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L'application par le Cameroun des instruments juridiques internationaux de lutte contre les changements climatiques

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par Dieudonné MEVONO MVOGO
Université de Limoges, France - Master II Droit International et Comparé de l'Environnement ( DICE) 2016
  

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SECTION II : LES TECHNIQUES DE CONTROLE

Pour s'assurer que l'application d'un instrument juridique est effective, il est nécessaire qu'un système de contrôle soit établi. Au sens du dictionnaire juridique, « le contrôle est une opération consistant à vérifier si un organe public, un particulier ou encore un acte respectent ou ont respecté les exigences de leur fonction ou des règles qui s'imposent à eux »63. Ainsi considéré, l'action de contrôle vise à s'assurer de l'effectivité d'une

61 Organigramme du MINEPDED. Voir Décret n°2012/431 du 1er octobre 2012 portant organisation du MINEPDED.

62 Voir Janvier NGWANZA OWONO, La mise en oeuvre de la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques au Cameroun : cas du Mécanisme pour un Développement Propre, UCAC, Master II, 2008 consulté sur Mémoire online.

63 Gérard CORNU, op. cit. p. 263.

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quelconque mesure. Celle-ci étant une condition pour qu'on puisse apprécier l'efficacité des mesures à appliquer. Car n'est efficace que ce qui est au préalable effectif. Les techniques de contrôles sont conçues pour veiller à l'application par les Etats parties des textes internationaux. Ces techniques se recrutent tant au niveau national qu'international. Elles intègrent également des acteurs de divers secteurs. Ainsi, il revient au premier chef aux juridictions d'exercer un contrôle sur l'application des normes (paragraphe I), ce contrôle juridictionnel est enrichi par un contrôle non juridictionnel (paragraphe II).

Paragraphe I : Le contrôle juridictionnel

Le contrôle juridictionnel devra s'entendre comme celui réalisé par une juridiction, et non au sens que le dictionnaire juridique lui donne, c'est-à-dire le « contrôle exercé par le juge administratif à l'occasion des recours dont il est saisi ». Ce sens est d'ailleurs très étriqué. L'on retiendra alors ici les contrôles exercés par tout organe qui a pour mission de juger, le pouvoir et le devoir de rendre la justice par l'application du droit. Ce contrôle vise donc à sanctionner les éventuels manquements relatifs à l'application de ces instruments juridiques internationaux. Toutefois, il convient de relever qu'en matière de protection de l'environnement et particulièrement de la lutte contre les changements climatiques, la sanction de l'inobservation n'est pas privilégiée. A ce propos, les traités climatiques ont institué la procédure de non-respect. Cette procédure non contentieuse n'exclut pas une quelconque action juridictionnelle. A cet effet, une voie reste ouverte en cas de non application ou de mauvaise application des instruments juridiques internationaux. La justice peut être saisie pour établir les responsabilités. Dans ce cas, les juridictions internationales (A) et les juridictions nationales (B) sont compétentes.

A. Le contrôle juridictionnel international

Au niveau international, il existe plusieurs instances juridictionnelles susceptibles de statuer sur le contrôle de l'application des instruments juridiques internationaux de lutte contre les changements climatiques. En effet, en matière de responsabilité, le Droit international public connaît deux types d'instances juridictionnelles : les organes judiciaires et l'arbitrage64. Plusieurs juridictions peuvent être saisies en matière d'environnement et partant en application des instruments juridiques relatifs à la lutte contre les changements climatiques. Ainsi, les différends relatifs à l'application opposant les parties à ces traités peuvent être tranchés par la Cour Internationale de Justice (ci-après : « CIJ »), l'Organe de Règlement des Différends de l'OMC (ci-après : « ORD »). Cependant, la mise en oeuvre d'une telle procédure est très peu envisagée. La première raison relève du fait que de nombreux traités environnementaux privilégient le mécanisme de non-respect qui est une procédure souple « non juridictionnelle qui vise davantage à assister un Etat en difficulté qu'à le sanctionner. D'un autre côté, attraire un Etat devant une juridiction comme la CIJ nécessite le consentement de l'Etat en cause, lequel doit reconnaître la compétence de la dite cour. De

64 L'arbitrage est un mode de règlement des différends internationaux auquel peut recourir une partie qui veut engager la responsabilité d'une autre.

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plus, l'accès à ces juridictions demeure fermé à certaines organisations de la société civile et aux individus, lesquels sont pourtant mieux placés pour contrôler l'application par un Etat partie des institutions juridiques internationales de lutte contre les changements climatiques.

De manière générale, une procédure devant la Cour a des considérations politiques. La conséquence est la rareté voire l'inexistence des décisions de la CIJ dans ce domaine. A titre d'exemple, les Palaos ont sollicité de la Cour qu'elle donne son avis sur la question suivante : « En vertu du droit international, quelle responsabilité incombe aux États de veiller à ce que les activités produisant des gaz à effet de serre relevant de leur juridiction ou de leur contrôle ne causent pas - ou ne contribuent pas substantiellement à causer - de graves dommages à un ou plusieurs autres État(s) ? ». Pour y parvenir, les Palauans ont voulu obtenir une Résolution de l'ONU par laquelle, cette institution s'adresserait à la Cour (comme cela a été le cas dans l'Avis Consultatif rendu en 1996 sur la licéité du recours à la menace ou à l'emploi d'armes nucléaires en toutes circonstances en vertu du droit international) pour que celle-ci l'éclaire sur le droit international. Mais cette initiative a buté sur la réticence de nombreuses puissances à l'instar des Etats-Unis65.

Une telle opportunité permettrait de mieux contrôler l'application par une partie des instruments juridiques de lutte contre les changements climatiques. C'est le cas par exemple au Pays-Bas, où grâce à une requête déposée le 14 avril 2015 par près de 900 citoyens, le tribunal de la Haye a condamné ce pays à réduire ses émissions de GES sur le fondement de son devoir de protéger l'environnement66. Une dynamique comme celle-là est nécessaire sur le plan international, avec les instances juridictionnelles existantes, ou avec une instance judiciaire environnementale internationale qui serait accessible non seulement aux Etats, mais également aux OIG, ONG, entreprises et individus (tout sujet de droit qui peut y avoir intérêt). L'évolution du nombre de différends environnementaux à l'international augure toutefois de l'éventualité des différends climatiques. Le Cameroun étant partie aux textes internationaux, il pourrait également être mis en cause en cas de défaillance dans l'application de ces instruments. Par exemple, par une déclaration unilatérale, le Cameroun s'est engagé à réduire de 32% son taux d'émission de gaz à effet de serre. Sur le fondement de cet engagement unilatéral, sa responsabilité internationale pour inobservation de ses engagements internationaux pourrait être engagée.

En somme, les instances juridictionnelles internationales ont compétence de statuer sur des questions environnementales. La CIJ a d'ailleurs eu à se prononcer sur ces questions à plusieurs reprises, y compris lorsque l'objet principal de sa saisine n'était pas une question environnementale67. Plusieurs autres instances lui emboitent le pas tant au niveau régional qu'universel. Qu'en est-il du contrôle juridictionnel national ?

65 Voir le site de https://www.irinnews.org/fr/report/99604/un-%C3%A9tat-insulaire-se-mesure-aux-

pollueurs-de-la-plan%C3%A8te consulté 09 août 2016.

66 Voir Commission environnement, Rapport : renforcer l'efficacité du droit international. Devoirs des Etats, droits des individus, novembre 2015, p. 90 in www.leclubdesjuristes.com consulté le 25 juillet 2016.

67 Projet GabCikovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), arrêt, C. I. J. Recueil 1997, p. 7

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B. Le contrôle juridictionnel national

Le contrôle juridictionnel de l'application des normes internationales se fait également devant les juridictions des Etats parties. Au Cameroun, ce contrôle est possible en matière environnementale en général ; il peut aussi en être en matière d'application des instruments juridiques internationaux de lutte contre les changements climatiques. En somme, la lutte contre les changements climatiques fait partie de la protection de l'environnement. Les contrôles que peuvent effectuer les juridictions nationales portent soit sur le contrôle des actes d'application, soit sur les manquements qu'on pourrait observer à l'application.

Quant au contrôle de conformité des actes d'application, il est question de répondre à la question de savoir si les actes juridiques pris dans le cadre de l'application des instruments juridiques internationaux sont en conformité avec les normes supérieures. Cela donne lieu à au moins deux contrôles : le contrôle de constitutionnalité qui se fait a priori et par voie d'action en droit camerounais. L'initiative de ce contrôle est au demeurant l'apanage d'autorités limitativement énumérées dans l'article 47, alinéa 2 de la constitution. Ainsi, avant l'entrée en vigueur d'un traité ou d'une loi, un contrôle de sa conformité est possible68. L'autre contrôle est celui de légalité. Celui-ci relève essentiellement de la compétence de la juridiction administrative. A ce niveau, il s'agit en réalité de vérifier la conformité des règlements à la loi ou tout simplement à un autre qui lui est supérieur. Dans ce domaine particulier du contrôle de l'application des instruments juridiques de lutte contre les changements climatiques au Cameroun, la saisine des juridictions par les particuliers est faible. Cela serait en partie dû à la rareté des textes juridiques d'application des instruments de lutte contre les changements climatiques. Toutes choses qu'il convient de déplorer, ce d'autant plus que les traités climatiques sont des conventions-cadres, c'est-à-dire des textes foncièrement programmatoires et donc non précis et non détaillés, ce qui les rend de ce fait non self-executing. Cependant, les tribunaux statuent sur de nombreux litiges portant sur l'exploitation illégale de la forêt69.

Mais l'on pourra ranger cette carence dans les conséquences de l'ignorance et du désintérêt qui caractérisent une franche de la population camerounaise en matière environnementale et notamment de changement climatique. En effet, si l'action des ONG est louable dans ce domaine, il faut tout de même relever qu'il est rare que les individus intentent collectivement une action en justice contre l'Etat ou toute autre personne publique pour engager leurs responsabilités en matière climatique comme ce fut le cas au Pays Bas. Or c'est une aubaine ouverte dans le système judiciaire camerounais. En fait, les parties ont le droit d'ester en justice pour engager la responsabilité de leur Etat lorsque celui-ci a failli à son

68 Confer article 74 alinéa 1 et 2.

69 Selon le Communiqué n°_0121_/C/MINFOF/CAB/BNC du _28 juillet 2016_, il y a en instance plusieurs affaires pendantes pour le compte du deuxième trimestre 2016 : certaines en cours d'exécution, d'autres faisant l'objet de voie de recours. Globalement, c'est l'exploitation forestière non autorisée en violation de la 94/01 du 20 janvier 1994 sus évoquée dont il est question dans ce document (exemple : CCJA d'Abidjan, Etat du Cameroun (MINFOF) c/ Sté HAZIM et Cie. Cette a été jugée le 14 juillet 2016). Il s'agit d'un arrêt de rejet pour irrecevabilité du recours en révision formé contre l'Arrêt rendu par la Cour de céans le 04/02/ 2014.

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obligation d'appliquer un instrument international. Ainsi, une absence d'une mesure d'application ou encore l'adoption de mesures inadéquates peut engager la responsabilité d'un Etat.

Le contrôle juridictionnel opéré au niveau national et international est renforcé par le contrôle non juridictionnel.

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