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Du contentieux constitutionnel en République Démocratique du Congo. Contribution à  l'étude des fondements et des modalités d'exercice de la justice constitutionnelle

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par Dieudonné KALUBA DIBWA
Université de Kinshasa - Doctorat en droit 2010
  

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§1. La République sud-africaine

Malgré sa nouveauté dans le paysage institutionnel sud-africain, il faut reconnaître que la Cour constitutionnelle de ce pays présente un intérêt majeur du point de vue de l'élaboration d'un modèle congolais. En effet, sortie de limbes de l'apartheid qui est une sorte de négation de l'homme en tant qu'il est expression d'une différence de couleur, la République sud-africaine a suivi en cela les traces historiques de tous les peuples qui ont connu les horreurs de l'histoire.

La Cour constitutionnelle est le fruit des négociations constitutionnelles des années 1992-1993 qui ont abouti à sa consécration dans la constitution intérimaire de 1993. La doctrine la plus en vue sur la question indique que sa caractéristique principale est de n'être fondée ni sur le modèle américain ni de s'apparenter pleinement au modèle européen.493(*)

Pour de raisons plutôt politiques que techniques, la République sud-africaine a opéré un choix vers ce modèle métissé car il s'agit pour elle d'avoir un juge garant de la Constitution mais qui ne soit pas un juge de l'époque de l'apartheid. Il se développait en effet la crainte légitime de ne pas voir s'exercer pleinement la protection de la Constitution et des droits fondamentaux tant les juges antérieurs ne s'étaient guère distingués dans la protection des droits fondamentaux au point qu'il eut été illusoire de leur confier la tâche de gardien de la Constitution. Si la Cour constitutionnelle a le dernier mot en matière constitutionnelle, la possibilité est donnée aux autres juridictions supérieures qu'elle coiffe de trancher des questions de droit constitutionnel à l'occasion d'un litige.

Il faut noter, en passant que le système juridictionnel de la République sud-africaine est fondé sur l'unicité de juridictions. Au bas de la pyramide, il y a les Magistrates Courts et les Regional Courts qui statuent au premier degré, suivis des juridictions d'appel qui jouent en même temps le rôle de juridictions de premier degré pour ce qui est des juridictions supérieures appelées High Courts. Compte tenu de la nature de l'affaire, elles peuvent être saisies au premier degré ou en appel. Au sommet de la pyramide, trône la Cour suprême appelée Supreme Court of Appeal qui est l'exact pendant de la Cour de cassation tant elle n'examine que des moyens de droit.

Il y a là mélange du modèle centralisé et décentralisé à la fois. Les juridictions supérieures saisies de la question de constitutionnalité l'examinent tantôt comme une question préalable et la vident à leur niveau tantôt comme une question préjudicielle et en renvoient l'examen devant la Cour constitutionnelle. Toutes les juridictions participent au contrôle de constitutionnalité même si le monopole final est réservé à la Cour constitutionnelle.

Le contentieux constitutionnel sud-africain, affirme Xavier Philippe, se situe à la croisée des chemins et des systèmes, reflet de l'Afrique du Sud elle-même.494(*) Du point de vue l'architecture institutionnelle, la Cour constitutionnelle est organiquement intégrée au pouvoir juridictionnel. Elle figure au chapitre 8 consacré au système judiciaire et elle est placée en tête de toutes les juridictions de la République. 495(*) En revanche, une compétence de cette Cour va au-delà du pouvoir d'une juridiction soit-elle constitutionnelle. En effet, le juge constitutionnel sud-africain a la mission d'homologuer des textes constitutionnels adoptés par le constituant. Cette mission spéciale fait du juge sud-africain un cas type d'un choix de « chemin de traverse mêlant classicisme et innovation ».496(*)

S'agissant de la composition, la Cour est composée d'un Président, d'un vice-président et de neuf autres juges soit onze membres au total. Le quorum est de huit membres. Les juges sont nommés pour un mandat non renouvelable de douze ans mais ils doivent se retirer dès qu'ils ont atteint l'âge de soixante-dix ans. 497(*) Le président et son adjoint sont nommés par le Président de la République après consultation de la Commission du service judiciaire ainsi que des chefs de partis politiques représentés à l'Assemblée nationale.

Les autres juges sont nommés par le Président de la République après consultation du Président de la Cour constitutionnelle et des chefs des partis politiques représentés à l'Assemblée nationale. Ce système de nomination aboutit concrètement à ceci que la Commission du service judiciaire propose et le Président de la République dispose au sein de la seule liste établie par cette dernière. L'on peut noter que les juges doivent être de nationalité sud-africaine, être juges au moment de la nomination et tenir compte de la représentation par race et par sexe.

Enfin, ils doivent être fit and proper c'est-à-dire capables et dignes, ce qui voudrait dire posséder les qualifications techniques et professionnelles requises pour le boulot. En cas de vacance, sans consultation de la Commission du service judiciaire requise, le Président de la République nomme un juge suppléant sur recommandation conjointe du Ministre de la justice, du Président de la Cour constitutionnelle et du Président de la Cour suprême.

S'agissant, en revanche, de la compétence de la Cour constitutionnelle sud-africaine, il importe de noter que l'article 167 de la Constitution définitive de 1996 confie à cette haute instance la compétence en matière constitutionnelle mais uniquement en matière constitutionnelle. Elle tranche les questions de constitutionnalité ou statue sur les décisions relatives à ces questions rendues par les autres juridictions. Cette innovation institutionnelle a engendré ce que le professeur Xavier PHILIPPE appelle le contrôle concentré diffus.

La constitution reconnaît en effet à toutes les juridictions le pouvoir de statuer sur une question de constitutionnalité mais en même temps la Cour doit être saisie automatiquement pour confirmer la décision juridictionnelle ainsi rendue. A notre sens, il s'exerce là un double contrôle : sur la constitutionnalité mais également sur la validité du jugement rendu par le juge inférieur. De ce point de vue, la Cour constitutionnelle joue le rôle de juge d'appel en ce qui est des décisions rendues par les autres juridictions en matière constitutionnelle.

Aucune décision d'inconstitutionnalité ne peut échapper au contrôle final de la Cour constitutionnelle. Il s'agit là, à n'en point douter d'un trait important de son originalité qui s'accouple cependant avec d'autres caractéristiques que nous verrons plus loin.

En outre, il sied de noter que la Cour constitutionnelle sud-africaine est dotée sur pied des dispositions de l'article 167(4) de la Constitution de 1996 des attributions généralement confiées à un tribunal constitutionnel dans une fédération. A ce titre, elle est compétente pour régler les questions de compétence entre pouvoir central et provincial.

De même, l'on observe que la Cour constitutionnelle peut être également saisie dans le cadre d'une saisine parlementaire nationale ou provinciale ; au niveau national, l'Assemblée nationale dispose en effet de la possibilité juridique de saisir la Cour dans le les 30 jours de la promulgation de la loi par le Président de la République et ce, moyennant la signature de la requête par un tiers des membres de l'Assemblée nationale. Il en va de même au niveau provincial sauf à préciser que le nombre des signatures exigées s'élève plutôt à un cinquième des membres de l'assemblée provinciale.

De l'avis de la doctrine, le point le plus original de la technique de contrôle de constitutionnalité en République sud-africaine est sans nul doute le contrôle de constitutionnalité des révisions constitutionnelles. 498(*)

Il suffit de se rappeler les débats nombreux et intenses sur la supraconstitutionnalité pour se rendre à l'évidence que ce contrôle est tout de même original. Par définition, en effet, le pouvoir constituant fut-il dérivé est souverain et à ce titre non susceptible de contrôle ; dès lors il est curieux de voir l'enserrer dans les lumières d'une Cour constitutionnelle.

Cependant, l'explication que tente Xavier Philippe peut apaiser les esprits car, selon lui, ce contrôle est d'abord limité à certaines dispositions de la Constitution tout comme il s'exerce ensuite sur les dispositions relatives au pouvoir de révision. Les dispositions de fond ne semblent guère être concernées par ce contrôle.499(*)

La thèse ainsi soutenue nous parait quelque peu confuse car le fait de vérifier la régularité d'une révision constitutionnelle à l'aune des principes constitutionnels antérieurement adoptés ne s'analyse pas en un contrôle juridictionnel de la constitutionnalité, la Cour étant ici prise comme un des mécanismes de la révision constitutionnelle elle-même. En effet, la Cour avait été invitée à certifier que le texte définitif de la Constitution était conforme aux principes constitutionnels. L'invitation provenant du « contrôlé », elle ne saurait, à notre sens, s'analyser en un contrôle juridictionnel.500(*)

Il importe toutefois de noter que le juge constitutionnel sud-africain possède un pouvoir d'autosaisine en cas d'incompétence négative du Parlement ou du Président de la République.

Elle dispose de même de la compétence d'homologuer les constituions provinciales et leurs révisions. Il importe de souligner cependant que la plupart de ces compétences sont exercées par la Cour avec d'autres organes, dans le cadre d'un appel ou d'un recours direct.

S'agissant de ces compétences partagées, Xavier Philippe opine que la Cour constitutionnelle apparaît davantage comme une Cour d'appel intégrée au système juridictionnel spécialisé dans le contentieux constitutionnel.501(*) Il faut d'emblée affirmer que le contrôle de constitutionnalité dans le système sud-africain est un contrôle diffus concentré ou plus exactement à double détente. Notons cependant que les juridictions de première instance ordinaires n'exercent ce contrôle qu'à l'égard des actes administratifs essentiellement individuels, vis-à-vis des dispositions de la common law et du droit coutumier. Le droit sud-africain reconnaît le droit coutumier à la condition qu'il se conforme au chapitre 2 de la Constitution relatif à la protection des droits fondamentaux.

Les juridictions supérieures, par contre, ont l'obligation, aux termes de l'article 172 de la Constitution, de censurer tout grief d'inconstitutionnalité. Si le grief est rejeté, la décision ainsi rendue étant exécutoire, le juge procède à l'examen du fond.

En revanche, si le grief est admis et l'acte querellé enchaîné dans les liens de l'inconstitutionnalité, la décision sera suspendue jusqu'à la confirmation par la Cour constitutionnelle. La haute Cour joue ici et ainsi le rôle d'un juge d'appel objectif des questions constitutionnelles.

Deux situations sont possibles : ou la décision du premier degré est contestée par les parties par la voie d'appel, auquel cas la Cour constitutionnelle statue sur l'incident avec le tour particulier des spécificités de la cause en examen, ou la juridiction de première instance proprio motu saisit la Cour constitutionnelle aux fins de faire confirmer sa décision, auquel cas cette dernière statue comme juge constitutionnel sans égard ni aux arguments des parties ni aux particularités du litige.

Par la voie d'appel en effet les parties disposent ainsi de la possibilité de discuter indéfiniment ou à tout le moins avec bonheur les questions d'interprétation des textes constitutionnelles ou de leur application sans qu'aucun filtrage ne soit exercé à ce niveau. Il convient de conclure avec Xavier Philippe que « cette compétence partagée constitue un principe auquel la Cour constitutionnelle est très attachée car elle estime que la protection de la Constitution et sa suprématie dépendent de l'ensemble de l'ordre juridictionnel et non pas d'elle seule. Le contrôle de constitutionnalité n'est pas envisagé en Afrique du Sud séparément des autres questions ».502(*)

Une autre spécificité du modèle sud-africain réside à coup sûr dans la technique de recours direct devant la Cour constitutionnelle depuis n'importe quelle juridiction de quel que niveau qu'elle soit. Un filtrage de l'intérêt de la justice est fait préalablement par la Cour constitutionnelle seule. Une forte similitude avec le pourvoi dans l'intérêt de la loi du droit congolais peut être notée à ce niveau sauf à voir que l'initiative en est laissée aux particuliers pour ce qui est du recours direct.

Il suffit alors que non seulement la requête recueille quelques chances de réussite mais aussi que la résolution du cas soit nécessaire dans l'intérêt de la justice. Entre en ligne de compte souvent la fréquence avec laquelle la question posée pourrait se reproduire devant les autres juridictions.

En dehors de l'appel direct devant la Cour constitutionnelle, il existe le recours direct en inconstitutionnalité qui est inspiré vraisemblablement de celui qui existe en Allemagne et que nous avons vu plus loin. Toutefois, bien que prévu à l'article 167 (6) (a) de la constitution, ce recours est enchâssé dans un trio des règles prévues à l'article 17 du règlement intérieur de la Cour. Le recours doit ainsi indiquer en quoi il favorise l'intérêt de la justice, les effets recherchés et apporter des preuves ou offrir de les apporter relativement à l'objet de la requête.

La Cour, comme dans le cas d'appel direct, garde une large marge d'appréciation de la réalisation de ces trois conditions. Sans critiquer le droit anglo-saxon dans son ensemble, l'on peut légitimement se poser la question de savoir s'il est cohérent dans un système de droit que le juge soit appelé à appliquer des normes par ailleurs établies par lui-même.503(*)

Quant à la forme, il est utile de remarquer que les recours sont adressés à la Cour constitutionnelle par le biais du « huissier auprès des Hautes Cours » ; ce qui est l'équivalent d'un avoué à la Cour dans le système romano-germanique. Mais des dérogations sont possibles à la seule discrétion de la Cour. Les parties sont représentées par des « avocats auprès des Hautes Cours ».504(*) Ils doivent néanmoins avoir un mandat accepté par la Cour.

Il convient de remarquer que les requêtes sont déposées par les parties sous la forme d'une motion c'est-à-dire recours introductif d'instance soutenue par un affidavit c'est-à-dire une déclaration écrite faite sous serment. Les parties échangent les mémoires dans un délai de quinze jours maximum. Le président en cas d'urgence peut déroger à ces délais en les abrégeant. Outre le caractère écrit des arguments des uns et des autres, l'audition des parties demeure un principe appliqué par la Cour. Aux yeux des juges et des parties, il reste que l'attachement à l'oralité des débats est une valeur de la tradition juridique sud-africaine. Comme mélange avec le système anglo-saxon, le système sud-africain reconnaît l'intervention des amicus curiae c'est-à-dire des personnes intéressées par le procès et qui, avec l'accord des parties et celui du Président de la Cour, souhaitent intervenir dans le litige. Il ests entendu que cet accord détermine les droits et obligations des amicus curiae.

Outre l'indication de leur intérêt à agir, les amicus curiae doivent de même décrire la position soutenue et dire en quoi elle serait utile à la Cour, endéans dix jours et dans le strict respect de l'accord des parties et l'approbation du Président de la Cour. Ce dernier peut restreindre les droits découlant de l'accord ainsi donné.

Quant au jugement, la forme empruntée est celle d'un jugement dans le système anglo-saxon permettant des opinions séparées et dissidentes. Par ailleurs, la transparence qu'impose un tel système est de nature à permettre le suivi des tendances jurisprudentielles de la Cour sud-africaine. Le président n'a pas de voix prépondérante. C'est un des traits saillants du modèle sud-africain.

L'autre caractéristique fondamentale de ce modèle est que le juge sud-africain peut soit invalider purement et simplement une disposition inconstitutionnelle, soit demander au Parlement de modifier les dispositions législatives de façon à les rendre conformes à la Constitution, soit, et c'est cela la meilleure, suppléer la carence législative en ajoutant elle-même certaines dispositions de manière à rendre compatible la disposition censurée avec la Constitution. 505(*)

L'on ne peut clore ce sujet sans dire un mot sur le caractère totalement protecteur des droits fondamentaux vis-à-vis des autorités publiques dont tous les actes sont désormais soumis à la censure du juge constitutionnel. Avec Xavier Philippe, nous devrions reconnaître qu'en peu de temps elle a fait ses preuves en prenant des décisions parfois à contre courant de l'opinion majoritaire et en censurant les actes présidentiels même ceux qui sont habituellement parés de l'immunité juridictionnelle comme les grâces présidentielles.506(*)

Si tel est l'excellent état des lieux que la doctrine spécialisée établit sur la Cour constitutionnelle en République sud-africaine, voyons à présent ce qu'il en est du Sénégal qui passe pour un modèle démocratique sur le continent malgré quelques ratés du reste peu négligeables au regard d'énormes catastrophes que connaît l'Afrique centrale.

§2. Le Sénégal

Pays souvent cité comme modèle de réussite de décolonisation à la française, le Sénégal présente en revanche un taux fort élevé de mimétisme institutionnel surtout dans le domaine de la justice constitutionnelle.

Il faut d'emblée dire que le Sénégal est demeuré longtemps dans le modèle d'une cour suprême avant d'adopter le modèle qu'il vient de rejeter avec sa dernière révision constitutionnelle. Sans aller dans les détails, l'on peut donc dire que l'exemple sénégalais est symptomatique d'une tendance effrénée au mimétisme français même si dans l'un et l'autre cas les paramètres semblent ne pas être identiques. Toutefois, le Sénégal reste, en dépit de quelques dérapages singuliers, un modèle de démocratie en Afrique noire ; à ce titre, l'étude de son type de justice constitutionnelle présente un vif intérêt suscité du reste par à la fois une proximité géographique et une parenté génétique certaine, pour paraphraser Cheikh Anta Diop.507(*)

Le Conseil constitutionnel sénégalais est donc une institution publique et la plus haute instance du système judiciaire de ce pays. Il présente par le phénomène bien connu du mimétisme institutionnel du fait de la colonisation des similitudes avec le Conseil constitutionnel français que nous avons étudié plus loin.

Le Conseil constitutionnel sénégalais a vu le jour en 1992 lorsque la Cour suprême a été supprimée et remplacée par trois organes spécialisés.508(*)

Il est composé de cinq membres qui sont nommés par décret présidentiel pour six ans non renouvelables, dont un Président et un vice-Président. Il est partiellement renouvelé tous les deux ans, à raison de deux membres au maximum. Les membres de cet organe sont choisis parmi les anciens Premiers Présidents de la Cour suprême, le Président et les anciens Présidents du Conseil d'Etat, le Premier Président et les anciens Premier Présidents de la Cour de cassation et le Procureur général et les anciens Procureurs généraux près la Cour de cassation, les anciens Procureurs généraux près la Cour suprême, jusqu'au Présidents de section, de chambre, les avocats généraux , anciens et actuels, du Conseil d'Etat, de la Cour de cassation, les Premiers Présidents et les Procureurs généraux, anciens et actuels, des Cours d'Appel.

Deux membres du Conseil constitutionnel peuvent être choisis par les professeurs ou anciens professeurs titulaires des Facultés de Droit, les inspecteurs généraux d'Etat et anciens inspecteurs généraux d'Etat, les Avocats, à condition qu'ils aient au moins vingt cinq ans d'ancienneté dans la fonction publique ou vingt cinq ans d'exercice de leur profession.

A ce niveau, nous ne pouvons que remarquer une prédilection tout faite en faveur des magistrats, anciens et nouveaux, au détriment des autres catégories des juristes comme les professeurs ou les hauts fonctionnaires de l'Etat.

Au demeurant, la condition de l'ancienneté posée entraîne à coup sûr une gérontocratie dans les rangs des juges de la constitutionnalité. Nous en verrons la conséquence à l'occasion de l'examen de la jurisprudence de cet organe.

Disons déjà ici que le Conseil constitutionnel ne peut délibérer valablement qu'en présence de tous ses membres, sauf empêchement temporaire d'un d'entre eux au plus, dûment constaté par les autres membres. Si le membre empêché est le Président, le Vice-président assure son intérim. En cas de partage de voix, celle du Président est prépondérante. 509(*)

Pour être complet, il importe de signaler que les contestations en matière électorale sont dispensées du ministère d'avocat et le Conseil constitutionnel statue sans frais.

S'agissant de ses compétences, le Conseil constitutionnel statue sur la constitutionnalité des règlements intérieurs des assemblées, sur celle des lois, sur le caractère règlementaire des dispositions de forme législative, sur la constitutionnalité des lois organiques, sur la recevabilité des propositions de loi et amendements d'origine parlementaire, sur la constitutionnalité des engagements internationaux, sur les exceptions d'inconstitutionnalité soulevées devant le Conseil d'Etat ou la Cour de cassation et plus généralement sur tous les conflits de compétence entre le Conseil d'Etat et la Cour de cassation et entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif.

De par l'ampleur des attributions confiées à cet organe, l'on doit dire qu'il se distingue du juge français par la compétence qu'il détient sur l'exception de constitutionnalité et par celle de trancher les conflits d'attributions entre le Conseil d'Etat et la Cour de cassation.

Par ce biais, cet organe acquière non seulement un caractère juridictionnel incontestable mais également une position juridictionnelle dans la hiérarchie judiciaire de ce pays. 510(*)

En effet, le juge français, on l'a vu, est dépourvu de telles compétences même si son modèle reste valable pour le gros de compétences dévolues au juge sénégalais. L'action directe en inconstitutionnalité reste fermée aux particuliers comme dans le modèle d'origine qui conçoit le juge constitutionnel comme un organe politique511(*) chargé se surveiller la bonne exécution des lois. Il y a là une survivance très dure de l'esprit de la Constitution du 4 octobre 1958.512(*)

En outre, le Conseil constitutionnel reçoit les candidatures à la présidence de la République, arrête la liste des candidats, statue sur les contestations relatives aux élections du Président de la République et des Députés à l'Assemblée nationale et en proclame les résultats. Il reçoit le serment du Président de la République et constate sa démission, son empêchement, ou son décès ainsi que la démission, l'empêchement ou le décès des personnes appelées à le suppléer dans ces cas.

Par ailleurs, il exerce les compétences qui lui sont dévolues par les dispositions des articles 46 et 47 de la Constitution sénégalaise lorsque le Président de la République décide de soumettre un projet de loi au referendum ou prononce la dissolution de l'Assemblée nationale.

Ajoutons que lors des élections législatives nationales, le Conseil reçoit les résultats provisoires proclamés par les Cours d'appel et statue sur les éventuels recours et réclamations et proclame les résultats définitifs. Il va sans dire qu'en agissant ainsi, il exerce à la fois le rôle d'une juridiction constitutionnelle et d'un organe constitutionnel de mise en place des institutions.

S'agissant de la procédure, il sied d `indiquer qu'elle n'est pas contradictoire. Hormis le serment du chef de l'Etat et celui des membres du Conseil eux-mêmes qui se déroulent en audience publique, les audiences du Conseil ne sont pas publiques. Les intéressés ne peuvent demander à y être entendus.513(*)

Du point de vue strictement procédural, le Président désigne un rapporteur lors qu'une affaire est portée au rôle du Conseil constitutionnel. Le Conseil prescrit toutes mesures d'instruction qui lui paraissent utiles et fixe les délais dans lesquels ces mesures doivent être exécutées. Une fois désigné, le rapporteur établit les documents suivants : a) une note qui résume les faits ayant donné lieu à l'affaire, expose la procédure suivie et examine les questions suivantes : la compétence, la forclusion, le désistement, l'irrecevabilité ainsi que le fond de l'affaire. La note, dans l'ordre choisi par le rapporteur, propose la solution à ces questions, s'il échet, et examine la solution à donner au fond ou plusieurs solutions si un doute persiste sur l'issue de l'affaire ; b) un projet de décision ou, le cas échéant, plusieurs projets de décisions, et un projet de sommaire ; c) des visas rédigés selon le modèle type adopté par le Conseil.

Le dossier ainsi ficelé est transmis au Président du Conseil qui le porte au rôle d'une séance. Le conseil entend le rapport de son rapporteur et statue par une décision motivée. La décision est signée du Président, du Vice-président, des autres membres et du greffier en chef du Conseil constitutionnel. Elle est notifiée, aux soins du greffier en chef, au Président de la République, au Premier ministre, au Président de l'Assemblée nationale et aux auteurs du recours.

Toutefois, il faut ajouter que le recours tendant à faire constater la non-conformité à la Constitution d'une loi ou d'un engagement international est présenté sous forme de requête adressée au Président du Conseil constitutionnel.

La requête doit, à peine d'irrecevabilité, être signée par le Président de la République ou par chacun des députés. Elle est accompagnée de deux copies du texte de la loi attaquée. Elle est déposée au greffe contre récépissé. Lorsqu'elle émane du Président de la République, notification en est faite au Président de l'Assemblée nationale. 514(*)

Lors de l'examen des moyens, le Conseil soulève d'office des moyens tenant à la violation de la Constitution qui n'auraient pas été présentés dans la contestation de la loi ou de l'engagement international. 515(*)

Le Conseil se prononce dans le délai d'un mois à dater du dépôt de recours ; toutefois, aucune sanction n'est attachée au prononcé qui se ferait hors ce délai.

La publication de la décision du Conseil constitutionnel constatant qu'une disposition n'est pas contraire à la Constitution met fin à la suspension du délai de promulgation de la loi et permet la ratification ou l'approbation de l'engagement international, le cas échéant après autorisation de l'Assemblée nationale.

Dans les cas où le Conseil déclare que la loi dont il est saisi contient une disposition contraire à la Constitution inséparable de l'ensemble du texte de la loi, celle-ci ne peut être promulguée.

En revanche, dans les cas où le Conseil déclare que la loi dont il est saisi contient une disposition contraire à la Constitution sans constater en même temps qu'elle soit inséparable de l'ensemble de cette loi, celle-ci peut être promulguée à l'exception de cette disposition, à moins qu'une nouvelle lecture n'en soit demandée.

Par ailleurs, en matière d'appréciation du caractère réglementaire des dispositions de forme législative, le Conseil se prononce dans un délai de un mois qui peut être réduit à huit jours francs quand le gouvernement déclare l'urgence.

Lorsque la solution d'un litige porté devant le Conseil d'Etat ou la Cour de cassation est subordonnée à l'appréciation de la conformité des dispositions d'une loi ou des stipulations d'un accord international à la Constitution, la haute juridiction saisit obligatoirement le Conseil constitutionnel de l'exception d'inconstitutionnalité ainsi soulevée et sursoit à statuer jusqu'à ce que le Conseil constitutionnel se soit prononcé. Le Conseil rend sa décision dans le délai de vingt jours. Si le Conseil estime que la disposition dont il a été saisi n'est pas conforme à la Constitution, il ne peut plus en être fait application.

Voyons à présent ce qu'il en de l'état de la jurisprudence de ce Conseil constitutionnel eu égard à la protection des droits fondamentaux, ce qui est l'essentiel du contenu de la justice constitutionnelle.

Il sied d'emblée d'affirmer que la justice constitutionnelle est le thermomètre le plus fiable pour mesurer l'état de l'Etat de droit dans un pays. Si, au Sénégal, tant de décisions de conformité ou de non-conformité sont rendues contre les lois, il n'existe guère une jurisprudence susceptible de retracer une bonne protection des droits fondamentaux. L'on peut nuancer en précisant que s'agissant des droits politiques, la minorité politique est assez souvent protégée sous les lambris du Conseil constitutionnel.

Bien que le Sénégal ait été souvent cité parmi les élèves modèles de la démocratie en Afrique, il n'est pas excessif d'y voir de temps à autre des soubresauts d'une dictature larvée d'origine partisane sur un fond culturel quelquefois ethnique.

Par ailleurs, le fonctionnement d'une justice constitutionnelle dans le modèle français de type préventif n'est pas de nature à favoriser un véritable contrôle de constitutionnalité qui fonde une sérieuse protection des droits fondamentaux. 516(*)

En effet, cette protection postule la possibilité pour tout citoyen de s'en référer au juge sans le filtre souvent encombrant des autorités publiques seules habilitées à ce jour à saisir le juge constitutionnel.517(*)

Ces dernières n'ayant guère un intérêt direct à le faire agissent au gré des conjonctures politiques très mouvantes. Aussi, les droits individuels restent-ils du domaine de l'aléa politique même si il n'est pas exclu que la Cour de cassation ou le Conseil d'Etat tant par voie principale que par voie d'un incident de constitutionnalité porté devant eux finissent par être des protecteurs attitrés de la légalité constitutionnelle lorsqu'il s'agit des individus.518(*)

Le Conseil constitutionnel du Sénégal, dans sa décision du 18 juin 2009 sur la loi constitutionnelle instituant un poste de Vice-président de la République - organe constitutionnel auxiliaire, a confirmé une jurisprudence controversée : il n'a pas compétence pour contrôler une loi constitutionnelle.

Une telle déclaration d'incompétence est-elle fondée en droit ? S'il avait choisi, à l'instar des Cours constitutionnelles du Mali (sa décision de censure de 2001) et du Bénin (sa décision de censure de 2006 ) ou encore du Conseil constitutionnel du Tchad (sa décision de validation de 2004 ), de statuer, aurait-il dû pour autant censurer la loi constitutionnelle attaquée ?

Deux thèses contradictoires s'affrontent : la question, fort discutée, de la contrôlabilité, de la souveraineté « sans réserve » ou « sous réserve »,519(*) du pouvoir de réviser la Constitution établie.

La première, opposée à ce contrôle « hors normes », met en exergue l'absence de texte organisant l'intervention du juge constitutionnel dans le processus de révision, à titre contentieux520(*) ou même consultatif521(*). Que le juge décline sa compétence paraît inéluctable, pour deux séries de raisons.

D'abord, de solides arguments théoriques sont opposés au principe même du contrôle : selon le doyen Georges Vedel, « Le pouvoir constituant dérivé n'est pas un pouvoir d'une autre nature que le pouvoir constituant initial : la Constitution lui donne sa procédure..., elle ne borne point son étendue »522(*) ; et, limiter le pouvoir de révision reviendrait à accepter un contrôle de supraconstitutionnalité, un gouvernement des juges, qui rognerait ou nierait le principe suivant lequel « un  peuple a toujours le droit de revoir, de réformer et de changer sa Constitution. Une génération ne peut assujettir à ses lois les générations futures »523(*).

En second lieu, le droit africain francophone étant communément ravalé au rang d'un droit aveuglément importé de l'ex-métropole, on voit mal comment une cour africaine pourrait se démarquer de la solution française de l'immunité juridictionnelle des lois de révision524(*).

D'aucuns souligneront la sagacité du Conseil constitutionnel du Sénégal qui s'est interdit de contrôler le pouvoir parlementaire de révision dès sa décision du 9 octobre 1998525(*) précédent ainsi de manière fulgurante de quelques années la déclaration d'incompétence de son homologue de France526(*).

Les tenants de la seconde thèse prétendent que le contrôle prétorien de la révision est assurément raisonnable, souhaitable et praticable dans un Etat de droit démocratique. Raisonnable, parce que la Constitution borne le pouvoir de révision : « Réviser la Constitution est le travail d'un pouvoir institué qui a reçu cette compétence du pouvoir constituant originaire. Le premier est donc subordonné au second ; son exercice n'est pas libre mais conditionné par les différentes règles de forme et de fond posées par le constituant originaire pour la révision de la Constitution ; il peut dès lors être contrôlé »527(*).

Il est sans aucun doute souhaitable qu'un juge s'assure de la constitutionnalité de la révision : le législateur constitutionnel, tout comme le législateur ordinaire, peut « errer », commettre un excès de pouvoir ; seul un contrôle juridictionnel paraît en mesure d'éviter, dans les limites fixées par la loi fondamentale, une révision liberticide528(*). Enfin, le droit comparé enseigne que des juridictions ont affirmé et exercé, à des degrés divers, un contrôle de la révision, que ce soit en Allemagne, en Autriche, à Chypre, en Inde, en Italie, en Turquie ou encore dans certains Etats européens postcommunistes529(*).

Qu'une Cour africaine francophone accepte de connaître d'une révision peut paraître iconoclaste au regard du droit français mais parfaitement justifié au regard de bien d'autres droits, parmi les plus avancés. Cela signifie qu'elle a su s'affranchir du modèle de l'ancienne métropole pour se donner sa politique jurisprudentielle.

Peut-on, doit-on, reprocher au Conseil constitutionnel du Sénégal de souscrire à la première thèse, de faire preuve d'une absolue déférence à l'égard du pouvoir de révision, reconnu comme le maître de la Constitution ?

Rien n'est moins sûr, car la position inverse pose de redoutables problèmes de droit, au point de faire douter de l'utilité du contrôle prétorien de la révision dans un Etat de droit démocratique. L'autohabilitation à contrôler une loi constitutionnelle implique non seulement la découverte d'un titre de contrôle singulier, mais encore la définition des normes au regard desquelles le contrôle de la révision est opéré. C'est au contrôleur de fixer l'ampleur de sa tâche, de livrer la représentation qu'il se fait du pouvoir contrôlé.

Ou bien le législateur constitutionnel, à l'instar du législateur ordinaire, est astreint au respect d'un bloc de constitutionnalité hypertrophié, comportant des principes non écrits, et alors un contrôle tatillon risque de l'entraver inconsidérément.

Ou bien il est soumis à un corpus réduit de normes530(*), au respect des seuls interdits exprès du Constituant, et alors le contrôle, très mesuré, lui garantit une très large liberté de décision.

La seconde option peut légitimement apparaître comme la plus convenable.

Utilisons cette grille de lecture pour apprécier la dernière affaire de révision soumise au Conseil constitutionnel du Sénégal et imaginons que le Conseil ait opéré un revirement de jurisprudence, en accueillant le recours en inconstitutionnalité en la forme. Il serait alors pour le moins hardi d'affirmer que le Conseil aurait dû faire droit aux moyens en inconstitutionnalité articulés par les requérants. Sauf à considérer que l'activisme du juge constitutionnel est toujours préférable à sa réserve...

Les opposants prétendaient d'abord que la procédure de révision était irrégulière, car le règlement du congrès du Parlement n'avait pas été, au préalable soumis au Conseil constitutionnel, pour contrôle de sa constitutionnalité. La Constitution, en son article 62, suspend bien la promulgation (sic) - et non la mise en application - du règlement intérieur de chaque assemblée à ce contrôle. Seulement, cet article est inclus dans le titre VI- Du Parlement et peut être lu au regard de l'article 59 retenant comme seules « assemblées représentatives de la République du Sénégal » l'Assemblée Nationale et le Sénat. Le congrès du Parlement, quant à lui, est une assemblée de révision à part, exclusivement prévue par le Constituant au titre XII- De la révision.

Autrement dit, pour décider que le congrès du Parlement doit être régi par un règlement intérieur obéissant à l'article 62, le Conseil constitutionnel du Sénégal aurait dû faire siennes la pratique et la jurisprudence constitutionnelles françaises, qui se sont greffées sur un texte rédigé bien différemment531(*)... Et une hypothétique « francisation » n'aurait pas ébranlé la volonté de révision : le règlement du congrès du Parlement aurait pu être aisément purgé du vice de procédure, tout vice de ce genre étant réversible par nature.

Les requérants alléguaient ensuite que le pouvoir de révision aurait dû inclure le Vice-président dans la liste constitutionnelle des institutions de la République, car le « poste dédouble celui du Président de la République qui a prêté le serment prévu à l'article 37 et relève d'une « profanation voire d'une dénaturation des institutions constitutionnelles ». Le moyen aurait eu fort peu de chances de prospérer, dès lors que la Constitution ne fait peser sur le pouvoir de révision ni une obligation particulière sur le contenu de la liste en cause, ni même l'obligation générale de maintenir une Constitution politique cohérente.

Enfin, on voit mal ce qui dans la Constitution interdisait au pouvoir de révision d'habiliter le Président de la République à déléguer certains de ses pouvoirs au Vice-président, dont celui de signer des ordonnances et des décrets. A moins de considérer qu'en l'absence de tout texte il était défendu de procéder à la création, par voie de révision constitutionnelle, du poste en question. Ne s'agirait-il pas alors d'une question purement politique, insusceptible d'être réglée dans un prétoire constitutionnel ?

Ces affirmations trouvent leur légitimité dans la sécheresse jurisprudentielle que constate par ailleurs Evariste Boshab.532(*) Mais au-delà de cette constatation malheureuse, il reste que le Sénégal mérite les encouragements de la doctrine au moment où l'idéologie libérale est devenue le credo de plus de la moitié de l'humanité. Le pays de Senghor a le mérite, disons-le, d'avoir été dès 1960, un Etat détenant une élite intellectuelle parmi les meilleures de l'Afrique noire.

Le mimétisme institutionnel, quoique combattu par une très grande frange de la doctrine, semble avoir dans ce pays rencontré les ferments d'une expérience jusque là heureuse. Sur cette voie, depuis la Conférence nationale souveraine qu'il a inaugurée en Afrique noire, il y a le Bénin dont l'étude de la justice constitutionnelle s'impose ici.

§3. Le Bénin

La Cour constitutionnelle du Bénin est la plus haute juridiction du pays en matière de constitutionnalité. En effet, c'est l'organe régulateur du fonctionnement des institutions et de l'activité des pouvoirs publics. La Cour est ainsi composée de sept membres dont quatre sont nommés par le bureau de l'Assemblée nationale et trois par le Président de la République pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois.

La Cour constitutionnelle comprend ainsi : trois magistrats ayant une expérience de quinze années au moins dont deux sont nommés par le bureau de l'Assemblée nationale et un par le Président de la République ; deux juristes de haut niveau, professeurs ou praticiens du droit, ayant une expérience de quinze années au moins dont un est nommé par le bureau de l'Assemblée nationale et un par le Président de la République ; deux personnalités de grande réputation professionnelle nommées l'une par le bureau de l'Assemblée nationale et l'autre par le Président de la République.

Le président de cette Cour est élu par ses pairs et ce, parmi les magistrats et juristes membres de la Cour. A ce niveau, l'on peut déjà noter que le gros des membres de la Cour est nommé par le bureau de l'Assemblée nationale qui lui-même est élu par la majorité siégeant dans cette chambre. Ceci nous amène déjà à nous poser la question de l'efficacité du contrôle juridictionnel des expressions législatives de la majorité politique du moment que la Cour reste en grande partie tributaire de l'onction électorale de cette dernière.

Comme dans tout système politique respectueux des formes, les fonctions de membres de la Cour constitutionnelle sont incompatibles avec la qualité de ministre de la République, l'exercice de tout mandat électif, de tout emploi public, civil ou militaire, et de toute autre activité professionnelle. Depuis l'installation de cette Cour et les nominations qui suivirent en 1998, Madame Conceptia Liliane Denis Ouinsou, juriste et agrégée de droit privé a battu le record de longévité tant comme membre que comme chef de cette haute juridiction.533(*)

Cette composition appelle néanmoins une observation capitale : les juristes sont favorisés naturellement dans la mesure où il s'agit d'une juridiction et dans la mesure où ils ont les faveurs recueillies dans les allées du pouvoir. La conséquence est que les meilleurs juristes risquent de demeurer sur le bord de la route tant que la caravane de la Cour ne leur est pas favorable.

Il ne demeure pas moins que la Président de la République, dans l'hypothèse d'une cohabitation- hypothèse hélas trop fréquente en Afrique et au Bénin à cause de la disparité des tribus et l'osmose presque organique qu'elles entretiennent avec les partis politiques-, sera enclin à nommer les personnalités très proches de son courant. Ce qui entraînera à coup sûr une majorité et une minorité au sein de la Cour. Telle Cour est à vrai dire loin d'être une juridiction mais ressemblera certainement à une arène politique où les gants du droit ne seront pas portés par les protagonistes.

S'agissant du contrôle de constitutionnalité, il convient de souligner que la saisine est ouverte à tout citoyen pour les lois, les textes réglementaires, les actes administratifs et la violation des droits fondamentaux de la personne humaine et les libertés publiques.534(*)

Avant la promulgation des lois ou la mise en application des règlements des assemblées, le Président de la République, tout membre de l'Assemblée nationale, les Présidents des institutions peuvent, chacun en ce qui le concerne, selon le cas, saisir la Cour constitutionnelle.

Pour l'autorisation de ratification des engagements internationaux, le Président de la République ou le Président de l'Assemblée nationale peut saisir la Cour constitutionnelle. Il faut noter cependant que le juge béninois se saisit d'office en cas de violation des droits de la personne humaine et des libertés publiques. L'on peut à ce niveau se poser la question de savoir pourquoi le législateur suprême béninois utilise les deux termes : droits de la personne et libertés publiques.535(*)

A notre avis, les libertés publiques étant celles portées par les textes de droit positif, les droits de la personne humaine relèvent plutôt du droit naturel. Vieux débat s'il en est, le constituant semble n'avoir pas voulu le trancher en prenant position pour une conception plutôt étendue des droits de l'homme, qu'il fût citoyen ou simple être humain. Ceci s'explique également par la vague qui s'est déferlée sur ce pays à l'issue de la conférence nationale souveraine et qui fut porteuse des espoirs de tout un peuple pour le retour à une démocratie basée sur les droits de l'homme.536(*)

En matière électorale, tout citoyen peut saisir la Cour, avant le scrutin, sauf si la loi y apporte quelque limitation. Après le scrutin, les réclamations ne sont pas admises avant la date de la proclamation des résultats, sous peine de voir la requête déclarée irrecevable parce que prématurée.

Pour être prise en considération, toute réclamation relative aux opérations de vote le jour du scrutin doit être rédigée par le ou les électeurs pour être annexée au procès-verbal de déroulement du scrutin établi à l'issue du vote et à transmettre à la Cour constitutionnelle.

Ajoutons pour être complet qu'après la proclamation des résultats, la nature de l'élection détermine la qualité du requérant. Ainsi, pour les élections législatives, la saisine est ouverte aux personnes inscrites sur les listes électorales et aux candidats de la circonscription où a lieu l'élection contestée dans les dix jours qui suivent la proclamation des résultats par la Cour constitutionnelle, sauf cas particuliers.537(*)

En revanche, toute requête introduite après les dix jours suivant la proclamation des résultats sera déclarée, sauf cas particuliers, irrecevable pour tardiveté.

Pour ce qui est de l'élection présidentielle, la saisine est ouverte à tout candidat au premier tour du scrutin ; au second tour, seuls les deux candidats sont admissibles à saisir la Haute Juridiction.

S'agissant de l'exercice de sa fonction consultative, seul le Président de la République et le Président de l'Assemblée nationale peuvent saisir la Cour constitutionnelle en demande d'avis. Il va de soi qu'aucun citoyen ne peut saisir cette dernière en demande d'avis faute évidemment de qualité.538(*)

L'on peut avant de conclure ces quelques lignes montrer que la Cour béninoise a la réputation de probité, de compétence et d'incorruptibilité.539(*)

Cette caractérisation flatteuse est l'oeuvre des hauts magistrats qui y ont siégé sous la présidence éclairée de Madame Conceptia Ouinsou pendant dix ans. La lecture de sa jurisprudence déjà abondante indique, aux dires d'Evariste Boshab540(*), parfois un rigorisme qui s'explique par une gésine toute fraîche de la démocratie. 541(*)

Après une décade d'exercice, la justice constitutionnelle semble avoir marqué les esprits et obtenu ses lettres de noblesse en matière de protection des droits fondamentaux de la personne humaine. A preuve, l'on peut indiquer quelques décisions saillantes recensées par la doctrine africaine la mieux informée.542(*)

La Cour constitutionnelle du Bénin a rendu, durant l'été 2009, une remarquable décision de censure confirmant sa suprématie sur le juge ordinaire « en matière de droits de l'homme », autrement dit chaque fois qu'elle constate une violation de la Constitution sociale. Par décision DCC 09-087 du 13 août 2009, la haute juridiction a, en effet, déclaré « contraire à la Constitution » l'Arrêt n° 13/CJ-CT du 24 novembre 2006 de la Chambre Judiciaire de la Cour Suprême rendu dans l'affaire opposant les consorts Atoyo Alphonse aux consorts Sophie Aïdasso.

Produit du cheminement de la jurisprudence constitutionnelle depuis 1992, la décision DCC 09-087 du 13 août 2009 répond aux exigences inhérentes à la consolidation d'un Etat de droit sophistiqué, où, loin de solutionner le problème crucial des "contrariétés entre les décisions des cours administrative, judiciaire et constitutionnelle"543(*), l'application à la lettre du texte suprême - la Constitution du 11 décembre 1990 - engendre contradictions et désordres. Au nom d'une loi fondamentale qui reconnaît l'indépendance mutuelle de la Cour Constitutionnelle et de la Cour Suprême, tout en valorisant la protection des droits de l'homme, la première affirme sa suprématie sur la seconde dans ce domaine éminent.

La Constitution du 11 décembre 1990 a remodelé la judicature du Bénin : elle a instauré, à côté et en dehors de l'appareil ordinaire coiffé par la Cour Suprême - un ordre juridictionnel unique avec dualité de contentieux -, une puissante Cour Constitutionnelle - dotée de très larges compétences contentieuses. Le texte suprême sépare organiquement et, surtout, fonctionnellement les deux hautes juridictions : leurs compositions sont très différenciées ; aucune relation n'est aménagée entre elles ; chacune est souveraine dans son domaine de compétences. Une sorte de mur de Berlin tenu pour infranchissable.

Dans un premier temps, nonobstant l'inévitable enchevêtrement des contentieux et les risques de contradictions entre les jurisprudences, la Cour Constitutionnelle s'est strictement conformée au principe textuel de l'indépendance mutuelle des deux cours suprêmes. Dans sa décision n°13 DC du 28 octobre 1992, le Haut Conseil de la République faisant office de Cour Constitutionnelle a, ainsi, décliné sa compétence pour, en l'espèce, connaître de l'arrêt d'une Cour d'assises et pour, en général, « réformer les décisions de justice ».

Cette position de principe a été réaffirmée, non sans embarras, dans l'affaire Campbell : par décision DCC 11-94 du 11 mai 1994, la Cour constitutionnelle a d'abord jugé que l'article 131 alinéas 3 et 4 de la Constitution de 1990 lui interdisait de statuer sur un arrêt de la Cour Suprême, faisant l'objet d'une plainte en violation de droits de la défense, et ce malgré les articles les articles 117 alinéa 4, 120 et 121 alinéa 2 de la Constitution de 1990 qui « donnent compétence exclusive à la Cour constitutionnelle pour statuer sur les violations des droits de la personne humaine » ; la Cour, dans une seconde décision DCC 95-001 du 6 janvier 1995, a ensuite confirmé son incompétence ... tout en déclarant qu'elle aurait constaté une violation des droits de la défense, si la Constitution le lui avait permis.

La Cour suprême gardienne de la Constitution considérait qu'elle ne pouvait, sans en méconnaître le texte, renverser une solution grosse d'incohérences et d'absurdités, préjudiciable au justiciable et à ses droits garantis par la Constitution. Ce sont ces impasses de l'indépendance mutuelle des deux cours suprêmes, qui apparaissent à la lecture de la décision DCC 98-021 du 11 mars 1998.

Commandée par une interprétation littérale de la loi fondamentale, la solution de principe de la Cour Constitutionnelle nuisait au justiciable et à l'autorité de la justice constitutionnelle. Elle a fini par être abandonnée.

La Cour constitutionnelle a opéré le revirement de jurisprudence attendu en 2003 : après avoir réaffirmé, dans sa décision DCC 03-79 du 14 mai 2003, l'immunité des décisions de justice, la Cour a averti, par décision DCC 03-166 du 11 novembre 2003, que cette immunité ne couvrait pas les décisions de justice qui, violant les droits de l'homme, devaient être regardés comme des « actes » contestables devant elle par tout citoyen, au sens de l'article 3 alinéa 3 de la Constitution de 1990. Pour sortir des impasses de l'indépendance mutuelle des cours suprêmes, découlant des articles 124 alinéa 2 - autorité de chose jugée des décisions de la Cour Constitutionnelle - et 131 alinéa 3 - autorité de chose jugée des décisions de la Cour Suprême -, le juge constitutionnel a ainsi convoqué la disposition emblématique du Renouveau démocratique au Bénin qui institue une actio popularis, à l'origine de nombre de ses « grandes » décisions.

Après s'être autoproclamée la plus suprême des cours suprêmes en matière de droits de l'homme, la Cour constitutionnelle a conforté son audace interprétative, en sanctionnant la méconnaissance du principe jurisprudentiel de sa suprématie relative. D'abord, à l'occasion de sa décision DCC 04-051 du 18 mai 2004, pour censurer une formation de la Cour d'Appel de Cotonou siégeant en matière civile traditionnelle, auteur d' « une fraude au droit de la défense ».

Ensuite, à l'occasion de sa décision DCC 09-087 du 13 août 2009, pour censurer la Cour Suprême. Cette dernière décision est une nouvelle manifestation de la modernisation du droit par le juge constitutionnel, car la Cour constitutionnelle y condamne, avec fermeté, l'obstination du juge judiciaire à se référer au Coutumier du Dahomey, déclaré sans force exécutoire par décision DCC 96-063 du 26 septembre 1996 , en l'occurrence la « rébellion » de l'une des parties et de la Cour suprême à l'égard de sa décision DCC 06-076 du 27 juillet 2006.

Désormais, tout Béninois en litige devant une juridiction non seulement a la faculté de se plaindre devant la Cour constitutionnelle de tout acte juridictionnel qui méconnaîtrait les droits de l'homme, mais encore peut escompter la sanction par elle de tout abus caractérisé du pouvoir judiciaire. Un progrès de taille !

Vertement critiquée pour son interprétation, voire sa réécriture, de la Constitution politique, la Cour Dossou, héritière des mandatures antérieures, fait incontestablement oeuvre utile sur le terrain de la Constitution sociale : après la mise hors la Constitution de la répression pénale de l'adultère, la décision DCC 09-087 du 13 août 2009 s'inscrit, sur le plan des principes, dans la lignée de l'historique décision sur le code des personnes et de la famille. Et ce, pour le plus grand profit des femmes béninoises !544(*)

Toute cette expérience institutionnelle d'autres pays d'Afrique et du monde nous amène au moins à imaginer un type institutionnel pour la République démocratique du Congo.

Dans un pays qui est longtemps resté en marge d'une constitutionnalité vétilleuse tant les violations de la Constitution étaient légion et les droits de l'être humain du domaine de la programmation politique, est-il scientifiquement fondé de faire du copier-coller ?

Il nous semble en effet nécessaire de fonder un nouveau type de justice constitutionnelle qui soit apte à régler le contentieux politique et constitutionnel d'un pays qui est sorti à peine des limbes du monopartisme avec sa cohorte de mépris de droits humains et des affres des guerres subséquentes à cet état de choses.

Ne dit-on pas qu'on n'invente pas la roue ? Cela est-il vrai en matière de machinerie institutionnelle ?545(*)

Le choix est ainsi à opérer entre le mimétisme facile et l'innovation à tout vent susceptible à sont tour d'évacuer l'essence universelle de la notion même de justice constitutionnelle.

La thèse est ici que la nécessité fait loi en ce que au-delà de ce qui est aujourd'hui admis, le pays ressent le besoin d'acquérir une justice qui soit fondée tant sur son histoire que sur sa possibilité à la dépasser pour satisfaire ses spécificités.

Section 2 : LE MODELE CONGOLAIS A INVENTER

Le titre que nous choisissons pour cette section semble postuler qu'il n'y a pas de justice constitutionnelle en République démocratique du Congo.

Telle affirmation, outre qu'elle serait fausse, devra être atténuée par l'état des lieux que nous nous proposons de dresser avant d'élaborer quelques propositions pour instaurer un juge constitutionnel efficace, efficient et effectif.

§1. L'état des lieux

Quelle tâche immense que de dresser l'état des lieux d'un système qui a fonctionné pendant plus ou moins quarante ans ! Cependant, il est théoriquement vrai de dire que le système juridictionnel congolais est le plus facile à caractériser tant ses manifestations et sa production sont visibles à l'oeil de tout chercheur averti.

Sur quelques pages, parler de la justice congolaise de 1968 à nos jours, c'est dresser un bilan qui peut souffrir d'un écueil majeur : le parti pris conceptuel selon lequel rien ne marche. Nous l'éviterons cependant en sollicitant l'opinion de la doctrine546(*) et le point de vue de la magistrature elle-même547(*). En effet, les hauts magistrats ne sont-ils pas eux-mêmes à l'avant-garde d'une autocritique qui fonde une volonté de faire mieux que l'état des lieux ne peut pas toujours traduire ? Il faut d'emblée souligner que la justice constitutionnelle dès l'origine a fait partie du pouvoir judiciaire et elle a en même temps subi les contrecoups assénés à cette fonction de l'Etat et ce, au gré de l'évolution politique et constitutionnelle du pays.

La doctrine congolaise qui s'est penchée sur cette question a presque unanimement opiné que la justice constitutionnelle congolaise comme le pouvoir judiciaire auquel elle a toujours appartenu est dans une léthargie548(*) ou un dysfonctionnement549(*) dont les causes sont aussi nombreuses que variées.

En détail, voyons à présent les causes de cet état morbide de la justice constitutionnelle congolaise.

Mabanga identifie trois types des raisons qui militeraient à la léthargie de cette justice en République démocratique du Congo. Il épingle les raisons d'ordre juridique ou de pure technique législative en ce que le législateur n'a jamais mis en oeuvre les prescrits constitutionnels pour permettre à la justice constitutionnelle de fonctionner normalement. De même, le monopole de saisine confié au seul procureur général de la République n'était pas de nature à faciliter l'exercice. 550(*)

Les raisons d'ordre politique ont fait que contester une loi ou mieux des lois présidentielles pouvait être considéré comme un acte de subversion susceptible d'entraîner un ostracisme que très peu de Zaïrois, à l'époque, étaient disposés à subir. Ces raisons politiques propres à un Etat patrimonial ont connu quelques inflexions pendant la transition d'après l'Accord global et inclusif de Sun City suite à une « reconsensualisation » de la vie politique et donc au partage du pouvoir qui permet le contrôle juridictionnel. Néanmoins, cet état de choses longtemps subi a induit une psychologie de la peur et dans le chef des juges et dans celui des justiciables de telle sorte que les actes des gouvernants sont considérés comme nimbés d'un halo de sainteté incontestable. 551(*)

Matadi Nenga Gamanda, dans sa thèse défendue à Nanterre, brosse un tableau plus qu'exhaustif des causes qui rongent la justice congolaise et donc la justice constitutionnelle congolaise tant qu'elle est encore exercée par les mêmes magistrats de l'ordre judiciaire.

Il énumère ainsi la crise économique et l'effritement du traitement du personnel judiciaire, la corruption, le tribalisme, l'inadéquation de la législation, la très faible densité des juridictions, l'inadéquation des ressources humaines et des infrastructures, la culture congolaise et la subordination des magistrats. Cet auteur classe donc les deux dernières causes parmi les obstacles médiats tandis que les six premières feraient partie, selon lui, des obstacles immédiats à l'effectivité du pouvoir judiciaire. 552(*)

Il est vrai qu'une telle énumération ne peut que recueillir les suffrages de la doctrine sauf à voir que le tribalisme tout comme la corruption induisent non seulement une grave crise économique, une faible densité des juridictions faute de moyens financiers, l'inadéquation des ressources humaines et des infrastructures ; le tout débouchant sur une inadéquation de la législation car non en phase avec la culture du peuple.

L'on ne peut faire reproche au bâtonnier Matadi Nenga Gamanda de n'avoir pas tenté une hiérarchisation desdites causes du point de vue de leur structuration cybernétique. Il nous semble que telle n'a pas été sa perspective, en revanche le professeur émérite Kayemba Ntamba Mbilanji esquisse une théorie explicative de cet imbroglio des causes paralysantes non seulement de la justice mais de l'Etat lui-même.553(*)

Sans être prophète, mais en nous servant simplement des béquilles de l'expérience, nous pouvons affirmer ici que la justice constitutionnelle congolaise souffre d'un mal profond qui est à la fois dû à un dysfonctionnement institutionnel immense depuis plus de deux décennies mais également à une incompétence technique induite tant d'une formation insuffisante en matière de droit public que d'un traitement de misère produit induit de la corruption dont les magistrats sont parfois les complices parfaits quand ils ne sont guère eux-mêmes les auteurs passifs.

Depuis des années maintenant, l'on note une baisse du niveau de l'enseignement universitaire en République démocratique du Congo. Ce constat, comme d'autres, transporte le problème de la justice elle-même sur les rivages de nos facultés de droit. Le débat sur ce terrain reste passionné, périlleux et complexe.

Cet inventaire de l'état de la justice, pour exhaustif qu'il puisse être, manquerait de pertinence s'il n'était pas suivi d'une sorte de thérapeutique qui s'énonce ci-après en termes de propositions de réforme.

* 493 PHILIPPE (X.), « La Cour constitutionnelle sud-africaine. Présentation de la Cour constitutionnelle sud-africaine », Cahiers du Conseil constitutionnel, n°9, 18 pp in http://www.conseil-constitutionnel.fr/cahiers/ccc9/ccsa.htm consulté le 27 février 2008.

* 494 Ibidem

* 495 Voy article 166 de la Constitution définitive de 1996.

* 496 Après avoir passé six ans en Afrique du Sud, participé aux travaux et débats de l'Assemblée constituante pour aboutir à la rédaction de la Constitution sud-africaine, et suivi les travaux de la Commission Vérité et Réconciliation, ce thème est devenu, depuis 1997, le thème de recherche privilégié du Professeur Xavier Philippe. Il a donné lieu aux réalisations suivantes pendant la période de référence : Xavier Philippe, "La justice transitionnelle : une nouvelle forme de justice ?", L'Observateur des Nations Unies, septembre 2003 ; " Commission Vérité et Réconciliation et droit constitutionnel ", in Rhétoriques et Droits Vérité et Réconciliation après l'Apartheid, in «Vérité, Réconciliation et Réparation», sous la dir. de B. Cassin, O. Cayla et P-J Salazar, pp.219-241, Coll. Le Genre Humain, Seuil, 2004 ; " Plurijuridisme constitutionnel et droits coutumiers en Afrique du sud ", Association Internationale de Méthodologie Juridique- 8ème Congrès mondial Aix-en-Provence - 4 au 6 septembre 2003, RRJ 2004 ; " Le droit, l'État de droit et les cultures africaines dans la transition post-apartheid " Revue Projet Mars 2005 ; " Le rôle du constitutionnalisme dans la construction des nouveaux États de droit " Mélanges offerts à Loïc Philip, 2005 ;" La famille dans la guerre ", Mélanges offerts à F. Ringel, 2006 (à paraître) ; " The principles of universal jurisdiction and complementarity: how do the two principles intermesh? ", Revue Internationale de la Croix Rouge Vol. 88, n°862, 2006 ; " Justice Transitionnelle et Nations Unies ", L'Observateur des Nations Unies, Octobre 2006s; " Breaching the Principle of Proportionality between the Gravity of the Crime and the Weight of the Sanction in Transitional Justice Systems ", San Remo Institut International de Droit Humanitaire Table Ronde - 7-9 Sept 2006.

* 497 Voy article 167 de la Constitution de 1996.

* 498 PHILIPPE (X.), op. cit, p.5.

* 499 Idem, p.6.

* 500 Il s'agit d'une liste de 34 principes, nous dit Xavier PHILIPPE, adoptés par les partis politiques ayant participé aux négociations constitutionnelles originaires. Avant même que la Constitution intérimaire ne soit adoptée, les partis s'étaient mis d'accord sur une liste des principes qu'ils s'étaient engagés à respecter lors de l'écriture de la Constitution de 1993 mais également lors de l'élaboration de la Constitution définitive. Afin que cela ne reste un voeu pieux, la Constitution intérimaire avait confié à la Cour constitutionnelle le rôle de vérifier le respect de ces principes fondamentaux (article 74 de la constitution intérimaire de 1993).

* 501 PHILIPPE (X.), op.cit, p.6.

* 502 PHILIPPE (X.), op.cit, p.7.

* 503 Dans le système de droit de la Cour pénale internationale, l'on peut noter la présence dans l'arsenal juridique du règlement de la Cour et du règlement du greffe qui contiennent tous les deux des dispositions relatives à la procédure devant cette juridiction internationale. Ces deux instruments internationaux sont ici aussi l'oeuvre des juges même s'ils ont été adoptés par l'assemblée des Etats parties.

* 504 En RSA, les avocats près les Hautes Cours sont des Advocates.

* 505 La décision National Coalition for Gay and Lesbian Equality v.Minister of Home Affairs du 2 décembre1999 dans laquelle la Cour a ajouté les termes « ou de partenaires du même sexe » après les mots « époux » de façon à supprimer la discrimination pour l'entrée et le séjour de personnes vivant avec un résident permanent sud-africain. Voir traduction et commentaire de cette décision, http : www.law.wits.ac.za/judgements/1999/natcoal.html

* 506 Voir http s: www.law.wits.ac.za/judgements/1999/natcoal.html

* 507 Lire avec fruit, CHEIKH ANTA DIOP, Nations nègres et culture. De l'antiquité nègre égyptienne aux problèmes culturels de l'Afrique noire d'aujourd'hui, tome II, Paris, Présence Africaine, 1979.

* 508 Voir la Loi n°92-23 du 30 mai 1992, modifiée par la loi organique n°99-71 du 17 février 1999 citée in http : www.gouv.sn/institutions/conseil_const.html consultée le 27 février 2008.

* 509 Il est donc possible que le vote se fasse par un siège en nombre pair en cas d'empêchement temporaire dûment constaté de l'un des membres ou que le Conseil ne fonctionne plus dès lors que plus d'un membre sont empêchés.

* 510 Lire à ce sujet, CAMARA (O.), « La Cour suprême du Sénégal » in CONAC (G.) (sous la direction de), Les cours suprêmes en Afrique, Paris, Economica, 1988, p.307.

* 511 Voy MPONGO BOKAKO BAUTOLINGA (E.), Institutions politiques et droit constitutionnel, op.cit, p.238.

* 512 Lire MOUHAMADOU MOUNIROU SY, La protection constitutionnelle des droits fondamentaux en Afrique, L'exemple du Sénégal, Paris, L'Harmattan, 2007, 564 p.

* 513 Là aussi un fort mimétisme avec le Conseil constitutionnel français est à remarquer. Se justifierait-il au demeurant par les mêmes raisons que le constituant français, par ses dix-huit sources, évoque, soit sa méfiance vis-à-vis du pouvoir judiciaire qu'il a appelé simplement autorité judiciaire chargée donc d'appliquer la loi, seule expression légitime de la souveraineté nationale ? Telle théorie possède-t-elle les mêmes béquilles en droit sénégalais ? Rien n'est moins sûr.

* 514 Ces détails purement techniques indiquent à notre sens que le constituant sénégalais, a, par le texte organique du Conseil constitutionnel, voulu et pu limiter les manoeuvres politiciennes en obligeant ainsi les autorités politiques à signer leur requête c'est-à-dire à politiquement assumer la responsabilité de la crise ainsi ouverte. En effet, s'agissant du chef de l'Etat, par exemple, une requête signée par lui contre une loi signifie qu'il est en contradiction majeure avec la majorité parlementaire qui l'a votée. Le Chef de l'Etat sera enclin selon les augures du moment à plus de circonspection surtout lorsqu'il n'est pas sûr de renverser la majorité ainsi solidement établie. Par contre, s'il contredit sa propre majorité par voie de requête, cela veut tout au moins signifier qu'il a perdu les rênes de celle-ci.

* 515 Pour tous les détails sur la justice constitutionnelle sénégalaise, lire avec profit Ibrahima ANNE, « Justice. Une réforme, pour quoi faire ? », Wal Fadjiri, 6 août 2007.

* 516 Lire avec intérêt MOUHAMADOU MOUNIROU SY, La protection constitutionnelle des droits fondamentaux en Afrique, L'exemple du Sénégal, Paris, L'Harmattan, 2007.

* 517 Idem, pp.17-21.

* 518 S'en reporter aux développements précédents idoines relatifs à la justice constitutionnelle allemande entre autres et leurs conséquences sur les droits fondamentaux des citoyens et même des étrangers vivant en Allemagne. Ce modèle très protecteur semble n'avoir pas attiré l'attention du constituant sénégalais enclin en revanche à imiter le modèle jacobin du Conseil constitutionnel plutôt protecteur de l'autorité que de la liberté. Ce couple conceptuel « liberté-autorité » a donné lieu à une littérature juridique et politique abondante qu'il ne sied guère de développer ici.

* 519 Pour reprendre le distinguo retenu par JAN, (P.) La saisine du Conseil constitutionnel, Paris, LGDJ, 1999, p. 343, au vu de la décision 92-312 DC, 2 septembre 1992, Rec. P. 76, du Conseil constitutionnel français.

* 520 Au Burkina Faso (Constitution de 1991 révisée, art. 154 ; loi organique n°011-2000/AN du 27 avril 2000, art. 34 à 36), le Conseil Constitutionnel veille au respect de la procédure de révision : s'il estime fondée une contestation, le Conseil a le pouvoir d'arrêter la procédure ou d'annuler la loi de révision.

* 521 Au Gabon (Constitution de 1991 révisée, art. 116 ; loi organique n°9/91 du 26 septembre 1991, art. 57 et 58), la Cour constitutionnelle émet un avis simple, sans grand intérêt pratique, sur tout projet ou proposition de révision, quant à la régularité de la procédure et à sa compatibilité avec la Constitution dans son ensemble. Au Congo Brazzaville (Constitution de 2002, art. 186), la Cour Constitutionnelle émet un « avis de conformité », avant l'approbation référendaire d'un projet ou d'une proposition ; cet avis lie le pouvoir de révision.

* 522 VEDEL (G.), « Schengen et Maastricht », RFDA, 1992, p. 179.

* 523 France, Constitution de 1793, art. 28.

* 524 France, Conseil Constitutionnel, décision 2003-469 DC, 26 mars 2003, Rec. p. 293. Voir les commentaires parus à la RDP, n°3-2003, et à la RFDC, 2004, n°59.

* 525 Dans sa décision du 9 octobre 1998 sur l'affaire n°9/C/98, le Conseil Constitutionnel se déclare incompétent pour statuer sur une loi de révision touchant à la rééligibilité à la Présidence de la République et à la réglementation de la compétition présidentielle. Il confirme cette jurisprudence, dans sa décision du 18 janvier 2006 sur l'affaire n°3/C/2005, concernant une loi constitutionnelle prorogeant le mandat des députés élus.

* 526 Sur ce genre d'anticipation jurisprudentielle, voir FALL (A.B.), « Le droit africain a-t-il sa place en droit comparé ? », in Le devenir du droit comparé en France (Journée d'études à l'institut de France, 23 juin 2004), J. du Bois de Gaudusson (dir.), Presses universitaires d'Aix-Marseille, 2005, p. 168 et s..

* 527 ROUSSEAU (D.), Droit du contentieux constitutionnel, 7ième édit., Paris, Montchrestien, 2006, p. 217.

* 528 Voir SABETE (W.), Pouvoir de révision constitutionnelle et droits fondamentaux. Etude des fondements épistémologiques et européens de la limite matérielle du pouvoir constituant dérivé, Presses universitaires de Rennes, 2006.

* 529 Voir La révision de la constitution, (Journées d'études des 20 mars et 16 décembre 1992, Travaux de l'AFDC), Paris, Economica, PUAM, 1993, « Justice constitutionnelle et révision de la constitution », IXième table ronde internationale d'Aix-en-Provence, septembre 1994, Annuaire international de justice constitutionnelle IX-1994, Paris, Economica, 1995, BOISSY (X.), La séparation des pouvoirs oeuvre jurisprudentielle. Sur la construction de l'Etat de droit postcommuniste, Bruxelles, Bruylant, 2003, p. 433 et s., GOZLER (K.), Le pouvoir de révision constitutionnelle, Villeneuve d'Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 1997, KLEIN (C.), Théorie et pratique du pouvoir constituant, Paris, PUF, 1996, PAPASAVVAS (S.S.), La justice constitutionnelle à Chypre, Paris, Economica, PUAM, 1998, p. 155 et s., et PINI (J.), «  La Cour constitutionnelle autrichienne et les rapports entre juge constitutionnel et pouvoir constituant », Cahiers du Conseil Constitutionnel, n°7-1999, p. 47 et s. .

* 530 FAVOREU (L.), « Le principe de constitutionnalité. Essai de définition d'après la jurisprudence du Conseil constitutionnel », in Mélanges Charles Eisenmann, Paris, Cujas, 1975, p. 37 et suivantes relève que la « composition du bloc de constitutionnalité varie selon la nature des actes soumis au contrôle ».

* 531 Voir http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/acces-par-date/decisions-par-date/1963/63-24-dc/decision-n-63-24-dc-du-20-decembre-1963.6590.html

* 532 BOSHAB (E.), Note d'observation, Revue de droit africain, Bruxelles, n°26, avril 2003, pp.265-271.

* 533 Elle vient d'être remplacée au courant du mois de mai 2008 par le bâtonnier Robert DOSSOU.

* 534 L'usage doctrinal de deux expressions procède, peut-être, vu les conditions matérielles de la production constitutionnelle béninoise, d'une option conceptuelle qui inclut à la fois les considérations du droit naturel auxquelles ressortit la notion des droits de la personne et celles du droit positif tant national qu'international auxquelles se rattache la terminologie de libertés publiques. Là ne gît pas une innovation du constituant béninois.

* 535Les explications ci-avant pourraient fonder l'emploi de deux termes dans la mesure où ils sont englobants et donc protègent mieux les droits humains quelle que soit leur origine.

* 536 En analysant les décisions de la Cour constitutionnelle béninoise, Evariste BOSHAB nous prévient qu'il ne faudrait pas perdre de vue que ce pays se passa de constitution de 1968 à 1977 et de ce fait, le rigorisme des juges peut bien s'expliquer. Lire BOSHAB (E.), Note d'observation, Revue de droit africain, n°12, octobre 1999, Bruxelles, p.583.

* 537 Lire l'article 55 de la Loi organique.

* 538 Ibidem.

* 539 Il s'agit d'une affirmation que nous avons trouvée sur le site Wikipedia. Elle a l'autorité toute relative de la chose écrite par une personne qui n'a pas révélé son identité.

* 540 En effet, cet auteur tout en encourageant les efforts de nouvelles cours constitutionnelles africaines, souligne le danger de passer d'un extrême à l'autre. Lire BOSHAB (E.), Note d'observation, Revue de droit africain, Bruxelles, n°12, octobre 1999, p.584.

* 541 Idem, p.584.

* 542 BOSHAB (E.), Note d'observation, Décision n°98-009 du 16 janvier 1998, Revue de droit africain, Bruxelles, n°12, octobre 1999, pp. 581-584.

* 543 Analysé avec brio, en 2004, par Conceptia OUINSOU, la Présidente de la Cour Constitutionnelle.

* 544 Lire BOLLE (S.), « Constitution, dis-moi qui est la plus suprême des cours suprêmes », in La Constitution en Afrique, sur le site web www.la-constitution-en-afrique.org consulté le 24 novembre 2009.

* 545 Lire DJOLI ESENG'EKELI (J.), op.cit, pp.367-392.

* 546 Lire MATADI NENGA GAMANDA, Le droit à un procès équitable, Louvain-la-Neuve, Kinshasa, Academia-Bruylant, DIN, 2002. ; BOSHAB (E.), « La misère de la justice et justice de la misère en République démocratique du Congo », Revue de la Recherche Juridique, n° XXIII-74, 23ème année, 74ème numéro, PUAM., 1998-3, pp. 1163-1184. ; MBOYO EMPENGE EA LONGILA B.B., « La mégarde des modèles de Constitutions euro-occidentales et l'élaboration d'une Constitution zaïroise de développement véritablement intériste », Annales de la Faculté de droit, vol. XXV, Kinshasa, PUZ, août 1996. ; MPONGO BOKAKO BAUTOLINGA, « Le contrôle de la constitutionnalité des lois sous l'Acte constitutionnel de la Transition du 9 avril 1994 », Annales de la Faculté de Droit, vol.XXV, août 1996, Kinshasa, P.U.Z., pp.321-355. ; D. KALUBA DIBWA, « Le contrôle de constitutionnalité des lois et des actes ayant force de lois en droit positif congolais », Revue du Barreau de Kinshasa/Gombe, n°02/2006, pp.1-17.

* 547 Bruno MBIANGO KAKESE NGATSHAN, discours de rentrée judiciaire de la Cour suprême de justice, année, Bulletin des arrêts de la Cour suprême de justice, Kinshasa, Service de documentation du Ministère de la Justice, 200 pp.

* 548 MABANGA MONGA MABANGA, op.cit, pp.76-79.

* 549 KENGO wa DONDO, L'évolution jurisprudentielle de la Cour suprême de justice au Zaïre (1968-1979), Mercuriale du 4 novembre 1978, C.S.J., Imprimerie Saint Paul, Kinshasa, 1979, p.135.

* 550 MPONGO BOKAKO BAUTOLINGA, « Le contrôle de la constitutionnalité des lois sous l'Acte constitutionnel de la Transition du 9 avril 1994 », Annales de la Faculté de Droit, vol.XXV, août 1996, Kinshasa, P.U.Z., pp.321-355.

* 551 Lire MABANGA MONGA MABANGA, op. cit, p.79.

* 552 MATADI NENGA GAMANDA, op. cit, pp.159-271.

* 553 KAYEMBA NTAMBA MBILANJI, « Modernité sous l'identité culturelle d'emprunt en Afrique noire postcoloniale », Annales de la Faculté de Droit, Vol.IV-VII, Kinshasa, PUZ, 1984, pp.63-76.

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