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Les tensions entre l'union africaine et la cour pénale internationale à  l'occasion de la poursuite des chefs d'état africains

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par Stephanie Laure Anguezomo Ella
Université de Limoges - Master 2 2015
  

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Paragraphe I) Le bilan des poursuites engagées depuis sa création jusqu'à ce

jour

Malgré les conflits présents sur les autres continents, seul l'Afrique est non pas la seule mais la plus ciblée en matière d'enquêtes et de poursuites. Cette attention disproportionnée pour les exactions commises en Afrique suscite des interrogations de la part de certains dirigeants africains. A ce jour, la Cour a connu 10 situations majoritairement africaines et 7 situations sous examens préliminaires. Il s'agit notamment, pour la situation en République démocratique du Congo, de Thomas Lubanga Dyilo, Bosco Ntaganda, Germain Katanga, Calixte Mbarushimana, Sylvestre Maducumura et

10Pacifique MANIRAKIZA, AFRICAN JOURNAL OF LEGAL STUDIES ( 2009) , L'Afrique et le système de justice

pénale internationale, p21-52, Voir p.22 11Ibid

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Mathieu Ngudjolo Chui. Pour la situation en Ouganda (deux décédés), de Joseph Kony, Vincent Otti, Dominique Ongwen. Pour la situation en République Centrafricaine, de Jean-Pierre Bemba Gombo. Pour la situation au Darfour (Soudan), de Ahmad Muhammad Harun (« Ahmad Harun »), Ali Muhammad Ali Abd-Al-Rahman « Ali Kushayb », Omar Hassan Ahmad Al Bashir et Abdallah Banda Abakaer Nourain. Pour la situation en Côte d'ivoire de Laurent Dossou Gbagbo et de Charles Blé Goudé. Pour la situation au Kenya, de William Samoei Ruto, Joshua Arap Sang et Uhuru Muigai Kenyatta (retrait des charges). Pour la situation du Mali, de Ahmad Al Faqi Al Mahdi. Et enfin pour la situation en Libye, de Saif Al-Islam Gaddafi et de Muammar Mohammed Abu Minyar Gaddafi (Muammar Gaddafi). Seules trois d'entre elles (à savoir, les cas du Soudan, du Kenya et de la Côte d'ivoire) feront l'objet d'une étude approfondie, deux parmi elles (le Soudan et le Kenya) crispant les tensions entre l'UA et la CPI. Quoiqu'il en soit, toutes ces situations découlent de conflits politiques ayant donné lieu à des violations massives des droits de l'homme, justifiant ainsi l'intervention de la CPI dans le but de ne pas laisser impunis les auteurs de crimes odieux.

Toutefois dans sa quête de justice « à tout prix » certains estiment qu'elle a perdu le sens de la justice en ne dirigeant son action que vers les atrocités et abominations d'un seul continent. C'est le cas de Mouammar KADHAFI qui déclara : « la CPI applique une politique de deux poids deux mesures, en ciblant les États africains et ceux du tiers monde.12». Comment expliquer ce phénomène de distorsion de la justice internationale, selon lequel la compétence de la CPI ne s'exerce que sur l'Afrique ? Pour l'expliquer, l'auteur camerounais Fridolin FOKOU, affirme : « (...) le problème des crimes contre l'humanité impulsée par la CPI s'est construite sous le vocable Afrique, terre de tous les débordements13». Selon lui, la rythmique des crises politiques en Afrique en appelle à une conscience de la psychologie internationale, dès lors qu'il ne se passe pas un moment sans manifestations de turbulences en terre africaine. Que ce soient les conflits internes, interétatiques ou encore plus les conflits post-électoraux, l'Afrique offre un immense laboratoire d'expérimentation et d'évaluation d'indicateurs de gouvernance. L'auteur poursuit en disant que « c'est dans cette logique que la CPI semble avoir trouvé sa propre partition en invoquant l'indépendance dont elle jouit ».

Si toutefois l'Union Africaine est restée passive pour le cas Gbagbo non pas par obligation mais par intérêt, elle ne l'est pas restée longtemps après le mandat d'arrêt émis à l'encontre d'Omar EL BECHIR. Au regard du bilan des 15 dernières années d'activité de la CPI, l'UA dénonce une application inégale de la justice internationale en raison de la protection de facto de certains États puissants ou les alliés de ceux-ci. D'ailleurs, l'organisation HUMAN RIGTHS WATCH a déclaré dans

12Ibid

13Fridolin M. FOKOU, Union Africaine et Cour Pénale Internationale : De la collusion à la collision, Note d'analyse politique n°23, Janvier 2015

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une lettre rendue publique que : « Nous reconnaissons qu'a l'heure actuelle, la justice internationale s'exerce de manière inégale dans le monde14». Cette vision est loin d'être unilatérale à l'UA ou synallagmatique à celle des États membres, mais multilatérale car partagée par des non africains au regard des procédures de la CPI, tant dans le choix des enquêtes que dans celui des poursuites.

Dans un article publié par l'Association internationale du barreau, l'ancien procureur des tribunaux internationaux pour le Rwanda et la Yougoslavie, Richard GOLDSTONE a admis que la CPI semblait accorder une attention démesurée à l'instruction des crimes commis en Afrique, aux dépens de situations semblables ailleurs dans le monde15. L'Afrique apparaît ainsi être, comme l'a affirmé le professeur Francisco MELEDJE lors d'un Séminaire sur la Justice pénale internationale, « le plus gros client de la CPI16» sans l'Afrique elle ne saurait exister, l'intérêt de sa création en serait vidé. Il lui faut à tout prix s'approvisionner en matières premières c'est-à-dire en criminels. Ne pouvant atteindre les pays puissants, la CPI se limite à l'Afrique, facile d'accès diplomatiquement parlant.

À la question de savoir si la Cour mène une « chasse raciale » comme le soulignait l'éthiopien Hailemariam DESALEGN, ancien président en exercice de l'UA, la réponse négative. La Cour n'est pas raciste puisqu'il ne s'agit pas de justice de noirs contre les blancs en ce sens que même parmi les personnalités africaines, il y' a discrimination fondée sur des intérêts quels qu'ils soient quant à la personne à poursuivre. En outre, elle paraît plutôt servir des intérêts, d'où la critique d'instrumentalisation dénoncée par l'Union Africaine. De plus, l'existence d'examens préliminaires en Afghanistan, en Irak, en Palestine, en Colombie et en Ukraine aurait pu suffire à démentir les propos de l'UA, mais ce n'est qu'à partir du moment où ces examens vont aboutir à l'engagement de poursuites contre les personnes mises en cause, que la réaction des dirigeants de ces pays permettra d'infirmer celle de l'UA et des Etats africains17. D'ailleurs, il faut reconnaître que la CPI a fait un pas considérable pour contredire la thèse de l'exclusivité d'exercice de ses compétences en Afrique,

14HUMAN RIGHTS WATCH, Lettre aux Ministres des Affaires étrangères sur la CPI avant le Sommet extraordinaire de l'Union Africaine, 4octobre 2013 https://www.hrw.org/fr/news/2013/10/04/lettre-aux-ministres-des-affaires-etrangeres-sur-la-cpi-avant-le-sommet ( consulté le 26/12/2015)

15Mary KIMANI, Recherche de justice ou complot occidental, Afrique Renouveau, Vol 23/3 Octobre 2009 p12

16Francisco. DJEDRO MELEDJE, Séminaire sur la Justice Pénale Internationale: Droit pénal inter-africain, du 19 au 20 octobre, Université de Limoges

17KITTI H. Nathanièl, La Cour Pénale internationale à l'épreuve des poursuites en Afrique, CODESRIA, 08- 12 Juin 2015, file:///C:/Users/Loah/Dropbox/Recherches%20pour%20m%C3%A9moire/hinnougnon_nathaniel_kitti_la_cour_penale_ internationale_a_l_epreuve_des_poursuites_en_afrique.pdf, (consulté le 21/10/2015)

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puisque le procureur a ouvert une enquête la situation en Géorgie le 27 janvier 2016. On ne peut donc plus dire que le procureur n'exerce sa compétence qu'en Afrique.

Les agissements du procureur dans ses décisions de ne pas enquêter donnent lieu à des questionnements, notamment dans le cas de la Palestine dans lequel sont inévitablement impliqués les États-Unis et Israël (allié des États-Unis). L'autorité palestinienne a déposé une déclaration de reconnaissance de la compétence de la CPI en 2009 et demandé à la Cour d'enquêter sur les violations du droit international lors des opérations menées à Gaza, pendant et après la période allant du 27 décembre 2008 au 18 janvier 2009. Le procureur s'appuyant sur le caractère controversé de la Palestine (à savoir s'il s'agit d'un État ou non), va sur le fondement de l'article 12 paragraphe 3 du Statut de Rome refusera d'ouvrir une enquête et cela, même après que l'Assemblée Générale de l'ONU (AG) ait décidé d'accorder le 29 janvier 2012 à la Palestine le statut « d'État non membre observateur » en adoptant la résolution 67/19. Ainsi, l'excuse du procureur de ne pas ouvrir une enquête n'est normalement plus valide18. Ensuite, l'Union des Comores a saisi la CPI en demandant au procureur d'enquêter sur le raid israélien opéré le 31 mai 2010 sur une flottille humanitaire se dirigeant vers la bande de Gaza. Le procureur refusera d'ouvrir une enquête en arguant que les critères posés par le Statut n'étaient pas remplis. La Chambre préliminaire I demandera au Procureur de revoir sa décision, lequel saisira la Chambre d'appel. Dans sa décision du 6 novembre 2015, la Chambre d'appel rejettera à la majorité l'appel de la procureure et demandera à cette dernière (BENSOUDA) de reconsidérer sa position. Ce qui permet donc de poursuivre l'affaire de la flottille de Gaza. A l'évidence, il semblerait que dès lors qu'il s'agit d'une situation qui risquerait de mettre en cause les États puissants, le procureur ne retient pas toujours immédiatement la compétence de la CPI. Par conséquent même si, en théorie la Cour se défend comme elle peut de ne pas être une Cour contre les africains, les faits démontrent parfois tout le contraire.

En vertu des articles 17-1-d et 53-1 du Statut, la CPI n'intervient que si l'affaire présente un certain niveau de gravité. Ce critère de gravité comporte deux aspects : l'aspect quantitatif et qualitatif. Ceci pour étayer que, bien que nous nous accordions sur le fait que les crimes commis en Afrique sont les mêmes que ceux commis ailleurs, un élément les distingue pourtant, il s'agit de l'horreur des faits, donc de l'élément qualitatif. Cet élément qualitatif pourrait expliquer pourquoi la CPI tend à s'intéresser aux crimes commis en Afrique, que l'Afrique elle-même (en dehors de toute allégation de pressions politiques quelconques). Le nombre de victimes n'est pas le plus important dans l'absolu mais le devient par rapport à une série d'éléments. La Cour parle plutôt de proportion alors que la

18Jacques B. MBOKANI, La Cour pénale internationale : Une cour contre les africains ou une cour attentive à la souffrance des victimes africaines ?, Revue québécoise de droit international, 2013

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proportion induit le nombre. L'horreur des crimes commis au Rwanda (génocide), en Sierra Leone (crimes contre l'humanité, amputations de civils et enrôlement d'enfants soldats), au Tchad (actes de tortures), en RDC etc... Les auteurs de tels crimes posent des actes d'une cruauté qui dépasse l'entendement dans le seul but d'assouvir leur pouvoir personnel au détriment des victimes. Les dirigeants africains ont démontré au fil de l'histoire conflictuelle de l'Afrique, que les vies de milliers d'africains ne valent rien, faisant preuve d'absence d'humanité au profit d'intérêts politiques et économiques. Ces faits sont-ils qualitativement comparables aux crimes commis en Afghanistan ou en Irak bien que parfois les intérêts des auteurs convergent ?

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway