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Les états et la construction de l'union africaine: le cas de la Libye et du Sénégal

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par Romaric TIOGO
Université de Dschang - Master II 0000
  

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PARAGRAPHE II : LA FRAGILITE ATAVIQUE DU SENEGAL

Le Sénégal est comme nous l'avons vu, très impliqué dans le processus de construction de l'UA. Cependant, la tâche ne paraît pas aisée eu égard aux facteurs défavorables souvent rencontrés. Ces écueils sont de deux ordres à savoir la création d'une dépendance financière accrue vis-à-vis de l'extérieur d'une part et la fragilité dont il souffre depuis son accession à la souveraineté internationale d'autre part.

Le problème du financement ayant été évoqué dans le cadre du troisième chapitre de cette étude, nous n'y reviendrons plus profondément au risque de nous répéter. Toutefois, Il convient au moins de retenir que cette dépendance financière constitue un obstacle majeur dans la mesure où rien de concret ne peut être réalisable comme cela a été démontré sans ressources financières considérables. C'est le cas en ce qui concerne surtout la construction d'une organisation continentale comme celle dont nous faisons la sociologie. Lorsque le Président WADE prend par exemple position pour le départ de KADHAFI manu militari pour la raison qu'il n'a « rien fait pour l'Afrique »499(*) parce qu'il a « n'a pas  financé le NEPAD »500(*), il paraît incompris. Car, iI est douteux que son approche largement discursive puisse efficacement impulser la construction de l'UA. Ainsi, nous nous appesantirons sur la situation interne de ce « petit » pays d'Afrique de l'ouest en proie au spectre de la division.

En effet, malgré une stabilité politique interne acceptable501(*), le Sénégal n'a pas toujours été un havre de paix. Dès 1960, année de son indépendance, une partie de la population de la Casamance502(*) souhaite l'autonomie pour leur région au nom de son identité spécifique503(*). En effet, les Diolas qui habitent la Casamance n'apprécient pas d'y voir arriver des Wolofs souhaitant pouvoir venir y cultiver de l'arachide. Dans ce contexte, le 26 décembre 1982, des manifestants séparatistes504(*) avec à leur tête l'abbé Diamacoune SENGHOR, armés de coupe-coupe et autres armes blanches, pénètrent à Ziguinchor, la capitale régionale de la Casamance, pour réclamer l'indépendance. Le Sénégal découvre alors l'existence d'un homme d'église qui prend la tête d'un mouvement séparatiste dénommé MFDC (Mouvement des Forces Démocratiques de Casamance) ou « Atika », (qui signifie la flèche ou encore combattant en langue locale diola) qui est la branche armée du MFDC. Conflit dit de « faible intensité »505(*), le mouvement irrédentiste casamançais a déjà occasionné de nombreuses victimes en 29 années de crise506(*) ayant même parfois des effets nuisibles dans des pays voisins comme la Guinée-Bissau et la Gambie507(*). A ceci, il faut ajouter les pertes financières enregistrées depuis la naissance de ce conflit.

Les séparatistes casamançais ont une conception très large de ce qu'est la Casamance (puisqu'ils l'étendent jusqu'à la Falémé) et ne manquent pas d'évoquer périodiquement la perspective d'une future union avec la Gambie et la Guinée-Bissau. Parmi les points de discordes avec les autorités de Dakar, outre l'impérialisme culturel des Wolofs dénoncé, se trouvent les accusations faites à l'encontre du pouvoir central qui aurait à la base délaissé le développement de la Casamance. Contrairement au « miroir aux alouettes »508(*) que constitue la région de Dakar, AMADY Aly DIENG relève que « le type de mise en valeur du Sénégal sur la base de l'arachide a contribué à créer des régions périphériques comme le Fleuve Sénégal, la Casamance, le Sénégal Oriental. Cet inégal développement des régions à la suite de la mise en valeur du bassin arachidier a sa part de responsabilité dans la crise casamançaise ».

Pendant longtemps, en effet, Dakar n'avait souhaité accorder d'envergure politique509(*) et encore moins internationale à ce mouvement séparatiste. Mais de 1996 à 2009, des pourparlers de paix se sont périodiquement déroulés entre le MFDC et une commission nationale. En septembre 1997 par exemple, l'abbé Diamacoune SENGHOR avait envoyé une lettre à ses ouailles pour les appeler à cesser les violences mais, sans toutefois mettre fin a sa lutte pour l'indépendance de la Casamance. Dans sa lettre-déclaration, le rebelle en soutane précisait qu'il « désavoue, réprouve et condamne toute forme de violence et d'agression contre les personnes et leurs biens »510(*). Ces déclarations seront suivies d'effets car, Dakar va octroyer une enveloppe de 114 milliards de FCFA pour le développement économique de la région. Après différents nouveaux combats, l'abbé Diamacoune SENGHOR qui avait été relâché sera de nouveau arrêté le 26 décembre 1999. Puis, la maladie du dirigeant charismatique du MFDC va créer des luttes de pouvoir au sein du mouvement. Toutefois, un accord de paix est signé le 20 décembre 2004. A la fin de l'année 2006, l'abbé Diamacoune SENGHOR, rongé par la maladie, est évacué à Paris par les autorités sénégalaises afin d'y subir des soins où il meurt en janvier 2007.

Aujourd'hui, ses successeurs déchirés par les joutes du pouvoir réclament un référendum pour faire « cesser les conflits en Casamance ». C'est dans cette perspective qu'en 2010, Ansoumana BADJI (qui dispute le poste de secrétaire du MFDC à Jean-Marie François BIAGUI) a adressé une lettre au Président de la commission de l'UA Jean PING, à Ban KI MOON de l'Organisation des Nations Unies et à l'UE en vue d'attirer leur attention sur l'opportunité d'un référendum devant rendre la région autonome. Selon lui, « les gens veulent la fin du conflit en Casamance et le seul moyen d'y parvenir c'est d'organiser un référendum »511(*). Soutenant son option, il renchérit que « la question relative à la Nation ne s'impose pas. Elle ne se décrète pas, non plus, mais se construit. Or, dans notre cas, entre le Sénégal et la Casamance, tout nous oppose. La culture, l'organisation sociale, les pratiques religieuses, la géographie, l'histoire, tout nous oppose »512(*).

Enfin, cette crise est extrêmement ruineuse pour l'Etat sénégalais. Selon Mamadou Lamine DIALLO de TEKKI, le Sénégal a injecté plus de 2500 milliards de F CFA dans cette crise depuis son éclosion.

Même si les armes ont temporairement cessé de crépiter dans cette partie méridionale du Sénégal, la paix y demeure encore très fragile pour le moment, au regard des velléités sécessionnistes qui rejaillissent et dont la finalité est de morceler le « petit » pays qu'est le Sénégal. De plus, les anciennes zones d'affrontement sont parsemées de mines anti-personnel et le conflit a poussé une partie des populations à migrer vers l'intérieur. Ce conflit mal connu en Afrique est à vraie dire un « caillou dans la chaussure » du Sénégal qui aspire se projeter sur la scène continentale. Car, il devra non seulement se démener pour le résoudre, mais aussi, le risque de perdre son contrôle sur cette région considérée comme le « grenier du Sénégal »513(*) le rendrait davantage dépendant de l'extérieur. Toute chose qui n'est pas de bon augure pour ses ambitions panafricaines. Pour le moment néanmoins, il est contraint de construire l'UA avec un « ennemi » interne.

Au-delà des obstacles socio-économiques, politiques et culturelles propres entre autres au Sénégal et à la Libye, sont apparues de façon reconnaissable d'autres entraves. Celles-ci proviennent de leur environnement externe et pèsent d'un poids vraisemblable sur le processus de construction d'un « espace pertinent pour l'action »514(*) en Afrique.

* 499Propos tenus par le président Wade lors de l'interview accordée à Africa24 le 11 septembre 2011.

* 500 Ibid.

* 501 Le Sénégal est l'un des rares pays ouest-africain n'ayant jamais connu de coup d'Etat en 51 ans d'indépendance.

* 502Découverte et occupée successivement par les Portugais, les Anglais et les Français, la région de la Casamance, séparée d'une grande partie du reste du territoire du Sénégal par un État étranger, la Gambie, occupe la partie méridionale du Sénégal. Initialement constituée d'une seule entité depuis l'indépendance du Sénégal en 1960, elle a été divisée à partir de 1984, en deux régions : la région de Kolda d'une superficie de 21 011 km2 estimée à 932 014 habitants et celle de Ziguinchor d'une superficie de 7 300 km2 avec une population de 517 141 habitants. Pour beaucoup de Casamançais, il s'agit d'une stratégie du « gouvernement sénégalais » qui vise à les diviser afin de les rendre plus faibles.

* 503DUMONT (G.-F.) et KANTE (S.), op. cit., p. 124.

* 504Parmi les événements qui ont contribué au pourrissement de la crise casamançaise, on peut citer entre autres la sévère répression par les forces de l'ordre sénégalaises de la marche indépendantiste de 1982 à Ziguinchor sur la gouvernance, la grève des lycéens ayant abouti à la mort de l'élève Idrissa Sagna, tué par la balle d'un policier, l'arrestation de l'abbé Diamacoune Senghor condamné à cinq ans de prison ferme, etc. Pour approfondir, Lire BOUCOUNTA Diallo, La crise casamançaise : Problématique et voies de solutions, L'Harmattan, 2009,154 p. ; MARUT Jean-Claude,« Le problème casamançais est-il soluble dans l'Etat- nation ?», http://www.cean.pdf , consulté le 18 juillet 2011.

* 505 AMAÏZO EKOUE (Y.), De l'économie de l'insécurité à l'économie durable », dans Afrique Education, op. cit., p. 20.

* 506 En 1990, d'importants affrontements, causant environ 150 morts, opposent l'armée sénégalaise et les séparatistes. Puis, le 31 mai 1991, d'autres heurts ont encore lieu. En 2011, le nombre de morts suite aux affrontements est estimé à près de 800 personnes. Lire respectivement MARUT (J.-C.), op. cit., p. 125, et CARAYOL Rémy, « Casamance. De guerre lasse », dans Jeune Afrique, N° 2642 du 28 août au 3 septembre 2011, p. 37.

* 507La Gambie par exemple n'a pas toujours été tranquille avec une Casamance instable. En 1994, 1996, et 1999, elle a été confrontée à des menées subversives venues de cette région du Sénégal. Voir FALL Elimane, « Quand la Casamance se prend à réfléchir », dans Jeune Afrique Economie N° 291 du 12 juillet au 1er août 1999, p. 89.

* 508 FAYE Mamadou M., « Mes vérités sur la crise casamançaise », http://www.walf.sn/, consulté le 18 juillet 2011.

* 509 MARUT (J.-C.), op. cit., p. 3.

* 510 FALL (E.), « Quand la Casamance se prend à réfléchir », op. cit., p. 88

* 511 Propos recueillis par SANE Idrissa Benjamin, voir le site http://www.popxibaar.com /, consulté le 18 Juillet 2011.

* 512 Il convient de signaler aussi que le soulèvement dans cette région a eu, au début, l'air d'une croisade. C'est après la démission de Léopold Sédar Senghor en 1982, président catholique, auquel succéda Abdou Diouf, musulman, que l'abbé Diamacoune Senghor se portera à la tête d'un mouvement armé. Les premières victimes de cette insurrection meurtrière furent d'ailleurs des imams de mosquées.

* 513 Outre la crise qui décourage les investisseurs dans cette région, il faut noter qu'en plus des usines de pêche qui ont fermé les portes, la Casamance qui produisait 200.000 tonnes de riz en 1982 en fait deux fois moins aujourd'hui. Cf. CARAYOL (R.), op. cit. p. 37.

* 514 SMOUTS (M-C.), cité par TAGLIONI François, La régionalisation : un processus mondial, p.3. Disponible sur http://www.scribd.com/doc/54687495/2/, consulté le 18 juillet 2011.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams