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Du contentieux constitutionnel en République Démocratique du Congo. Contribution à  l'étude des fondements et des modalités d'exercice de la justice constitutionnelle

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par Dieudonné KALUBA DIBWA
Université de Kinshasa - Doctorat en droit 2010
  

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§2. A travers la Constitution dite de Luluabourg du 1er août 1964

L'accalmie a permis non seulement les élections générales653(*) mais surtout, on l'a vu, l'élaboration d'une Constitution définitive et proprement autochtone même si, on l'a vu également, des apports doctrinaux étrangers apparaissent dans cette oeuvre.654(*)

Le coup d'Etat militaire du 24 novembre 1965 a mis fin à la tentative d'installation d'une justice constitutionnelle de sorte qu'il est difficile de parler de développement de la notion de juridiction constitutionnelle. Là aussi, il y a lieu de voir une stagnation car, quoique cela n'ait pas été l'intention des constituants, la Cour constitutionnelle est demeurée un objet de musée sans portée réelle ni pour les pouvoirs publics ni pour les citoyens.

La Cour d'appel de Léopoldville appelée à jouer transitoirement ce rôle ne présente aucun cas traité digne d'intérêt hormis le cas de l'élection contestée de Justin-Marie Bomboko déjà cité. 655(*)

Il faut cependant reconnaître que c'est véritablement avec le régime de la deuxième République que la notion s'installe dans le mental des juristes même si dans les faits du quotidien ses exigences sont encore lointaines pour le commun des congolais.

L'explication rationnelle est que le régime du maréchal Mobutu apporte la stabilité des institutions qui se conçoit comme la sève de l'Etat. Institution permanente par définition, la justice constitutionnelle ne saurait cependant résister aux flux et reflux de la vie mouvante de la cité comme si elle était enfermée dans une citadelle imprenable. C'est même la preuve irréfutable qu'il s'agit d'une institution humaine comme toutes celles qu'emporte un fait politique perturbateur.

Voyons à présent ce qu'il en est de cette période.

§3. A travers la Constitution du 24 juin 1967 et les Actes constitutionnels de la transition

Cette période est celle appelée IIème République par certains auteurs656(*) et parfois par le constituant lui-même de sorte que nous trouvons dénué d'intérêt le débat académique sur le nombre de républiques au pays. Elle correspond à la création de la Cour suprême de justice comme juge d'abord provisoire et enfin définitif de la constitutionnalité.

Cette période peut être aussi classifiée en deux séquences : la première étant constituée de l'an 1965 à 1990 et que l'on pourrait nommer l'âge d'or du MPR pendant laquelle aucun contrôle des actes des gouvernants n'était logiquement concevable et où la Cour suprême de justice a du jouer le rôle ingrat de décorum des institutions pour les besoins de l'image extérieure de la Nation.657(*)

Et la seconde période allant du discours historique du 24 avril 1990 au 17 mai 1997 au cours de laquelle des balbutiements des libertés publiques sont non seulement perceptibles mais et surtout revendiqués même en justice constitutionnelle et administrative.

L'on ne peut pas omettre cependant de noter que c'est la seconde transition précédent la Constitution du 18 février 2006 qui est le catalyseur réel d'une véritable explosion jurisprudentielle en République démocratique du Congo.

Soulignons donc qu'avant la libéralisation du régime de la IIème République, il y avait une sécheresse jurisprudentielle en matière constitutionnelle même si l'on note des arrêts courageux en matière administrative à la même époque.658(*)

En effet, la libéralisation politique consécutive à la révision constitutionnelle du 5 juillet 1990 est à la base des élans libérateurs de la jurisprudence. Et de ce point de vue, c'est plutôt le juge administratif suprême qui a donné le la à une jurisprudence qui était souvent timide en matière de protection de droits humains.659(*)

Ainsi, l'arrêt dit Témoins de Jéhovah peut être considéré comme l'arrêt fondateur non pas par rapport à son contenu juridique qui peut être ou a été à la base d'une très forte controverse doctrinale660(*) mais plutôt par rapport au courage des juges qui ont condamné, après avoir annulé l'ordonnance expropriant cette association sans but lucratif à caractère religieux, la République.

Là, sans ambages, le juge administratif prenait sa liberté vis-à-vis d'un pouvoir exécutif longtemps regardé comme le titulaire intégral de la souveraineté nationale et dont les discours avaient force de loi, et là encore sans fioritures, l'on peut constater une technique de revanche du juge sur les actes de l'exécutif qui n'emportent pas son approbation.661(*)

Par ailleurs, il sied de noter que cette période de démocratisation de la vie politique en République démocratique du Congo peut être caractérisée tantôt par la lutte politique classique tantôt par la lutte armée qui amena l'Alliance des forces de libération du Congo au pouvoir.

A. De 1990 à 1997 ou la transition démocratique

Il est utile de noter d'emblée que hormis les deux arrêts rendus par la Cour suprême de justice, toutes sections réunies, siégeant donc comme juge constitutionnel, cette période est essentiellement caractérisée par la survie des mécanisme juridiques de l'époque du MPR qui constituent comme une sorte d'empêchement dirimant pour ce qui est de la saisine du juge constitutionnel.

En effet, à cette époque, il est difficile de recourir aux services du Procureur général de la République pour agir en appréciation de la constitutionnalité des lois et des actes ayant force de loi.662(*)

Au demeurant, cette autorité publique s'était vue confier la quasi-totalité du pouvoir de saisine de la haute Cour de sorte que la seule parade pour attraire en justice les actes inconstitutionnels fut de les attaquer en annulation devant le juge administratif. Et, ce dernier a souvent cédé à la tentation de se déclarer incompétent sur la base de la théorie des actes de gouvernement. Cette attitude du juge, loin d'attirer les foudres de la critique, est symptomatique d'une volonté délibérée du juge de ne pas froisser le pouvoir exécutif encore maître de sa promotion et de sa rémunération.663(*)

Sans entrer dans nombre de querelles doctrinales nées de luttes politiciennes d'après la Conférence nationale, il sied de remarquer que cette période est riche en rebondissements de tout genre dans la mesure où la conquête du pouvoir se fait désormais en dehors des canaux prédéterminés. La prolifération des accords politiques qui traduit une sorte de dérive putschiste vers la contractualisation du pouvoir d'Etat est à son âge d'or lors de ces sept années de transition. Il suffit de penser aux accords du palais du peuple, du palais de marbre ou de Nsele, pour se convaincre que la suprématie de la Constitution avait été foulée aux pieds en l'absence manifeste d'un gardien de la constitutionnalité.

Ces années-là ne sont donc pas porteuses d'espoir de floraison d'une justice constitutionnelle effective, efficiente et efficace. Potentiellement, cette période est la plus porteuse de germes de conflits politiques qui eussent pu remplir les tiroirs de la justice constitutionnelle si les acteurs politiques avaient souhaité lever les obstacles juridiques ou imaginer l'intérêt d'un arbitre à leurs querelles. Sur cette voie de compromis politique, nul ne peut affirmer les limites du compromissoire de sorte qu'en fin des comptes, c'est l'Alliance des forces démocratiques de libération du Congo qui a eu raison des mécanismes conventionnels auxquels elle était effectivement tierce penitus extranei.

B. De 1997 à 2006 ou la transition des belligérants

Cette seconde période de transition commence le 17 mai 1997 avec la chute du régime Mobutu et la prise de pouvoir par Laurent-Désiré Kabila. L'époque est à la refondation du pays après les multiples violations de droits de l'homme dues à la guerre dite de libération.

Les exactions sont telles que les partenaires d'hier de Laurent-Désiré Kabila déclenchent dès le 2 août 1998 une nouvelle guerre qui dure cinq ans et qui ne connut une fin qu'à travers l'accord global et inclusif de Pretoria. 664(*)

Un tel contexte, l'on s'en doute, n'est pas de nature à favoriser la primauté de la Constitution qui est au demeurant ravalée au même rang sinon en dessous de l'accord global et inclusif.665(*)

Paradoxalement, la méfiance des belligérants est une aubaine pour le juge constitutionnel congolais. En effet, ne pouvant plus recourir aux armes pour régler leurs querelles politiques, les anciens belligérants devenus à l'occasion des politiques recourent de plus en plus à l'argumentaire juridique et le droit constitutionnel prend ainsi la place d'une arme fatale pendant cette période. Le Chef de l'Etat consulte la Cour suprême de justice presque pour tout.666(*) Le Président de l'Assemblée nationale sollicite même l'interprétation des concepts juridiques avant même que les textes législatifs aient été adoptés.667(*) Cette période est aussi, on ne le dit pas assez, celle qui voit naître le droit de saisine au profit de l'opposition parlementaire.668(*)

Le contrôle préventif de la constitutionnalité fait son irruption dans le paysage institutionnel congolais donnant ainsi du travail au juge constitutionnel qui était comme engourdi dans un sommeil profond lors de la séquence du pouvoir de Laurent-Désiré Kabila. Avec ce dernier, il faut l'avouer, le pays était très loin des rivages de la démocratie et de droits de l'homme de sorte qu'il fut illusoire de songer un seul instant à la constitutionnalité de actes du Chef de l'Etat redevenu bizarrement législateur ordinaire avant de lâcher, grâce à la guerre, quelques compétences à l'Assemblée constituante et législative- parlement de transition nommée au demeurant par lui-même.669(*)

L'explication de cette léthargie peut en outre relever de l'ordre du système politique qui a engendré celui sous étude.

On peut, en effet, noter avec le professeur Mabi Mulumba670(*) que l'effondrement de l'économie nationale, mêlé aux diverses dérives de la gestion des finances publiques et la privatisation frauduleuse et illicite du portefeuille de l'Etat assaisonnées à une manipulation monétaire prédatrice ne pouvaient et n'ont pu que dresser un lit à une rébellion qui mit fin, dans l'euphorie populaire, au régime politique issu du coup d'Etat militaire du 24 novembre 1965 pour installer un autre dont la charpente s'appuie, in jure, tout au moins, sur le décret-loi constitutionnel n° 003 du 27 mai 1997 dont l'étude s'impose.

Ce texte revêt une importance tant il inaugure le régime politique issu du coup d'Etat du 17 mai 1997.

Un auteur estime que « dans l'ensemble, le décret-loi ci-dessus s'analyse en un amendement, assez maladroit de l'Acte constitutionnel de la transition dont certaines dispositions pourtant anachroniques au regard de la nouvelle logique révolutionnaire sont maintenues en vigueur ».671(*)

Ces imperfections et d'autres qui sont à mettre sur le dos d'une inexpertise avérée et une précipitation compréhensible de la part des rebelles qui ont trop longtemps attendu, sans plan politique précis, seront bien décelées à travers l'étude du texte sous examen.672(*)

L'article 29 de ce texte dispose, toutefois, que « toutes les dispositions constitutionnelles légales et réglementaires antérieures contraires au présent Décret-loi constitutionnel sont abrogées ».

L'exégèse de cette disposition permet de dire que les dispositions de l'article 1er de l'Acte constitutionnel de la transition sont restées en vigueur avec la conséquence que le pays est resté ancré dans la tradition léopoldienne de l'unitarisme.

Mieux, et de façon malencontreuse, l'emblème du pays est demeuré le drapeau vert clair orné au centre d'un cercle jaune dans lequel figure une main droite tenant un flambeau à la flamme rouge. L'hymne national demeure encore « La Zaïroise » ; la devise et les armoiries n'ont point connu de changement. Le recours à des experts en légistique aurait permis d'éviter de tels anachronismes.

Le professeur Mukadi Bonyi épingle même la résurgence du droit et du devoir sacrés de résister à tout individu ou groupe d'individus qui prend le pouvoir par la force prévu par l'ancien article 37 de l'Acte constitutionnel de la transition.

Cette disposition à elle seule est apte à faire pâlir le régime qui est l'antithèse parfaite de son contenu et pourtant elle n'a pas été abrogée !

Il n'en est pas le cas pour la forme de gouvernement instauré par ce texte qui se dit provisoire déjà en son premier article. La lecture combinée des articles 4, 5, 6,7 et 8 du Décret-loi constitutionnel sous étude permet d'affirmer qu'il s'agit d'un présidentialisme outrancier qui ressemble de très près à celui du texte constitutionnel de 1974.

Le Chef de l'Etat représente la Nation, est le Chef de l'Exécutif et des Forces Armées. Il nomme et révoque les membres du Gouvernement qui sont comptables devant lui même si les dispositions de l'article 18 du texte sous revue donnent des moyens d'information à l'Assemblée Constituante et Législative.

Le gouvernement conduit la politique de la Nation telle que définie par le Président de la République qui peut, dans un message à la Nation, dissoudre anticipativement l'Assemblée Constituante et Législative.

Le survol de cet article 14 nous convainc de la nature juridique réelle du régime politique du 17 mai 1997.

Pouvait-il en être autrement, lorsque le préambule de la première mouture dudit décret-loi constitutionnel fait référence à la déclaration de prise de pouvoir par l'Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo, AFDL, en sigle, du 17 mai 1997, dont le Chef de l'Etat dira plus tard qu'il s'agissait « d'un conglomérat d'aventuriers et d'opportunistes » ?

Dans un régime politique où il y a hypertrophie de la personne du Chef de l'Etat, peut-on étudier le mécanisme juridictionnel de limitation de pouvoir ?

Comme pour renforcer le paradoxe que nous avons épinglé plus haut, ce sont les armes par la méfiance qu'elles installent qui ont rendu nécessaire le contrôle de constitutionnalité, qui en ont facilité les modalités d'exercice et finalement qui ont permis à la doctrine d'aborder enfin des véritables questions de droit constitutionnel. Une sorte d'équilibre de la terreur qui rend inéluctable la présence d'un arbitre qui joue le rôle mythique de Léviathan. Au demeurant, il ne pouvait en être autrement tant les armes garantissaient à chacun des belligérants l'inviolabilité par l'autre. Dans ces conditions, la seule arme invisible mais efficace du combat politique qui est, selon l'expression de Clausewitz, le prolongement de la guerre faite autrement, reste et demeure le droit, en l'occurrence le droit constitutionnel.

Il y a, à notre avis, une corrélation assez évidente entre le passé de dénégation des droits de l'homme et la nécessité d'endiguer les dérives totalitaires même par les armes qui justifie, en fin de comptes, le contrôle juridictionnel des lois, expressions législatives de la majorité militaire ou politique. Autrement, le seul arbitre reste le recours à la force armée avec tout ce qu'il charrie d'errements de toutes sortes.

Et, là, le rapport des forces n'est toujours pas favorable, sous toutes les latitudes.

Après les élections générales de 2006, le contentieux constitutionnel fait un grand bond en avant qu'il importe d'examiner tout de suite.

§4. A travers la Constitution du 18 février 2006

C'est l'âge d'or du contentieux électoral législatif et présidentiel dont les retombées théoriques font l'objet des larges développements de cette étude.673(*) Il faut d'emblée souligner l'éclosion d'une jurisprudence certes titubante néanmoins susceptible d'être améliorée.

A cette période qui correspond finalement aux arrêts rendus après les élections de juillet et octobre 2006, il faut singulièrement attacher le développement de la notion d'actes législatifs. En effet, dans l'arrêt R.A. 320 du 21 août 1996 dit arrêt Tshisekedi, cette notion est déjà développée en ces termes : « ...le vocable actes législatifs dont le contrôle est proscrit couvre non seulement les lois stricto sensu ou les textes ayant valeur de loi, mais également tout document ou acte émanant ou accompli dans l'exercice du pouvoir législatif ».674(*)

Cet arrêt pris dans son contexte de 1996 est celui qui met le frein aux élans libérateurs de 1993 déjà signalés mais, en même temps et paradoxalement, il sera utilisé par le juge constitutionnel d'après 2006 comme référence pour protéger les droits de l'homme.

Nous verrons en effet plus loin qu'à l'occasion des affaires Trésor Kapuku Ngoy et Célestin Cibalonza Byatarana contre les Assemblées provinciales respectivement du Kasaï Occidental et du Sud Kivu, le juge constitutionnel transitoire a tenu pour acte législatif la motion de censure adoptée contre ces deux gouverneurs de province.

La haute Cour a utilisé, dans un style on ne peut plus concis et précis, la catégorie d'acte législatif comme une sorte de couperet à l'encontre des arguments tendant à son incompétence matérielle qui n'ont pas manqué d'être soulevés par la défense des Assemblées provinciales.

Au-delà de la critique théorique évidente que l'on peut faire auxdits arrêts pour cause qu'ils mélangent les actes d'assemblée avec les actes législatifs, il y a lieu d'y voir aussi, peut-être, une volonté délibérée du juge constitutionnel de saisir tous les actes politiques par le droit.675(*)

Il y a là sans conteste un développement de la notion d'actes législatifs dans un sens qui a premièrement abouti à l'incompétence du juge administratif et dans un second moment à la compétence du juge constitutionnel pour contrôler les actes mêmes dits d'assemblée. Le débat sur cette notion et d'autres, montre, si besoin en était encore, que le droit constitutionnel est en processus de saisir les débats politiques en République démocratique du Congo à travers le juge constitutionnel.676(*)

Sans anticiper sur les retombées de ces arrêts qui pourraient justifier amplement une autre étude, l'on peut affirmer que trois décisions de la Cour suprême de justice de l'époque d'après l'année 1990 c'est-à-dire pendant les deux transitions sont révélatrices déjà de cette tendance à contrôler les actes d'assemblée que la doctrine française677(*) et belge678(*) soustrait du champ du contentieux administratif.679(*)

Par ailleurs, il ne faudra pas perdre de vue que les élections législatives et même celles des gouverneurs de province ont donné lieu à une jurisprudence qui, au-delà de la controverse qu'elle a pu susciter, présente au moins l'avantage d'enrichir le droit public congolais.680(*)

En effet, il importe d'épingler ici les nombreux arrêts d'irrecevabilité pour cause de défaut de qualité manifeste ou même non apparente dans le chef des requérants du contentieux de candidature681(*) ou même de ceux des contestions électorales proprement dites682(*)ou des contestations référendaires qui ont été le fait malheureusement de quelques partis politiques minoritaires ou même marginaux ou marginalisés683(*)

Ici, s'est posée la question de la recevabilité de la tierce-opposition aux arrêts de la Cour suprême de justice en matière électorale.684(*) N'oublions pas toutefois que le juge électoral suprême a quelques fois siégé sur pied des communiqués de presse ouvrant par là une voie royale à des contestations aussi nombreuses que variées qui ont émasculé son autorité devant les autres instances de l'Etat.685(*)

En revanche, le contentieux électoral présidentiel n'a pas été riche en notions susceptibles d'appuyer l'Etat de droit. Ainsi que nous le verrons bientôt, le juge constitutionnel en cette matière a emprunté le raisonnement de son collègue de cassation évitant ainsi d'aller dans les marées hautes du droit constitutionnel.

Il importe cependant de dire en guise de conclusion que le contentieux constitutionnel congolais a eu des beaux moments et d'énormes difficultés qu'il nous appartient ici d'épingler et de tenter de résoudre.

En effet, les droits de l'homme ont été durant cette période mieux protégés par le juge constitutionnel qui s'est moins déclaré incompétent en raison sans doute du fait de la démocratisation du pays mais aussi par l'onction que semble avoir donné le peuple congolais par référendum au texte constitutionnel.

Au demeurant, la déclaration par trop fréquente d'incompétence par un juge saisi pour trancher une querelle politique très vive dans la société peut être perçue à la fois comme un signe de sagesse institutionnelle, si tant est que cela soit envisageable, et un message sûr que le juge a pris position pour un de camps en refusant de se prononcer. Il en a été ainsi lors de la période antérieure à la Constitution de transition de 2003.686(*)

Le développement de la notion de justice constitutionnelle en République démocratique du Congo n'offre pas encore un visage assuré pour que, dans cette étude, nous ayons la prétention d'arrêter déjà les traits caractéristiques de cette institution-mécanisme. A défaut de ce faire, nous pouvons néanmoins étudier les mécanismes institutionnels de l'organisme chargé de contrôler la légalité constitutionnelle dans ses aspects de compétence.

L'on peut aussi affirmer que l'étude de la compétence est une approche de pure technique juridique mais qui doit allier la perspective finaliste687(*) de l'Etat de droit qui se laisse appréhender ici comme le droit fil de toute l'étude. En effet, sans cette perspective, l'étude des compétences du juge constitutionnel dans un contexte d'autocratie dénotera d'une sécheresse du point de vue heuristique car elle sera uniquement descriptive.688(*)

Il s'agit là aussi de voir comment le prescrit constitutionnel trouve application dans de cas concrets avant d'énoncer, comme il sied dans une étude de ce genre, quelques propositions susceptibles d'améliorer la compétence de notre juridiction constitutionnelle.

* 653 Lire YOUNG (C.), Introduction à la politique congolaise, op.cit, p.234.

* 654 Marcel Antoine LIHAU, auteur majeur du texte de cette constitution, n'est-il pas docteur en droit de la célèbre université de Louvain ? A ce titre, il était porteur du droit belge et occidental de façon plus ou moins inconsciente.

* 655 Voy VUNDUAWE te PEMAKO (F.), Traité de droit administratif, op.cit, p.137.

* 656 MABANGA MONGA MABANGA, op.cit, p. tente en vain de subsumer cette jurisprudence en une catégorie nouvelle qu'il qualifie de jurisprudence constitutionnelle incidente. Le premier arrêt proprement constitutionnel est celui rendu par la Cour suprême de justice dans l'affaire RCE 001 MUTIRI MUYONGO contre HCR-PT du 4 février 1996. Un deuxième sous RCE 002 en cause KALEGAMIRE contre HCR-PT a été rendu plus ou moins un an plus tard.

* 657 C'est la période des élections par acclamation dont les justifications théoriques sont trouvées par les thuriféraires de tout bord dans l'absence soi disant des contradictions idéologiques au sein du peuple zaïrois. Lire BOSHAB (E.), Pouvoir et droit coutumiers à l'épreuve du temps, op.cit, p.283, spécialement la note 6.

* 658 Lire NTUMBA LUABA LUMU, Préface à MABANGA MONGA MABANGA, op.cit, p. 5. Le professeur parle plutôt de misère de la jurisprudence constitutionnelle et même de béance de la jurisprudence constitutionnelle principale.

* 659 Voir arrêt R.A.266 du 8 janvier 1993, Les anciens membres effectifs de l'a.s.b.l dénommée « Témoins de Jéhovah » contre la République du Zaïre, Bulletin des arrêts de la Cour suprême de justice, années 1990 à 1999, Kinshasa, éditions du service de documentation et d'études du ministère de la justice, 2003, pp.78-82.

* 660 Lire VUNDUAWE te PEMAKO, « Réflexion sur la validité de l'Acte portant dispositions constitutionnelles relatives à la période de la transition au regard du compromis politique global et l'arrêt R.A. 266 de la Cour Suprême de justice », Le Soft de Finance, n°127, du 30 mars 1993.

* 661 Depuis 1974 en effet, une catégorie juridique nouvelle a vu le jour et que la doctrine nomme les lois présidentielles. Ces lois sont en réalité des actes présidentiels pris en la forme de loi en l'absence du parlement mis en congé dans le texte constitutionnel même. Dans ces conditions, la distinction entre le prescrit normatif et le non normatif émanant de la même autorité devient dans le mental d'un peuple analphabète assez délétère. Du reste, pour un peuple qui baigne dans l'oralité, la parole du chef ne vaut-elle pas loi ?

* 662 Lire article 131 de l'ordonnance-loi n°82-017 du 31 mars 1982 portant procédure devant la Cour suprême de justice, JOZ, n°7, 1982 ; lire aussi KALUBA DIBWA (D.), La saisine du juge constitutionnel et du juge administratif suprême en droit public congolais..., op.cit, pp.98-99 ; MPONGO BOKAKO BAUTOLINGA, « Le contrôle de la constitutionnalité des lois sous l'Acte constitutionnel de la Transition du 9 avril 1994 », Annales de la Faculté de Droit, vol.XXV, août 1996, Kinshasa, PUZ, pp.321-355 ; KALUBA DIBWA (D.), « Le contrôle de constitutionnalité des lois et des actes ayant force de lois en droit positif congolais », Revue du Barreau de Kinshasa/Gombe, n°02/2006, pp.1-17.

* 663 Voy en ce sens E.BOSHAB, « La misère de la justice et justice de la misère en République démocratique du Congo » in Revue de la Recherche Juridique, n° XXIII-74, 23ème année, 74ème numéro, PUAM, 1998-3, pp. 1163-1184 ; MATADI NENGA GAMANDA, « La question du pouvoir judiciaire en République démocratique du Congo. Contribution à une théorie de réforme », Revue de Droit Africain, n°15, juillet 2000, R.D.J.A. a.s.b.l, Bruxelles, pp.368-377.

* 664 Lire cet accord dans Congo-Afrique, n°371, XLIIIème année, janvier 2003, Kinshasa, pp.11-28.

* 665 Lire avec intérêt, ZEGBE ZEGS (F.), « La répartition équitable et équilibrée des responsabilités au regard de la Constitution de la transition et des instruments juridiques internationaux en matière de droits de l'homme en RDC » in Congo-Afrique, n° 393, Kinshasa, mars 2005, pp. 135-150.

* 666 Voy KALUBA DIBWA (D.), La saisine du juge constitutionnel et du juge administratif suprême en droit public congolais..., op.cit, pp. 70-81.

* 667 WETSH'OKONDA KOSO (M.), « L'avis consultatif de la Cour suprême de justice n° RL 10 du 13 décembre 2005 sur l'infraction politique : interprétation ou réécriture de la loi ? » in Les Analyses Juridiques, Lubumbashi, n° 8/2006, janvier-avril, 2006, pp.4-26.

* 668 Lire KALUBA DIBWA (D.), La saisine du juge constitutionnel et du juge administratif suprême en droit public congolais..., op.cit, p. 81. L'arrêt R. Const. 06/TSR du 24 mars 2004 est l'arrêt fondateur de ce droit de saisine même si le non respect des exigences de forme n'a pas permis au juge constitutionnel de trancher la question de constitutionnalité de la loi sur les partis politiques au fond.

* 669 En effet, Mzee Laurent Désiré KABILA qui concentre entre ses mains les pouvoirs constituant, législatif et exécutif se présente comme une pâle copie du régime mobutien à son apogée de 1974. Aussi, certainement pour démentir cette ressemblance qui est préjudiciable à son image, le constituant s'adonna-t-il à quelques accommodements consistant à donner quelques compétences à l'Assemblée constituante et législative. Dans les faits, il demeura législateur ordinaire. Ce que confirma du reste la révision constitutionnelle du 1er juillet 2000. Voy pour les détails, JORDC, n° spécial, 42ème année, Mai 2001, pp.91-101.

* 670 MABI MULUMBA, Les dérives d'une gestion prédatrice. Le cas du Zaïre devenu République Démocratique du Congo, Kinshasa, C.R.P., 1998.

* 671 MUKADI BONYI, « Note d'observation sous décret-loi n°003 du 27 mai 1997 relatif à l'organisation et à l'exercice du pouvoir en République démocratique du Congo », Revue critique de Droit du travail et de la sécurité sociale, Kinshasa, n°02/1997, p.5.

* 672 Lire le texte publié dans un numéro spécial du Journal officiel de la République Démocratique du Congo, JORDC, 39ème année, mai 1998, pp. 14-28.

* 673 Le greffe de la Cour suprême de justice indique plus de deux cents dossiers enrôlés en matière électorale. C'est le lieu de déplorer la décision interdisant la vente du Bulletin des arrêts rendus en matière électorale qui empêche justement des statistiques fiables.

* 674 Voir Bulletin des arrêts de la Cour suprême de justice, Années 1990-1999, éditions du service de documentation et d'études du ministère de la justice, Kinshasa, 2003, pp.161-162.

* 675 Voir les développements fort remarquables que consacre à ce phénomène, FAVOREU (L.), La politique saisie par le droit, Alternance, Cohabitations et conseil constitutionnel, Paris, Economica, 1998. Cependant, s'agissant de la République démocratique du Congo, l'on peut s'interroger si les juges ont toujours présente à l'esprit cette nécessité de limiter le pouvoir en élargissant corrélativement l'espace pacifié des droits et libertés fondamentaux : l'interrogation est capitale mais elle mérite de développements ailleurs.

* 676 Lire WETSH'OKONDA KOSO, « La définition des actes législatifs dans l'arrêt de la Cour suprême de justice R.Const 051TSR du 31 juillet 2007 à l'épreuve de la Constitution du 18 février 2006 », La constitution en Afrique, site web appartenant au professeur Stéphane BOLLE.

* 677 CHAPUS (R.), Droit administratif général, 2 tomes, 15ème édition, Paris, Montchrestien, 2001.

* 678 LEWALLE, Contentieux administratif, coll. de la Faculté de droit de l'Université de Liège, 2ème édition, Bruxelles, Larcier, 2002, p.576, n°351. Cet auteur dit qu'aucun prescrit juridique ne soustrait ces actes du contrôle du juge administratif mais dans la pratique, le Conseil d'Etat se déclare incompétent en référence à la notion d'actes de gouvernement qui n'a dès lors qu'un fondement doctrinal et jurisprudentiel.

* 679 Voy VUNDUAWE te PEMAKO (F.), Traité de droit administratif, op.cit, p.857. L'auteur fait toutefois une nuance en distinguant le juge administratif du juge constitutionnel qui n'est pas en principe limité comme l'est le premier.

* 680 Nous faisons allusion entre autres ici à la définition de notions de majorités absolue et relative en jurisprudence congolaise à partir de l'arrêt rendu en appel dans l'affaire concernant l'élection du Gouverneur de la province du Bas-Congo. Nous y reviendrons.

* 681 Voir CSJ, Djuma Anabeku, Arrêt RCDC005/KN du 10 avril 2006, inédit ; La Convention chrétienne pour la démocratie, Lisanga Bonganga, RCDC 012/KN du 13 avril 2006, inédit ; Bonioma Kalokola Alou, RCDC 004/KIN, inédit.

* 682 Voy CSJ, Lumbala Mbuyi Joseph, RCE/DN/KIN 024 du 2 novembre 2006, inédit ; P.P.R.D., RCE/DN/KN/067 du 21 octobre 2006, inédit ; Mouvement du 17 mai, M17, RCE PR006 du 4 septembre deux mille six, inédit ; Rassemblement congolais pour la démocratie, RCE PR 007 du 4 septembre 2006, inédit ; Parti Démocratie Chrétienne, RCE PR 008 du 4 septembre 2006, inédit ; Mukungubila Mutombo Paul Joseph, RCE PR 005 du 1er septembre 2006, inédit ; Parti Rassemblement pour une nouvelle société, RCE PR 004 du 4 septembre 2006, inédit ; Kombo Mambu Mingi, RCE PR 001 du 31 août 2006, inédit ; Alliance des démocrates congolais, RCE PR 002 du 2 septembre 2006, inédit ; Fonus, RCE PR 003 du 4 septembre 2006, inédit.

* 683 Voir CSJ, La générale libre socialiste, arrêt RCE 09/05 du 11 janvier 2006, inédit ; Bossasi Epole Bolya Kodya, arrêt du 1er février 2006, inédit.

* 684 L'acceptation par la haute Cour de cette voie de recours tantôt sur pied du code de procédure civile tantôt sur base de la procédure devant la Cour suprême de justice révèle, à coup sûr, un tâtonnement théorique évident sur le fondement légal de cette voie de recours extraordinaire. Nous y reviendrons en détail au chapitre III de cette partie.

* 685 Lire BOSHAB (E.), « Le principe de la séparation des pouvoirs à l'épreuve de l'interprétation par l'Assemblée nationale des arrêts de la Cour suprême de justice en matière de contentieux électoral », in MBATA B. MANGO (sous la direction de), Participation et responsabilité des acteurs dans un contexte d'émergence démocratique, Actes des journées scientifiques de la faculté de Droit de l'Université de Kinshasa du 18 au 19 juin 2007, PUK, 2007, pp. 27-32.

* 686 Il nous a été donné de voir que chaque fois que la classe politique était en ébullition en attente d'une solution juridictionnelle, le juge s'est retranché derrière la notion de compétence ratione materiae pour, en fin de comptes, laisser le problème entier ou en tous cas, à l'avantage du camp qui détient la réalité du pouvoir.

* 687 Voy LUCHAIRE (F.), « De la méthode en droit constitutionnel » in R.D.P., Paris, n° 4, 1981, pp.123-176.

* 688 Lire NGONDANKOY NKOY ea LOONGYA (P.G.), Le contrôle de constitutionnalité en République démocratique du Congo. Etude critique d'un système de justice constitutionnelle dans un Etat à forte tradition autocratique, Thèse de doctorat en droit public, Université catholique de Louvain, 2008.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon