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Les tensions entre l'union africaine et la cour pénale internationale à  l'occasion de la poursuite des chefs d'état africains

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par Stephanie Laure Anguezomo Ella
Université de Limoges - Master 2 2015
  

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Section II/- L'immixtion du Conseil de sécurité dans la procédure de la CPI

L'UA dans ses revendications fait de l'existence d'un déséquilibre de pouvoirs au sein du CS de l'ONU et du jeu de rapports de force y existant. La CPI n'étant que l'exécutant, elle se retrouve parfois face à des critiques qui devraient en principe être dirigées contre le CS qui est non pas l'unique mais l'un des responsables de l'inégalité de traitement des situations dont se prévaut l'UA. Cette intrusion du CS amène se poser des questions sur la légitimité des poursuites engagées par la CPI puisque dans certains cas les prises de positions du CS de l'ONU orientent le plus souvent les enquêtes menées par le procureur100.

La source des contradictions entre l'UA et la CPI par rapport au CS se traduit par l'absence de pouvoirs de l'Union et de prise en considération de ses points de vue par le CS (Paragraphe I). Quoiqu'il en soit pour l'UA, de tels pouvoirs portent atteinte à la souveraineté des États africains contre qui, les pouvoirs du CS semblent se retourner (Paragraphe II).

Paragraphe I) Le Conseil de Sécurité : source du traitement différencié entre les

États

Le Statut de Rome (article 13-b) laisse le soin au CS de déférer la situation d'États non parties dont la nécessité s'imposerait en cas de menace contre la paix. Cette disposition pose des problèmes soulevés par l'UA dont le premier s'analyse comme l'impossibilité pour le CS de déférer une situation mettant en cause l'un des cinq membres permanents ou de leurs alliés. Le CS, par une résolution défère une situation à la CPI, qui, si elle fait l'objet d'un seul veto d'un membre permanent ne pourra être adopté101. Dans ce même ordre d'idées, William BOURDON, avocat au barreau de Paris, précisera qu'en raison de ce droit de veto : « (...) on peut donc affirmer que les chefs d'États en exercice qui pourront être poursuivis par la cour pénale internationale seront les chefs, soit les dirigeants d'États voyous, soit d'États mis au ban des nations, soit d'États faibles ou d'États africains ou asiatiques qui auront ratifié le Statut (...)102»

100Francois SOUDAN, Albert Bourgi : « La CPI est influencée par les grandes puissances », Jeune Afrique Février 2014, http://www.jeuneafrique.com/134469/politique/albert-bourgi-la-cpi-est-influenc-e-par-les-grandes-puissances/ (consulté le 29/11/2015)

101A.MELCHIADE MANIRABONA, Vers la décrispation de la tension entre la Cour pénale internationale et l'Afrique: quelques défis à relever, (2011) 45 (2) Revue Juridique Thémis, http://oppenheimer.mcgill.ca/IMG/pdf/Article-Themis-.pdf, (consulté le 21/12/2015)

102Ibid

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À l'évidence, il y a au sein du CS un jeu de rapports qui expliquent que certains États sont plus exposés que d'autres à la justice internationale. Plus un État est puissant, plus il y a peu de chance que ses dirigeants ou ses ressortissants soient tenus responsables de crimes graves devant la CPI. À contrario, la faiblesse de certains États, comme les États africains, justifient qu'ils soient la cible de la CPI car leur opposition n'a pas d'impacts importants. Si l'on considère comme légitime le ressenti de l'UA sur le choix des poursuites au sein du CS, l'on condamne toutefois le fait qu'elle s'acharne sur la CPI puisque ce n'est pas la Cour qui peut décider d'ouvrir une enquête sur des États non parties mais elle ne peut le faire que s'il y a eu renvoi du CS et c'est également le Conseil qui fait le tri des situations pouvant avoir une incidence sur l'un des membres permanents. C'est toutefois le fait pour la CPI d'y participer conduit à considérer qu'elle adhère implicitement à cette politique d'hégémonie des États puissants sur des États moins forts. Par exemple, la prise de position du CS sur la situation en Côte d'ivoire a incité le procureur à y ouvrir une enquête. Pour certains, cette décision du procureur n'est pas une simple coïncidence mais s'inscrit dans le cadre de la résolution 1975 du CS autorisant une opération militaire pour soutenir les forces fidèles à OUATTARA103. Cette relation étroite entre la CPI et le CS est problématique au regard de l'impartialité et fait état d'un mélange croisé d'intérêts politiques, économiques et militaires s'agissant aussi bien d'États concernés par l'action de la Cour ou d'autres États104.

L'autre point de discorde soulevé par l'UA dans sa relation pleine de contradictions avec la CPI est l'application ou le défaut d'application de l'article 16 du Statut de Rome disposant que le CS peut suspendre les procédures en cours pendant 12 mois. En vertu de cette disposition, le CS peut arrêter ou refuser de le faire, que les procédures concernent un État partie ou non. Eu égard à l'immunité dont bénéficierait les président KENYATTA et El BECHIR et des risques des procédures judiciaires sur les efforts de paix, l'UA a adressé des requêtes répétées au CS en invoquant l'article 16 afin d'obtenir la suspension des poursuites. Le but de ces demandes était de permettre au Kenya et au Soudan de faire jouer la complémentarité en permettant aux instances judiciaires de mettre en place des mécanismes pour les responsables des prétendus crimes. C'est donc en réalité un double argument qu'utilisera l'UA pour justifier l'invocation de l'article 16105.

103Malick NDIAYE, Impunité: Jusqu'où l'Afrique est-elle prête?, Revue Africaine Trimestrielle de Stratégie et de Prospective, n°9-10, Janvier-Juin 2013, file:///C:/Users/Loah/Downloads/9782296516267_extrait.pdf, (consulté le 22/12/2015)

104Ibid

105M.FALKOWSKA et A.VERDEBOUT, L'opposition de l'Union Africaine aux poursuites contre Omar Al Bashir, Revue Belge de droit international, 2012/1, file:///C:/Users/Loah/Dropbox/Recherches%20pour%20m%C3%A9moire/L_OPPOSITION_DE_L_UNION_AFRICAI NE_AUX_PO.pdf, (consulté le 15/10/2015)

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Trois types d'arguments sont avancés par la doctrine pour rejeter l'applicabilité de l'article 16 aux poursuites engagées contre Omar El Béchir. Premièrement, admettre que le CS puisse suspendre les procédures en cours devant la Cour revient à lui accorder le pouvoir de choisir les affaires dont la Cour peut connaître. Deuxièmement, se pose la question de l'application rationae temporis de l'article 16, qui aurait été conçu pour permettre au CS d'agir comme un « filtre » uniquement dans les cas de saisine par un État partie ou par l'initiative du procureur à l'exclusion de la saisine par le CS lui-même et que ce filtre ne s'appliquerait que comme une mesure préventive à l'action de la Cour et non une fois qu'elle est déjà en mouvement106. Cet argumentaire est critiquable en ce sens rien dans le texte ne limite les pouvoirs du CS au cas seuls cas de renvoi par un État parti ou d'une saisine par le procureur. Ce deuxième argument fait une interprétation restrictive de l'article 16. Enfin, la doctrine considère que la symétrie entre l'article 16 et 13 du Statut implique que l'article 16 s'applique comme l'article 13-b à une situation, par contraste à une affaire et par conséquent le CS ne peut donc demander l'arrêt des poursuites contre El BECHIR car l'ensemble de la situation soudanaise devait être également visée107.

Frustrée et humiliée par le silence du CS, l'UA demande aux États de proposer un amendement à l'article 16 du Statut visant à permettre à l'Assemblée Générale de l'ONU d'agir si le CS ne se prononçait pas dans un délai de 6 mois conformément à la résolution 377 (V) de l'AG. Il est toutefois peu probable que cet article soit révisé, car il fait partie des dispositions adoptées pour satisfaire les revendications des cinq membres permanents du CS en général et des États-Unis en particulier108. Mais lors de la Conférence de Kampala, cette proposition d'amendement a été écarté par l'Assemblée plénière des États parties au Statut en relevant « que la proposition poserait de nombreux problèmes complexes mettant en jeu les relations entre les organes du système des Nations Unies109». Cette proposition d'amendement déposée par l'Afrique du Sud, laisse entendre dans sa formulation que la

106M.FALKOWSKA et A.VERDEBOUT, L'opposition de l'Union Africaine aux poursuites contre Omar Al Bashir, Revue Belge de droit international, 2012/1, file:///C:/Users/Loah/Dropbox/Recherches%20pour%20m%C3%A9moire/L_OPPOSITION_DE_L_UNION_AFRI CAINE_AUX_PO.pdf, (consulté le 15/10/2015)

107Ibid

108A.MELCHIADE MANIRABONA, Vers la décrispation de la tension entre la Cour pénale internationale et l'Afrique: quelques défis à relever, (2011) 45 (2) Revue Juridique Thémis, http://oppenheimer.mcgill.ca/IMG/pdf/Article-Themis-.pdf, (consulté le 21/12/2015)

109Guy-Fleury NTWARI, La proposition d'amendement de l'article 16 du Statut de Rome ou la dimension institutionnelle de la mise en oeuvre de la justice pénale internationale, Le Journal du Centre de Droit International, Dossier sur la révision de la Cour pénale Internationale, N° 7 décembre 2011, http://cdi.lyon3.free.fr/cdi.lyon3/Le_Journal_files/Journal%20du%20CDI%20n%%B0%207.pdf, (consulté le 19/04/2016)

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CS aurait un devoir de prendre une décision110. L'article 16 ne prévoit donc pas une prérogative au CS mais crée une obligation de prendre position sur la demande qui lui ai soumise111.

La suspension des poursuites peut-elle être obtenue par le CS sur le fondement du principe de la complémentarité comme l'a invoqué l'UA ? En application du principe de complémentarité, l'UA exhortera au gouvernement soudanais de prendre des mesures immédiates et concrètes visant à traduire en justice les responsables des violations de droits de l'homme au Darfour et à informer l'Union des avancées 112 . Certains émettent des doutes quant à savoir si l'examen de la complémentarité avait encore lieu de s'appliquer dans le cas particulier d'une saisine par le CS. En effet, rien dans l'article 17 relatif aux conditions de recevabilité de l'affaire ou dans l'article 19 paragraphe 3 relatif à la contestation de la compétence de la Cour ne comportent de précisions permettant d'exclure l'application de l'examen de complémentarité dans le cas du renvoi par le CS (Soudan). L'abandon des charges contre le président Uhuru KENYATTA met fin à la question de suspension des poursuites en espérant qu'une telle décision permette au Kenya d'intervenir pour réprimer les responsables des crimes commis en 2007 en application du principe de complémentarité.

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