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Les interventions du législateur dans le fonctionnement de la justice administrative au Cameroun

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par Cyrille Arnaud FOPA TAPON Cyrille Arnaud
Université de Dschang Cameroun - Master 2012
  

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Paragraphe 2 : L'impact ou les effets des lois interprétatives

A cause de son statut à part dû à son caractère rétroactif, la loi interprétative produit des effets particuliers par rapport aux lois ordinaires, étant donné qu'elle influence non seulement le juge (A) dans sa compétence d'interprétation, mais également le cours du ou des procès (B), lorsque la loi interprétée faisait l'objet d'une application dans un ou dans plusieurs litiges dont les juges étaient appelés à connaître.

A- Les effets des lois interprétatives à l'égard du juge

Comme on le sait, le rôle d'interprétation revient normalement au juge, particulièrement en tant que « gardien du droit », à l'occasion d'un litige qui peut lui être soumis. Rien n'empêche cependant le législateur de mieux affirmer sa volonté. C'est donc la raison pour laquelle, lorsque ce dernier interprète, le juge est tenu de s'y conformer217(*), et il ne peut plus donner une nouvelle interprétation au texte qu'il est censé appliquer, car l'interprétation du législateur est réputée de ce fait authentique218(*).

1- Le respect par le juge de l'interprétation faite par le législateur

Dans la mesure où la loi interprétative apparaît comme un mode de réparation, qui officiellement reconnaît l'interprétation comme relevant du judiciaire219(*), le législateur peut toujours se substituer au juge pour interpréter lui-même la loi de façon substantielle220(*). C'est la raison pour laquelle, en tant qu'auteur d'une loi, le législateur est tenu de l'interpréter, et le juge doit s'y conformer et orienter sa décision dans le sens de l'interprétation faite par le législateur, même s'il avait déjà au préalable donné une interprétation au texte. Cela se justifie par le fait que le principe de la séparation des pouvoirs confie une tâche précise à chaque pouvoir : le législateur édicte les normes, le juge les interprète et les applique aux litiges qui lui sont soumis. Mais lorsqu'un problème d'interprétation se pose221(*), le législateur, en tant qu'auteur de la norme peut se substituer au juge. Certains auteurs se sont posé la question de savoir si le juge était tenu de se plier à l'interprétation faite par le législateur. La réponse à cette question se trouve dans les articles 4 et 5 du code civil de 1804 applicable au Cameroun. En effet, l'article 4 dispose que « le juge qui refusera de juger, sous prétexte de silence, de l'obscurité ou de l'insuffisance de la loi, pourra être poursuivi de déni de justice ». L'article 5 ajoute qu' « il est défendu aux juges de se prononcer par voie générale et règlementaire sur les causes qui lui sont soumises ».

Subséquemment, le principe de la séparation des pouvoirs, bien que prônant une égalité entre les pouvoirs, ne devrait pas perdre de vue qu'il existe une certaine hiérarchie entre les pouvoirs (surtout entre le législatif et le judiciaire), c'est-à-dire que le juge a obligation d'appliquer un texte édicté par le législateur. Le juge ne devrait pas justifier sa position222(*) par le fait que l'interprétation des textes ressortit de sa compétence, car comme on l'a si bien dit, rien n'interdit au législateur d'interpréter son propre texte, car cette interprétation est réputée authentique223(*).

2- La question du caractère rétroactif des revirements de jurisprudence liés à une loi interprétative

Prêter un effet déclaratif à la loi interprétative, croire qu'elle reconnaît le droit préexistant sans opérer de rupture ou introduire de modification, c'est, pour faire bref, nier l'existence même d'une jurisprudence source de droit224(*). S'il y a eu loi interprétative, c'est évidemment parce que l'interprétation précédemment retenue ne satisfaisait pas le législateur. La loi interprétative vient toujours faire échec à une interprétation prétorienne : elle n'est précisément rien d'autre « qu'un changement de jurisprudence d'origine législative »225(*). En première intention, c'est la solution du juge qu'il s'agit de mettre en mal. « La loi interprétative prétend opérer revirement de jurisprudence à droit constant »226(*).

En tant que tel, le problème du caractère rétroactif des revirements de jurisprudence se pose en ces termes : quels effets peuvent entraîner une reconnaissance du caractère rétroactif des revirements de jurisprudence? Si l'on admet que les revirements jurisprudentiels doivent avoir un effet rétroactif, ce sera porté atteinte aux droits acquis des justiciables reconnus par les décisions antérieures passées en force de choses jugées, et pour reprendre l'expression du Professeur MOLFESSIS, un revirement de jurisprudence à effet rétroactif produit des effets pervers227(*). Il reste qu'en toute hypothèse, un revirement de jurisprudence ne peut avoir lieu à droit constant : il est toujours une rupture avec le droit ancien, un droit ancien controversé et discuté certes, mais un droit désormais modifié228(*).

C'est la raison pour laquelle l'application aux instances en cours d'une loi interprétative consiste à lui conférer un effet rétroactif. C'est d'ailleurs, depuis bien longtemps, l'opinion de la très grande majorité de la doctrine. L'idée s'est progressivement affirmée en même temps que l'on reconnaissait à la jurisprudence un pouvoir créateur. Mais croire en la rétroactivité des lois interprétatives, c'est-a-dire croire qu'une solution nouvelle va s'imposer pour le passé, suppose qu'une règle distincte avait été antérieurement consacrée par la jurisprudence. Sous cet aspect, la loi interprétative peut bien avoir pour finalité de restaurer la signification méconnue ou controversée de la loi première, elle constituera tout de même une rupture avec la solution immédiatement applicable. Si elle n'est pas créatrice - en quoi elle mérite bien d'être qualifiée de loi interprétative -, c'est uniquement au regard du corpus législatif existant. Ce qu'elle déclare, c'est le sens de la loi, mais pas le « droit préexistant », comme l'affirme la Cour de cassation dans une formule qui réduit le droit a la loi229(*).

Or, une telle conception - réaliste - devrait conduire à remettre en question l'application automatique des lois interprétatives aux instances en cours, c'est-a-dire pour le cas où le législateur n'a fixé aucune règle de droit transitoire. La doctrine s'est pourtant toujours refusé à l'admettre230(*).

* 217 MALINVAUD (Ph.), « L'étrange montée du contrôle du juge sur les lois rétroactives », article précité.

* 218 Voir WERENNE (J.-C.), « Le concept de loi interprétative », article précité.

* 219 CORNU (G.), Droit civil : introduction, Les personnes, Les biens, Paris, Montchrestien, 5ième édition, 1991, p.127.

* 220 LEMIEUX (C.), « Jurisprudence et sécurité juridique : une perspective civiliste », article précité, p.237. 

* 221 Comme nous l'avons dit avec Jean-Christophe WERENNE, l'interprétation n'est jamais une mais multiple et diversifiée, car elle répond à une pluralité de buts et de nécessités.

* 222 C'est-à-dire au cas où il refuserait de se conformer à l'interprétation faite par le législateur.

* 223 Voir MOLFESSIS (N.), « La notion de loi interprétative », article précité ; WERENNE (J.-C.), « Le concept de loi interprétative », article précité.

* 224 MOLFESSIS (N.), « La notion de loi interprétative », article précité. 

* 225 Ibidem.

* 226 Ibid.

* 227 Ibid.

* 228 Ibid.

* 229 Ibid.

* 230 Voir cependant BARTHELEMY, « De l'interprétation des lois par le législateur », in RDP, 1908, p.480, qui considère qu'il est « absolument faux de prétendre ... que la loi interprétative est nécessairement rétroactive ». L'auteur estime qu'il faut présumer sa rétroactivité mais que le législateur peut y déroger en prévoyant expressément que la loi interprétative s'appliquera «  à l'avenir » ; cité par MOLFESSIS.

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