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Les interventions du législateur dans le fonctionnement de la justice administrative au Cameroun

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par Cyrille Arnaud FOPA TAPON Cyrille Arnaud
Université de Dschang Cameroun - Master 2012
  

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Paragraphe 2 : Les conséquences particulières des lois d'immunité juridictionnelle

Par conséquences particulières, nous entendons les conséquences liées aux droits et libertés des justiciables qui ne sont rien d'autre que les administrés. Dans la mesure où les lois d'immunité visent à « protéger l'Administration contre le juge », l'administré se trouve ainsi sacrifié car ne pouvant se prévaloir de son droit à un procès équitable. On assiste ainsi à une atteinte à la sécurité juridique (A) et au droit à un procès équitable (B).

A- Le problème de l'insécurité juridique des lois d'immunité juridictionnelle

« L'insécurité juridique se nourrit de l'inflation normative comme de l'instabilité des règles ou encore du déclin de l'art de légiférer »344(*). En tant que principe, la sécurité juridique s'entend comme la possibilité reconnue à l'opérateur économique, fiscal, à tout administré, d'évoluer dans un environnement juridique « sûr » parce qu'à l'abri des aléas et des revirements impromptus affectant les normes de droit345(*). C'est un principe selon lequel les justiciables doivent pouvoir compter sur une stabilité minimale des règles de droit et des situations juridiques346(*). Si la consécration du principe de sécurité juridique constitue un signal fort quant à l'orientation de la jurisprudence administrative, nous pensons toutefois que sa portée concrète ne doit pas être surestimée347(*).

Le principe de la sécurité juridique est un principe largement utilisé par le droit communautaire européen car rattaché directement à l'Etat de droit348(*). C'est un principe polysémique : il assure la protection contre la rétroactivité, la consolidation des situations individuelles, le respect des engagements, la promesse d'une relative stabilité de l'environnement juridique, la clarté et la cohérence de la règle de droit...349(*) il peut justifier une limitation des interventions du législateur dans le contentieux de certains actes, comme il peut légitimer ces interventions350(*), et ne conduit pas nécessairement à figer les situations juridiques au profit d'intérêts individuels, il prend également en compte des considérations d'intérêt général351(*).

Au Cameroun comme en France, ce principe n'est pas constitutionnellement reconnu. Nous pourrons donc dire que les lois d'immunité juridictionnelle constituent une atteinte à la sécurité juridique dans la mesure où, en retirant du contentieux certains actes administratifs qui sont censés être justiciables, on bouleverse des situations juridiques. Pour cela, la sécurité juridique pourra être invoquée comme ayant une valeur constitutionnelle. « En ce sens, elle ne représente pas un droit subjectif directement invocable par les particuliers, mais permettrait au juge constitutionnel de vérifier que les dispositions prises par le législateur répondent aux exigences qui relèvent de la sécurité juridique »352(*). Nous nous limiterons aux variantes que nous avons jugées importantes tout en rappelant que, comme nous l'avons dit plus haut, il en existe d'autres.

1- Une atteinte à la garantie des droits des justiciables

Les lois d'immunité juridictionnelle constituent une atteinte à la garantie des droits des justiciables que le juge administratif aurait reconnu si ces lois n'étaient intervenues. Contrairement au principe de confiance légitime, consacré par la jurisprudence communautaire européenne, le principe de la sécurité juridique permet la prise en compte d'exigence tenant à la fois à la protection de situations individuelles et à la défense d'intérêts collectifs353(*). Le droit au recours prévu dans la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples de 1981 en ses articles 7 et 26, consacré dans le préambule de la Constitution camerounaise, constitue pour les justiciables une garantie pour la protection de leurs droits. Cela est d'autant plus valable en droit administratif. Le droit au recours à une juridiction est donc l'une des applications fondamentales du principe de la sécurité juridique, à côté du droit reconnu à tout justiciable d'être entendu devant un tribunal compétent. Le justiciable se trouve ainsi dépourvu de ses droits les plus fondamentaux. L'instabilité juridique de certains actes administratifs dont le régime contentieux est sans cesse modifié ne favorise pas l'administré- justiciable, puisque ce dernier se présentera devant le juge pour faire valoir ses droits, et sera confronté à une dénégation de ses droits.

Ainsi, le justiciable se trouve désarmé ; il ne peut invoquer devant le juge l'irrégularité d'un acte administratif, qui en principe est susceptible d'être annulé et qui bénéficie de l'immunité juridictionnelle consacrée par le législateur. Il ne peut non plus se prévaloir de l'exécution de cet acte bien qu'illégal, s'il en est concerné, puisqu'il a obligation de s'y conformer. Il ne peut donc bénéficier du juge administratif la protection de ses droits constitutionnellement reconnus.

Cette atteinte à la garantie des droits des justiciables empêche la décision du juge, lorsqu'elle est déjà rendue, à produire des effets subséquents.

2- Une atteinte aux effets d'une décision juridictionnelle

Dans la mesure où l'action politique a pris la forme d'une gesticulation législative, l'inflation législative et la dégradation de la qualité de la loi sont des phénomènes trop connus par le juge administratif camerounais. A maintes reprises, le juge administratif a été contraint de se déclarer dessaisie ou incompétent, selon le cas.

Les lois d'immunité juridictionnelle portent ainsi atteinte aux décisions juridictionnelles passées en force de chose jugée, du fait de leur caractère rétroactif. Le législateur peut décider que tous les procès en cours seront régis par la nouvelle loi354(*). Toutes les affaires pendantes devant les juridictions et relatives aux domaines concernés se trouvent ainsi influencées. Il convient de préciser que l'avènement de la loi du 30 juin 1979355(*) relative aux contestations soulevées à l'occasion de la désignation des chefs traditionnels, n'a pas empêché le juge administratif de prendre des décisions allant à son encontre356(*). Ces décisions sont donc remises en cause par la loi du 27 novembre 1980357(*).

* 344 MOLFESSIS (N.), « Combattre l'insécurité juridique ou la lutte du système juridique contre lui-même », in E. D.C.E. 2006, n°58, pp.391-406.

* 345 HEERS Mireille, « La sécurité juridique en droit administratif français: vers une consécration du principe de confiance légitime », in Revue Française de Droit Administratif, septembre-octobre 1995, p.963.

* 346 GUILLIEN (R.) et VINCENT (J.), Lexique des termes juridiques, op.cit.

* 347 LANDAIS et LENICA, « Sécurité juridique : la consécration », AJDA, 2006, p. 1028.

* 348 MATHIEU (B.), « La sécurité juridique, un principe clandestin mais efficient », in Droit constitutionnel, Mélanges P. GELARD, Montchrestien, 1999, p.301.

* 349 Cf. PACTEAU Bernard, « La sécurité juridique, un principe qui nous manque? », in AJDA, 1995, n° spécial juin, p.151.

* 350 MATHIEU (B.), article précité, p.301, à propos des lois de validation et des lois interprétatives.

* 351 Ibidem.

* 352 Ibid.

* 353 MATHIEU (B.), « La sécurité juridique, un principe clandestin mais efficient », article précité.

* 354 C'est le cas des lois dessaisissant les juridictions des affaires relatives aux contestations soulevées à l'occasion de la désignation des chefs traditionnels, et relatives au règlement des litiges portant sur les limites des circonscriptions administratives, entre autres.

* 355 Loi n°79/17 du 30 juin 1979 relative aux contestations soulevées à l'occasion de la désignation des chefs traditionnels précitée.

* 356 Jugement N°66 ADD/CS/CA du 31 mai 1979, KOUANG Guillaume Charles précité.

* 357 Loi n°80/031 du 27 novembre 1980 dessaisissant les tribunaux des affaires relatives aux contestations soulevées à l'occasion de la désignation des chefs traditionnels précitée.

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