précité.

* 189 Ibidem.

* 190 Ibid.

* 191 Ce d'autant plus que les lois interprétatives sont par essence des lois rétroactives ayant un régime contentieux particulier, sans que toutefois une confusion ne soit faite entre elles et les lois qu'on qualifie de lois « normalement » rétroactives à savoir les lois pénales plus douces et les lois de procédure dont la légitimité n'a jamais été contestée.

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