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Les interventions du législateur dans le fonctionnement de la justice administrative au Cameroun

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par Cyrille Arnaud FOPA TAPON Cyrille Arnaud
Université de Dschang Cameroun - Master 2012
  

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B- Immunité juridictionnelle absolue et actes portant désignation des chefs traditionnels

A la différence de la répression du terrorisme, les actes portant désignation des chefs traditionnels bénéficient d'une immunité juridictionnelle totale. Ils sont consacrés par la loi n°80/031 du 27 novembre 1980 dessaisissant les tribunaux des affaires relatives aux contestations soulevées à l'occasion de la désignation des chefs traditionnels267(*) dont l'article 1er dispose que : « les juridictions de droit commun et de l'ordre administratif sont dessaisies d'office de toutes les affaires pendantes devant elles et relatives aux contestations soulevées à l'occasion de la désignation des chefs traditionnels ». Ce texte est le prolongement logique de la loi n°79/17 du 30 juin 1979268(*) qui « constitue la première riposte législative à l'attitude un peu trop libérale au gré de l'Etat, du juge administratif »269(*). L'article 1er alinéa 1 de cette loi dispose que « par dérogation à l'article 9 de l'ordonnance n°72/6 du 26 août 1972 fixant l'organisation de la Cour Suprême, les contestations soulevées à l'occasion de la désignation des chefs traditionnels sont portées devant l'autorité investie du pouvoir de décision qui se prononce en premier et en dernier ressort ».

Avant l'adoption de ces lois, la situation était toute autre en la matière. Il convient de préciser que la procédure de désignation des chefs traditionnels est régie par le décret n°77/245 du 15 juillet 1977 portant organisation des chefferies traditionnelles270(*). C'est en relation avec l'article 16 dudit décret qui déclare que « les contestations soulevées à l'occasion de la désignation des chefs traditionnels sont portées devant l'autorité investie du pouvoir de désignation qui se prononce en premier et en dernier ressort » que le législateur vote la loi du 30 juin 1979 précitée, validant271(*) ainsi les dispositions de l'article 16. C'est suite au non respect de ces dispositions par le juge272(*) que le législateur va prendre une loi plus ferme, celle de 1980.

Par ailleurs, on peut constater une mise hors jeu du juge et l'ouverture d'une sorte de recours administratif correspondant au recours administratif classique273(*), car l'immunité juridictionnelle dont bénéficient ces actes est absolue. C'est donc sur cette base que le juge administratif (Assemblée Plénière de la Cour Suprême) se déclara dessaisi dans un arrêt de trois affaires pendantes devant lui274(*), et que la Chambre administrative se déclara incompétente pour les autres qui lui seront soumises ensuite275(*). Ainsi, il n'est point à douter que les actes de l'Administration comme celles du Parlement appellent à des sanctions, et force est de souligner qu'au vu de la configuration actuelle des forces politiques au Parlement, il n'est pas étonnant que le pouvoir prenne encore le risque « antidémocratique » d'emprunter la voie législative pour contrer toute velléité juridictionnelle276(*) ; le Parlement n'étant devenu que l'expression d'une majorité d'occasion dont l'intérêt particulier se confond à l'intérêt général et qui amène cette minorité gouvernante à oppresser la grande majorité277(*). Par conséquent, une mesure visant à inverser cette tendance fâcheuse de neutraliser le juge administratif s'impose.

A la lecture de la loi, au regard de sa formulation, on se serait attendu à ce que le juge administratif se déclarât seulement dessaisi des affaires pendantes et que pour toutes les autres à venir, il ne sente pas sa compétence affectée, « le dessaisissement n'étant pas synonyme d'incompétence »278(*). Malheureusement ce ne fut pas le cas, et le juge administratif a contribué lui-même à cet abus du législateur car si lui-même s'était montré audacieux279(*), il aurait contribué à la neutralisation du législateur.

Ainsi, on voit une fois de plus une immixtion exagérée du législateur dans le fonctionnement de la justice. Qu'en est-il des actes portant sur les limites des circonscriptions administratives ?

* 267 J.O. du 1er décembre 1980.

* 268 Loi n°79/17 du 30 juin 1979 relative aux contestations soulevées à l'occasion de la désignation des chefs traditionnels. J.O.R.U.C. du 1er juillet 1979.

* 269ATEMENGUE (J. de N.), article précité, p.104.

* 270 J.O.R.U.C. du 1er août 1977.

* 271 Car cela est une loi de validation du décret du 15 juillet 1977.

* 272 Jugement ADD n°66/CS/CA/78-79 du 31 mai 1979 KOUANG Guillaume Charles c/ Etat du Cameroun. Recueil MBOME, Yaoundé, 1990, p.106; jugement n°40/CS/CA/79-80 du 29 mai 1980 MONKAM TIENTCHEU David. Recueil MBOME, p.80.

* 273 Le recours administratif s'analyse par opposition au recours contentieux ou juridictionnel. Au Cameroun, le contrôle de la légalité administrative revêt deux formes possibles : il peut être administratif ou juridictionnel. Bénéficiant chacun des caractéristiques propres (le premier étant non contentieux et le second étant contentieux), ces recours ne s'excluent pas l'un l'autre : le recours administratif précède le recours juridictionnel, dans la mesure où l'administré qui se trouve lésé dans son droit par un acte administratif devra d'abord saisir l'autorité administrative, c'est après l'échec de celui-ci qu'il saisira, sous cette condition, le juge administratif. Ainsi, le recours administratif revêt deux formes : le recours hiérarchique porté devant le supérieur hiérarchique de l'auteur de la décision critiquée, et le recours gracieux porté devant l'auteur de l'acte même afin que ce dernier puisse bien vouloir rétracter ou modifier sa décision. Ces deux types de recours administratifs existent même sans texte.

* 274 BILONG (S.), article précité, p.54. Arrêt n°17/CS/AP du 19 mars 1981 : Etat du Cameroun c/ Enfants du Chef Banka ; Collectivité Deido-douala c/Etat du Cameroun ; KOUANG Guillaume Charles c/ Etat du Cameroun.

* 275 Jugement n°3/CS/CA du 25 mai 1989, EGBE BESSONG Alfred ; jugement n°262/CS/CA du 29 juin 1989 NKFU Simon NGWE c/ Etat du Cameroun ; jugement n°345/CS/CA du 3 novembre 1989 EYONG EGBE Martin etc.

* 276ATEMENGUE (J. de N.), article précité, p.107.

* 277 SIETCHOUA DJUITCHOKO Célestin, « Du nouveau pour la coutume en droit administratif camerounais : la constitutionnalisation de la coutume et ses conséquences », in Revue juridique Thémis, n°1, Volume 34, 2000, p.152.

* 278 BILONG (S.), « Le déclin de l'Etat de droit au Cameroun : le développement des immunités juridictionnelles », article précité, p.54.

* 279 Notamment dans l'affaire KOUANG Guillaume Charles, le juge administratif s'est laissé influencer lorsqu'il se déclare incompétent en matière de constitutionnalité des lois et par conséquent, il ne saurait statuer. SIETCHOUA DJUITCHOKO (C.), « Aspects de l'évolution des coutumes ancestrales dans le droit public des chefferies traditionnelles au Cameroun », in Revue Générale de Droit du Canada.

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