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De l'efficacité des limites du pouvoir de révision constitutionnelle en droit positif congolais

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par Aaron DJENGO
Université de Kinshasa - Licence 2015
  

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CONCLUSION GENERALE

La question des limites du pouvoir de révision constitutionnelle passe pour l'une des plus sensibles et des plus intéressantes du droit constitutionnel contemporain189(*). Cette délicatesse et ce regain d'intérêt se manifestent amplement à travers deux séries d'observation nourries d'évidence éclatante sur l'espace congolais.

La première observation se rapporte à l'objet des révisions constitutionnelles en RDC. Il ressort de cette modeste étude que les révisions constitutionnelles congolaises recèlent de forts enjeux du pouvoir. La Constitution en RDC, et particulièrement celle du 18 février 2006, est une sorte d'ustensile au service de la conservation du pouvoir. Les discussions qui ont lieu lors de la révision de 2011, ont tourné essentiellement sur la question des mandats, prérogatives et élections : mandat du député national et du sénateur190(*), prérogatives du président de la république191(*) et élection de ce dernier192(*).

Les sujets posés sont celui du statut des gouvernants et celui du maintien au pouvoir. Il s'agit donc des sujets très fortement « politisés », et le débat autour de la Constitution du 18 février 2006 reproduit les clivages politiques traditionnels. Pas plus tard qu'en 2014, l'initiative de la révision annoncée s'inscrivait dans la logique d'entrevoir les modalités pratiques d'organiser les élections provinciales au suffrage universel indirect. Il est donc question de « situation des gouvernants, de posture de puissance et de mécanismes de conservation du pouvoir ».

De ce tableau, découle l'idée qu'en 2011, la révision de la Constitution a mis en évidence un personnage précis : le président de la république. Elle pose donc - ou repose - le problème du présidentialisme. Jacques DJOLI note : « ce n'est plus le régime semi-présidentiel que nous avions à l'origine, mais on s'oriente vers un régime de mono-puissance, dans un Etat macrocéphale, risquant à tout moment de s'écrouler par trop de déséquilibre entre ses différentes institutions. Il y a une accentuation du caractère présidentialiste du régime politique193(*) ».

Par ailleurs, la seconde observation est liée à l'ambiance dans laquelle les révisions constitutionnelles ont souvent lieu. Est-ce dans une atmosphère consensuelle ou conflictuelle ? Les faits observés sous l'empire de la Constitution du 18 février 2006 démontre que l'unilatéralisme qui domine le processus de révision constitutionnelle pose le problème de la légitimité des modifications entreprises, pas plus. En effet, toutes les péripéties révisionnistes que connut la Constitution du 18 février 2006 résultent du bon vouloir d'un camp politique, celui qui est au pouvoir et qui s'appuie sur des majorités « mécaniques ». C'est ainsi que, généralement, le processus de révision imprime une sorte d'image grossissante de la dévalorisation du parlement.

Malheureusement, cette atmosphère délétère des révisions constitutionnelles plante le décor des conflits entre acteurs politiques. Autant dire, pendant la proposition ou la réalisation d'une révision constitutionnelle, il y a des crises et des tensions. Pour s'en convaincre, il suffit de revenir sur la période de janvier 2011 et même celles des tentatives de révisions avortées194(*). On se limite donc à produire des textes de méfiance et opportunistes qu'on peut changer dès que l'équilibre des forces change.

Dès lors, les limites du pouvoir de révision constitutionnelle sont inefficaces. Les règles, principes et valeurs qui constituent la substantialité, l'essentialité et même la fondamentalité de la Constitution du 18 février 2006 ne sont pas portés à leur juste valeur. La résurgence de la question de la légitimité, la remise en cause de la structure du pouvoir judiciaire et la remise en question de l'autonomie des provinces en constituent des illustrations tangibles.

Comme concluait Jacques DJOLI : « La crise constitutionnelle en République Démocratique du Congo est d'abord celle de la norme constitutionnelle en soi et plus particulièrement des valeurs qu'elle véhicule et qui la fondent. Cette crise pose fondamentalement la question du devoir d'obéissance, naturelle et spontanée à la norme, la reconnaissance de la supériorité transcendantale, de la « fondamentalité » qui ne dépendent pas exclusivement des mécanismes techniques et procéduraux, mais aussi et surtout d'une dimension invisible et anthropologique195(*) ». Ici, cette crise généralisée de la norme peut être limitée à celle de la méconnaissance ou de la violation délibérée des limites du pouvoir de révision constitutionnelle. L'article 220 et les dispositions auxquelles il renvoie font l'objet d'une banalisation éhontée, sous prétexte que le débat de leur juridicité persiste à cause de l'absence de contrôle de constitutionnalité des lois de révisions constitutionnelles196(*).

L'occasion faisant le larron, il n'est pas exclu d'envisager une autre hypothèse à partir de ce raisonnement spécieux. En effet, Evariste BOSHAB note : « l'efficacité des clauses intouchables ne peuvent se mesurer que par rapport à la probabilité des dispositions limitant la révision constitutionnelle à être appliquées par le juge. Car, si le juge constitutionnel n'invalide pas une disposition prise en violation d'une limite à la révision constitutionnelle, comment dès lors, apprécier la validité d'une clause d'éternité ? En fait, le rôle du juge est déterminant dans la préservation des dispositions intangibles197(*).

Les limites matérielles prévues à l'article 220 et les dispositions auxquelles elles renvoient constituent des réponses appropriées que le constituant entend apporter contre les abus du passé. C'est ainsi que, tout au long de cette étude, chaque matière a été reliée à un phénomène sombre du passé. Pour empêcher la survivance de ces différents phénomènes, il sied de reconnaitre la pleine valeur constitutionnelle aux dispositions intangibles en obligeant le contrôle de constitutionnalité des lois de révision constitutionnelle. Cette exigence passe par la révision des articles 160 et 218 que nous proposons. C'est alors que la protection de la Constitution du 18 février pendant les périodes de révision peut être effective ; même si l'on s'interroge avec Evariste BOSHAB sur le point de savoir si l'organisation du contrôle de constitutionnalité des lois de révision constitutionnelles garantit automatiquement l'efficacité totale des clauses d'éternité. Nous disons donc que ce contrôle est un mécanisme idéal mais non ultime, car c'est le peuple en définitive qui protège sa Constitution.

* 189BOSHAB (E.), op.cit., p.11.

* 190La révision de l'article 110 de la Constitution.

* 191La révision des articles 197 et 198 de la Constitution.

* 192La révision de l'article 71 de la Constitution.

* 193DJOLI (J.), op.cit., p. 240.

* 194Pendant cette période, la rivalité entre acteurs politiques cède à la violence de toutes formes. Pour la révision de 2011, les partis politiques de l'opposition avaient d'ailleurs boycotté la séance.

* 195DJOLI (J.), op.cit., p. 241.

* 196 BOSHAB (E.), op.cit., p. 126.

* 197Idem.

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