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Argumentation et soliloque: une étude sémiotique dans les tragédies de Shakespeare

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par Marine Garel
Université Lumière Lyon 2 - Sciences du langage 2016
  

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b. Dialogue et délibération

L'argumentation au théâtre est indirecte. Mais à l'intérieur de la pièce en elle-même, l'argumentation se repère facilement. Le fait que le théâtre soit un genre purement dialogual renforce cette idée d'efficacité au sein de l'énonciation. Nous avons en effet l'impression que les personnages délibèrent sans cesse. Avec la conviction et la persuasion, la délibération est une des formes sous laquelle apparaît l'argumentation. Si l'une s'appuie sur un raisonnement logique et que l'autre fait surtout appel aux sentiments, la délibération consiste à adopter un certain point de vue et donc à défendre une thèse. Deux personnes débattent lorsque un thème est mis en jeu et que chacun apporte quelque chose sur ce même thème : des éléments structurés et faisant sens, qui permettent de progresser au fur et à mesure du débat, jusqu'à arriver à une conclusion mettant terme à cet échange.

Du fait de cette délibération, plusieurs choses entrent en compte pour faire progresser la discussion : les personnes en question développent chacune leur ethos c'est-à-dire leur manière d'être, ce qui leur est propre. L'ethos ne touche pas l'énoncé même, c'est pour cette raison que nous parlons plutôt du paraître. Dans l'Antiquité déjà, ce terme, avec les deux autres que nous connaissons et que nous développerons par la suite, faisait déjà parler de lui et désignait la pratique d'influence, notamment dans le cas du tribunal. L'ethos est donc cette image de crédibilité que renvoie l'orateur à son auditoire. Dans le cas du dialogue, chacun des locuteurs se renvoie à leur tour ce même ethos, cette même crédibilité. Le Je a besoin de l'adhésion11(*) du Tu pour développer son ethos et inversement. Si le Tu ne se sent que très peu concerné par la discussion ou ne prête pas du tout d'attention au Je, le Je se sentira discréditer et la conversation n'aura pas de sens. De même, si un ensemble d'étudiants se mettaient à ne pas écouter leur professeur, le cours prendrait une tournure insignifiante et embarrassante pour le professeur en question.

Outre l'ethos, le pathos entre tout autant dans la lignée pour une délibération effective et concerne l'émotion provoquée par le locuteurpour être ressentie par l'interlocuteur. Le pathos a souvent eu une posture secondaire face aux deux autres facettes de l'argumentation. Mais il demeure indispensable et participe à la construction d'autant plus que le discours ne peut pas être construit sans une construction émotionnelle. Le pathos est un argument de la persuasion mais dans le cas de la délibération, l'émotion véhiculée est tout aussi majeure. Gloucester possède une grande force de persuasion puisqu'il arrive à persuader Lady Anne de ne pas le tuer. Il s'en félicitera d'ailleurs dans le soliloque qui suit. Nous pouvons dire que le personnage de Lady Anne ne semble plus être le même qu'au début de la scène. Gloucester s'est servi de son image pour véhiculer ses émotions et les faire ressentir à Lady Anne. D'une manière générale, le locuteur doit d'abord se mettre dans les conditions émotionnelles appropriées pour pouvoir les transmettre à son interlocuteur. Le problème c'est qu'ici, nous pouvons de surcroît, parler de manipulation en ce qu'il y a bien un changement de comportement et une inconscience de ce changement de la part du personnage. La persuasion n'est en aucun cas de la manipulation mais elle est un outil, un moyen d'arriver à des fins manipulatrices. Tout comme l'éthos, le pathos ne touche en rien l'énoncé mais englobe l'énonciation. Ici encore, le Je a besoin de l'adhésion du Tu pour que le pathos soit effectif.

Le dernier pilier de l'argumentation concerne le logos ou raisonnement logique. Cette fois-ci le locuteur fait appel à sa raison en utilisant des arguments logiques pour convaincre un interlocuteur et structurer son discours. Outre le raisonnement, le locuteur met au jour ses connaissances et ses savoirs dans un ordre totalement structuré. Dans le cas du dialogue théâtral, ces arguments logiques s'enchaînent au fur et à mesure des répliques.Il y a donc une structuration avec une introduction, un corps et une conclusion, chacun contenant des figures du discours ou figures de style permettant ainsi une expressivité particulière. Le Je en établissant un raisonnement logique, fait appel à la rationalité du Tu. Contrairement à l'ethos et au pathos, le logos est directement lié à l'énoncé et peut aussi se définir comme cette capacité à utiliser le langage. Le locuteur met le langage et la raison entre les mains d'un interlocuteur qui doit à son tour, faire preuve de rationalité.

Ainsi dans le cas du théâtre, l'argumentation au sein même du dialogue entre les personnages ne peut être que directe. Les personnages sont pris dans un filet où ils ne cessent de délibérer et d'argumenter entre eux. Nous allons maintenant nous pencher plus en détail sur les spécificités de l'argumentation théâtrale en faisant un détour sur l'argumentation shakespearienne.

* 11Par « adhésion », nous faisons référence à la théorie de Perelman et d'Olbrechts-Tyteca. En ce sens, l'adhésion désigne l'implication de tout interlocuteur ou d'un auditoire entier dans la discussion.

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