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Les états et la construction de l'union africaine: le cas de la Libye et du Sénégal

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par Romaric TIOGO
Université de Dschang - Master II 0000
  

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B- La remise en cause des ressources diplomatiques mobilisées?

Aujourd'hui, il est important de s'interroger sur le crédit qu'on peut accorder tant à la Cen-Sad(1) qu'à l'assemblée des rois, sultans, princes, cheikhs et chefs coutumiers africains, toutes constituées par Tripoli pour peser de leur poids dans le processus de construction de l'UA (2).

1- La crédibilité de la Cen-Sad en jeu

S'agissant de la Cen-Sad, deux questions fondamentales suscitent notre attention. D'abord, les Etats qui la composent partageaient-ils forcément les véritables motivations de la Libye et de son leader ? Ensuite, l'intégraient-ils librement ?

Sur le premier point, il convient de souligner rapidement que certains pays qui ont intégré la Cen-Sad que le Guide libyen appelle de ses voeux la « base de l'Union Africaine » sont majoritairement des pays pauvres en ressources dont la Libye dispose à profusion. Aussi, certains sont farouchement menacés par le péril désertique qui ne cesse de prendre de l'ampleur dans la zone sahélo-saharienne. Sur le coup, ils trouvaient en ce pays un bailleur d'aide débonnaire au développement, ce qui leur permettait de financer leurs économies afin de baisser les tensions sociales dans leurs pays. Comme l'a expliqué Emmanuel GREGOIRE, « la Cen-Sad procède d'une logique rentière : en entrant dans ce club, la plupart des Etats africains, globalement pauvres, saisissent l'opportunité économique et financière proposée par l'auteur du Livre Vert » 490(*). L'instinct de survie qui poussait certains de ces Etats à intégrer cette communauté paraît répondre à la logique qu'ils le faisaient pour plus de nécessité que de conviction. Le projet des « Etats-Unis d'Afrique » du Guide libyen semblait relayé au second plan. Aussi, s'il est vrai que KADHAFI affirme que la Cen-Sad représente « l'écrasante majorité au sein de l'Union Africaine »491(*), il faut tout de même mettre un bémol. Car, le Nigeria et l'Egypte qui sont deux poids lourds dans l'UA et par ailleurs membres de ce club n'ont pas toujours défendu, comme nous le verrons avec le cas spécifique du Nigeria, la position libyenne à l'UA. La majorité dont s'est prévalue la Libye n'est en réalité que de façade.

Sur le second point portant sur l'adhésion à la Cen-Sad, si celle-ci était volontaire pour des pays qui disposent d'une certaine capacité de se départir des positions couramment défendues par KADHAFI, il n'en était pas toujours de même pour les Etats « faibles » parfois contraints au regard de la grande « capacité de nuisance » du Guide libyen. Selon l'hebdomadaire Jeune Afrique, le colonel KADHAFI est le « parrain » des rebelles touaregs qui déstabilisent le Mali. « Un coup Kadhafi les soutient un coup, il finance leur réinsertion dans le civil : 40 millions de dollars pour ceux de Kidal, 10 millions de dollars pour ceux de Tombouctou »492(*). Comme l'a par ailleurs confessé un diplomate ouest-africain, « si ATT493(*) a déroulé le tapis rouge à Kadhafi, c'est parce que la Libye finance les rebelles touaregs »494(*). En ce qui concerne le Président EL-BECHIR du Soudan, il a formellement exprimé son voeu de voir KADHAFI renversé. Car, il est persuadé que sans l'aide de Tripoli, le Mouvement pour le Justice et l'Egalité (JEM) n'aurait pas atteint les faubourgs de Khartoum en 2008495(*). L' « antikadhafisme » soudanais a grandi d'autant que le ministre des Affaires étrangères du Président El-BECHIR, AIL AL Karti, a clairement révélé son soutien militaire au CNT en arguant que : « Kadhafi nous a fait trop de mal. Sans lui, le Soudan ne serait pas divisé »496(*).

Alors, par l'argent et les menaces de déstabilisation, la Libye a pu recruter des Etats qui devaient porter ses projets à l'Union via la Cen-Sad. Ce qui jette un doute sur la coordination des stratégies d'ensemble au sein de cette communauté. Lorsqu'on sait par ailleurs que la Cen-Sad est en grande partie tributaire des financements du Guide libyen, déchu, il y a des risques que le 10ème sommet de cette CER de l'UA - qui eut lieu à Cotonou en 2008 - en soit le dernier. Si elle lui survit même, il n'est pas certain qu'elle poursuive encore l'objectif d'une UA forte. C'est ce qu'on peut regretter, lorsqu'une organisation dépend non pas des institutions fortes mais d'un individu. Aussi, que devient l'association des chefs traditionnels admise à l'UA ?

2- A propos du sort de l'assemblée des chefs traditionnels à l'UA

On peut également s'interroger sur le poids à concéder aux chefs traditionnels, mieux à la chefferie traditionnelle dans le processus de construction de l'UA. Une nouveauté dont le Guide libyen aurait seul maîtrisé les enjeux réels. Si pour Georges BALANDIER, « la tradition n'est pas incapable d'énoncer, l'hégémonie politique tel que formulé par la modernité étatique »497(*), on peut par ailleurs se demander si cette hégémonie peut avoir des effets prolifiques dans une organisation internationale comme l'UA. Depuis leur admission à l'UA, les chefs traditionnels appuyés par KADHAFI demandaient à y renforcer leur visibilité par l'acquisition d'un statut « d'observateurs ». Les chefs d'Etat sont restés sourds à cette revendication qui leur a paru plutôt comme une instrumentalisation de la part du colonel KADHAFI. Pour certains comme le Président MUSEVENI, sa tendance à vouloir faire légitimer les chefs traditionnels tranche nettement avec sa stratégie de domination dans l'Union.

Lors du 12ème sommet de l'UA par exemple, le colonel Kadhafi a offert un spectacle des plus inhabituels à ses pairs. Au cours de leur assemblée, il a donné la parole à sa majesté TCHIFFI ZIE Jean Gervais, représentant des chefs qui a introduit ses collègues afin que chacun dise au « président de l'Afrique » (KADHAFI) ce que les peuples du continent attendent de lui. Irrités par cette parade des « rois », le Président Y. K.MUSEVENI, est sorti de ses gongs : « s'il y a un seul Ougandais parmi ces escrocs, je le flanquerais en prison dès son retour au pays »498(*).

Au regard de ces menaces qui visent plutôt à intimider les rois à cause de l'attitude du Guide libyen, quelques inquiétudes sont à partager. D'abord, celle de savoir si ces derniers pouvaient ostensiblement jouer leur rôle au sein de l'UA face à certains chefs d'Etat intransigeants qui n'étaient pas prêts à les admettre dans ce qu'ils considéreraient comme leur propriété. Ensuite et cela nous semble fondamental, que peuvent devenir les « copains » du Guide libyen et leur statut d'« observateurs » avec, quand on sait qu'il a quitté le pouvoir par la petite porte?

Vraisemblablement, le statut réclamé aurait pu leur donner une certaine crédibilité. Ce qui leur permettrait de survivre même après le Guide libyen. S'il est vrai qu'il semble un peu tôt de trancher sur leur situation au sein de l'UA, on peut se demander si, même maintenus au sein de cette organisation, ils bénéficieront des largesses des chefs d'Etat comme c'était le cas avec KADHAFI. Au demeurant, le multilatéralisme société civile/acteurs politiques devant être la chose la mieux partagée à l'UA, leur maintien constituerait une décision courageuse marquant la spécificité africaine. Car, ils pourraient jouer un rôle socialisateur majeur au niveau de « la base populaire ». Ceci est soutenable dans ce sens que les peuples africains les moins instruits ou coupés des moyens de s'informer ne savent pas grand-chose de cette UA qui est supposée les unir. Nous soulignerons enfin que l'important est non pas de regarder la personne de celui qui a initié leur acceptation au sein de l'UA, mais de mesurer surtout l'ampleur du rôle qu'ils sont susceptibles de jouer dans sa construction. Car, l'UA ne mourra pas avec l'assassinat du Guide libyen qui l'a initiée. Au-delà des incertitudes portant sur les ressources diplomatiques libyennes, le Sénégal connaît aussi, de temps en temps, des obstacles qui lui sont propres.

* 490Il est en ce moment-là directeur de recherche à l'Institut de Recherche pour le Développement (IRD), cité par MEYER (J.-M.), « Cen-Sad, mode d'emploi », op.cit., p. 24.

* 491 Voir le discours du Guide libyen, op.cit.

* 492 BOISBOUVIER Christophe et PERDRIX Philippe « Fini le temps de l'allégeance », dans Jeune Afrique N° 2617 du 6 au 12 mars 2011. p. 25.

* 493 Amadou Toumani Touré est le président de la République du Mali.

* 494 BOISBOUVIER (C.) et (P.) op. cit., p. 25.

* 495 Ibid, p. 26.

* 496 Propos tenus par AIL AL Karti lors du journal télévisé sur les antennes d'Africa 24 le 28 août 2011.

* 497BALANDIER Georges, cité par SINDJOUN Luc, L'Etat ailleurs. Entre noyau dur et case vide, Paris, Economica, 2002, p. 78.

* 498Voir YERIM SECK (C.), « Au secours, Kadhafi arrive ! », op. cit., pp. 34-36.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus