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Sciences et Politiques institutionnelles au Burkina Faso: élaboration et réformes de la Constitution de la IVème République

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par G. Jean Luc ZONGO
Université Ouaga II Burkina Faso - DEA sciences politiques 2011
  

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§2 : Les structures permanentes de production d'expertise.

Dans la conduite des politiques publiques, l'État peut ne pas aller chercher plus loin que son administration133(*) les savoirs nécessaires pour illuminer ses choix. Rares sont en effet les États modernes qui, aujourd'hui, n'aménagent pas, dans un souci de rapprochement, des structures internes dont la mission est d'assurer l'aide scientifique à la décision. C'est ce que Max Weber a très justement appelé « cage de la raison134(*) » assurant une expertise technique au profit des décideurs. Ces structures peuvent prendre la forme d'organes juridictionnels (par exemple un conseil d'État135(*) ou une cour constitutionnelle aussi bien dans leurs avis que dans leurs décisions juridictionnelles) tout comme ils peuvent être purement administratifs. À cela, l'État burkinabé ne déroge pas, non seulement en tant qu'État sur la voie de la modernisation, mais aussi en tant qu'héritier des institutions administratives d'une puissance coloniale qui a longtemps ignoré ou négligé les formes autonomes et externes de mobilisation de l'expertise136(*). Ces structures sont construites sur une base purement technique, ce qui permet de les ranger avec certitude dans le modèle de « l'expertise de service » ou « modèle standard ». Mais on peut les ranger également dans « le modèle standard rénové » ou celui de la consultation » toutes les fois que, dans l'accomplissement de leur mission, elles prennent connaissance de l'opinion publique137(*) avant de formuler leurs recommandations. Nous tenterons de voir la mise en oeuvre du concours des structures parlementaires d'expertise (A) et de la bureaucratie administrative (B) dans les politiques de reforme de la constitution de la quatrième République.

A) Les structures parlementaires d'expertise.

Il s'agit principalement de la défunte Chambre des représentants et de la Commission des Affaires Générales, Institutionnelles et des Droits Humains (CAGIDH).

1) La Chambre des représentants

Elle est construite sur le modèle des forums hybrides dont parle Bernard Ancori à la seule différence que sa mission n'était pas ad hoc. Au sein de la commission constitutionnelle de 1991, ses promoteurs voulaient en faire un organe de limitation des pouvoirs de l'Assemblée qui devait être élue. Mais le constituant en a finalement fait un organe consultatif au service de la Chambre des députés et de l'exécutif. Elle constituait une mosaïque de vingt-et-cinq (25) associations de la société civile et d'ailleurs, allant du monde paysan au monde universitaire. Des minorités sociales aussi bien que des corps professionnels y étaient représentés. Elle comptait cent soixante-et-deux (162) membres issus de ces vingt-et-cinq associations et groupes socio-professionnels, avec une représentation inégalitaire. Selon l'ancien article 80 de la constitution du 11 juin 1991, « la Chambre des représentants a un rôle consultatif ». Elle peut être saisie par le gouvernement, l'Assemblée des députés du peuple et par son bureau permanent. Mais le recours à ses avis et leur prise en compte était facultatif jusqu'à la loi constitutionnelle du 11 avril 2000138(*). Grâce à ces dispositions, cette Chambre s'est érigée en véritable éclaireur de l'Assemblée des députés du peuple aussi bien que de l'exécutif toutes les fois que son avis était requis. Concernant particulièrement les réformes constitutionnelles, elle a été consultée deux fois de suite (1997 et 2000) et la troisième fois lors de sa suppression en 2002 conformément à l'ancien article 163139(*) de la constitution du 02 juin 91. Les contenus de ses avis étaient parfois proches des points de vue de la société civile. Aujourd'hui, au sein du parlement, tout le poids de sa mission retombe dans le giron des commissions parlementaires.

2) Les Commissions parlementaires : la CAGIDH

Selon Mahamadé SAVADOGO « la discussion politique dans le cadre de l'Assemblée législative exige certaines compétences. Elle n'est pas un simple bavardage, une manière parmi d'autres de s'occuper. [...] Ainsi, outre l'aptitude à exprimer adéquatement son opinion, elle requiert parfois des connaissances techniques relatives à telle ou telle dimension de la vie sociale : économie, droit, culture, etc.140(*) ». Cet aspect du travail parlementaire et le besoin de disposer de ces « connaissances techniques » se sont traduits au Burkina Faso (et partout ailleurs comme on peut le supposer), par une stratification à deux niveaux des instances délibératives de l'institution parlementaire : les séances plénières et les séances de commissions. Ces dernières, chargées de préparer la discussion en séance plénière, sont au nombre de six (compétentes dans les divers domaines de la vie sociale économique et politique) encore que l'on peut substituer à l'une ou l'autre, quelques fois, une commission ad hoc. Cette division du travail parlementaire peut correspondre dans une certaine mesure à la distinction abstraite qu'on peut faire entre tout chercheur ou expert et tout décideur dans un contrat d'expertise. En effet, le travail des commissions parlementaires est un travail de contrôle et parfois de recherche qui peut s'approprier certains outils de recherche propres aux sciences sociales comme l'observation, l'enquête et l'entretien. En outre, elles peuvent faire appel à des experts situés en dehors de l'administration publique et parlementaire141(*). Depuis 1992, le parlement dispose par ailleurs d'un centre de documentation dont la mission est d' «assurer le support en documents de travail de toute nature aux députés et au personnel administratif142(*) ». Il semble que ce soit les documents de science politique et de droit public qui sont les plus consultés dans ce centre143(*).

En ce qui concerne concrètement les politiques institutionnelles réformatrices liées à la constitution de la quatrième République, elles ont impliqué presqu'exclusivement la Commission des Affaires Générales Institutionnelles et des Droits Humains (CAGIDH) en 1997, en 2000, en 2002 et en 2009 où une commission ad hoc l'a précédée.

Le besoin de connaissance s'est exprimé en droit, en histoire, en légistique. Qu'il s'agisse d'une proposition ou d'un projet de loi constitutionnelle, les travaux préparatoires à la formulation du texte à voter intègrent sélectivement certaines critiques pertinentes faites contre la constitution de la quatrième République avant l'étape de la commission. Ainsi en 1997, la réflexion préalable menée par le groupe parlementaire CDP a proposé de débarrasser la constitution des termes et des symboles révolutionnaires qu'elle recelait encore, de revoir la devise nationale et certaines formulations malencontreuses, etc. Mais la commission elle-même a de façon anecdotique, eu recours à l'expertise de l'état major général des forces armées pour savoir si l'expression « chef d'état major général des forces armées nationales » pouvait se dire.

Quant aux débats en séance plénière, on a pu remarquer effectivement qu'ils se faisaient sur la base d'une argumentation qui cherche à convaincre en faisant appel à des connaissances dans différents domaines de la science144(*). On peut remarquer également qu'au Burkina Faso sous la quatrième République, lorsqu'un président de l'Assemblée nationale a un profil juridique et/ou politiste, sa présidence se transforme souvent en chaire de professeur où il prodigue, en ces domaines, des connaissances nécessaires à la compréhension des débats en cours. Ces commissions parlementaires peuvent bénéficier, en plus, de l'appui intellectuel des structures gouvernementales

B) Les structures gouvernementales d'expertise

1- Le secrétariat général du gouvernement

Comme toute politique publique, les politiques institutionnelles, dans la phase de leur inscription sur l'agenda politique, passent nécessairement par les organes de conception du gouvernement. Pour les politiques institutionnelles réformatrices qui nous préoccupent, le passage par ceux-ci est obligatoire en vertu l'article 97 de la constitution du 02 juin 1991 qui dispose que « les projets et propositions de lois sont délibérés en conseil des ministres avant leur dépôt sur le bureau de l'Assemblée nationale ». C'est à cette occasion qu'elles peuvent bénéficier de l'expertise des services compétents de l'administration. Il s'agit principalement du secrétariat général du gouvernement et du ministère chargé des relations avec le parlement. Ces structures disposent de directions juridiques qui jouent un rôle important dans la procédure législative. Lors de la révision constitutionnelle de 2002, le secrétaire général du gouvernement a tenté de faire prendre en compte devant la CAGIDH, pour une question de logique, certaines des recommandations contenues dans le rapport d'avis de la Chambre des Représentants pour la révision constitutionnelle de 2000.

2- Le ministère chargé des relations avec le parlement et des réformes politiques

À propos des structures permanentes de production et de mobilisations des savoirs à destination des décideurs politiques, il convient de signaler la nouvelle trouvaille des élites dirigeantes de la IVe République : l'institution d'un ministère dont la mission unique est de s'occuper des réformes politiques. Créé avec la mise en place du premier gouvernement du quatrième mandat du Président Blaise Compaoré, il a fait l'objet d'une organisation interne lors du conseil des ministres du 16 mars 2011 qui l'avait doté d'un certain nombre d'organes et de conseillers. Mais après la crise qui a fauché le gouvernement du Premier ministre Tertius ZONGO, il a été réaménagé dans le tout nouveau gouvernement et porte désormais le nom de « Ministère chargé des relations avec le parlement et des réformes politiques145(*) ». Il ressort du conseil des ministres du 13 avril 2011 qu'il devra produire l'un des deux documents de synthèse qui serviront de référence aux travaux sur les réformes politiques envisagées. Mais il n'a, pour le moment, aucune action particulière à son actif.

* 133 Encinas de Munagorri R., Quel statut pour l'expert ?, Revue française d'administration publique 2002/3, N° 103, p. 379-389.

* 134Cf. M. Weber, Économie et société cité par Nicolas Jabko Expertise et politique à l'âge de l'euro : la banque centrale européenne sur le terrain de la démocratie, Revue française de science politique, 2006/1 vol. 51, p. 903-931

* 135 Cf. N. Belloubet conseiller l'État/ A.M-.G Loada, L.M Ibriga, Droit constitutionnel et institutions politiques, 2007, p.398

* 136 RESTIER-MELLERAY C., 1990, «Experts et expertise scientifique. Le cas de la France», Revue française de science politique, vol. 40 (4). / Cadou S., Savoirs et action publique : un mariage de raison ? L'expertise en chantier, Horizons stratégiques 2006/1, n° 1, p. 112-124.

* 137 Entretien avec Jacob Ouédraogo, Président de la CAGIDH, le 17/08/2010

* 138 -la citoyenneté, les droits civiques et l'exercice des libertés publiques,

-la nationalité, les régimes matrimoniaux, les successions et les libéralités,

-la procédure selon laquelle les coutumes seront constatées et mises en harmonie avec les principes fondamentaux de la Constitution,

-la protection de la liberté de la presse et l'accès à l'information,

-l'intégration des valeurs culturelles nationales.

* 139 « Le projet de révision est dans tous les cas soumis au préalable à l'appréciation de l'Assemblée des députés du peuple après avis de la Chambre des représentants »

* 140 M. Savadogo, « Démocratie et institutions » in Josiane BOULAD-AYOUB et Luc Bonneville, (sous dir) Souverainetés en crise, pp. 517-531. Collection: Mercure du Nord. Québec: L'Harmattan et Les Presses de l'Université Laval, 2003, 569 pp.

* 141 Entretien avec le président de la CAGIDH, le député Jacob Ouédraogo, op. cit.

* 142 Ramata Balma/Ouedraogo, Études des clientèles du centre de documentation de l'Assemblée nationale du Burkina Faso, rapport de stage pour le brevet de technicien supérieur de l'information documentaire (BTS-SID), 2008, p. 12.

* 143 Ibid. Même si l'auteur fait remarquer la « faible fréquentation du centre par les usagers internes : 45% des Députés viennent au centre de documentation quelques fois par an, et 60% des fonctionnaires parlementaires le fréquentent occasionnellement. » et la fréquentation beaucoup plus forte par les usagers externes : les étudiants et les élèves. p28

* 144Exemples : J. C. BOUDA du CDP : « la constitution qui est le fondements de tout pouvoir, est un acte qui régit la vie et l'évolution politique. Cela veut dire que c'est un document qui n'est pas immuable [...] Nous, nous avons la chance d'avoir une constitution écrite. Je sais qu'il y a des pays qui ne disposent pas de constitutions écrites [...] je citerai l'exemple de la Grande Bretagne où ce sont des textes constitutionnels disparates [...] Si l'on se réfère à l'expérience constitutionnelle française, on sait qu'il y a eu plusieurs révisions constitutionnelles; ça veut dire qu'à certaines étapes et à certaines évolutions de la vie politique, il faudrait qu'on puisse adapter le texte constitutionnel... » cf. PROCÈS-VERBAL DE LA SÉANCE PLÉNIÈRE DU 27 JANVIER 1997.

Pr J. KI-ZERBO du PDP/PS « j'ai lu quelque part dans un ouvrage de droit constitutionnel, à propos du mandat présidentiel en France, je cite : cette durée qui est de 7 ans est souvent considérée comme excessive. C'est plutôt celle d'un règne... L'expérience de plusieurs pays africains prouve hélas! que ces mandats présidentiels renouvelables `'nolens, volens'' peuvent conduire à 30 ans de permanence à la tête de l'État, comme le montre un exemple qui est proche de nous. [...] Autre question : quel est le fait nouveau qui pourrait expliquer, sinon justifier ce retournement d'attitude, pour ne pas dire de « veste », d'une constitution à l'autre? » cf. PROCÈS-VERBAL DE LA SÉANCE PLÉNIÈRE DU 27 JANVIER 1997.

D. S. SAWADOGO du CDP : « Moi, de mon point de vue, le rapport de forces doit être dicté par la raison et le bon sens. Et cette raison et ce bon sens nous amènent à suivre exactement les voies que les uns et les autres ont suivies, pour éviter que les gens ne disent : « Oui ! C'est le nombre. Oui ! Ils ont travesti la... ». Non ! On n'a rien travesti. » Cf. PROCÈS-VERBAL DE LA SÉANCE PLÉNIÈRE DU JEUDI 30 AVRIL 2009

* 145 Cf. Décret portant composition du gouvernement, in L'Observateur Paalga n°7867 du vendredi 22 au lundi 25 avril 2011

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