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Le rôle disciplinaire des opa durant la vague de rachats des années 80 aux USA

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par Antoine Suzzoni
Université Nice Sophia Antipolis - DEA 2004
  

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Section 2 : Les paiements défensifs financés par la dette

Au milieu des années 80, les programmes de rachats d'actions annoncés par les firmes avoisinaient les 25 milliards de dollars par an . Les versements de dividendes spéciaux financés par l'emprunt ont aussi été fréquents. De nombreux managers, devant l'imminence du danger, annoncèrent des programmes de rachats d'actions, financés par l'emprunt, de plus ou moins grande envergure. Les recapitalisations ou les versements de dividendes correspondaient à la première phase du plan de restructuration ; la deuxième phase consistait à réduire le taux d'endettement (souvent très élevé après les recapitalisations) en vendant les actifs les moins rentables . Ainsi les restructurations financières justifiées par la menace d'OPA permettaient de légitimer les restructurations physiques car il était nécessaire de réduire le fort taux d'endettement.

§1  Le green-mail et les recapitalisations duales :deux modes particuliers de rachats d'actions

A) Le green-mail
Cette défense tire son nom de la contraction de greenback (billet d'un dollar) et de blackmail (chantage), elle consiste pour la société cible à négocier l'échec de l'offre en rachetant ses titres à l'offreur à un prix supérieur à celui de l'OPA.

L'attaquant , après s'être engagé à ne pas renouveler son offre, se retire après avoir fait une plus value sur la vente de ses titres.

A cette époque les primes proposées par les offreurs aux actionnaires des cibles avoisinaient les 30% , on comprend facilement pourquoi les green-mails étaient mal accueillis par les marchés (pertes allant de 2% à 5% pour les actionnaires de la cible) , ils peuvent être assimilés à de mauvaises opérations financières.

Cette défense est un moyen pour les managers de conserver le contrôle de l'entreprise ; même au prix d'une perte pour les actionnaires.

Manry et Nathan (1999) trouvent une relation non linéaire entre la prime de green-mail versée par la cible et la part du capital détenue par les administrateurs internes (salariés de l'entreprise). La relation est négative jusqu'à 15% et devient positive au delà. Cela n'est pas en accord avec l'idée selon laquelle l'augmentation de la part du capital détenue par les managers contribue toujours à aligner les intérêts des managers avec ceux des actionnaires . Cela suggère plutôt que l'augmentation de la propriété managériale conduit finalement à l'enracinement des managers (qui veulent garder le contrôle de la firme même si c'est contraire aux intérêts des actionnaires).

A l'issue du green-mail la part du capital détenue par les managers augmente. On retombe donc sur la question de savoir si l'accroissement de la part du capital détenue par les managers permet un meilleur alignement des intérêts des actionnaires et des managers et ou l'enracinement de ces derniers. Quelle part du capital les managers doivent ils détenir pour que la création de valeur pour les actionnaires soit maximale ?

B) Les recapitalisations qui divisent les actions de l'entreprise en deux catégories

Ces plans séparent les actions de l'entreprise en deux catégories avec différents droits de vote. Il existe plusieurs techniques, le but est de permettre aux managers ou aux familles actionnaires d'avoir des droits de vote disproportionnés par rapport à la part du capital qu'ils détiennent.

Ainsi il va y avoir des actions sans droits ; Lease, Mc connell et Mikkelson (1983) cités par Jarrell, Brickley, Netter (1988) ont montré que les actions avec droit de vote ont une valeur de 1% à 7% supérieure à celles qui n'en ont pas .

De Angelo et De Angelo (1985) cités par Brickley et al (1988) trouvent qu'en moyenne après ce type de recapitalisations, le management et les familles contrôlent 57% des droits de vote. Cependant De Angelo et De Angelo suggèrent que les actionnaires des firmes de cet échantillon peuvent avoir intérêt à limiter la compétition pour le management de leurs firmes,  selon eux la réduction de la probabilité d'OPA peut inciter les managers en place à faire des investissements de long terme en capital humain.

Deux études ont été réalisées dans le but de savoir si les structures doubles sont bénéfiques ou pénalisantes pour les actionnaires.

Partch (1987) cité par Brickley et al (1988) a examiné la réaction des marchés lors de l'annonce d'une recapitalisation duale dans quarante quatre firmes, elle trouve un effet non négatif. Cependant, Jarrell et Poulsen (1988) cités par Brickley et al (1988) trouvent un effet négatif ( 0.93%) . Ils mettent aussi en évidence le fait que les firmes qui entreprennent ce type de recapitalisations ont un profil particulier : de très bonnes performances boursières avant la recapitalisation (+37% durant l'année précédente) , les salariés de ces firmes détenaient en moyenne 44% des droits de vote avant la recapitalisation or nous savons que les rachats d'actions augmentent significativement les droits de vote des salariés.

Ces caractéristiques suggèrent que la firme type qui entreprend une telle recapitalisation est déjà contrôlée par les actionnaires salariés .

Les deux catégories de rachats d'actions que nous venons d'évoquer ne sont pas représentatives de l'ensemble des recapitalisations réalisées durant les années 80 . En effet la majeure partie des rachats d'actions n'appartenaient à aucune de ces deux catégories ; il s'agissait de rachats classiques.

§2  Les conséquences des paiements défensifs financés par la dette

Lorsque l'on parle de paiements défensifs on parle soit de recapitalisations soit du versement de dividendes spéciaux . Généralement, les rachats d'actions sont bien accueillis par les investisseurs (Vermaelen 1981, Lakonishok et Vermaelen 1990, Comment et Jarrell 1991 cités par Nohel et Tarhan 1998). Cependant Denis (1990) trouve que les dividendes spéciaux sont beaucoup mieux accueillis par les marchés que les rachats défensifs,  1.62% pour ces derniers,  + 2.66% en moyenne pour les dividendes spéciaux ( Denis 1990). Dans son échantillon seulement trois des trente sept paiements défensifs réalisés furent suivis par un transfert de contrôle,  alors qu'il y a eu changement de contrôle dans neuf cas sur douze quand le paiement n'a pas été réalisé.

Ces deux types de paiements ont eu plusieurs conséquences : la part du capital détenue par le management, le taux d'endettement des cibles et le turnover des managers ont augmenté. Mais ces restructurations ont aussi et surtout entraîné d'importantes cessions d'actifs qui ont bouleversé l'industrie américaine.

A) L'augmentation de la part du capital détenue par le management

Comme nous l'avons évoqué précédemment, ces paiements permettent aux managers de détenir une part du capital plus importante .

Lors du versement d'un dividende spécial, les managers convertissent le dividende qui leur revient en actions . Denis (1990) trouve que la part moyenne détenue par le management passe de 5.6% avant le versement du dividende spécial à 18.9% après . Lorsqu'il s'agit de rachats d'actions le phénomène est de moins grande ampleur, on passe de 5% avant à 11.2% après.

Lorsqu'on observe ce type de modifications, on ne peut s'empêcher de songer à nouveau au problème de l'alignement des intérêts des actionnaires et des managers et ou de l'enracinement des managers lorsque la part du capital détenue par ces derniers augmente. Cependant, les résultats concernant le turnover des managers ayant réussi à repousser une OPA ne semblent pas confirmer l'hypothèse de l'enracinement .

B) Le turnover des managers à la suite d'un paiement défensif

Denis (1990) trouve que dans les firmes où le management est parvenu à repousser l'offreur 5.4% des managers ont été remplacés entre l'annonce du paiement défensif et sa mise en oeuvre,  au bout d'un an 35.1% avaient été remplacés, au bout de deux ans 46% , et au bout de trois ans  54.1% des managers avaient été remplacés.

Klein et Rosenfeld (1988) cités par Denis (1990) trouvent que 40.2% des firmes de leur échantillon ont connu un changement de manager dans les trois ans qui suivirent le green-mail.

Ce sont des taux de turnover nettement supérieurs à ce qui est considéré comme normal . Ainsi, ces études auraient plutôt tendance à invalider l'hypothèse de l'enracinement ; on constate que les paiement défensifs ne permettent pas aux managers de s'isoler de la discipline imposée par les marchés.

L'autre explication que l'on peut avancer pour expliquer ces turnovers élevés, c'est que l'augmentation du taux d'endettement rend nécessaires des restructurations que le management en place n'est pas capable de mettre en oeuvre . Ce qui est incontestable c'est que tous ces paiement défensifs se soldent par un accroissement du taux d'endettement.

C) L' augmentation du taux d'endettement et ses conséquences

1 Les restructurations

Denis (1990) trouve qu'en moyenne le taux d'endettement passe de 21% avant à 42.6% après le paiement défensif . Saffieddine et Titman trouvent qu'en moyenne les firmes qui ont subi une tentative d'OPA (entre 1982 et 1991) ont augmenté considérablement leur taux d'endettement durant l'année qui a suivi . Avant la tentative d'OPA le taux d'endettement moyen des firmes de l'échantillon était de 59.8% , un an après la tentative d'OPA il était de 71.5% .

Une augmentation brutale du taux d'endettement peut avoir des conséquences positives sur une firme qui génère beaucoup de cash-flow libre. En effet, l'impératif lié au remboursement de la dette peut être à l'origine de la crise qui motivera l'arrêt des programmes d'expansion et la vente des divisions qui auraient plus de valeur à l'extérieur de la firme  (Jensen 1986) .

En accord avec Jensen,  Saffieddine et Titman (1999) trouvent que les firmes qui ont accru leur endettement plus que la moyenne de l'échantillon  ont en moyenne versé à leurs actionnaires, dans l'année qui a suivi l'OPA manquée, une somme équivalente à 5% de leur capitalisation boursière sous forme de dividendes spéciaux . Durant cette même année ces firmes ont racheté en moyenne plus de 11% de leurs actions.

Autres résultats intéressants : entre l'année - 1 et l'année +3 , ces firmes ont réduit de 28% leurs dépenses en capital ; leurs cessions d'actifs ont augmenté de 45% en deux ans et elles ont réduit leurs effectifs de plus de 5.5% durant l'année qui a suivi l'OPA . Les résultats statistiques indiquent aussi que ces firmes se sont recentrées . Leur cash-flow (compte tenu de la variation de la valeur comptable des actifs) s'est accru de 14.5% en quatre ans, ce qui n'est pas exclusivement dû aux cessions d'actifs mais aussi à une amélioration de la motivation des managers. Conformément à ces résultats, l'étude conduite par Nohel et Tarhan (1998) montre que la plupart des rachats d'actions s'inscrivent dans un plan de restructuration plus global qui inclus d'importantes cessions d'actifs .

Denis (1990) constate que 24 des 37 firmes de son échantillon (firmes ayant réalisé un paiement défensif ) ont entrepris des restructurations ;onze d'entre elles ont réduit leurs effectifs. Les choses se passent un-peu comme si les managers de la firme ayant échappé au rachat mettaient en oeuvre les restructurations qu'aurait entrepris le raider.

De plus, un fort taux d'endettement permet de réduire les dépenses discrétionnaires des managers et évite que ces derniers n'investissent le cash-flow libre dans des projets pas ou peu rentables (Jensen 1986, 1989) .

Nohel et Tarhan (1998) trouvent que les firmes qui avaient un ratio Tobin's Q faible avant le rachat de leurs actions ont, trois ans après, amélioré leurs performances opérationnelles de 23.3% .

Tous ces résultats empiriques corroborent l'idée de Jensen selon laquelle, c'est l'impératif lié au remboursement de la dette qui va déclencher la crise à l'origine des restructurations. C'est à travers des programmes comme ceux là, que la shareholder value a commencé à s'imposer ; c'est la menace d'OPA qui a conduit les managers à changer d'état d'esprit.

Cependant comme nous l'avons déjà dit, l'accroissement du taux d'endettement augmente la vulnérabilité de la firme face à un retournement conjoncturel.

2 Les difficultés rencontrées par les firmes endettées

L'augmentation du taux d'endettement à l'issue d'une recapitalisation n'a pas toujours eu des conséquences positives. Denis et Denis (1995) constatent que 31% des firmes qui se sont endettées pour racheter leurs actions entre 1985 et 1988 ont ensuite rencontré des difficultés financières. Il semblerait que ces firmes aient eu des problèmes pour céder les actifs qu'elles avaient prévu de vendre aux prix prévus ; les estimations suggèrent que si elles avaient pu vendre aux prix prévus elles auraient pu rembourser.

 Le premier élément qui permet d'expliquer la réduction de liquidité du marché des actifs, c'est la récession qui a frappé les USA à la fin des années 80 . Cependant, la restriction des conditions d'émission des obligations à haut risque (junk bonds) en 1989 a certainement contribué à rendre le marché des actifs moins liquide en diminuant les fonds disponibles pour l'achat des actifs .

Pour Jensen (1991) cité par Denis et Denis (1995) les changements dans la réglementation ont contribué à augmenter la probabilité de défaillance des transactions à fort levier financier en réduisant les possibilités pour les firmes en détresse de recontracter avec leurs créanciers.

Palepu et Wruck (1992) cités par Denis et Denis (1995) considèrent que les rachats d'actions défensifs ont tendance à être moins bien structurés que les rachats d'actions volontaires. Cependant d'après Denis et Denis (1995) ce ne fut pas la principale cause de détresse financière.

Ainsi, c'est la menace d'OPA qui a conduit des centaines de grandes entreprises cotées à racheter leurs actions en s'endettant, puis à se restructurer. Ces plans de restructuration ont fait brutalement remonter les cours des entreprises concernées. En quelque sorte, les managers en place ont fait sous la pression des raiders ce que ces derniers auraient fait si ils avaient racheté l'entreprise . La menace d'OPA a servi d'argument aux PDG qui ont ainsi pu faire accepter les restructurations aux syndicats et aux autres groupes de pression .

A travers ces plans de restructuration défensifs c'est la shareholder value qui a commencé à s'imposer, les managers ont dû reconnaître qu'ils n'avaient pas tout fait pour maximiser la valeur pour les actionnaires.

On peut considérer que les restructurations correspondaient à cette époque à la défense anti-OPA la plus loyale vis à vis des actionnaires. Cependant, à partir de 1988 un nouveau type de défenses a commencé à s'imposer : les pilules empoisonnées et les lois anti-OPA .

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"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle