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Sciences et Politiques institutionnelles au Burkina Faso: élaboration et réformes de la Constitution de la IVème République

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par G. Jean Luc ZONGO
Université Ouaga II Burkina Faso - DEA sciences politiques 2011
  

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§2 : Le pragmatisme et le « tactical paradigm »

Alors que l'auteur de l'agir communicationnel estime que le pragmatisme, qui prévaut aux États-Unis, doit être le modèle de référence pour la construction des rapports entre scientifiques et société politique, celui-ci n'est, au Burkina, qu'un modèle épisodique, expérimenté au gré des crises socio-politiques. L'escapade du schizophrène vers le monde extérieur (« groupes de savoirs » et société civile) ne se produit que lorsque le malade se rend compte que la crise qui secoue son biotope, va peut-être aussi emporter son existence même. C'est à ce moment-là qu'il range certaines de ses théories fallacieuses, qu'il fait appel à la sophocratie, qu'il met en place des commissions de réformes politiques pour catalyser et canaliser vers les institutions politiques les ressources de connaissances qui, jusque là, se tenaient endiguées à la porte du système. Le modèle du pragmatisme est ainsi donc un modèle de crise, un modèle de circonstances exceptionnelles. Il a cependant permis de rénover le politique au Burkina Faso. La politique constitutionnelle de 1990, en échouant dans sa volonté d'instrumentalisation des formes démocratiques, a permis aux organisations de la société civile et aux partis politiques, de conduire un modèle pragmatique d'élaboration de la loi fondamentale. Ce qui a permis de donner à l'État burkinabé, sa charpente institutionnelle démocratique actuelle. De même, les réformes institutionnelles réalisées selon ce modèle dans le cadre de la résolution de la crise subséquente au drame de Sapouy372(*), ont permis au système politique de faire un bon qualitatif, reconnu et apprécié par tout le monde373(*). Le modèle pragmatique est donc le paradigme qui permet l'organisation de rapports d'échange fructueux entre les politiques, les scientifiques et les citoyens dans la définition des politiques publiques. Chacun de ses acteurs retrouvent sa place dans les processus de résolution des problèmes socio-politiques. Cependant, conformément à nos remarques sur l'instrumentalisation, elle n'a pas produit pleinement ses effets, et la réalité est restée très loin de l'idéal.

Vues d'aujourd'hui, les pratiques dans lesquelles nous venons d'entrevoir une réalisation imparfaite du pragmatisme, peuvent être aussi analysées sous l'angle du tactical paradigm374(*) tel que révélé en Afrique du Sud, mais avec beaucoup de réserves cependant. Selon Elias T. Ayuk et Mohamed Ali Marouani, ce paradigme est celui dans lequel «research is used when there is pressure for action to be taken on a specific issue and policy-makers respond by announcing that they have commissioned a research study to examine the matter. This type of commissioned work usually provides the political system with some time to reflect and therefore avoid irrational policy-making375(*)». Ce qui importe ici pour nous, c'est donc l'élément tactique ou pourquoi pas stratégique de ce mode d'action. On peut l'illustrer au niveau burkinabé par l'évocation des velléités de remise en cause376(*) ou les remises en cause effectives377(*) des institutions établies ou réformées grâce à ce modèle dialogique. Ces exemples prouvent qu'au fond, le pouvoir politique avait pour unique finalité de jouer avec le temps et la mémoire de ses citoyens. Les instants troubles ont provoqué chez lui un recours instinctif aux méthodes démocratiques de résolution des conflits. Ils l'ont contraint à ouvrir momentanément une parenthèse de démocratie participative qui est propice à la prise en compte des ressources de connaissances mobilisées par « les groupes de savoirs ». Mais l'ère des remises en cause s'ouvre une fois la crise domptée, et l'ordre rétabli. L'autoritarisme et l'autisme rétablissent leur empire au sein de la République.

Entre d'une part, celui qui commande une étude pour se donner le temps nécessaire pour pouvoir agir, et qui, au moment d'agir prend en compte définitivement les recommandations scientifiques mises à sa disposition (le modèle Sud africain de Hanney), et d'autre part celui qui fait autant mais ne prend en compte celles-ci que pour un temps et attend que la crise soit passée pour les renier en bloc (modèle burkinabé), il y a certes une différence. Elle réside dans l'usage que l'on fait du temps. Dans le premier cas on emploie le temps pour bien agir, dans le deuxième cas on l'emploie pour effacer l'action que l'on a posée. Mais le dénominateur commun est que dans les deux hypothèses, le temps est l'enjeu majeur.

Dans la nouvelle crise qui a éclaté avec la mort de l'élève Justin Zongo, la mutinerie des militaires et la cascade de mouvements sociaux qui en a découlé, une utilisation de ce modèle se profile peut-être à l'horizon. Les discours du nouveau premier ministre mettent en exergue les qualités techniciennes de ses nouveaux ministres. Une manière de proclamer haut et fort que l'ère de la suprématie du politique est mise entre parenthèse et que les problèmes seront réglés plus techniquement à l'avenir. La création d'un conseil consultatif sur les réformes politiques (CCRP) témoigne déjà d'une telle volonté quoique les composantes sociales conviées montrent beaucoup de circonspection à l'égard de cette initiative. Preuve d'un manque de confiance et d'une crainte certaine du tactical paradigm à la burkinabé.

Dans le cas du Burkina Faso, on aurait pu s'attendre à ce que, en dehors des temps de crise, une relation plus dialectique s'instaure entre les « groupes au pouvoir » et les « groupes de savoirs », au regard non seulement de la mission que se sont assignés certains think tanks378(*), mais aussi de l'arsenal de communication qu'ils ont mis en place pour socialiser les résultats des recherches qu'ils effectuent. Mais une telle configuration des relations se fait toujours attendre en matière de politiques institutionnelles relative aux institutions politiques. Certains auteurs ont révélé dans le domaine de la recherche pour le développement, que le passage d'un universitaire dans la sphère gouvernementale peut être une occasion pour lui de mettre en application son background scientifique379(*). À cet égard, on peut noter la présence du Pr Augustin Loada, professeur titulaire de droit public et de science politique et par ailleurs directeur exécutif du CGD (Centre pour la Gouvernance Démocratique), dans le comité de rédaction des annales du Premier Ministère burkinabé. Cette proximité entre d'une part, les gens du pouvoir, et d'autre part, un directeur exécutif d'un organisme qui est à tout de point de vue un think tank de la démocratie et de la bonne gouvernance, et qui, au nom de la mission qu'il s'est assigné, travaille pour la consolidation de la démocratie, aurait pu constitué au moins un cadre où pourrait germer l'idée d'une éventuelle collaboration ou concertation pour voir dans quelle mesure on pourrait donner à notre démocratie un visage plus respectable. Mais au pays des hommes intègres, la très forte politisation de l'administration ne laisse guère de chance à une telle opportunité380(*).

* 372 C'est ainsi que l'on désigne communément l'assassinat sauvage et crapuleux du célèbre journaliste d'investigation Norbert Zongo et trois de ses compagnons de route. Sapouy est le nom de la localité où il a été stoppé par ses bourreaux.

* 373 Blaise Compaoré : "Je suis étonné de constater que le Collectif n'appréhende pas bien le rôle positif qu'il a pu jouer dans les récentes avancées que nous avons enregistrées. Faites le point de toutes les évolutions qu'il y a eu dans notre processus démocratique, vous conviendrez avec moi que ce n'est pas le CDP qui a porté ces revendications. Je dois dire qu'il y a eu un apport important", In L'Événement du 25 juin 2002.

* 374 Hanney SR, Gonzalez MA, Buxton MJ and Kogan M. 2003. The utilisation of health research in policy-making: concepts, examples and methods of assessment. Health Research Policy and Systems cité par Elias T. Ayuk et Mohamed Ali Marouani, The Policy paradox in Africa. Strengthening Links between Economic Research and Policymaking, International Development Research Centre (IDRC)/ AFRICA WORLD PRESS, 2007; p. 10.

* 375 Ibid. « on fait appel à la recherche lorsque des sollicitations pressantes exigent qu'une action spéciale soit prise et les décideurs politiques répondent qu'ils ont commandité une étude pour examiné la question. Ce genre de travail commandité pourvoit généralement le système politique en temps nécessaire pour réfléchir et éviter par conséquent des décisions politiques irrationnelles ».

* 376 Par exemple, depuis le discours du Président du Faso à l'occasion du 49ème anniversaire de l'indépendance, l'idée de réviser l'article 37 de la constitution a été publiquement remise en selle.

* 377 Dans le domaine électoral.

* 378 Principalement le CGD dans les politiques institutionnelles qui nous préoccupent.

* 379 F. Carden, Des connaissances aux politiques. Op. cit. p. 4

* 380 Cf. note 356

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway