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La nomination des animaux par Adam, dans l'Occident latin du XIIe au XVe siècle. Etude iconographique

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par Maÿlis Outters
Université de Versailles-Saint Quentin en Yvelines - Master 2 d'histoire médiévale 2006
  

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Chapitre 4. L'exemple du monde animal

Le monde animal sert d'exemple aux hommes, la scène de la nomination des animaux n'a pas été interprétée comme un simple don de noms par l'homme aux animaux. Le monde animal qui est superposable au monde humain, offre ainsi au commentateur médiéval une approche différente du texte de la Genèse . D'une part les animaux dominés par Adam sont les passions dominées par la raison, et d'autre part le troupeau de la chrétienté est comparé aux animaux de la création soumis et obéissants envers le pasteur.

1. Dominer ses animaux intérieurs

Dans la domination que Dieu donne à l'homme sur les animaux, Origène voit une injonction à soumettre les instincts bestiaux de l'homme, cette sorte de «jardin zoologique de l'homme»137(*) ; ces animaux sont soit tout ce qui procède de l'âme et de la pensée du coeur, soit tout ce qui provient des désirs corporels et des mouvements de la chair.

Les clercs proposent donc à l'homme du Moyen Âge un champ illimité de domestication, extensible à tout le règne animal où aucune bête n'est finalement plus apprivoisable qu'une autre puisqu'il faut retrouver à l'instar du saint l'état «naturel» dans lequel le monde aurait dû vivre. La supériorité de l'homme sur le monde animal, c'est la supériorité de la raison sur les passions. Le sens allégorique de la nomination des animaux (tel que l'a décrit Henri de Lubac138(*) ), c'est que l'homme à l'instar d'Adam qui domine les animaux en les nommant raisonnablement, doit dominer ses passions intérieures par la raison. Tout ces démons intérieurs qui se cachent dans l'homme, et qu'il doit dominer se retrouvent personnifié dans un animal : le sanglier.

C'est un animal à figure ambivalente qui se retrouve souvent dans les bestiaires en marge des enluminures. Seule la tête du solitaire émerge de la marge dans le bestiaire de Saint-Petersbourg (ill. 4), où il fait piètre figure entre l'éléphant, le boeuf et le cheval. Le bestiaire d'Aberdeen (ill. 5) nous montre deux sangliers (le mâle et la laie) coupés par la marge, sa copie d'Oxford (ill. 18) fait ressortir la couleur noire de l'animal. Dans le bestiaire d'Oxford139(*) (ill. 7) il marche à contre courant, il est caché par la chèvre debout qui ainsi le domine physiquement, comme les autres grands quadrupèdes qui lui sont accolés. Caché, noir, diminué : l'enluminure reflète bien les textes.

Le sanglier accumule toutes les défauts du diable, Henri de Ferrières énumère ainsi ses dix défauts diaboliques, en comparaison aux qualités christologiques du cerf. Il est laid, noir, hérissé, il vit dans les ténèbres, a deux armes redoutables comme les crochets de l'enfer, il ne regarde jamais vers le ciel, fouille le sol toute le journée et ne pense qu'aux plaisirs terrestres, il est sale, a les pieds tordus, et est paresseux140(*). Le Physiologus le décrit comme étant le diable qui sort de la forêt pour ravager les vignes, c'est-à-dire qu'il sort des ténèbres pour ravager les âmes mal barricadées dans la volonté de Dieu141(*) . On constate que le sanglier du bestiaire d'Oxford (ill. 18) est dans la même case que les chèvres et le mouton, représentants du troupeau chrétien, une chèvre qui est souvent l'image du mauvais chrétien tourne sa tête du coté du sanglier, attirée par le Mal.

L'homme doit dominer ses passions, il doit se séparer de ses vices, comme le castor se coupe ce que les bestiaires pensaient être ses testicules. Dans le bestiaire de Saint-Petersbourg (ill. 4) le castor est en pleine action.

Le bestiaire d'Alnwick Castle (ill. 10) qui se distingue des autres par l'abondance des animaux, a aussi la particularité de présenter des animaux qui se battent. Alors que l'harmonie et la paix devraient régner dans le jardin d'Éden, le chien mord le cheval au cou, et le taureau affronte le lion. Ces animaux qui peuvent avoir une symbolique très positive représenteraient, ici par leurs combats, certains péchés capitaux, comme l'orgueil pour le lion et le cheval, la colère pour le taureau et l'envie pour le chien. Les autres quadrupèdes accolés complètent ce palmarès, la paresse de l'âne, la luxure du chat, l'avarice de l'écureuil, ou sa gourmandise, lui qui est en train de grignoter sa noisette. Le sanglier et le hérisson sont les pécheurs par excellence qui vivent dans les ténèbres. Quant au singe au regard perfide, tenant en sa main un fruit rouge, il est l'image de l'homme, d'Adam qui péchera par le fruit défendu. Tous ces «animaux» doivent être dominés par l'homme : comme Adam, isolé des animaux par un cadre, domine cette faune par sa raison et sa sagesse (peut-être personnifiées par les deux femmes couronnées). Nous retrouvons le singe dans d'autres enluminures tenant un fruit, qu'il présente au chien dans un bestiaire d'Oxford (ill. 7), pastiche de la tentation d'Ève. L'effet de miroir pour l'homme est plus flagrant dans le bestiaire de Saint-Petersbourg (ill. 4) où un singe croque un fruit juste en face d'Adam, presque collé à lui. Alors qu'il est dans toute se gloire Adam est déjà mis face à son destin.

Mais l'animal n'est pas qu'une représentation zoomorphe des péchés, l'animal a aussi valeur d'exemple, et incarne des vertus. Le symbolisme des animaux est très ambivalent, rares sont ceux qui n'ont qu'une signification positive ou négative.

* 137 expression de P. Cox Miller dans «Origen on the Bestial Soul. A Poetics of Nature», Vigilae Christianae, 36, n°2, 1982, p. 132.

* 138 H. de Lubac, Exégèse médiévale, les quatre sens de l'Écriture, Paris, Le Cerf, 1964-1967, 4 vol.

* 139 Bestiaire en provenance de York (Angleterre), v. 1220, Oxford, St John's College, Ms. 61, fol. 2.

* 140 G. Duchet-Suchaux, M. Pastoureau, Le Bestiaire médiéval., op. cit., p. 128.

* 141 A. Zucker, Physiologos. Le bestiaire des bestiaires, op. cit., p. 302-303.

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