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La compétence universelle (exposé)

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par Mahmoud El Khadir
Université Mohammed 1er -  2005
  

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Section 2) Les immunités

L'immunité est la protection juridique, les garanties accordées à un individu pour le protéger dans les actes qu'il accomplit dans l'exercice de ses fonctions.

Le droit international ne reconnaît pas ces immunités lorsque la personne a commis des crimes graves de droit international (A). Mais, ce principe a été abrogé par la Cour International de Justice,dans l'affaire célèbre Yérodia (B).

A. Les immunités en droit international

Depuis toujours, une pratique internationale, d'ailleurs encore largement en vigueur, reconnaissait une immunité totale aux chefs d'Etat en exercice. Cela explique pourquoi les plus grands dictateurs, auteurs des crimes les plus graves, pouvaient continuer à circuler dans n'importe quel Etat sans avoir à répondre de leurs actes ni à s'en inquiéter. Cependant, la pratique des relations internationales ces dernières années a permis, en s'appuyant sur les textes internationaux ainsi que sur la coutume internationale, de faire évoluer les principes gouvernant les immunités accordées aux auteurs de crimes internationaux.

Cette pratique internationale de « libre circulation » et donc cette impunité des criminels lorsqu'ils occupent une fonction étatique est d'autant plus étonnante que nombreux sont les instruments internationaux en matière de droits de l'homme qui consacrent au contraire la responsabilité personnelle pénale des auteurs, quelle que soit leur qualité officielle, de violations graves des droits de l'homme. On peut citer ainsi, le Traité de Versailles du 28 juin 1919 41(*), le Statut du Tribunal militaire de Nuremberg 42(*), dont les principes ont été adoptés par l'Assemblée générale des Nations unies, le Statut du Tribunal militaire international de Tokyo 43(*), l'article IV de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide du 9 décembre 1948 44(*), ou encore les statuts des deux tribunaux ad hoc pour l'ex-Yougoslavie (article 7-2 )45(*) et le Rwanda (article 6-2 )46(*), qui ont mis en application le principe de l'absence d'immunité d'un chef d'Etat y compris en exercice, et notamment dans l'affaire Slobodan Milosevic.

Dans le même sens, on peut également citer la Déclaration sur la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées du 18 décembre 1992 47(*). Si cette déclaration n'a pas de force juridique contraignante, elle consacre néanmoins l'évolution du droit international en matière de responsabilité pénale des agents de l'Etat qui se rendraient coupables d'infractions graves en matière de droits de l'homme.48(*)

Le Statut du Tribunal militaire international de Nuremberg précise que « la protection que le droit international assure aux représentants de l'Etat ne saurait s'appliquer à des actes criminels. Les auteurs de ces actes ne peuvent invoquer leur qualité officielle pour se soustraire à la procédure normale et se mettre à l'abri du châtiment (1er octobre 1946) ».

Ces principes ont par ailleurs été repris par le Statut de la Cour pénale internationale, adopté à Rome le 17 juillet 1998, dans son article 27 :

1. Le présent Statut s'applique à tous de manière égale, sans aucune distinction fondée sur la qualité officielle. En particulier, la qualité officielle de chef d'Etat ou de gouvernement, de membre d'un gouvernement ou d'un parlement, de représentant élu ou d'agent d'un Etat, n'exonère en aucun cas de la responsabilité pénale au regard du présent Statut, pas plus qu'elle ne constitue en tant que telle un motif de réduction de la peine.

2. Les immunités ou règles de procédure spéciales qui peuvent s'attacher à la qualité officielle d'une personne, en vertu du droit interne ou du droit international, n'empêchent pas la Cour d'exercer sa compétence à l'égard de cette personne.

Le 25 novembre 1998, soit quelques mois après l'adoption le 17 juillet 1998 du Statut de la Cour pénale, la Chambre des Lords, au moment de l'affaire Pinochet, affirmait que le principe d'immunité dont pouvait se prévaloir un chef d'État devait céder devant les crimes les plus attentatoires à l'humanité. Dans cette affaire, Lord Nicholls indiquait que « la loi internationale indique clairement que certains types de conduite, dont la torture et la prise d'otages, ne sont pas acceptables de la part de quiconque. Ceci s'applique autant aux chefs d'Etat, et encore plus à eux qu'à qui que ce soit : une conclusion contraire tournerait en dérision la loi internationale ».

Le juge belge Damien Vandermeersch l'a parfaitement rappelé dans son ordonnance rendue le 6 novembre 1998 dans le cadre de l'instruction de la procédure introduite contre Monsieur Augusto Pinochet en Belgique, dans laquelle il précise que « [La personne ayant le statut d'ancien chef de l'Etat] continue cependant à jouir des immunités pour tous les actes accomplis dans l'exercice de ses fonctions de chef de l'Etat... Si les crimes reprochés actuellement à Monsieur Pinochet devaient être considérés comme établis, on ne saurait cependant considérer qu'ils aient été accomplis dans le cadre de ses fonctions : de tels actes criminels ne peuvent être censés rentrer dans l'exercice normal des fonctions d'un chef d'Etat, dont l'une des missions consiste précisément à assurer la protection de ses concitoyens ».

En outre, l'immunité reconnue aux chefs d'Etat ne paraît pas s'appliquer en matière de crime de droit international, tels les crimes de guerre, les crimes contre la paix ou les crimes contre l'humanité. 49(*)

L'immunité d'un chef d'Etat, même en exercice, ne devrait jamais être opposée, puisqu'elle aboutirait à ce qu'il n'y ait pas d'effectivité possible des conventions internationales de défense des droits de l'homme, qui deviendraient de ce fait des déclarations d'intention, sans force contraignante, et contraires aux lois et principes essentiels de l'humanité.

B. La consécration des immunités par la jurisprudence50(*)

Malheureusement, une décision de la Cour internationale de justice de La Haye , rendue à l'occasion d'un différend entre la Belgique et la République démocratique du Congo, prend à contre-courant cette tendance du droit international. En effet, selon la Cour, « les fonctions d'un ministre des Affaires étrangères sont telles que, pour la durée de sa charge, il bénéficie d'une immunité de juridiction pénale et d'une inviolabilité totales à l'étranger ». Les enseignements à tirer de cette courte phrase sont multiples. Selon la Cour internationale de justice, l'immunité ne bénéficie au dirigeant que pour la durée de sa charge - il pourra donc être poursuivi, le cas échéant, à la fin de son mandat - et elle est totale, c'est-à-dire qu'elle ne peut être refusée au ministre même si les actes dont il est l'auteur sont présumés constituer des crimes internationaux. En outre, il paraît nécessaire, au vu de la décision dite « Yerodia », de faire une distinction entre l'opposabilité de l'immunité devant une juridiction internationale et devant les juridictions nationales... Si l'immunité est toujours refusée devant un tribunal international (cf. Statut de la CPI et Statuts des deux tribunaux ad hoc), elle doit être accordée devant les tribunaux internes. Cela pose évidemment un sérieux problème pour l'exercice par les juges nationaux de la compétence universelle puisque toute personne occupant une fonction officielle et en exercice pourra opposer aux tribunaux cette fameuse immunité.

On est confronté ici à une importante contradiction de la part des Etats. S'ils sont prêts à admettre que les crimes internationaux ne peuvent pas entrer dans l'exercice des fonctions d'un dirigeant, ils n'en donnent pas moins priorité aux immunités par rapport à la poursuite effective de ces crimes internationaux.

* 41 Le Traité de Versailles prévoit en effet dans son article 227 la mise en accusation publique de Guillaume II, qui sera jugé par un Tribunal spécial. Dans le même article, les puissances alliées et associées demandent en outre aux Pays-Bas de leur livrer l'ex-empereur pour qu'il soit jugé dans le respect des droits de la défense.

* 42 Cf. Art. 7 :
« La situation officielle des accusés, soit comme chefs d'Etat, soit comme hauts fonctionnaires, ne sera considérée ni comme une excuse absolutoire, ni comme un motif de diminution de la peine. »

* 43 Cf. Art. 6 :
« Neither the official position, at any time, of an accused, nor the fact that an accused acted pursuant to order of his government or of a superior shall, of itself, be sufficient to free such accused from responsibility for any crime with which he is charged, but such circumstances may be considered in mitigation of punishment if the Tribunal determines that justice so requires. »

* 44 Cf. Art. 4 :
« Les personnes ayant commis le génocide ou l'un quelconque des autres actes énumérés à l'Article III seront punies, qu'elles soient des gouvernants, des fonctionnaires ou des particuliers. »

* 45 Cf. Art. 7.2 :
« La qualité officielle d'un accusé, soit comme chef d'Etat ou de gouvernement, soit comme haut fonctionnaire, ne l'exonère pas de sa responsabilité pénale et n'est pas un motif de diminution de la peine. »

* 46 Cf. Art. 6.2 :
idem

* 47 Cf.Art.16.3 :
« Aucun privilège, immunité ou dispense spéciale n'est admis dans de tels procès, sans préjudice des dispositions énoncées dans la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques ».

* 48 http://www.reseau-damocles.org/article.php3?id_article=4333

* 49 E. DAVID, Eléments de droit pénal international, 1997-1998, Presse Universitaire de Bruxelles, p. 36-37.

* 50 Sur les réflexions sur l'arrêt Yérodia. Voir http://www.rajf.org/article.php3?id_article=508

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams