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La vente à  l'essai face au régime juridique des contrats à  distance

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par Florent SUXE
Université Panthéon-Sorbonne Paris 1  - Master 2 droit du commerce électronique et de l'économie numérique  2013
  

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§ 2 Les sanctions pénales et administratives d'un manque d'informations par le professionnel

Il existait auparavant des sanctions pénales générales à l'obligation d'information du vendeur en matière de prix consacrée par l'article L 113-3 du Code de la consommation.

En effet, le décret du 29 décembre 198652 considérait que la violation d'une telle obligation constituait dans certains cas une contravention de cinquième classe mais a été abrogé par un décret du 30 avril 200253, de sorte que tout risque de contravention semble écarté pour le vendeur sur ce fondement54. Les sanctions prévues par le Code de

52 Décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié fixant les conditions d'application de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence (J.O. 30 décembre).

53 Décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions d'application du livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, JORF n°103 du 3 mai 2002, p. 8055.

54 L'article R 121-1 du Code de la Consommation prévoit cependant qu'est puni d'une peine d'amende prévue pour les contraventions de cinquième classe, le fait de méconnaître les termes des article L 121-18 et L 121-19 du Code de la Consommation. En ce qui concerne le premier de ces articles, il n'est pas certain que la contravention soit constituée lorsque le vendeur viole les articles L 111-1 et L 113-3 du Code de la consommation. En effet, on ne sait pas si la contravention est seulement constituée lorsque le vendeur omet de délivrer l'une des mentions énumérées par la disposition, ou

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la consommation en ce qui concerne les pratiques commerciales déloyales présentent un risque cependant. En effet, l'article L 120-1 du Code de la consommation considère comme telle une pratique « contraire aux exigences de la diligence professionnelle » lorsqu'elle « altère, ou est susceptible d'altérer de manière substantielle, le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard d'un bien ou d'un service »55.

Le point II de cet article répute notamment comme telles les pratiques commerciales trompeuses définies aux articles L 121-1 et L 121-1-1 du Code de la consommation, de sorte que nous nous en tiendrons uniquement à l'analyse de ces dispositions qui font l'objet d'une sanction pénale précise.

Ainsi l'article L 121-1 I du Code de la consommation réprime les pratiques commerciales trompeuses par action à la différence du II qui traite des pratiques commerciales par omission.

Dans la mesure où le gestionnaire du site web ne formule pas d'allégations fausses ou de nature à induire en erreur, il nous semble que la responsabilité pénale de ce dernier ne pourrait être recherchée qu'au titre des pratiques commerciales par omission. En effet, c'est bien la rétention d'informations substantielles qui semble être problématique en l'espèce.

Bien que l'article L 121-1-1 du Code de la consommation vienne en aide au juge en lui fournissant une liste limitative de pratiques commerciales réputées trompeuses en toute

lorsqu'il viole également les articles L 111-1 et L 113-3 du Code de la consommation auxquels l'article L 121-18 renvoie. En revanche, concernant le second de ces textes, il ne fait aucun doute que le vendeur s'y conforme dès lors qu'il envoie à l'acheteur une facture détaillant l'ensemble du contenu de la malle et le prix de chacun des vêtements et accessoires, afin que l'acheteur puisse la consulter au moment de la livraison, de sorte qu'il ne fait aucun doute que l'information incriminée est délivrée sur un support durable.

55 L'autonomie de ce texte par rapport aux pratiques commerciales déloyales et aux pratiques commerciales agressives a été reconnue par la jurisprudence en matière civile, voir notamment C. Cass. Civ 1ère 12 juillet 2012, Hewlett Packard France/ UFC Que choisir, 11-18.807 Cependant il nous semble que des sanctions pénales ne puissent pas être envisagées en application de ce texte. En effet, le principe d'interprétation stricte de la loi pénale ne nous permet pas d'étendre les sanctions pénales propres à ces deux infractions aux pratiques commerciales déloyales, de sorte que selon le principe constitutionnel « Nullum crimen, nulla poena sine lege », considérer que la pratique commerciale déloyale visée au premier alinéa de l'article L 120-1 du Code de la consommation serait une infraction serait inconstitutionnel.

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circonstance56, il nous semble qu'aucune des pratiques énumérées dans cette liste ne correspond à la situation en présence.

L'article L 121-1 II du Code de la consommation répute comme pratique commerciale trompeuse celle qui « compte tenu des limites propres au moyen de communication utilisé et des circonstances qui l'entourent, [...] omet, dissimule ou fournit de façon inintelligible, ambiguë ou à contretemps une information substantielle ou [...] n'indique pas sa véritable intention commerciale dès lors que celle-ci ne ressort pas déjà du contexte.

Dans toute communication commerciale constituant une invitation à l'achat et destinée au consommateur mentionnant le prix et les caractéristiques du bien ou du service proposé, sont considérées comme substantielles les informations suivantes :

1° Les caractéristiques principales du bien ou du service ;

2° L'adresse et l'identité du professionnel ;

3° Le prix toutes taxes comprises et les frais de livraison à la charge du consommateur, ou leur mode de calcul, s'ils ne peuvent être établis à l'avance... »

Cet article tend donc à réprimer le professionnel qui omet de délivrer certaines informations susceptibles d'être qualifiées comme substantielles aux yeux des consommateurs.

L'alinéa 2 vient en aide au juge afin de déterminer dans quels cas les informations sont substantielles, et fait logiquement référence aux caractéristiques principales du bien ou du service et au prix toutes taxes comprises.

Il nous semble que cet alinéa est applicable à la situation présente dans la mesure où l'offre de vente qui est faite à l'acheteur sur le site internet constitue bien une invitation à l'achat au sens de la directive du 11 mai 200557 relative aux pratiques commerciales déloyales vis-à-vis des consommateurs. En effet, est considérée comme telle au sens de

56 Cet article institue une présomption irréfragable en considérant que certains comportement limitativement énumérés doivent être qualifiés comme tels sans qu'il soit besoin faire la preuve d'un élément moral.

57 Directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant les directives 84/450/CEE, 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE et le règlement (CE) n° 2006/2004 (directive sur les pratiques commerciales déloyales).

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l'article 2 de ladite directive « une communication commerciale indiquant les caractéristiques du produit et son prix de façon appropriée en fonction du moyen utilisé pour cette communication commerciale et permettant ainsi au consommateur de faire un achat ».

Il n'est cependant pas certain que l'élément matériel de cette infraction soit établi dans la mesure où l'article prévoit que le caractère trompeur doit être établi en prenant en compte les circonstances qui entourent la pratique.

A cet égard, on peut penser que la disposition entend prendre en compte la spécificité des situations. Ainsi, en notre espèce, un bon moyen de défense pourrait consister à démontrer que l'effet de surprise proposé par le vendeur et accepté par l'acheteur était une circonstance de nature à neutraliser la pratique commerciale trompeuse.

Il faut cependant analyser les autres éléments de l'infraction au cas où un juge considérerait que l'élément matériel est établi. Ainsi, un délit est toujours composé d'un élément intentionnel comme le rappelle l'article L 121-3 du Code pénal qui dispose « il n y a pas de délit sans intention de le commettre ».

Cependant, depuis 2009, la jurisprudence de la Cour de cassation est instable sur la qualification de cet élément intentionnel. En effet, après avoir fait montre d'une conception très large de cet élément en matière de pratique commerciale trompeuse par un arrêt du 15 décembre 200958 aux termes duquel, sans contester le caractère intentionnel de cette infraction, elle considérait cependant qu'elle était commise dès lors que la loi avait été violée, la Cour de cassation a consacré une interprétation plus stricte de cet élément par un arrêt du 23 mars 201059. En effet, elle considère par cette décision que la négligence du professionnel ayant omis de délivrer au consommateur des informations substantielles ne peut lui être imputable que s'il a connaissance des textes qu'il a violés. Ainsi, il serait donc nécessaire qu'il ait uniquement conscience de violer les textes sans pour autant avoir la réelle intention de tromper le consommateur.

58 Cass. Crim, 15 Déc. 1989, n° de pourvoi 09-83.059, Bull crim 2009, n° 212.

59 Cass. Crim, 23 mars 2010, n° de pourvoi 09-82.545.

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Cette jurisprudence nouvelle fait preuve de réalisme dans la mesure où peu de professionnels respectent scrupuleusement la loi. Néanmoins, cette décision n'est pas parfaite dans la mesure où elle tendrait en l'espèce à sanctionner le gestionnaire de site web qui a pris de la peine de s'informer de la législation applicable alors même qu'un de ses concurrents qui se serait inscrit dans son sillage sans avoir fait cet effort n'encourrait pas de sanction pénale. En outre, même si cette décision est moins menaçante pour le professionnel que celle rendue en 2009, il n'en reste pas moins qu'elle ne prend pas en compte la spécificité de chacune des situations.

Ainsi, en l'espèce, le gestionnaire du site web qui se serait renseigné aurait parfaitement conscience de violer les règles qui s'imposent à lui en matière de transparence et de loyauté informationnelle. Pour autant, il n'aurait aucunement l'intention de tromper ses clients. Nous pensons donc que la jurisprudence devrait revenir à une conception plus stricte encore du délit de pratique commerciale trompeuse en exigeant une réelle intention de tromper.

Imaginons d'ailleurs qu'un professionnel ait l'intention de tromper le consommateur en ayant cependant aucune conscience qu'il viole les règles qui lui sont applicables, un tel comportement serait difficilement pris en compte par la jurisprudence de la Cour de Cassation.

La qualification de l'infraction de pratique commerciale trompeuse est donc un enjeu de taille. En effet, les sanctions actuelles sont lourdes à l'égard de la personne qui la commet mais le sont encore plus dans la version actuelle du projet de loi relatif à la consommation. Effectivement, l'article L 121-6, renvoyant aux articles L 213-1 et L 213-6 du Code de la consommation, pour la détermination des peines, punit d'une peine de deux ans d'emprisonnement et d'une amende de 37 500 euros la personne responsable de l'infraction, le montant de l'infraction étant multiplié par cinq pour les personnes morales. Ainsi la société exploitant le site internet de vente à distance encourrait une peine de 187 500 euros.

Pourtant, désireux d'introduire des sanctions plus dissuasives à l'égard du professionnel, le législateur a considérablement aggravé le montant de la peine

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d'amende au sein du projet de loi relatif à la consommation60, en hissant son montant à 300 000 euros de sorte qu'une personne morale encourrait une sanction pénale de 1 500 000 euros61.

Cependant, il est respectivement ajouté à l'alinéa 2 de cet article ainsi qu'à l'article L 121-4 du Code que la peine peut être portée à 50 % du montant des dépenses de publicité et que le tribunal peut ordonner la publication du jugement. Ainsi, en l'espèce, un juge pourrait faire monter le montant de l'amende à un niveau supérieur à 187 500 euros, ou dans le futur, à 1 500 000 euros si les dépenses d'investissement nécessaires à la publicité s'avéraient être deux fois supérieures à ce montant.

Le projet de loi relatif à la consommation réitère la possibilité pour le juge de procéder à la publication du jugement en précisant qu' « en cas de condamnation, le tribunal peut ordonner, par tous moyens appropriés, l'affichage ou la diffusion de l'intégralité ou d'une partie de la décision, ou d'un communiqué informant le public des motifs et du dispositif de celle-ci. »

Une telle mesure pourrait évidement être très périlleuse pour l'entreprise dont l'image de marque est un élément capital dans lequel les consommateurs placent leur confiance.

Concernant les sanctions administratives cette fois, le projet de loi relatif à la consommation les introduit pour la première fois pour sanctionner l'obligation d'information du professionnel, en consacrant au Code de la consommation un nouvel article L 111-5 aux termes duquel « tout manquement aux dispositions des articles L 111-1 à L 111-3 du Code de la consommation est passible d'une amende administrative dont le montant ne peut excéder 3000 euros pour une personne physique et 15 000 euros pour une personne morale. 62».

60 Projet de loi n° 1015, relatif à la consommation, enregistré à la présidence de l'Assemblée nationale le 2 mai 2013.

61 Notons que cette somme est largement supérieure à celle qui est prévue par le Code pénal au cas où un crime aurait été commis par une personne morale (1 million), alors même qu'il s'agit d'une infraction d'une gravité jugée supérieure.

62 Une même sanction s'applique lorsque le prix ne peut être raisonnablement calculé à l'avance du fait de la nature du bien ou du service et que le professionnel s'en tient à la simple fourniture d'un mode de calcul.

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Une telle sanction apparaît véritablement objective, dans la mesure où il est précisé qu'elle est de nature administrative. Ainsi, la circonstance selon laquelle le professionnel aurait omis de délivrer certaines informations exigées par les articles L 111-1 et suivants sans avoir néanmoins eu l'intention de tromper le consommateur serait parfaitement inopérante. A défaut, cette sanction se rapprocherait d'une sanction pénale où l'intention est communément exigée. Si le projet venait donc à être adopté tel quel, le gestionnaire du site web encourrait un véritable risque, en plus des sanctions pénales qu'il pourrait éventuellement encourir au titre des pratiques commerciales trompeuses.

Comme nous venons de le voir, le Code de la consommation rend le professionnel débiteur d'une obligation d'information très lourde lorsqu'il propose une fourniture de biens à distance. Si le bien-fondé des sanctions peut être discuté eu égard à la spécificité de la prestation assurée par le gestionnaire du site web qui fait l'objet de la présente étude, il n'en reste pas moins qu'un véritable risque existe de ce point de vue.

Il s'agit donc pour l'entreprise gestionnaire du site de faire un choix entre perdre une certaine originalité afin de mieux se conformer aux obligations prévues par le Code de la consommation ou gérer financièrement le risque juridique.

D'autres risques sont également à redouter, ainsi comme nous allons le voir, le code civil instaure une véritable procédure d'échange des consentements lorsque le contrat à distance est conclu par voie électronique, dont le non-respect semble faire obstacle à la formation du contrat.

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand