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La protection des salariés face au harcèlement sexuel

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par Emeline LOREK
Faculté de Droit de Montpellier - Master 1 - Droit social 2015
  

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Section 2) L'avenir du contrat de travail de la victime

La victime d'un harcèlement sexuel peut être placée en arrêt de travail. Pendant ce temps, son contrat est suspendu dans l'attente de sa réintégration. Si il a été absent au moins 30 jours, sa réintégration est subordonnée à un examen médical pratiqué par le médecin du travail . Si l'arrêt de travail était de moins de 30 jours, l'employeur devra informer le médecin du travail pour que celui-ci apprécie l'opportunité d'organiser une visite médicale. Il conviendra donc d'étudier le devenir du contrat de travail en cas de réintégration ou d'impossibilité de reclasser suite à un arrêt de travail (A).

Le salarié peut aussi, de son plein gré, choisir de mettre fin à son contrat de travail en démissionnant (B), en prenant acte de la rupture (C ) ou demander la résiliation judiciaire de son contrat (D).

A) Les situations possibles après un arrêt de travail

Tout arrêt de travail pour accident du travail d'au moins 30 jours impose d'organiser une visite de reprise auprès du médecin du travail (1) . En cas de reconnaissance d'une maladie professionnelle liée au harcèlement sexuel, cette visite est obligatoire et ceci, peu importe la durée de l'arrêt de travail165. Le but de cet examen est de vérifier l'aptitude du salarié à reprendre son poste de travail (2) ou d'envisager un reclassement (3) qui, si il s'avère impossible, peut déboucher sur une rupture du contrat de travail (4). Tant que cette visite n'a pas eu lieu, le contrat de travail est réputé suspendu même si le salarié a repris son poste et perçoit son salaire166.

1) L'organisation de la visite

Concernant l'initiative de l'organisation de la visite, c'est à l'employeur qu'elle incombe. Dès qu'il a connaissance d la fin de l'arrêt de travail, il doit saisir le médecin du travail afin de fixer une date d'examen et ce, même si le salarié refuse de reprendre le travail167. Selon l'article R.4624-23 du Code du travail, cette visite doit avoir lieu dans les 8 jours qui suivent la reprise du travail par le salarié. L'employeur devra informer le salarié de la date de cette visite par tout moyen.

En cas de carence de l'employeur, le salarié peut prendre directement rendez-vous avec le médecin du travail et en informer son employeur. A défaut d'information de l'employeur, cette visite

165 ) Article R.4624-24 du Code du travail

166 ) Cass.Soc. 22 mars 1989, n° 86-43.655

167 ) Cass.Soc., 19 juin 2001, n°99-40.868

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ne sera pas qualifiée de visite de reprise et n'en aura pas les effets168.

L'employeur qui manque à son obligation d'organiser la visite encourt des sanctions pénales prévues par l'article L.4745-1 du Code du travail et peut être condamné à verser des dommages et intérêts au salarié.

Si le salarié refuse de passer cette visite de reprise sans motif légitime, l'employeur peut lui interdire de reprendre le travail. Si le salarié persiste malgré les relances de l'employeur, il commet une faute grave pouvant justifier son licenciement169.

2) La décision du médecin du travail

Le médecin du travail va, lors de cette visite, se prononcer sur l'aptitude du salarié à reprendre le travail.

· Le salarié peut être déclaré apte. Dans ce cas, il retrouve son précédent emploi. Si il n'est plus disponible ou n'existe plus, il doit être réintégré dans un emploi similaire assorti d'une rémunération équivalente selon l'article L.1226-8 du Code du travail, principe repris par la Chambre sociale le 25 février 1997170. L'emploi similaire est celui qui garanti un poste de même niveau, sans impact négatif sur la rémunération et la qualification du salarié 171.

Si le salarié refuse de reprendre le travail pour lequel il a été déclaré apte , il commet un acte d'insubordination. Si il persiste, il commet une faute grave pouvant justifier un licenciement. Ceci semble courant pour les salarié victimes de harcèlement sexuel qui appréhendent leur retour dans l'entreprise. D'autres solutions s'offrent alors à eux.

· Le salarié peut être déclaré apte avec réserves. Le salarié est autorisé à reprendre son travail sous conditions. Le médecin peut formuler des propositions individuelles d'aménagement ou de transformation de poste172. En cas de désaccord de l'employeur avec l'avis du médecin du travail, les parties peuvent exercer un recours devant l'inspecteur du travail dans un délai de deux mois173.

Si le salarié conteste la compatibilité de son poste avec les recommandations du médecin du travail, l'employeur doit saisir à nouveau ce dernier pour avis174.

Si l'employeur ne parvient pas à trouver un poste compatible avec ces recommandations, il peut solliciter auprès du médecin du travail une seconde visite en vue de constater l'inaptitude du salarié.

168 ) Cass.Soc., 20 janvier 2010, N°08-44.240

169 ) Cass.Soc., 17 octobre 2000, n°98-46.334

170 ) Cass.Soc., 25 février 1997, n° 94-41.351

171 ) Cass.Soc., 26 mai 2010, n° 08-43.152

172 ) Article L.4624-1 du Code du travail.

173 ) Articles L.4624-1 et R.4624-31 du Code du travail

174 ) Cass.Soc., 23 septembre 2009, n° 08-42.629

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Il ne peut cependant pas reclasser de sa propre initiative le salarié sans tenir compte des préconisations formulées175.

· Le salarié peut être déclaré inapte. Dans ce cas, sauf en cas de danger immédiat pour le salarié ou si, au cours des 30 jours précédent cet examen , le salarié a bénéficié d'une visite de pré-reprise, son inaptitude médicale ne sera constatée qu'à l'issue d'une seconde visite médicale.

Les deux examens seront espacés d'au moins deux semaines. Bien souvent, lors de la première visite, le médecin du travail fixe déjà la date de la seconde. Si ceci n'est pas fait, l'employeur devra se charger de prendre ce rendez-vous.

Pendant cette période qui sépare les deux examens le salarié doit rester à la disposition de son employeur qui lui fournira du travail et le rémunérer normalement.

Si le médecin prononce finalement l'inaptitude du salarié, il en informe les parties par écrit. Le salarié qui travaillait encore doit cesser son activité et l'employeur doit engager une procédure de reclassement. Cette décision peut être contestée par le salarié et l'employeur dans un délai de deux mois devant l'inspecteur du travail.

3) L'obligation de reclassement de l'employeur

L'employeur peut donc être amené à reclasser son salarié. L'employeur doit donc proposer un autre emploi et ceci, peu importe que le salarié fusse sous contrat à durée indéterminée176 ou déterminée177. L'employeur ne peut jamais échapper à son obligation de reclassement.

Lorsque l'inaptitude du salarié est d'origine professionnelle notamment en raison des troubles psychiques liés au harcèlement sexuel, les délégués du personnel doivent être consultés. Cette consultation est postérieure à la constatation régulière de l'inaptitude et antérieure à la proposition de reclassement. Pour ce faire, l'employeur devra fournir aux délégués un maximum d'éléments afin qu'ils se prononcent en toute connaissance de cause. Il peut être dispensé de cette obligation lorsqu'il justifie de l'absence de délégués du personnel par un procès-verbal de carence. En cas de licenciement pour inaptitude d'origine professionnelle et impossibilité de reclassement sans consultation préalable des délégués du personnel , ce licenciement est réputé sans cause réelle et sérieuse ce qui ouvre droit pour le salarié à des indemnités178. Lorsque l'inaptitude est d'origine professionnelle suite à un harcèlement sexuel notamment, et hors réintégration, cette indemnité sera

175 ) Cass.Soc., 14 juin 2007, n°06-41.377

176 ) Articles L.1226-2 et L.1226-10 du Code du travail

177 ) Article L.1226-20 du Code du travail

178 ) Cass.Soc., 13 décembre 1995, n°92-44.490

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alors égale aux 6 derniers mois de salaire si l'intéressé a au moins 2 ans d'ancienneté et appartient à une entreprise de 11 salariés et plus179. Ceci est aussi applicable lorsque l'obligation de reclassement n'a pas été respectée.

Cette consultation qui n'aurait pas eu lieu constitue aussi un délit d'entrave aux fonctions des délégués du personnel180.

Concernant le poste recherché par l'employeur, il doit être approprié aux indications de l'avis du médecin du travail et le plus ressemblant possible à l'emploi que le salarié occupait précédemment. Après des actes de harcèlement sexuel, le salarié peut être véritablement fragilisé notamment par la prise de médicaments du type antidépresseur. Il est alors possible de recourir à des mutations, des transformations de poste ou des aménagements du temps de travail selon les articles L.1226-2 et L.1226-10 du Code du travail.

Le reclassement sera recherché parmi les postes disponibles dans l'entreprise même ceux qui feraient l'objet d'un contrat à durée déterminée181.

La recherche se fera alors dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe parmi celles dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel182.

Les propositions qui seront faites au salarié devront être précises et notamment préciser la qualification, les horaires et la rémunération183. La salarié sera alors en droit d'accepter ou de refuser. Si il refuse, ceci ne constitue pas une faute. L'employeur devra seulement reprendre les recherches et proposer d'autres postes.

En cas d'absence de poste disponible, il pourra engager une procédure de licenciement en raison de l'impossibilité de reclassement184. Cependant, avant toute procédure de licenciement, l'employeur doit informer le salarié de son impossibilité de le reclasser. En cas de manquement à cette obligation le salarié pourra percevoir des dommages et intérêts réparant le préjudice subi185.

4) L'éventuelle rupture du contrat

En cas de refus par le salarié ou d'impossibilité de reclasser, l'employeur peut être amené à

179 ) Article 1235-3 alinéa 2 du Code du travail

180 ) Cass.Crim., 26 janvier 1993

181 ) Cass.Soc., 23 septembre 2009, n°08-44.060

182 ) Cass.Soc., 16 novembre 2011, n°10-19.518

183 ) Cass.Soc., 7 mars 2012, n°10-18.118

184 ) Cass.Soc., 26 janvier 2011, n°09-43.193

185 ) Cass.Soc., 9 mai 1990, n° 86-41.874

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prononcer un licenciement ou la rupture anticipée du contrat à durée déterminée.

Dans un contrat à durée indéterminée, l'employeur doit respecter la procédure de licenciement pour motif personnel prévue par les articles L.1232-1 et suivants du Code du travail soit, convocation à un entretien préalable, notification du licenciement plus de deux jours ouvrables après l'entretien par lettre recommandée avec avis de réception, assistance du salarié par une personne de son choix... La lettre de licenciement devra mentionner l'inaptitude du salarié et l'impossibilité de reclassement.

Si ce salarié est un salarié protégé, il doit respecter la procédure spéciale avec demande d'autorisation préalable à l'inspecteur du travail186.

Concernant les indemnités, face à une inaptitude d'origine professionnelle, l'employeur doit verser à son salarié :

- une indemnité spéciale de licenciement187

- une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui des salaires et avantages perçus s'il

avait travaillé pendant le préavis.

Ces indemnités ne seront pas dues si le refus du salarié d'occuper un poste que l'employeur lui avait proposé est abusif188. Dans ce cas, le salarié n'aura que l'indemnité légale de licenciement.

Attention cependant au cas où l'employeur serait à l'origine des faits de harcèlement sexuel. Dans ce cas là, le licenciement prononcé par lui serait sans cause réelle et sérieuse et ouvrirait droit à des indemnités prévues par l'article L.1235-3 du Code du travail189.

Dans un contrat à durée déterminée, l'employeur peut rompre avant son échéance ce contrat en cas d'impossibilité de reclassement ou de refus du salarié190.

Aucune procédure n'est vraiment à respecter si ce n'est que la formalisation de la rupture par écrit. Si le salarié est un salarié protégé, l'employeur sera tenu de respecter la procédure de licenciement spéciale avec demande d'autorisation à l'inspecteur du travail.

Le salarié obtiendra tout de même dans le cas d'une inaptitude liée à un harcèlement sexuel dans son entreprise au double de l'indemnité légale de licenciement puisque cette inaptitude est liée à un

186 ) Article L.2411-1 du Code du travail

187 ) L'article R.1234-2 du Code du travail prévoit que cette indemnité ne peut être inférieure à 1/5ème de mois de salaire multiplié par le nombre d'années d'ancienneté. S'y ajoutent 2/15ème de mois de salaire par année au delà de 10 ans d'ancienneté.

188 ) Article L.1226-14, alinéa 2 du Code du travail

189 ) Supra

190 ) Article L.1226-20 du Code du travail

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accident du travail ou à une maladie professionnelle191. Cette indemnité peut être proratisée si le salarié travaillait dans l'entreprise depuis moins d'un an et s'ajoutera alors à l'indemnité de précarité qui est en principe égale à 10% de la rémunération due à l'intéressé192.

B ) La démission du salarié

Parce que rester dans une entreprise où il a été victime de harcèlement sexuel l'affecte toujours, le salarié peut décider de démissionner.

Pour être valable la démission doit être consentie librement par le salarié et être volontaire et non-équivoque.

Ainsi, la volonté de démissionner ne peut pas se présumer. Il faut donc que cette volonté soit expresse. Par exemple, l'employeur ne pourra pas déduire de l'absence de son salarié son envie de démissionner.

De plus, la démission ne peut pas être équivoque. En effet, si le salarié dans sa lettre de démission reproche à son employeur des faits, des manquements à ses obligations contractuelles , ceci ne peut pas constituer une démission. En effet, dans un arrêt de la Chambre sociale du 24 octobre 2001193, les juges ont décidé que la lettre de démission adressée à l'employeur qui fait état de griefs à son encontre, est équivoque. Ceci pourrait être plausible dans le cas de faits de harcèlements sexuels qui motiveraient une démission. Dans ce cas, la démission n'en est pas une et est considérée comme une prise d'acte de la rupture. La « démission » produit alors les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou d'un licenciement nul pour le salarié protégé.

Le salarié peut aussi remettre en cause sa démission après sa notification dans un délai raisonnable. Elle sera analysée, là aussi,, comme une prise d'acte et produira les effets similaires. Il devra cependant rapporter la preuve que les faits reprochés à l'employeur étaient antérieurs à la rupture du contrat.

De tels comportements sont fréquents en cas de harcèlement sexuel puisque le salarié fait état parfois dans sa lettre de démission de ces faits délictuels qui motiveraient sa décision de quitter l'entreprise.

Enfin, le consentement du salarié doit être libre. Ceci découle de l'article 1109 du Code civil qui prévoit que le consentement n'est pas valable si il est donné par dol, sous la violence ou par erreur.

191 ) Article L.1226-20 du Code du travail

192 ) F.Lefebvre, Harcèlement et risques psychosociaux, Ed.Francis Lefebvre, 2012

193 ) Cass.Soc., 24 octobre 2001, n° 99-45.579

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A défaut de consentement valable, la démission est alors nulle et devient un licenciement sans cause réelle et sérieuse194. Ceci semble aussi très fréquent en matière de harcèlement sexuel puisque l'employeur de mauvaise foi peut être tenté de faire pression sur le salarié afin qu'il quitte l'entreprise et que les faits de harcèlement sexuel ne s'ébruitent pas. Le salarié en souffrance au travail peut très bien se trouver dans un état psychique anormal et dans ce cas, sa démission ne saurait être valable195.

Selon un arrêt de la Chambre sociale en date du 17 mars 2010196, le salarié doit choisir le terrain de contestation sur lequel il va jouer. En effet, il ne peut pas invoquer un vice du consentement et demander que cet acte de démission devienne une prise d'acte en raison de griefs allégués.

Au niveau du formalisme, la démission n'est pas soumise à la formation d'un écrit. Elle peut donc être orale sans toutefois omettre l'expression de la volonté non-équivoque du salarié. Il est tout de même conseillé de faire un écrit qui constituera un moyen de preuve.

Les conséquences de la démission sont la rupture du contrat de travail et ce, sans accord préalable de l'employeur.

En cas de rétractation, cette dernière ne produit aucun effet dès lors que la volonté de démissionner a été établie et que l'employeur a reçu la lettre de démission même si elle a eu lieu dans un bref délai197. Seul l'employeur a le pouvoir d'accepter cette rétractation et dès lors, le contrat de travail se poursuivra normalement.

La démission n'ouvre droit à aucune indemnisation pour le salarié. Néanmoins, si elle a été contestée ou a fait l'objet de réserves, elle peut être perçue comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse et les conséquences indemnitaires seront alors les mêmes que pour une prise d'acte. Le salarié souhaitant démissionner devra tout de même respecter un éventuel préavis souvent présent dans les conventions collectives ou les usages en vigueur dans l'entreprise.

Il se peut que le salarié touche des allocations d'assurance chômage si, et seulement si, sa démission est présumée légitime c'est à dire, intervenue à la suite d'un acte délictueux dont le salarié affirme avoir été victime lors de l'exécution de son contrat de travail et si il a dépose une plainte auprès du Procureur de la République. Ceci est tout à fait possible en matière de harcèlement sexuel qui est un délit pénal et qui peut donc justifier une telle plainte.

194 ) Cass.Soc., 10 novembre 1998 , N°96-44.299

195 ) Cass.Soc., 26 septembre 2006, n°05-40.752

196 ) Cass.Soc., 17 mars 2010, n°09-40.465

197 ) Cass.Soc., 13 juillet 1988, n° 85-45.798

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C) La prise d'acte de la rupture

Le salarié peut aussi prendre acte de la rupture de son contrat de travail ce qui aura pour effet de rompre immédiatement la relation de travail. Ceci est possible lorsque l'employeur n'a pas exécuté ses obligations en matière de prévention et de protection contre les actes de harcèlement sexuel. Le salarié victime peut alors considérer son contrat de travail comme rompu.

Aucun formalisme particulier n'est requis là non plus. Il est conseillé de formuler un écrit afin qu'aucune ambiguïté ne subsiste quant à la date de rupture. La prise d'acte ne découle pas obligatoirement du salarié directement. Elle peut être présentée par un conseil en son nom198 à condition qu'elle s'adresse à l'employeur. Ceci peut être intéressant lorsque la victime de harcèlement sexuel fait appel à un conseil pour l'accompagner dans ses démarche. Ceci peut être fort rassurant pour elle et d'un réel soutien.

La prise d'acte entraîne la rupture du contrat de travail.

Le salarié n'est pas tenu par un préavis puisque la cessation du contrat est effective à la date de notification de la prise d'acte. Dans le cas où cette prise d'acte est verbale, la date de notification est celle où l'acte est notifié verbalement.

Si le salarié a notifié sa décision par un écrit par une lettre simple ou une lettre recommandée, il est considéré que le contrat de travail est rompu à la date d'envoi de ce courrier199.

Si l'employeur prononce un licenciement aux torts du salarié postérieurement à la prise d'acte de la rupture, ceci est sans incidence 200.

De plus, le salarié qui aurait pris acte de la rupture de son contrat de travail ne pourra pas rétracter son acte valablement. Dans ce cas, l'employeur pourra toutefois ne pas tenir compte de la prise d'acte et poursuivre le contrat de travail.

La prise d'acte de la rupture suppose la saisine du juge qui devra se prononcer sur la qualification de la rupture. Elle produira alors les effets d'un licenciement si les manquements de l'employeur sont suffisamment graves ou, les effets d'une démission dans le cas contraire.

En cas de reconnaissance d'une démission, aucune indemnité de rupture ne sera allouée au salarié qui peut être condamné à verser à son employeur une indemnité compensatrice de préavis201

198 ) Cass.Soc., 4 avril 2007, n°05-42.847

199 ) Cass.soc.,4 avril 2006, n°04-44.540

200 ) Cass.Soc., 19 janvier 2005, n°02-41.113

201 ) Cass.Soc. 4 février 2009, n°07-44.142

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et même des dommages et intérêts pour rupture abusive.

En cas de reconnaissance d'un licenciement par les juges du fond en raison de manquements graves de la part de l'employeur, cette prise d'acte est considérée comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou, nul pour le salarié protégé.

En matière de harcèlement sexuel ou même moral, ces agissements justifient la rupture aux torts e l'employeur peu important qu'il ait pris des mesures en vue de faire cesser les agissements fautifs202 ou que l'auteur ait quitté l'entreprise203. Le régime spécial de preuve en matière de harcèlement trouve à s'appliquer ici : le salarié doit seulement établir les faits de harcèlement sexuel.

Le licenciement sans cause réelle et sérieuse ouvre droit pour le salarié à l'indemnité de préavis, l'indemnité de licenciement204 et même des dommages et intérêts pour licenciement abusif205.

Cependant, en matière de harcèlement sexuel ou moral, le Code du travail prévoit que toute rupture du contrat de travail en raison de faits de harcèlement est nulle. La Cour de cassation semble fort hésitante en la matière. En effet, dans un arrêt elle a décidé que la rupture devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse206 et dans une autre affaire que la prise d'acte était assimilée à un licenciement nul207. Cette nullité entraînerait alors la possibilité pour le salarié de demander sa réintégration dans l'entreprise mais ceci semble peu probable si il a été victime de harcèlement sexuel.

D ) La résiliation judiciaire du contrat

Ici, le salarié victime de harcèlement sexuel peut demander au Conseil de prud'hommes de prononcer la rupture du contrat de travail. Il devra fonder sa demande sur les éventuels manquements de l'employeur à son obligation de prévenir les actes de harcèlement sexuel et de faire cesser cette situation.

Pendant le déroulement de cette procédure, le contrat de travail se poursuit selon des conditions normales. Cependant, l'employeur peut prononcer un licenciement entre l'introduction de la demande et la solution donnée. Dans ce cas particulier, le juge devra rechercher dans un premier temps si la demande de résiliation était justifiée et si elle ne l'est pas, il pourra se prononcer sur le

202 ) Cass.Soc. 3 février 2010, n°08-44.019

203 ) Cass.Soc.26 septembre 2012, n°11-21.003

204 ) Supra

205 ) Cass.Soc., 28 septembre 2011, n°09-67.510

206 ) Cass.Soc., 3 février 2010, n°08-44.019

207 ) Cass.Soc., 28 septembre 2011, n°10-18.520

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licenciement notifié par l'employeur208. Le salarié peut tout de même demander au juge de statuer à titre principal, sur le bien-fondé de son licenciement, sans examiner préalablement la demande de résiliation209.

Les juges du fond seront aussi amenés à rechercher si les manquements invoqués par le salarié lors de la demande de résiliation sont d'une gravité suffisante pour justifier cette rupture du contrat de travail. Ils disposent donc d'un pouvoir souverain sauf en matière de harcèlement moral ou sexuel. En effet, dans ce cas un tel agissement justifie bien évidemment la résiliation judiciaire aux torts de l'employeur.

En se basant seulement sur le manquement à l'obligation de sécurité de résultat210 dont l'employeur est tenu, la victime de harcèlement sexuel est fondée à demander la résiliation de son contrat aux torts de l'employeur qui aurait manqué à son obligation211 et ce, sauf si l'auteur du harcèlement a quitté l'entreprise. En matière de prise d'acte, la solution est toute contraire sur ce dernier point.

Si le juge prononce la résiliation judiciaire, elle prend effet au jour de la décision qui la prononce212.

Cette résiliation produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse213. L'employeur devra donc verser une indemnité compensatrice de préavis214, une indemnité de congés payés 215et des dommages et intérêts pour licenciement abusif. Le salarié aura aussi droit aux allocations de chômage.

En cas de rejet de la demande par les juges, le contrat de travail se poursuit et l'employeur ne pourra prononcer le licenciement de son salarié en prenant pour motif cette demande.

208 ) Cass.Soc., 16 février 2005, n°02-46.649

209 ) Cass.Soc., 26 septembre 2012, n°11-14.742

210 ) Supra

211 ) Cass.Soc., 21 février 2007, n°05-41.741

212 ) Cass.Soc., 14 octobre 2009, n° 07-45.257

213 ) Cass.Soc., 20 janvier 1998, n°95-43.350

214 ) Cass.Soc., 28 avril 2011, n°09-40.708

215 ) Cass.Soc., 2 décembre 2003 , n°01-46.229

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