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La protection des salariés face au harcèlement sexuel

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par Emeline LOREK
Faculté de Droit de Montpellier - Master 1 - Droit social 2015
  

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PARTIE II ) Les mesures de protection postérieures aux

actes de harcèlement sexuel

Par le biai de l'alerte du salarié, du témoin ou des institutions représentatives du personnel86 , des actes de harcèlement sexuel peuvent être signalés et donc réprimés. Cependant, il convient avant toute décision que ces faits soient effectifs ; ils doivent pour cela être analysés. L'employeur aura alors la tâche d'analyser les causes de la survenance de tels agissements, de les caractériser correctement et de ne surtout pas écarter la qualification de harcèlement sexuel qui peut, aux premiers abords, surprendre et effrayer.

L'ANI du 26 mars 201087 sur le harcèlement et la violence au travail prévoit une procédure pouvant être mise en place afin d'identifier, de comprendre et de traiter les phénomènes de harcèlement et de violence dans l'entreprise. Elle prévoit donc le respect de l'anonymat des parties, un traitement de la situation dans les plus brefs délais, le traitement équitable des parties, le recueil d'informations suffisamment précises et concrètes ainsi qu'une discrétion sans faille88.

Une fois les faits caractérisés , il conviendra de prendre des mesures de répression (Chapitre I) puisqu'il en va de la logique que tout acte répréhensible doit être sanctionné puis, il conviendra aussi de s'intéresser au devenir du salarié victime de ces faits délictueux (Chapitre II).

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86 ) Supra

87 ) Supra

88 ) Article 4.2 de l'ANI du 26 mars 2010 / Annexe 1

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Chapitre I ) La répression des agissements de harcèlement sexuel

Une fois, le délit de harcèlement sexuel constaté ou même rapporté , la victime souhaitera forcément que « justice soit faite » et entendra obtenir une réparation pécuniaire même si aucune somme d'argent ne peut véritablement ni réparer, ni effacer le préjudice subi notamment d'un point de vue psychologique. Il aurait pu être envisageable de mettre en place une procédure de médiation entre la victime et son harceleur de manière à permettre la poursuite du contrat de travail du salarié dans des conditions plus sereines mais, ce moyen est uniquement applicable aux cas de harcèlement moral . En effet, les autres risques psychosociaux ne sont pas visés par les textes et ne peuvent donc pas faire l'objet d'une telle procédure de faveur. C'est donc le cas du harcèlement sexuel qui ne peut faire l'objet que de contentieux ou entraîner des mesures disciplinaires (Section 1) avec la mise en jeu de responsabilités diverses (Section 2) .

Section 1) Les procédures de répression

La victime de harcèlement sexuel ou de réalisation de risques psychosociaux en général peut engager une action judiciaire devant les juridictions civiles et/ou pénales. L'action civile se fera devant le Conseil de prud'hommes (A) et l'action pénale devant le tribunal correctionnel (B) . Ces deux procédures ont toutes deux des portées différentes. Tandis que la première a pour but la réparation du dommage, la deuxième, quant à elle, a pour but la condamnation de la personne qui se serait rendue coupable d'agissements répréhensibles et l'attribution de dommages et intérêts pour la victime .

De plus, hors du contentieux, la répression peut être mise en mouvement avec une procédure disciplinaire à l'encontre de l'auteur des faits de harcèlement sexuel par l'employeur en vertu de son pouvoir disciplinaire (C ).

A ) Le recours devant le Conseil de prud'hommes

Le Conseil de prud'hommes est compétent pour connaître de tous les litiges nés à l'occasion du contrat de travail89. Il peut donc faire cesser les agissements fautifs dont fait partie le harcèlement sexuel et octroyer des dommages-intérêts90.

89 ) Article L.1411-1 du Code du travail

90 ) Cass. Soc., 18 juin 2002, n° 00-44.483

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D'ailleurs, il existe des règles spécifiques concernant les actions en justice en matière de harcèlement. Ainsi, les règles de preuve sont aménagées et les syndicats peuvent mener une action en faveur de la victime . Ces règles ne régissent que le harcèlement et non pas les autres risques psychosociaux qui, eux, restent soumis aux règles de droit commun telles que la charge de la preuve qui pèse sur le demandeur91, par exemple.

Concernant l'initiative du recours, l'action en justice est ouverte à tout salarié qui s'estime victime d'un harcèlement sexuel , qu'il l'ait subi ou qu'il ait refusé de le subir ou le salarié victime de discriminations suite à ces actes ou suite au témoignage qu'il aurait apporté. De plus, tout candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation dans l'entreprise peut intenter une action devant le Conseil de prud'hommes92.

Cette action peut être introduite dans les 5 ans qui suivent les agissements délictueux selon l'article 2224 du Code civil. Le point de départ de ce délai court à compter du dernier acte de harcèlement de l'auteur présumé93.

Ensuite, cette action peut attraire la personne de l'employeur en raison notamment de sa responsabilité civile engagée au moindre risque psychosocial réalisé, même si il n'en est par l'auteur. L'action peut aussi attraire l'auteur présumé du harcèlement peu importe qu'il soit un salarié puisque le Conseil de prud'hommes est compétent pour connaître des litiges entre deux salariés94. Enfin, l'action peut aussi être faite à la fois, à l'encontre de l'employeur et d'un salarié.

Ensuite, concernant la particularité du régime de règlement du contentieux concernant des faits de harcèlement, les organisations syndicales ont leur rôle à jouer.

En effet, les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise peuvent exercer en justice des actions relatives à un harcèlement moral ou sexuel. Cependant, il faudra qu'elles aient un accord écrit de la victime. Cette dernière pourra toujours intervenir à l'instance engagée par le syndicat ou même y mettre fin95.

Mais, si le salarié ne donne pas son accord, est-il possible que le syndicat engage une action en justice dans l'intérêt collectif de la profession ? Ceci est, de manière générale, possible et réservé à tout syndicat professionnel qui exercera alors une action devant la juridiction de son choix. Il faudra cependant que les faits portent un préjudice direct ou même indirect à l'intérêt collectif de la profession représentée. Or, petite subtilité, une telle action a été refusée en matière de viol et de

91 ) Article 1315 du Code civil

92 ) Article L .1154-1 du Code du travail

93 ) TFPUE, 8 février 2001 , affaire 59/09

94 ) Article L.1411-3 du Code du travail

95 ) Article L.1154-2 du Code du travail

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harcèlement sexuel et ce, parce que les faits fautifs ne portaient pas atteinte à l'intérêt collectif de la profession96. Ce mode dérogatoire ne semble donc pas applicable au harcèlement sexuel étudié ici.

Puis, concernant la charge de la preuve, un régime particulier au harcèlement a été instauré. Trois temps composent ce régime.

L'article L.1154-1 du Code du travail prévoit dans un premier temps qu'en cas de litige relatif à un harcèlement sexuel, c'est au plaignant d'établir les faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement.

Ensuite, il incombera ensuite à la partie défenderesse (soit l'employeur et/ou le salarié présumé harceleur) de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement sexuel et que si des décisions ont été prises , qu'elles sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement97.

Enfin, le juge formera sa conviction après avoir ordonné toutes les mesures d'instruction utiles en cas de besoin.

L'innovation tient ici en ce que la charge de la preuve du harcèlement ne pèse pas sur le salarié victime puisque ce dernier n'est tenu que de rapporter des faits qui permettraient de présumer l'existence d'un harcèlement sexuel. De ce fait, le juge ne peut pas demander au salarié de rapporter la preuve d'un lien de causalité entre les agissements et d'éventuels problèmes de santé98. Selon un arrêt de la Chambre sociale en date du 19 octobre 2011, il appartient aux juges du fond de dire si tous les faits présentés par le salarié, dès lors qu'ils sont établis, et seulement ceux-là, pris dans leur ensemble sont de nature à laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral (en l'espèce), puis de vérifier si les éléments de preuve fournis par l'employeur démontrent que les agissements litigieux sont étrangers à tout harcèlement. Les dires du salarié victime ont donc une place de premier choix ici puisque seules des allégations motivées de l'employeur ou du salarié présumé harceleur peuvent les renverser , le tout sous le regard appréciatif du juge.

Enfin, seuls la victime, le témoin et le syndicat (lorsqu'il exerce son action de substitution) peuvent se prévaloir de cet aménagement de la charge de la preuve et ce, seulement face à un cas de harcèlement.

Au niveau des éléments de preuve, ils doivent être précis et circonstanciés99. De simples allégations ne sont pas valables. Il faut donc des éléments objectifs tels que des témoignages de

96 ) Cass. Crim., 23 janvier 2002, n° 01-83.559

97 ) Cass.Soc., 24 septembre 2008 et 22 mars 2011

98 ) Cass.soc., 30 avril 2009, n°07-43.219

99 ) CA Toulouse, 16 mars 2000 , n°98-3965

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collègues, de tiers, des certificats médicaux... En matière de harcèlement sexuel, des témoignages recueillis au cours d'une enquête pénale auprès de salariés et de clients de l'entreprise attestant que le comportement et l'attitude du dirigeant étaient souvent déplacés ou, en tout cas, ressentis comme tels par le personnel et la clientèle féminins ont été considérés comme présumant l'existence d'un harcèlement sexuel100. Une même présomption a été retenue pour des SMS adressés par l'employeur à sa salariée.

Cependant, selon un arrêt de la Cour d'appel de Paris du 13 décembre 2007 (n°06-7969) le salarié n'a produit aucun élément permettant de présumer de l'existence d'un harcèlement sexuel lorsqu'il produit seulement ses propres courriers et réclamations.

Il est donc aisé de remarquer que les juges désirent des éléments véritablement concrets et objectifs. Le juge doit tenir compte de l'ensemble des éléments évoqués et ne pas examiner isolément chaque fait 101. Le risque à examiner chaque fait de manière isolée est d'écarter un à un les éléments comme non probants alors qu'ensemble, une fois ajoutés les uns aux autres ils forment un tout caractérisant un harcèlement.

La réparation du préjudice peut se faire par l'octroi de dommages et intérêts auprès de l'employeur et/ou du salarié harceleur. Des indemnités peuvent donc être versées par ces deux personnes car la reconnaissance de la responsabilité civile du salarié auteur du harcèlement n'exonère pas l'employeur de sa propre responsabilité. Aucune de leurs responsabilités n'est exclusive l'une de l'autre. Ces responsabilités seront étudiés ultérieurement102.

B) Le recours devant la juridiction pénale

Dans le cadre du procès pénal, le harceleur peut être condamné à une peine d'amende et d'emprisonnement. Il convient toute fois de déterminer si les faits peuvent être poursuivis (1) et comment engager les poursuites (2).

1) Les faits justifiant l'action pénale

Les faits justifiant une action pénale doivent être prévus dans un text : l'infraction doit être définie légalement . Une telle exigence s'explique par le fait que le harceleur devait être en mesure de savoir que les actes qu'il a commis étaient prohibés et susceptibles d' engager sa responsabilité pénale. Il est possible de citer à titre d'exemple les injures, les diffamations, les menaces de

100) CA Paris, 28 septembre 2011, n°10-4073

101) Cass.soc., 7 juin 2011, n°09-69.903

102) Infra Titre II, Chapitre I, Section II

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commettre un crime ou un délit, les harcèlements, les blessures ou homicide involontaires, les discriminations...

Concernant, le harcèlement sexuel , cette notion a été très controversée.

En effet, une décision de la Chambre criminelle du 29 février 2012 a considéré que présentait un caractère sérieux au regard de la légalité des délits et des peines, la QPC portant sur l'article 222-33 du Code pénal103 en ce que la définition du harcèlement sexuel pourrait être considérée comme insuffisamment claire et précise, dès lors que le législateur s'est abstenu de définir le ou les actes qui doivent être regardés,au sens de cette qualification, comme constitutifs de harcèlement sexuel.

Le 4 mai 2012, le Conseil constitutionnel a délivré une décision QPC constatant que les dispositions de l'article 222-33 du Code pénal étaient contraires à la Constitution comme méconnaissant le principe de légalité des délits et des peines, en ce qu'elles permettent que le délit de harcèlement sexuel soit punissable sans que les éléments constitutifs de l'infraction soient suffisamment définis. Ainsi, le texte a été abrogé à compter du jour de la publication de la décision soit, le 5 mai 2012. Les affaires qui n'étaient alors pas jugées définitivement104 se sont heurtées à cette abrogation.

Le Ministère de la Justice a invité les magistrats à ne plus appliquer les règles de droit du travail relatives au harcèlement sexuel au risque qu'elles fassent elles aussi l'objet d'une QPC, soient abrogées et mettent en péril la sécurité juridique déjà mise à mal105. Un vide juridique cuisant régnait alors et afin de le combler tant bien que mal , le Ministère de la justice a tenté de le compenser par des mesures106 :

- les juridictions d'instruction ou de jugement qui avaient été saisies de poursuites pour
harcèlement sexuel, avant la décision QPC, pouvaient requalifier les faits lorsque ceci était possible en délit de violence, de harcèlement moral, d'agression sexuelle.

- Les victimes qui ne pouvaient voir les faits requalifiés avaient le droit, sur le fondement de
l'article 1382, de saisir le juges civil afin d'être indemnisées.

- La victime pouvait , lorsqu'elle avait déjà saisi la juridiction répressive pour des faits de
harcèlement sexuel, demander directement à la juridiction des dommages-intérêts réparant son préjudice et les remboursement de ses frais de procédure non pris en charge par l'État 107.

Les poursuites et les condamnations pour délit de harcèlement sexuel ont alors été impossibles

103) L'article 222-33 du Code pénal était alors rédigé ainsi : « Le fait de harceler autrui dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000€ d'amende »

104) Toutes celles dont les voies de recours n'étaient pas encore expirées.

105) Circ. Crim 10.780 du 10 mai 2012

106) Circ. Crim 2012-15 du 7 août 2012

107) Cette faculté est prévue par l'article 12 de la loi 2012-954 du 6 août 2012 et permet à la victime de gagner du temps et de ne pas engager de nouveaux frais pour la saisine du juge civil.

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entre le 5 mai 2012 et le 8 août 2012, date d'entrée en vigueur du nouvel article 222-33 du Code pénal , définissant de manière plus précise ce délit.

Parfois, un même comportement peut être réprimé par plusieurs textes qui entrent alors en conflit. Il convient alors de déterminer lequel sera applicable.

A titre d'exemple, il est possible de considérer l'interdiction de sanctionner ou de licencier un salarié qui aurait refusé de subir des faits de harcèlement sexuel. L'article L.1153-2 du Code du travail et l'article 225-1-1 du Code pénal entrent en conflit. Le Code du travail prévoit alors une amende de 3 750€ et un emprisonnement d'un an tandis que le Code pénal prévoit une amende de 45 000€ et un emprisonnement maximal de trois ans. Selon une circulaire du 7 août 2012, la sanction la plus sévère est appliquée. C'est donc la sanction prévue par le Code pénal qui sera appliquée ici.

2) La procédure

Dans un premier temps , il est possible de déposer une plainte simple. De manière générale celle ci s'effectue au bureau de police ou de gendarmerie le plus proche. Après enquête, cette plainte est remise au Procureur de la République qui décidera de la suite à donner108. Cette plainte peut aussi être adressée par la victime directement au Procureur, par écrit et ce, en vertu des articles 40 et 40-1 du Code de procédure pénale.

Puis, il est possible de porter plainte avec constitution de partie civile. Celle-ci est faite par écrit devant le juge d'instruction compétent et ne concerne que les crimes et les délits. La contravention est exclue. En matière de délit, cette plainte n'est recevable qu'après le dépôt d'une plainte simple que le Procureur aurait classé sans suite ou laissé sans réponse durant plus de trois mois109.

De plus, la victime peut également faire citer directement l'auteur présumé du délit devant la juridiction pénale. La victime devra alors faire établir un acte d'huissier l'invitant à se présenter devant cette juridiction110.

Il semble utile de rajouter que la juridiction compétente est le tribunal correctionnel en matière de délits tels que le harcèlement sexuel. Ce tribunal compétent est celui du lieu où l'infraction a été constatée ou commise ou du lieu de résidence de la personne poursuivie. En matière de délits, est

108) Poursuites pénales, mesure alternative (sauf la médiation puisqu'elle est non-applicable en matière de harcèlement sexuel) ou classement sans suite.

109) Articles 85 et suivants du Code de procédure pénale

110) Articles 390 et suivants du Code de procédure pénale pour les délits / Articles 550 et suivants du Code de procédure pénale pour les contraventions.

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également compétent le tribunal du lieu d'arrestation ou de détention111.

De plus, l'action publique se prescrit par 3 ans pour les délits tels que le harcèlement sexuel. Cette prescription peut être interrompue en cas de poursuite ou d'instruction112 comme une plainte avec constitution de partie civile ou une citation directe. Cependant, une plainte simple adressée au Procureur ne constitue pas un acte de poursuite de de ce fait, n'interrompt pas le cours de la prescription113.

Par la suite, le juge pénal ,dans son intime conviction, pourra , au vu des preuves, décider si la personne poursuivie est coupable de l'infraction. En matière pénale, l'aménagement des règles de preuve en faveur des personnes victimes d'un harcèlement114 est inapplicable115.

L'infraction peut être établie par tout mode de preuve. Cependant, ces preuves doivent avoir été discutées contradictoirement devant lui.

Ensuite, petite particularité du recours au pénal, les preuves produites par les parties, obtenues de manière déloyale ou illicite, ne sont pas écartées. La Chambre criminelle de la Cour de cassation affirme qu'aucune disposition légale ne permet au juge répressif d'écarter pour ce seul motif un moyen de preuve et qu'il lui appartient seulement d'en apprécier la valeur probante après débat contradictoire 116. Un enregistrement d'images ou de conversations, effectué à l'insu de l'employeur ou du salarié auteur peut donc être recevable.

Enfin, étant donné que la décision pénale s'impose au juge civil, la juridiction civile saisie d'une demande en réparation du dommage causé par une infraction devra surseoir à statuer dans l'attente de la décision du juge répressif.

C) Le recours à une mesure disciplinaire

En vertu de son obligation de sécurité de résultat, l'employeur se doit de mettre fin à toute situation engendrant des cas de souffrance au travail. Il peut donc sanctionner l'auteur des faits et le licencier (2).

Tout d'abord, seul un comportement fautif peut faire l'objet d'une sanction disciplinaire mise en oeuvre par l'employeur (1). C'est donc le cas du comportement qui porte atteinte à la santé physiques et morale des salariés.

111) Articles 381, 382, 521 et 522 du Code de procédure pénale

112) Article 7 du Code de procédure pénale

113) Cass. Soc., 11 juillet 2012 , n° 11-87.583

114) Article L.1154-1 du Code du travail , Supra

115) Cons. Const. 12 janvier 2002, n° 2001-455 DC

116) Cass. Crim., 11 juin 2002 , n°01-85.559

1) 50

Les faits fautifs

L'employeur demeure libre concernant le choix de la sanction mais elle doit tout de même être proportionnelle à la faute commise sous peine d'annulation par le juge. De plus, lorsqu'un règlement intérieur est en vigueur dans l'entreprise, l'employeur ne peut pas prononcer d'autres sanctions que celles qui y sont prévues117. Les sanctions pécuniaires sont interdites par l'article L.1331-2 du Code du travail.

La loi dispose que tout salarié ayant procédé à des actes de harcèlement sexuel est passible d'une sanction disciplinaire118.

La Cour de Cassation considère que les faits de harcèlement sexuel commis par un salarié sont de nature à rendre impossible le maintien de leur auteur dans l'entreprise et constitue nécessairement une faute grave119. Il y a donc ici une véritable protection du salarié victime et une véritable sévérité envers un salarié présumé harceleur. Sa présence dans l'entreprise est rendue impossible ; il n'est même pas possible de simplement séparer les deux salariés120.

Une fois que le harcèlement sexuel est établi, l'employeur est fondé à licencier l'auteur de ces agissements après lui avoir notifié une mise à pied conservatoire , au besoin. Cependant, il n'est pas obligé de prononcer une sanction d'une telle dureté. Il peut aussi choisir de prononcer une mutation disciplinaire121, une rétrogradation122 ou une mise à pied disciplinaire123. Le juge n'a alors pas son mot à dire concernant la sanction et ne peut ni aggraver la sanction donnée , ni ordonner le licenciement de l'auteur 124. L'employeur engagera tout de même sa responsabilité pour manquement à son obligation de prévention du harcèlement s'il ne prend pas les mesures adaptés visant à faire cesser ces faits et si il a permis que de tels comportements persistent.

2) La sanction disciplinaire

Afin de sanctionner un salarié, l'employeur doit respecter des règles en matière disciplinaire. Selon l'article L.1332-4 du Code du travail, la procédure disciplinaire doit être engagée dans les deux mois qui suivent la date à laquelle l'employeur a eu connaissance des faits délictueux. Si

117Cass. Soc., 26 octobre 2010 , n°09-42.740

118) Article L.1153-6 du Code du travail

119) Cass. Soc., 5 mars 2002, n°00-40.417 et 24 septembre 2008, n°06-46.517

120 ) Cass. Soc., 24 octobre 2012, n° 11-20.085

121 ) CA Douai, 30 juin 2009, n°09-356

122 ) CA Metz, 27 mai 1997 , n° 96-3038

123 ) Cass. Soc., 2 février 2011 , n°09-42.824

124 ) Cass. Soc., 1er juillet 2009 , n°07-44.482

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l'employeur tarde à prononcer sa sanction , il ne pourra plus se prévaloir de la faute grave125. L'engagement de la procédure peut être engagé de deux manières différentes :

- le prononcé d'une mise à pied conservatoire en cas de faute grave126

- la convocation à un entretien préalable 127

L'employeur sera alors tenu de vérifier l'effectivité et la gravité des faits lorsqu'ils sont portés à sa connaissance. Il n'a pas à attendre une éventuelle saisine du Conseil de prud'hommes ou de la juridiction pénale128.

Cependant, une fois le délai de deux mois passé , l'employeur n'a en principe aucun moyen d'agir de manière disciplinaire concernant le fait prescrit et ce, sauf si un nouveau fait fautif est constaté , à condition que les deux fautes découlent d'un comportement similaire.

Concernant, l'entretien préalable, il est obligatoire sauf si la sanction prévue est un avertissement ou une sanction de même nature qui n'a pas d'incidence sur la présence dans l'entreprise, la fonction, la rémunération, la carrière du salarié selon l'article L.1332-2 du Code du travail.

Le salarié est convoqué à cet entretien par une lettre remise en main propre contre décharge ou par lettre recommandée avec accusé de réception. Ladite lettre indiquera alors l'objet de la convocation, la date, le lieu, l'heure de l'entretien et la possibilité de se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise. En l'absence d'institutions représentatives du personnel, il faudra mentionner la faculté de se faire assister par un conseiller de son choix inscrit sur une liste départementale129 et le lieu où trouver cette liste130. De plus, si le licenciement disciplinaire est envisagé, il faudra l'indiquer dans la lettre de convocation.

L'entretien se tiendra alors dans les deux mois qui suivent la convocation et si la sanction envisagée est un licenciement, l'entretien ne pourra se tenir moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la convocation131.

Lors de cet entretien, l'employeur doit expliquer le motif de la sanction prévue et laisser le salarié s'expliquer. Ce qu'il pourrait dire lors de l'entretien ne peut constituer une cause de licenciement, sauf abus.

125 ) Cass. Soc., 24 novembre 2010 , n°09-40 .928

126 ) Cass.Soc., 15 avril 1996, n°93-40.113

127 ) Cass. Soc., 5 février 1997, n°94-44.538

128 ) F.Lefebrve , Harcèlement et risques psychosociaux, Ed. Francis Lefebvre , 2012

129 ) Cass.Soc., 19 juillet 1995 , n°91-44.832

130 ) Cass.Soc., 20 juin 2000, n°98-41.386

131 ) Article L.1232-2, alinéa 3 du Code du travail

52

Concernant la notification de la sanction, elle doit préciser les motifs de cette décision.

Lorsque la sanction consiste en une modification du contrat de travail, l'employeur doit recueillir l'avis du salarié qui peut refuser ou accepter. En cas de refus, le salarié peut alors voir une autre sanction prononcée contre lui comme un licenciement pour faute grave si les faits le justifient132.

La sanction est notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception et est adressée au salarié plus de deux jours ouvrables après la date de l'entretien selon les articles L.1332-2 et L.1232-6 du Code du travail. La sanction disciplinaire doit être notifiée dans le délai maximum d'un mois après la date de l'entretien même si le salarié ne s'est pas présenté133.

Enfin, un éclairage succinct doit être apporté dans le cas particulier de la sanction à l'encontre des salariés protégés. Le salarié protégé, en cas de faute grave, peut se voir notifié une mise à pied dans l'attente d'une décision définitive à son encontre.

Le Comité d'entreprise peut être consulté afin d'émettre un avis si le licenciement concerne un délégué du personnel ou un membre du comité d'entreprise, y compris un représentant syndical. Le Comité d'entreprise devra alors recevoir des informations précises afin de se prononcer en toute connaissance de cause.

Ensuite, après cet avis, l'employeur doit saisir l'inspecteur du travail d'une demande de licenciement dans les 15 jours qui suivent l'avis du Comité d'entreprise. Après enquête, il devra rendre sa décision dans un délai de 15 jours, 8 jours en cas de mise à pied conservatoire.

Cette décision peut faire l'objet d'un recours hiérarchique devant le Ministre chargé du travail dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'inspecteur ou un recours devant la juridiction administrative.

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