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Les lanceurs d'alerte français, une espèce protégée ?

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par Julia Le Floc'h - Abdou
Paris X Ouest - Nanterre La Défense - Master II Droit pénal et Sciences criminelles 2015
  

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2 - Les dispositifs d'alerte professionnelle : une trompeuse alternative au silence

Les lois Auroux de 1982193 ont introduit dans le secteur privé des dispositifs organisant le droit d'alerte des salariés.

Le droit d'alerte permet au travailleur d'alerter immédiatement son employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu'il constate dans les systèmes de protection.

Corollaire de ce droit d'alerte, la loi du 23 décembre 1982 a introduit le droit de retrait du salarié. Le travailleur pouvant se retirer de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé. Aucune sanction ou retenue de salaire ne peut être prise à l'encontre d'un travailleur ou d'un groupe de travailleurs qui use de ce droit. Si se réalise le risque signalé, l'employeur verra sa responsabilité engagée au motif d'avoir commis une faute inexcusable.

192 M. RESS, « Loi Renseignement : comment le gouvernement a trucidé les lanceurs d'alerte », NextInpact, publié le 25 juin 2015 (consulté le 7 mai 2016).

193 Loi n° 82-689 du 4 août 1982 relative aux libertés des travailleurs dans l'entreprise, loi n° 82-915 du 28 octobre 1982 relative au développement des institutions représentatives du personnel, loi n° 82-957 du 13 novembre 1982 relative à la négociation collective et au règlement des conflits du travail, loi n° 82-1097 du 23 décembre 1982 relative aux comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail.

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Parallèlement, des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) ont été créés. Un travailleur a, ainsi, la possibilité de saisir le représentant du personnel du CHSCT, qui alertera immédiatement l'employeur en cas de danger grave et imminent. L'employeur sera tenu, conséquemment, de procéder à une enquête avec le représentant et de prendre les dispositions nécessaires.

Ces droits promulgués pour les salariés ont fait émerger un contentieux important sur la notion de « danger imminent ». Pour combler l'imprécision en matière de risque imminent, l'article L.4133-1 du Code du travail, créé par loi Blandin de 2013, a énoncé que : « Le travailleur alerte immédiatement l'employeur s'il estime, de bonne foi, que les produits ou procédés de fabrication utilisés ou mis en oeuvre par l'établissement font peser un risque grave sur la santé publique ou l'environnement. L'employeur informe le travailleur qui lui a transmis l'alerte de la suite qu'il réserve à celle-ci ». L'article L.4133-2 précise que l'information d'un risque grave pour la santé publique ou l'environnement peut se faire par la voie du représentant du personnel du CHSCT qui va en informer l'employeur.

La loi américaine Sarbanes-Oxley Acte du 30 juillet 2002 (loi SOX) a introduit en France des canaux d'alerte pour les salariés du secteur privé.

Loi fédérale prise juste après le krach boursier de 2001-2002, elle avait pour but de protéger les investisseurs en améliorant l'authenticité et la fiabilité de l'information financière194. Pour atteindre cet objectif, elle a autorisé les salariés à dénoncer, de façon limitée, des faits susceptibles de constituer une atteinte aux mesures de régulation des marchés prévus par cette même loi. La SOX avait également introduit des protections contre les licenciements des lanceurs d'alerte et des mécanismes d'alerte obligatoires pour les entreprises, y compris pour leurs filiales étrangères et pour les entreprises connexes.

D'applicabilité extraterritoriale, cette législation entra en vigueur en France avec la loi n°2003-706 du 1er août 2003 relative à la sécurité financière en France dite « Loi Mer » (publiée au JO n°177 le 2 août 2003).

Pour exécuter cette loi, un dispositif d'alerte professionnelle a été mis en place en 2005. Mécanisme soumis à autorisation de la CNIL, il est complémentaire des autres canaux195, facultatif et son périmètre est limité.

194 Voir : N. MARIE MEYER, « Le droit d'alerte en perspective : 50 années de débats dans le monde », Revue AJDA n°39, Dossier Les lanceurs d'alerte, 24 novembre 2014, p. 2242-2248

195 Délégué du personnel, CHSCT, Inspecteur du travail, etc.

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À la suite de sa mise en oeuvre, la CNIL a défini le terme alerte professionnelle qui permet aux salariés d'une entreprise de signaler des problèmes relatifs aux domaines financiers, comptables, bancaires et de lutte contre la corruption, aux pratiques anticoncurrentielles. Défenseuse de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'information, aux fichiers et aux libertés, elle condamna en 2005 deux dispositifs d'alerte qui instituaient « un système organisé de délation professionnelle »196. Selon la CNIL, les personnes soupçonnées devaient être informées de l'enregistrement de données les mettant en cause pour avoir la possibilité de s'y opposer comme l'exige la loi de 1978197.

Pour y remédier, la CNIL a adopté une autorisation unique (nommée AU-004) le 8 décembre 2005 (modifiée le 30 janvier 2014) afin d'encadrer les dispositifs d'alerte professionnelle et de simplifier les formalités administratives.

En 2009, par l'arrêt Dassault Système, la Haute juridiction a conditionné la validité des dispositifs d'alerte professionnelle dans le secteur privé à la réunion des critères suivants : obligation pour l'employeur d'obtenir de la CNIL une autorisation préalable ; restriction des alertes aux seules infractions comptables, financières, bancaires et aux faits de corruption ; la non-incitation à des dénonciations anonymes ; l'installation d'une organisation spécifique à même de traiter les alertes ; l'information de l'alerte pour les personnes concernées198.

Depuis, le 24 février 2014, l'AU-004 a été modifié et y est inclus désormais les domaines du droit de l'environnement, de la lutte contre les discriminations, de la santé, de l'hygiène et de la sécurité au travail199.

Lorsque le dispositif d'alerte professionnelle envisagé sort du cadre fixé par l'AU-004, l'entreprise doit adresser à la CNIL un dossier complet de demande d'autorisation individuelle. Enfin, les dispositifs doivent permettre l'identification de l'auteur de l'alerte mais son identité est traitée de façon confidentielle par le gestionnaire des alertes.

Par ces canaux d'alerte restreints et contraignants, le travailleur n'est pas incité à révéler des dysfonctionnements ou des manquements à la loi.

196 CNIL, Délib. N°2005-110 du 26 mai 2005 relative à la demande d'autorisation de Mc Donald's France pour la mise en oeuvre d'un dispositif d'intégrité professionnelle.

197 N. MARIE MEYER, « L'alerte éthique ou whistleblowing en France », Rapport janvier 2013 à Transparency International, p. 6-13

198 Cass, Soc, 8 décembre 2009, n°08-17-191, Dassault Système, Bull Civ V n°276

199 J. BOUTON, « Vers une généralisation du lanceur d'alerte en droit français », RdT, septembre 2014, p. 473-474

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Autre voie de recours pour le salarié, comme l'agent public, la très récente Commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé publique et d'environnement (CNDA) créée par la loi Blandin. La loi a posé une exigence de hiérarchie. L'alerte doit d'abord être révélée en interne à l'employeur (soit directement par le salarié, soit par l'intermédiaire du représentant du personnel au Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail). En cas d'absence de réaction dans le mois suivant ou de divergence sur le bien-fondé de l'alerte, le salarié ou le représentant du personnel pourra ensuite extérioriser l'alerte par la saisine du représentant de l'État dans le département (article L.4133-3 du Code du travail).

Enfin, le salarié peut être aidé dans sa démarche par le Défenseur des droits.

En dehors de ces canaux d'alerte, le salarié, comme le fonctionnaire, a la possibilité de saisir son supérieur hiérarchique, l'Inspecteur du travail 200 , le directeur des ressources humaines, etc.

Actuellement, les mécanismes dont disposent les salariés restent lacunaires, disparates et enveloppés de nombreuses contraintes. Ils ne permettent pas une réelle sécurisation pour les travailleurs lanceurs d'alerte.

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote