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Les lanceurs d'alerte français, une espèce protégée ?

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par Julia Le Floc'h - Abdou
Paris X Ouest - Nanterre La Défense - Master II Droit pénal et Sciences criminelles 2015
  

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B - L'usage historique de la diffamation

Le délit de diffamation a été utilisé à de maintes reprises pour condamner un individu ayant dénoncé publiquement des dysfonctionnements ou des atteintes à la loi.

L'un des exemples les plus célèbres est celui d'Émile Zola qui publia un article « J'accuse ! », dans le journal l'Aurore, le 13 janvier 1898, pour alerter et dénoncer les manipulations politiques et militaires orchestrées contre Alfred Dreyfus. Le Ministre de la Guerre portera plainte pour diffamation. Zola et Alexandre Perrenx, gérant de L'Aurore, passeront devant les Assises de la Seine du 7 au 23 février 1898. Après un appel et une cassation, Zola sera condamné à un an d'emprisonnement et 3.000 francs d'amende328.

1 Ð L'infraction de diffamation

L'article 29 alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881 qualifie de diffamation « Toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé ».

326 Cass, crim, 13 janvier 1966, n°65-90156, Bull crim. n°14, §6

327 Ibidem, §15

328 Voir annexe 6, p.147

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L'article 32 de la loi de 1881 énonce qu'en cas de diffamation publique, l'auteur sera puni d'une amende de 12 000 euros. Cette sanction peut être aggravée à un an d'emprisonnement et/ou à 45 000 euros d'amende lorsque la diffamation a été proférée en raison d'une discrimination spécialement interdite. Lorsque la diffamation a été prononcée en privé, la sanction est d'une amende de 38 euros (équivalente à une contravention de première classe) selon l'article R.621-1 du Code pénal.

2 - Les éléments constitutifs de l'infraction

Le délit de diffamation suppose la réunion de plusieurs éléments.

Le premier étant une allégation ou une imputation sur un fait précis et déterminé.

Dans le langage commun, l'allégation est définie comme « une affirmation quelconque »329, tandis que l'imputation est définie comme « l'action de mettre sur le compte de quelqu'un (une action blâmable, une faute) » 330 . En pratique, la jurisprudence ne distingue pas l'allégation ou l'imputation et évoque alternativement ou cumulativement l'une ou l'autre.

La Cour de Cassation définit le fait précis et déterminé comme « devant se présenter sous la forme d'une articulation précise de faits de nature, à être, sans difficulté, l'objet d'une preuve et d'un débat contradictoire » (Cass, crim, 6 mars 1974, Bull crim 1974, n°96). Le fait doit donc pouvoir être daté et circonstancié. L'allégation doit être claire, significative et univoque.

La deuxième condition exige un fait susceptible de porter atteinte à l'honneur ou à la considération. Selon Emmanuel Derieux, une distinction est possible entre « l'honneur (qui fait référence à la dignité morale intérieure, correspond à ce que l'on voudrait ou devrait être ou faire ou ne pas faire pour soi-même) et la considération (davantage liée à une appréciation extérieure, formulée par les autres) »331.

L'appréciation de cette atteinte ne tient pas compte de la conception personnelle que la victime peut avoir de son propre honneur, elle se réfère à une notion générale communément admise. La Cour de cassation a depuis longtemps considéré que le juge devait faire abstraction des conceptions subjectives de la victime et doit se référer à « des considérations objectives, indifférentes à la sensibilité particulière de la personne visée »332.

La Haute juridiction rappelle régulièrement qu'il « appartient aux juges du fond de relever toutes les circonstances intrinsèques ou extrinsèques aux faits poursuivis qui sont de nature à

329 Petit Robert 1, réédition de mars 1990, Paris, Dictionnaires LE ROBERT

330 Ibidem

331 E. DERIEUX, Droit des médias, LGDJ, Lextenso Editions, 7ème édition, octobre 2015, p.432-1006

332 T. Corr. de Paris, 17ème Chambre, 3 mars 2000, Debout c/ Drucker, Légipresse 2000-I, p. 47, n° 173-05.

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donner un caractère diffamatoire à l'écrit qui les renferme È333, que « les propos incriminés ne doivent pas être pris isolément mais être interprétés les uns par rapport aux autres »334 et que le juge doit replacer « le passage incriminé dans son contexte, pour en apprécier la nature et la portée È335.

Pour que l'infraction soit constituée, il faut que l'atteinte soit portée à une personne identifiée ou identifiable. Ainsi même dénommé par un pseudonyme, une personne physique peut faire l'objet de propos diffamatoires dès lors qu'elle est identifiable.

L'intention coupable, élément moral de l'infraction, est présumée. La jurisprudence considère que les imputations diffamatoires sont réputées faites avec l'intention de nuire336. De sorte que l'intention de nuire est présumée.

La diffamation est souvent perçue à tort comme l'allégation de propos faux mais l'existence de la vérité n'est pas prise en compte. La vérité des propos est indifférente à la constitution de l'infraction. Seule la calomnie repose sur le mensonge. À l'inverse, les propos désagréables ou critiques ne sont pas diffamatoires ; la critique devant rester libre et nécessaire dans toute société démocratique. L'incrimination de la diffamation ne doit pas s'avérer de nature à empêcher le libre débat d'idées. Les juges rappellent « le principe de la liberté d'opinion notamment pour des propos relevant de la polémique politique, syndicale, religieuse ou s'inscrivant dans un débat de société È337.

De très nombreux lanceurs d'alerte ont été poursuivis et condamnés sur le fondement de la diffamation. Les seules armes dont ils disposent pour se défendre sont l'exception de bonne foi et l'exception de vérité.

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