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Les à‰tats- Unis d'Afrique: par l'état ou par la gouvernance régionale

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par Godefroy MWANABWATO
Université de Kisangani RDC - Licence droit public 2009
  

Disponible en mode multipage

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UNIVERSITE DE KISANGANI

B.P.2012

KISANGANI

FACULTE DE DROIT

LES ETATS-UNIS D'AFRIQUE

PAR L'ETAT OU PAR LA GOUVERNANCE REGIONALE

Par

Godefroy KAHAMBO MWANABWATO KIPELEKA

MEMOIRE

Présenté en vue de l'obtention du grade de LICENCIE en Droit

OPTION : Droit Public

Directeur : Prof. MWAYILA TSHIYEMBE

Encadreur : Ass. MUYAMBI DHENA

ANNEE ACADEMIQUE 2008 - 2009

Première session

A ma progéniture

REMERCIEMENTS

En Afrique, dit-on, il faut tout un village pour élever un homme. En retour, le village n'attendra de cet homme rien de plus que la reconnaissance.

Nous n'avons pas échappé à cette logique d'interdépendance tout au long de notre parcours quinquennal au sein de la faculté de droit à l'Université de Kisangani.

En effet, plusieurs personnes nous ont assisté durant cette saison académique ponctuée de tsunamis, de cyclones, de pluies et de beaux temps. Il nous sied de les remercier à travers les lignes qui suivent.

Nos premiers remerciements s'adressent à Jéhovah Mungu le Très - Haut pour sa grâce et sa miséricorde sans limites.

Nous tenons à remercier en second lieu certains membres du corps scientifique de l'Université de Kisangani qui, par leur valeur intellectuelle et leur probité morale ont su irradier notre esprit de jeune chercheur. Nous citons le professeur Mwayila Tshiyembe et l'Assistant Muyambi Dhena qui ont respectueusement dirigé et encadré le présent Mémoire ; les Professeurs Bompaka Nkeyi, Kadony Nguway et Ngute Novato ainsi que les Chefs de travaux Zacharie - Richard Ntumba et Yuma Fikirini.

Nous disons par ailleurs merci à nos parents en l'occurrence :

- Nos père et mère pour leur soutien combien bénéfique. Que Monsieur Aimedo Kipeleka et Madame Marcelline Elongo trouvent ici l'expression de notre gratitude ineffable !

- Nos frères et soeurs consanguins pour l'affection qu'ils n'ont cessé de nous disponibiliser à volonté. Que les Demoiselles Béatrice Mwanabwato, Gracia Mwanabwato, Fifi Mwanabwato ainsi que les Sieurs Aimedo Mwanabwato, Djodjo Elongo et John Mwanabwato se sentent honorés par ce travail qui leur trace les jalons d'une carrière scientifique !

- Nos oncles, tantes, cousins, neveux, nièces, grand-parents qui n'ont cessé de nous témoigner leur amour tant dans le bonheur que dans le Malheur. Nous pensons aux Dames Joséphine Elongo, Jeanne Safalani, Béatrice Ashina,

Dady Elongo et Sophie Bugogo ainsi qu'aux Sieurs Amani Kanyangala, Aridi Lubinga, Awazi Kasongo, Clément Omari et Kipeleka Mwanakusu.

Nos remerciements s'adressent aussi aux serviteurs de Dieu en l'occurrence au couple John Bokanga ainsi qu'au Pasteur Mwema Kasongo et toute la communauté CEPAC/Jérusalem de Kisangani.

Nous ne saurons pour rien au monde ne pas remercier nos compagnons de lutte dont le souvenir ne peut être altéré ni par les vicissitudes de la vie ni par le temps qui coule en noircissant tout à son passage.

Il s'agit des Sieurs Serge Okete alias Emperio, Papy Babananzaka alias Aduangoma, Elvis Kambale alias Nkeyi et Guylain Muhindo alias Kasseta.

A cette liste très restreinte s'ajoutent les Dames Lysette Kanku, Carine Assani, Bernardette Bongale, Tyna Ilunga Christine Posho, des Sieurs Dido Assani, Robert Tolanga, André Kito et Monsieur Idriss Mokolo na Yenga.

Nous disons particulièrement merci à Thierry Tisambi alias Kokolo et Junior Likangola alias Freeman, aux Docteurs Freddy Bikioli alias B2K et Lady Yangotikala sans oublier Monsieur Alain Kabala pour leurs compagnies.

Un clin d'oeil particulier s'adresse enfin aux Dames Louise Kimbesa et Fifi Bosala.

A tous ceux-ci et à ceux qui ne sont pas repris ici faute d'espace, nous disons sincèrement : Merci !

Godefroy Kahambo Mwanabwato K.

0. INTRODUCTION GENERALE

Parler des Etats-Unis d'Afrique d'un point de vue scientifique engage une écriture prospective qui prend le risque de l'erreur, abandonne l'ambition de tout dire et part de plusieurs références qui sont autant d'incertitudes.

Une telle entreprise est très ardue. Aussi, le présent mémoire n'accumulera-t-il ni des prophéties, ni des vérités absolues. Il ne prétend pas tracer des lignes directrices ou des recettes à suivre à la lettre mais des attitudes et des systèmes de pensée susceptibles d'animer et d'éclairer les actions.

I ETAT DE LA QUESTION

a. Le panafricanisme messianique

Ne en 1885, en Jamaïque avec Marcus Garvey, l'idée du panafricanisme se concrétisa lors du premier congres panafricain tenu Paris en 1919 avec la revendication du droit des noirs, énoncée par le noir américain Burghard Du Bois, en reconnaissance du sang versé par les noirs africains et américains au cours de la première guerre mondiale. De congres en congres, Du Bois parvint a la sensibiliser les intellectuels noirs des deux continents. A partir du Ve congres de Manchester en 1945, ils firent du panafricanisme le moteur de la lutte pour l'indépendance. Parallèlement au mouvement ci haut, un autre courant panafricaniste prônait l'idée de retour en Afrique (come back to Africa) afin d'y créer des Etats chargés de promouvoir la liberté. Cette idée s'est cristallisée par la création du Libéria et de la Sierra Léone.

b. La cristallisation politique du panafricanisme

C'est avec Nkrumah1(*) que le panafricanisme cesse d'être messianique pour devenir politique. C'est à cet effet qu'il réunit à Accra en mars 1958 la première conférence des Chefs d'Etats africains qui prône notamment l'unification des diplomaties. Il prêcha un panafricanisme maximaliste dont l'enjeu aurait été de réunir sous une seule autorité politique tous les Etats Africains. Il se heurta aux réticences de certains Etats qui ne se sentaient pas prêts à renoncer à leurs indépendances récemment acquises. Ces derniers, plus modérés, optaient pour un panafricanisme minimaliste qui ne devait pas bouleverser les frontières issues de la décolonisation.

Remarquez donc qu'au moment où l'idée d'une Afrique Unie se lève, le continent est divisé en idées. Aussi, à Addis-Abeba, les participants à la conférence ayant abouti à la création de l'Organisation de l'Unité Africaine du 26 mai 1963, évoquent-ils, chacun l'Unité africaine selon l'idée qu'il s'en fait. C'est de ce charabia que surgira, pour un besoin de compromis, l'Organisation de l'Unité Africaine dont les africains se contenteront pendant un temps avant de la réformer ensuite.

c. Bilan du panafricanisme

Un demi-siècle après, il convient de s'interroger sur les fruits des tergiversations qui ont longtemps divisé les maximalistes et les minimalistes. A ce niveau, il faut avouer avec Mwayila Thiyembe que la scission sus-évoquée reste le seul héritage issu de cette palabre. Il renchérit que la démission des élites africaines a laissé en friche l'idée Etats-Unis d'Afrique. Tant et si bien que la seule chose dont on est sûr, c'est la ligne de rupture entre les héritiers du groupe de Casablanca et les héritiers du groupe de Monrovia. Quant à l'essentiel, constate-t-il amèrement, nul ne sait avec exactitude la signification de l'idée Etats-Unis d'Afrique en ce début du XXIe siècle2(*).

Il n'ya rien de surprenant donc, si lors du sommet de l'Union Africaine qui s'est achevé à Accra dans la nuit du 3 au 4 juillet 2007, les divergences de points de vue sur la nature et les missions du « gouvernement panafricain » ont ressurgi et laissé voir l'horizon le spectre de la fissure Casablanca - Monrovia.

Récemment encore, la question a été portée à l'ordre du jour lors du sommet de l'Union Africaine qui s'est tenu à Addis-Abeba du 1er au 3 février 2009. Après une bataille rangée entre les arrivistes des deux camps3(*) un compromis portant sur une légère modification de l'architecture organique de l'Union Africaine d'ici 2012 a été trouvé. Il préconise la transformation de la commission de l'union Africaine en une « Autorité » de l'Union Africaine.

II PROBLEMATIQUE

Puisque le vide intellectuel est stratégique issu de l'engouffrement du débat dans la querelle soporifique entre maximalistes et minimalistes n'a pas permis de donner corps et signification à l'idée Etats-Unis d'Afrique, nous avons décidé de sortir de cette double vulnérabilité et de nous engager dans la voie du néo - panafricanisme.

En effet, la problématique des Etats-Unis d'Afrique ne doit être posée actuellement qu'en des termes stratégiques. Le débat mérite de se nourrir d'un besoin d'opérationnalisation qui pourra permettre de sortir le terme « Etats-Unis d'Afrique » du stade de slogan où il se trouve et de lui donner corps en le conceptualisant.

Eu égard aux considérations sus évoquées, une seule question a surgi de notre esprit :

Quel système de pensée les africains doivent-ils adopter aujourd'hui afin de mettre en place une construction juridique susceptible de réaliser les Etats-Unis d'Afrique ?

III HYPOTHESES

A cette question, nous avons formulé deux hypothèses.

- D'après la première hypothèse, la mise en place d'un Etat panafricain serait la stratégie la mieux adaptée à la construction des Etats-Unis d'Afrique.

- D'après la seconde hypothèse, en vue de réaliser les Etats-Unis d'Afrique, la stratégie la mieux indiquée serait celle consistant en la rénovation de la gouvernance régionale de type Union Africaine.

IV APPROCHES METHODOLOGIQUES

Afin de vérifier les hypothèses ci-dessus, nous avons recouru à une démarche rigoureuse.

Système positif, phénomène social, le droit est objet d'étude. Le travail de l'esprit humain en matière juridique a fait éclore une pensée qui se ressource en se déconstruisant puis en se reconstruisant sur base d'une méthode scientifique. La méthode juridique s'articule autour de la norme qui peut être visée sous plusieurs angles. Pour Gerard Cornu4(*), elle se dédouble en des approches normatives tendant soit vers la réalisation et l'interprétation du droit existant, soit vers l'élaboration d'un droit nouveau.

La démarche du chercheur en droit varie en fonction de situations face auxquelles il se trouve. Aussi, peut-il soit interpréter la règle de droit, soit transposer la norme sur des faits précis, soit analyser et critiquer la norme en vigueur afin de l'adapter au dynamisme des faits sociaux, voir proposer des données susceptibles d'aider le législateur dans l'élaboration dun droit nouveau.

Dans le cadre du présent travail, nous avons recouru d'abord à la méthode juridique en variant des approches dans chacune des parties du corps de ce travail.

a. L'approche tendant à l'élaboration d'un droit nouveau

La première partie ayant consisté en la vérification de l'hypothèse d'après laquelle les Etats-Unis d'Afrique pourraient se bâtir par la mise en place d'un Etat panafricain, il nous a fallu penser et projeter une situation et une institution juridiques inexistantes, en évaluant les probabilités de succès d'une telle entreprise.

Pour ce faire, nous avons opté pour l'approche tendant en l'élaboration d'un droit nouveau.

Sélective, cette approche nous a permis de rassembler toutes les données utiles d'ordre juridique, des considérations d'ordre politique, économique, social voire géopolitiques afin de mettre à l'épreuve la première hypothèse.

b. La critique législative

La deuxième partie de notre travail ayant consisté en la mise à l'épreuve de l'hypothèse d'après laquelle les Etats-Unis d'Afrique peuvent de bâtir en partant de la rénovation de l'Union Africaine, nous avons recouru à l'approche exégétique qui a légèrement dépassé l'interprétation dite de lege lata pour débaucher sur une véritable critique législative de lege ferenda. La critique législative nous a permis de remettre en cause le cadre de fonctionnement de l'Union. Pour ce faire, nous avons techniquement tenté d'y déceler d'abord les éléments dysfonctionnels avant d'en proposer des innovations.

C La méthode structuro fonctionnelle

Au-delà de la méthode juridique et de ses deux approches sus-évoquées, nous avons également recouru à la méthode structuro fonctionnelle. En effet, tout le long de nos recherches, nous ne perdions pas à l'esprit le fait que l'Etat panafricain multinational ainsi que l'Union Africaine devaient être pris pour des touts complexes composés des parties qui fonctionnent en interaction ; chacune d'elles étant appelée à assumer une fonction spécifique. Cette méthode nous a été d'une grande utilité au cours de la vérification de notre deuxième hypothèse. Elle est venue compléter et accompagner la critique législative.

c. Les techniques

En dessous des méthodes susmentionnées, certaines techniques plus empiriques nous ont permis de rassembler des données utiles que nous comptions exploiter systématiquement. La plus importante de ces dernières a été la technique documentaire. Elle nous a suffisamment éclairé sur les idées des doctrinaux et sur diverses solutions proposées au problème que nous avons tenté de résoudre.

A cet effet, l'Internet, les médias et les bibliothèques ont été pour nous des outils très efficaces dans la réalisation du présent travail.

0. INTERET ET OBJECTIF

Le premier intérêt du présent mémoire ressort du fait qu'il prétend tracer un nouveau paradigme dans lequel devra se dérouler le débat sur les Etats-Unis d'Afrique loin des querelles entre maximalistes et minimalistes. Il s'est proposé de contourner cette controverse qui s'est interposée longtemps devant les africains et qui les a empêchés de conceptualiser les Etats-Unis d'Afrique afin d'investir dans le néo - panafricanisme plus stratégique. En plus, notre travail revêt un intérêt considérable en ce qu'il se donne pour ambition de relever le défi lancé à l'intelligentsia africaine par ceux-là qui en fustigent la passivité.

En sus, le présent mémoire est d'un intérêt particulier à cause de la supputation dont elle procède. En effet, la difficulté de dépasser notre temps apparaît comme l'entrave monumentale de la réinvention de l'Afrique.

L'objectif principal du présent travail est de conceptualiser les Etats-Unis d'Afrique. Il tente d'anéantir le débat stérile qui engloutit le chercheur africaniste dans un vaste océan d'incertitudes et de pseudo - certitudes et d'engager ce dernier vers de voies prospectives sur lesquelles il pose les jalons d'une recherche sérieuse.

Tout comme nous avons eu soin de le rappeler au début de ces prolégomènes, le présent mémoire n'a pas la prétention de tracer des lignes directrices moins encore des recettes magiques à appliquer à la lettre, mais il propose des attitudes devant influencer l'action, des systèmes de pensée ainsi que des outils conceptuels et juridiques susceptibles d'éclairer les démarches pratiques ultérieures.

1. SUBDIVISION DU TRAVAIL

Ce mémoire comporte deux parties. La première expose la construction des Etats-Unis d'Afrique par la mise en place d'un Etat. Elle scrute le cadre dans lequel une telle tâche peut être intelligible tout en évaluant l'opérationnalité d'une telle démarche dans le contexte actuel du monde et de l'Afrique. La deuxième partie expose la construction des Etats-Unis d'Afrique en partant de la gouvernance régionale rénovée. Elle commence par rechercher les éléments défaillants du système de l'Union Africaine avant d'en proposer des correctifs dans la perspective des Etats-Unis d'Afrique.

PREMIERE PARTIE

LA CONSTRUCTION DE L'ETAT PANAFRICAIN

CHAPITRE I : DE LA LOGIQUE D'UNIFICATION

A LA LOGIQUE DE SEGMENTARITE

CHAPITRE II : LA CONSTRUCTION DE LA MULTI - NATION : ENJEUX ET PERSPECTIVES

0. INTRODUCTION

Après avoir rompu avec la vulnérabilité stratégique et intellectuelle, la première hypothèse qu'il convient d'étudier et de mettre en épreuve est celle d'après laquelle les Etats-Unis d'Afrique peuvent se bâtir par la mise en place d'un Etat panafricain.

Le Guide de la révolution du 1er septembre de la grande Jamahiriya Arabe Libyenne populaire et socialiste, Mouammar Kadhafi en a fait depuis peu son cheval de bataille. Une telle ambition ne serait pas du tout antimonique à la nouvelle géopolitique qui a succédé à la guerre froide. La recomposition des forces géostratégiques du monde est un fait aujourd'hui et l'Afrique semble hors - course dans ce mouvement de globalisation.

Les changements en cours, notamment la poursuite de la construction Européenne ainsi que l'émergence des structures supra étatiques en Amérique latine et en Asie doivent aider le savant africain à libérer sa pensée et le pousser à chercher des outils susceptibles de lui permettre de réinventer l'Afrique afin de mieux l'adapter à la globalisation qui repose désormais sur une nouvelle rhétorique d'interdépendance collective.

Pour ce faire, des questions stratégiques se posent : Quel système de pensée les africains doivent adopter afin de mettre en place un Etat panafricain qui puisse rencontrer non seulement les exigences de la mondialisation mais surtout la nature multi ethnique et pluri identitaire du continent (Chapitre I) ?

Si l'on arrive à concevoir un modèle idéal - type d'Etat susceptible de contenir l'ambition d'unité africaine, quels problèmes juridiques son opérationnalisation risque-t-elle de poser (chapitre II) ?

CHAPITRE I : DE LA LOGIQUE D'UNIFICATION A LA LOGIQUE DE SEGMENTARITE

Chaque fois qu'est évoquée l'idée d'Unité de l'Afrique, la pensée a tendance à voir dans la diversité des peuples et des cultures sur le continent un obstacle plus qu'un atout. Comment est-il possible de regrouper sous une seule autorité étatique les Berbères, les Lokeles, les Massaïs, les Zoulous, les Bangubangu et les Wolofs ?

A ce niveau, le spectre de l'impossibilité surgit à l'horizon et étouffe la pensée en créant un pessimisme indolent.

Ce pessimisme trouverait sa racine dans l'idée d'après laquelle toute organisation politique ne peut être qu'un Etat - Nation. Une telle conception a été pendant des siècles véhiculée par l'occident et le droit constitutionnel. C'est cette illusion de l'Etat - Nation qui, d'après Tshiyembe, obscurcit encore l'imaginaire des intellectuels africains, arc-boutés sur des certitudes vacillantes, qui doit être brisée5(*).

I.1. LE DEPASSEMENT DE L'ILLUSION DE L'ETAT - NATION

Dominique Colas définit l'Etat - Nation comme une forme politique où les frontières territoriales, politiques et culturelles, religieuses, linguistiques coïncident6(*). Il ajoute que dans l'Etat-Nation, les limites politiques et culturelles se superposent. Sa formule la plus nette, illustre - t - il, est la revendication « tous les X en Xie, aucun Y en Xie ».

Né à la fin du XVIIIe siècle, suite à la révolution Française et Américaine, le principe des nationalités, qui est rapidement sorti des frontières françaises, apporte d'autre part à l'Etat national une justification rationnelle d'une portée universelle. Selon ce principe, ainsi que l'a relevé Nguyen Quoc Dinh, pour que sa souveraineté sois effective, chaque nation a le droit de se constituer un Etat indépendant. Il doit y avoir autant d'Etats que de nations. Par conséquent, si un Etat existant englobe plusieurs nations, il s'expose au démembrement dans la mesure nécessaire à la réalisation de la coïncidence Etat-nation. Inversement, si une même nation est divisée en plusieurs morceaux incorporés dans des Etats différents, elle possède le droit de refaire son unité au sein d'un même Etat7(*).

Ces idées ont bouleversé l'Europe au XIXe siècle qui peut, à juste titre, être considéré par excellence comme l'âge du nationalisme européen. Ainsi, la rébellion des Belges contre la Hollande et celle des Grecs contre l'Empire Ottoman ont abouti à la naissance de l'Etat Belge et de l'Etat Grec.

Nguyen Quoc nous révèle qu'au XXe siècle, entre les deux guerres mondiales, de nouveaux Etats nationaux européens ont vu le jour. Il s'agit de la Tchécoslovaquie, des Etats Balkaniques et des Etats Baltes8(*).

Le nationalisme européen tel que peint précédemment persiste encore dans l'esprit des intellectuels sous forme d'une conviction d'après laquelle l'Etat - Nation serait la préalable nécessaire à toute forme d'organisation politique.

Pourtant, la coexistence des cultures au sein d'un même Etat demeure enrichissante ne serait-ce que pour éloigner la néfaste tentation de la pureté ethnique, culturelle et religieuse.

Au fond, le nationalisme semble à nos yeux antimonique au supra étatisme en ce sens qu'il s'oppose à tout projet universaliste en opposant à la perspective d'une organisation politique hétérogène des particularismes sacralisés : la langue, la religion, le sang etc.

Il importe dès lors de se demander si le nationalisme ne constitue pas lui-même une régressive utopie. Une communauté, parce que parlant la même langue aurait-elle magiquement supprimé toutes les tensions et tous les conflits en son sein ? Adhérer à un tel paradigme constitue d'après Ignacio Ramonet, une véritable régression de l'esprit et de la raison politique à l'heure où se construit et se renforce l'Union Européenne9(*).

Qu'en est-il de l'Afrique ? Les Etats africains sont-ils des Etats-Nations au sens occidental du terme ou ne sont-ils que des regroupements hétéroclites de plusieurs peuples, de plusieurs cultures et de plusieurs religions ? Sont-ils appelés à se disloquer pour autant ?

Tshiyembe n'a donc pas tort lorsqu'il affirme qu'il s'agit, à quelques exceptions près, des Etats multinationaux qui s'ignorent10(*).

Un pays comme la République démocratique du Congo constitue à lui seul une mosaïque ethnique et culturelle ou s'enchevêtrent plus de quatre-cent cinquante tribus !

En sus, la nation ne peut se comprendre principalement par des races car en dessous de la race et du peuple se trouve « la terre » qui porte et qui nourrit.

La conception occidentale de la nation et du territoire a aujourd'hui des détracteurs de taille. Pour Lacan11(*), toutes les métaphores sur lesquelles se fonde l'illusion de l'Etat-Nation sont la conséquence de la personnification des nations. Races, nationalités relèvent, pour ce psychanalyste, de l'imaginaire et ne sont que des instances de la projection figée dans l'étymologie, une catachrèse : Le mot vient de « naître » et se rapproche de « nature ».

Les critiques précédentes ayant dévoilé les faiblesses du nationalisme occidental, nous renvoient donc à la quête d'autres outils et d'un autre socle dont la revendication principale doit être « l'acceptation de la diversité comme facteur de développement ».

Si tel est l'impératif, où les africains doivent-ils rechercher ces nouveaux outils ? Pour Mwayila Tshiyembe, c'est vers les sociétés africaines précoloniales qu'il conviendrait de se tourner si l'on veut créer un modèle-type d'Etat pouvant transcender les 53 pseudos - Etats nations et la mosaïque des peuples, des cultures et des identités.

Tshiyembe nous apprend que la fédération des terroirs suggère l'idée de dépassement de ce concept européen de « territoire », et l'investissement dans le concept africain de l'espace pensé comme cadre de vie, tissé des réseaux, de flux, d'échanges et des lieux de mémoire attachant les êtres humains à leur sol et à leur environnement12(*). Dans nombre de cas ajoute-t-il, il n'y a d'ailleurs pas de corrélation entre l'espace politique et l'espace socioculturel.

Ceci étant, conclue-t-il, il serait donc impérieux de rompre radicalement avec le modèle fondé sur la logique d'unification et d'harmonisation produit en occident appelée Etat-nation et imposée à la terre entière par la colonisation, le droit international et le droit constitutionnel13(*).

Une telle rupture aura le mérite de permettre aux africains de réinventer le pacte social qui devra couler dans le moule de la multinationalité dont nous allons à présent analyser les tenants et les aboutissants.

I.2. L'ETAT MULTINATIONAL

A l'issue des développements précédents, l'Etat multinational apparaît sociologiquement comme une espèce d'organisation politique résultant de la fixation sur un territoire déterminé d'une collectivité humaine hétérogène régie par un pouvoir institutionnalisé. Il évoque un type particulier de société politique évoluant à contre-courant du nationalisme que véhicule le droit constitutionnel classique.

Mais, loin de toute forme d'ostentation, une telle « révolution » juridique et institutionnelle vaut-elle vraiment la peine d'être réalisée en Afrique ?

Mwayila Tshiyembe répond à l'affirmative à cette question. Pour ce chercheur, une telle entreprise a pour enjeu la refondation du pluralisme ethnique comme socle d'un authentique modèle de l'Etat de droit et d'une société civile démocratique et multiculturelle. Il s'agit d'après Tshiyembe, d'un nouveau pacte démocratique liant juridiquement chacune des nations et l'Etat par un strict respect de l'égalité et du droit à la différence en vue de bâtir un destin commun14(*).

I.2.1. LA MULTINATION : UN PACTE ORIGINAL

La multination reflète une véritable inventivité des peuples africains qui, avant l'arrivée des colons déjà, avaient des sociétés politiques pluri identitaires qui s'articulaient autour d'une logique de segmentarité et qui sur plusieurs plans dépassaient de loin les illusoires Etats-nations occidentaux qui, par leur postulat homogénéisant se sont révélés dangereux.

C'est le cas des Empires du Ghana, du Mali ou de l'Ethiopie (Axoum) qui étaient des vastes espaces sur lesquels se côtoyaient des populations sans homogénéité et qui, malgré leur diversité restaient soudées par un solide « vouloir vivre collectif »

I.2.2. LA MULTINATION : UNE REVANCHE DE L'HISTOIRE

Puisque la multination ressuscite des profondeurs ensevelies des sociétés africaines précoloniales, en y recourant, les africains pourront donner une leçon magistrale à cette Union Européenne qui, plusieurs siècles après la disparition des empires africains, tend vers l'hétérogénéité des nations et des langues15(*).

Depuis longtemps, les penseurs européens, par des généralisations indues de l'expérience du vieux continent ont enfermé le monde scientifique dans la pensée unidimensionnelle.

Ainsi, l'on est arrivé à penser sous leur impulsion que société moderne (occidentale) et sociétés traditionnelles (folkloriques, africaines) étaient antimoniques et que la première finit par remplacer immanquablement les autres.

Si les africains investissent dans la multination, son authenticité viendra inverser l'échelle des valeurs construites en occident et démontrera une nième fois que les sociétés dites folkloriques peuvent remplacer voire corriger celles dites modernes.

I.2.3. LA MULTINATION : UN APPORT AFRICAIN A LA MONDIALISATION

Nous accordant avec le Professeur Tshiyembe, disons qu'en plus d'être une réplique, la multination sera une réaction de l'Afrique face à la configuration actuelle de la planète et à la globalisation. Il ajoute par ailleurs que c'est à cette condition que l'Afrique pourra, par la nature démocratique de l'Etat multinational, proposer le modèle idéal - typique de la mutation constitutionnelle, politique, sociale et conceptuelle des sociétés plurinationales du XXe siècle16(*).

Sur le tableau précédent ne s'esquisse qu'un portrait - robot de la multination. Le juriste tend à perdre dans le labyrinthe des concepts sociologiques. Loin s'en faut !

En effet, pour que le portrait rapide que nous venons de peindre soit juridiquement net, il est impérieux de passer sur la toile un examen succinct de la nature et des implications juridiques de l'Etat multinational qui lui donneront une nouvelle coloration plus nuancée.

I.3. NATURE ET IMPLICATIONS JURIDIQUES DE L'ETAT MULTINATIONAL

I.3.1. NATURE JURIDIQUE DE L'ETAT MULTINATIONAL

Puisque la multination a pour ambition d'englober en son sein les Etats Africains post coloniaux, il est logique que d'une telle fusion ressorte une espèce de dilution des Etats composants qui vont, pour ainsi dire, se fondre en son sein.

La conséquence d'une telle fusion sur le plan de droit est d'octroyer automatiquement à l'Etat multinational la nature initiale des Etats qu'il englobera. Aussi, la multination devient-elle un « Etat », donc un sujet originaire de droit international doté d'une souveraineté relative en fonction de sa nature plurinationale (cfr infra) ainsi que des droits et obligations qui définissent sa personnalité internationale. Cette personnalité internationale entrainera automatiquement pour l'Etat multinational une conséquence directe : celle de lui conférer une identité corporative à l'intérieur de l'ordre juridique international.

Ainsi, il n'y a pas lieu de faire l'équivoque autour de la nature juridique de l'Etat-multinational. Quoique c'est sur base d'un traité international que les Etats pourront accepter ce passage de l'inter étatisme au supra étatisme, il faut s'accorder sur le fait que l'Etat multinational ne pourra en aucun cas être pris pour une organisation internationale ou intergouvernementale. Il s'en distingue très nettement par le fait que celles là ne détiennent que des compétences fonctionnelles, étroitement circonscrites à la réalisation de leurs objets et de leurs buts.

I.3.2 IMPLICATIONS JURIDIQUES DE L'ETAT MULTINATIONAL

A. LA CAPACITE DE PRODUIRE DES ACTES JURIDIQUES INTERNATIONAUX

Il s'agit là d'un corolaire de l'existence de la souveraineté au profit de l'Etat. Pace qu'il est sujet de droit international, l'Etat multinational prendra des actes juridiques internationaux.

Comme nous le révèle Pierre-Marie Dupuy, lorsque l'on veut juger de la personnalité juridique internationale d'une entité dont le caractère d'Etat souverain pourrait être éventuellement mis en cause, la question de savoir si elle a déjà pratiquement usé de la capacité de contracter internationalement, c'est-à-dire de passer des traités, apparaît comme un test déterminant17(*).

B. LA CAPACITE DE SE VOIR IMPUTER DES FAITS ILLICITES INTERNATIONAUX

C'est cette capacité qui pourra éventuellement engager la responsabilité internationale de l'Etat multinational, de même que celle de lui demander réparation des conséquences dommageables d'un fait illicite, commis par un Etat tiers et l'ayant affecté directement ou indirectement dans le chef d'un de ses ressortissants.

C. LA CAPACITE D'ACCES AUX PROCEDURES CONTENTIEUSES INTERNATIONALES

L'Etat multinational devra être capable d'accéder aux juridictions internationales et aux organes de règlement pacifique des différends sur le plan diplomatique.

D. LA CAPACITE DE DEVENIR MEMBRE D'UNE ORGANISATION INTERNATIONALE

Cette capacité implique aussi celle de participer pleinement à la vie des organisations internationales.

E. LA CAPACITE D'ETABLIR DES RELATIONS DIPLOMATIQUES

L'Etat multinational devra être capable d'établir des relations diplomatiques et consulaires avec les autres Etats. Le droit de légation comporte, d'après Dupuy, deux aspects : d'abord la légation active, permettant l'envoi de représentants diplomatiques auprès d'Etats étrangers, ensuite la légation passive, résidant dans la possibilité de recevoir les représentants diplomatiques des puissances étrangères18(*).

I.3.3. L'ETAT MULTINATIONAL FACE AU DROIT CONSTITUTIONNEL CLASSIQUE

Entant qu'Etat moderne, l'Etat multinational devra se conformer à certains principes généraux du droit constitutionnel classique (A).

Cependant, puisque la multinationalité doit introduire une nouvelle façon de vivre l'Etat lorsque les frontières nationales et les frontières politiques ne coïncident pas, l'Etat multinational présentera dans son ordonnancement juridique interne une certaine originalité face au droit constitutionnel classique (B).

A. SA CONFORMITE

Si les africains optent pour la construction de la multination, ils ne doivent pas s'écarter des principes généraux qui forment à l'heure actuelle les bases, sinon l'architecture même du droit constitutionnel moderne. Parmi ces principes, l'on peut citer notamment la séparation des pouvoirs, l'alternance démocratique au pouvoir, le contrôle de la constitutionnalité des lois, le respect des droits humains et des libertés fondamentales etc.

B. SON ORIGINALITE

Dans un article qu'il a publié dans le monde diplomatique,19(*) en septembre 2000, le professeur Mwayila Tshiyembe pose quelques uns des principes plus ou moins nouveaux qui doivent sous-tendre le fonctionnement de l'Etat-multinational.

Nous nous évertuerons à les énoncer ici le plus fidèlement possible sans manquer d'en dégager succinctement la portée et d'en entrevoir les conséquences sur le plan de droit.

LE PLURALISME JURIDIQUE

« A l'opposé de l'Etat-nation, qui a le monopole de production du droit, la nature plurinationale des sociétés africaines les a poussées à inscrire dans l'acte de fondation de l'Etat multinational les deux espaces autonomes de production du droit : l'espace étatique (lieu de production du droit général) et l'espace national ou ethnique (lieu de production du droit particulier) ».

Dans le pluralisme juridique, l'on est face à deux espaces juridiques distincts qui sécrètent des normes devant s'appliquer sur un même sujet en fonction des situations différentes. L'éventualité d'un conflit pourra être contournée par des mécanismes d'exclusion de telle situation factuelle du champ d'application de telle norme relevant de tel espace juridique.

Il est donc clair qu'en instituant le pluralisme juridique, l'individu - sujet de droit de l'Etat multinational - sera sollicité par l'un ou l'autre de ces deux espaces en fonction des types d'activités qu'il aura à y exercer et du statut qu'il va y revendiquer.

Un tel mécanisme aura le mérite de réhabiliter les droits coutumiers africains et de substituer le droit de fondation aux droits de minorité mal exploités par les politiques du continent.

LA DOUBLE REPRESENTATIVITE ET LA SOUVERAINETE PARTAGEE

« Puisque la multination représente une autre façon de vivre l'Etat lorsque l'unité politique ne se confond pas avec l'unité nationale, elle met en mouvement :

D'une part, le principe de la double représentativité des nations et des citoyens en tant qu'entités distinctes ;

D'autre part, le principe de divisibilité de la souveraineté ou souveraineté partagée, ce partage se réalisant au profit soit des nations et des citoyens sur le plan interne, soit des Etats sur le plan externe ».

La double représentativité suppose de considérer les nations et les citoyens comme deux entités distinctes. La première entité (la nation) sera représentée auprès de l'Etat-multinational. La seconde (le citoyen) sera représentée au sein de sa nation respective.

Cependant, une question pertinente pourra surgir au seuil des consciences : celle de savoir à qui devra revenir la souveraineté. A la nation ou à l'Etat ?

Et si, sans être radical on divisait cette souveraineté ? Cette solution nous semble cohérente et tout à fait logique.

La divisibilité de la souveraineté doit se comprendre aisément si l'on se place à deux niveaux :

Au niveau interne où chaque nation sera souveraine face à d'autres nations qui ne sauront ni s'ingérer dans ses affaires intérieures ni lui imposer une ligne de conduite.

Au niveau externe où l'Etat multinational brandira sa souveraineté dans l'ordre juridique international.

Le partage de la souveraineté constituera aussi une réconciliation de la tradition avec la modernité consistant par exemple à l'attribution à la chefferie de compétences en matière d'état civil, de santé primaire, d'éducation de base, de développement rural etc.

LA CITOYENNETE A POLARISATION VARIABLE

«  A la différence de l'Etat-nation, l'Etat-multinational ne s'approprie pas les citoyens, qui, là suscitent l'Etat, désignent et destituent des gouvernants selon les règles communément acceptées. Partant de l'inversion de cette relation dialectique, la citoyenneté est à polarisation variable ».

Par citoyenneté à polarisation variable, il faut entendre la possibilité offerte aux individus, membres des sociétés pluriculturelles et pluri ethniques d'avoir plusieurs identités : ethnique et régionale (liée à l'appartenance) ; nationale (octroyée par l'Etat), continentale (accordée à titre d'exemple par l'Union Européenne aux ressortissants des Etats-membres).

LA MODERATION DE LA DEMOCRATIE MAJORITAIRE

« Dans les sociétés traditionnelles, la faillibilité des majorités est l'un des principes cardiaux de la gouvernance. Sa réhabilitation doit corriger la démocratie à l'occidentale conçue comme pouvoir de la majorité... Il ne s'agit pas d'empêcher une majorité dégagée des urnes de gouverner, mais de séparer le pouvoir des gouverner du pouvoir de contrôle de la gestion gouvernementale. La majorité exerce le premier, l'opposition parlementaire le second ».

Il s'agit là d'une véritable révolution juridique évoluant à contre-courant de la démocratie majoritaire. En fait, si l'on analyse objectivement la maxime « démocratie égal pouvoir de la majorité », on ne manque pas d'y relever une charge métaphysique. En effet, l'échec d'un camp aux élections ne traduit pas son rejet par la totalité du corps électoral. Il s'agit en réalité de son élection par une partie de l'électorat, laquelle partie n'est pas majoritaire. Le fait de procéder classiquement en accordant au gagnant - même s'il n'a obtenu que 51% des voix- tout le pouvoir révèle un certain irréalisme. Si par contre l'on traduisait les résultats des urnes en « qui gagne plus gouverne plus, qui gagne moins gouverne moins » ou en « qui gagne plus gouverne, qui gagne moins contrôle », l'on serait plus proche de la réalité.

A travers une telle modération, la minorité pourra se limiter à exercer le contrôle exclusif de l'exercice du pouvoir par la majorité au lieu que les membres de cette majorité le fassent concurremment avec ceux de la minorité. Les africains pourraient ainsi éviter l'inéliminable « auto contrôle » que constitue le contrôle du gouvernement par les députés majoritaires d'où est issu le premier ministre.

Il ressort des développements précédents que l'Etat-multinational peut fournir sur un plan stratégique, un modèle idéal - type de la reconfiguration juridique et conceptuelle des sociétés africaines si celles-ci veulent non seulement s'unifier autour d'une même organisation politique mais aussi s'inscrire au pas de la marche du monde.

Néanmoins, si l'Etat multinational apparaît adéquat à l'option de la construction d'un Etat à l'échelle continentale africaine, une question subsiste : les africains peuvent-ils aisément effectuer à l'heure actuelle ce périlleux passage de l'inter étatisme qui les caractérisent vers un supra étatisme aussi révolutionnaire que l'Etat multinational ?

Répondre à cette question revient à mettre en épreuve l'hypothèse de la construction de l'Etat. Aussi, réservons-nous le chapitre suivant à l'analyse objective des enjeux actuels d'une telle entreprise.

CHAPITRE II : LA CONSTRUCTION DE L'ETAT MULTINATIONAL : ENJEUX ET PERSPECTIVES

Après avoir démontré la nécessité d'établir une rupture avec la conception occidentale de l'Etat-nation si l'on veut bâtir les Etats - Unis d'Afrique par la mise place d'un Etat, nous avons esquissé la configuration juridique et institutionnelle qu'il convient de donner à la multination en évoquant les principes qui la sous-tendent. Cependant, la démonstration et l'esquisse précédentes ne semblent pas suffire. Des questions subsistent :

S'il est vrai que l'Etat multinational est le modèle idéal - type adéquat à l'Afrique, de quels enjeux faut-il tenir compte si l'on veut tenter de la mettre en place ?

Les africains peuvent-ils aisément opérer aujourd'hui le périlleux passage de l'inter étatisme qui les caractérise vers un supra étatisme aussi révolutionnaire que la Multination ?

Répondre à ces questions revient à mettre en épreuve l'hypothèse de l'Etat multinational. C'est à ce travail que nous allons nous atteler tout au long du présent chapitre.

II.1. LES ENJEUX

Les enjeux de la mise en place de l'Etat multinational peuvent être d'ordre juridique et opérationnel. Les enjeux juridiques sont relatifs aux problèmes techniques qui peuvent se poser lors de la construction d'un Etat supra national. Les enjeux d'ordre opérationnel sont relatifs à des problèmes pragmatiques posés par des facteurs non juridiques.

II.1.1. LES ENJEUX JURIDIQUES

A. LE PROBLEME DE LA SUCCESSION D'ETATS

La mutation étatique qui interviendra à la suite de la mise en place d'un Etat multinational en Afrique consistera en la fusion d'Etats. Il existe un précédant historique d'une telle entreprise. Il s'agit de la réunion de la République Démocratique Allemande et de la République Fédérale d'Allemagne le 3 octobre 1990.

Hormis le précédant sus évoqué, le problème de succession d'Etats n'est perçu par les doctrinaux qu'en terme de dislocation ou d'annexion mais rarement en terme de réunion ou de fusion.

Disons avec Dupuy que d'une façon plus générale, la substitution d'un Etat à un autre dans la responsabilité des relations internationales d'un territoire pose fondamentalement trois ordres de question :

En premier lieu, la succession affecte directement la condition des particuliers sis sur ce territoire.

En second lieu, elle a une incidence directe sur le droit public interne applicable dans le territoire concerné. Enfin, la succession d'Etats a un certain nombre d'incidences sur l'ordonnancement juridique international, particulièrement sur la relation du nouvel Etat avec les autres20(*).

Les problèmes posés par la substitution d'un ordre juridique à un autre sont le plus souvent abordés sans esprit de système, dans un sens généralement pragmatique. La question proprement juridique de savoir dans quelle mesure l'Etat prédécesseur cèdera ses prérogatives à l'Etat successeur ne reçoit dès lors pas de réponse de principe. Deux thèses s'affrontent à ce niveau : d'une part, celle des tenants du principe de la continuité absolue qui préconisent un transfert intégral des obligations du prédécesseur au successeur ; d'autre part celle des tenants de la table rase qui veulent que les Etats discutent et trouvent un consensus autour de ce que Dupuy appelle la « successibilité » des obligations.

Dans le cas sous examen, il faut remarquer que la particularité de la création de l'Etat multinational africain réside dans le fait qu'elle implique la substitution d'un nouvel Etat à cinquante-trois Etats post coloniaux souverains. L'enjeu d'une telle tâche réside dans l'unification d'une diversité d'Etats souverains conditionnés chacun par un contexte propre et ayant chacun pris une part active sur la scène internationale.

Contrairement à la succession classique d'Etats réglementée par la convention de Vienne de 1978, le cas de l'Etat multinational africain est particulier au sens où en amont, on ne sait pas identifier l'Etat successeur et on a du mal à appliquer le principe du maintien des conventions à son égard, celui-ci n'apparaissant qu'en aval. Eut égard à ce qui précède, plusieurs problèmes se poseront donc inévitablement aux africains :

Le premier problème posé par les droits acquis des particuliers ne sera pas difficile à solutionner. En effet, le pluralisme juridique et la souveraineté partagée (cfr supra) permettront de résoudre les difficultés très majeures engendrées par la coexistence de deux ordres juridiques successifs.

Toutefois, le régime des droits publics acquis avant doit être tel que ceux-ci ne soient pas opposables au nouvel Etat multinational alors que celui des droits privés acquis doit laisser ceux-ci intacts (droits de fondation).

Le second problème, et le plus délicat, est celui de la succession des Etats aux dettes. L'Etat multinational africain devra-t-il succéder aux Etats post coloniaux tant dans l'actif que dans le passif ?

Répondre à l'affirmative reviendrait à s'inscrire dans une logique de solidarité et faire peser la somme des dettes des Etats africains sur les contribuables du continent pris collectivement alors que le niveau d'endettement de leurs Etats respectifs n'était pas le même avant la fusion.

Répondre négativement reviendrait à reconduire la situation antérieure en imputant à chaque portion des contribuables le montant de la dette extérieure de l'Etat dont ils ont été ressortissants avant la fusion. Une telle approche nous semble quelque peu récessive et antinomique à toute idée de progrès.

Répondre à l'affirmative serait plus avantageux. Quoiqu'en succédant aux dettes des Etats post coloniaux, l'Etat multinational sera ipso facto le pays le plus endetté de la planète, il aura en compensation un nombre plus grand de contribuables et par conséquent pourra plus facilement endiguer sa dette.

B. LA SOUVERAINETE PARTAGEE FACE AUX SOUVERAINISTES CONSERVATEURS

La souveraineté partagée, un des principes de la multination, implique une espèce de dépossession de l'Etat post colonial d'une portion de sa souveraineté au profit de l'Etat multinational. Tout l'enjeu de la construction de l'Etat multinational semble résider dans ce passage de l'inter étatisme au supra étatisme ; lequel passage aura comme conséquence logique l'empiètement par la multination d'un terrain réservé traditionnellement à l'Etat post colonial.

Aussi, le premier obstacle auquel risquent de se heurter les africains s'ils optent pour la mise en place d'un Etat multinational serait la persistance des Etats souverains à ne pas adhérer à toute forme de concession allant dans le sens de les dépouiller d'une partie de leur souveraineté.

En effet, l'Etat africain post colonial n'a qu'une souveraineté juridique. Il a du mal à se débarrasser de cette dernière qui reste le seul refuge de son impuissance en relations internationales. Il se contente de brandir sans gène cette pseudo souveraineté qui camoufle assez mal sa fragilité au lieu de s'hasarder dans toute forme de partage de souveraineté qu'il conçoit mal.

Aussi, certains chefs d'Etats africains vont-ils jusqu'à reprocher aujourd'hui à la Jamahirya libyenne de vouloir dominer l'Afrique simplement puisque le projet Etats - Unis d'Afrique tient à coeur le Guide Mouammar Kadhafi. Dans un tel contexte de méfiance, comment réussir à mettre en place une double représentativité ou un pluralisme juridique ?

Que faire pour pallier à cet obstacle qui, même s'il n'affecte pas la pertinence et l'adéquation de l'Etat-multinational en Afrique, rend tout de même sa construction délicate aujourd'hui ?

II.1.2. ENJEUX OPERATIONNELS

A. ETATS FRAGILES D'AFRIQUE ET SUPRAETATISME

Un autre obstacle auquel risquent de se heurter les africains s'ils optent pour la mise en place d'un Etat multinational serait la fragilité de la plupart des Etats africains postcoloniaux. Cette fragilité risque d'avoir pour conséquence de faire de l'Etat multinational un assemblage disparate des Etats faibles alors que la qualité du tout dépend de celle de ses parties.

Puisque la multination n'implique pas une appropriation par l'Etat de tous les problèmes locaux, le renforcement des Etats qui vont la composer apparaît comme une nécessité car tous les problèmes de proximité n'appelleront pas des interventions de la multination au risque d'alourdir le système et de le rendre inefficace.

Ainsi, chaque Etat africain postcolonial devra, avant la mise en place de l'Etat multinational, avoir atteint un certain degré de capacité d'auto régulation et une intériorisation suffisante des principes de droits humains et des libertés fondamentales.

Qu'en est-il actuellement ? La majorité des Etats africains est aujourd'hui à ses premières expériences démocratiques au sortir - le plus souvent - des longs régimes dictatoriaux ou des sanglantes guerres civiles. D'autres tels que l'Algérie, le Zimbabwe, le Congo Brazza et récemment encore le Gabon, continuent à être dirigés de main de maitre par des dictateurs intransigeants.

Dans d'autres pays plus ou moins démocratiques, la classe politique au pouvoir n'est souvent pas capable d'anticipation et ne peut pas résoudre les problèmes urgents qui se posent dans ces pays et dont la survie des gouvernés dépend.

C'est par exemple le cas de la République Démocratique du Congo qui est encore à un stade de balbutiement démocratique, dont l'armée est loin d'être républicaine, dont le tissu économique est délabré et dont l'organe judiciaire n'est qu'une étoffe sèche que la corruption brûle à petit feu.

C'est aussi le cas du Zimbabwe où tout l'espace politique est verrouillé par un individu qui risquerait tout pour se consolider au pouvoir.

Que dire de cette Mauritanie ou de cette Guinée où chaque gradé de l'armée rêve de devenir Chef de l'Etat un jour quel qu'en soient les moyens ? Ou de l'Algérie et du Niger où Bouteflika et Tanja n'ont d'autres tâches que de tailler les constitutions de leurs pays à leurs mesures ? Ou encore de la jungle Tchadienne où les opposants disparaissent nuits et jours ?

En sus, faut-il bâtir l'Etat multinational sur les ruines de l'Etat post colonial ? C'est-à-dire sur la vie chère, sur le paludisme, sur les changements anticonstitutionnels de régime, sur les guerres civiles ? Où serait le progrès dans ce cas ?

B. LES INELIMINABLES ALEAS

Au-delà des problèmes techniques relevés plus haut, il existe divers autres obstacles qui, à l'heure actuelle rendent aléatoire la réussite de l'entreprise de construction de l'Etat multinational.

D'abord, une entreprise aussi ambitieuse que la mise en place d'un Etat multinational en Afrique nécessite la mobilisation des ressources humaines et matérielles considérables. Pourtant, les Etats africains à maigres budgets apparaissent comme des mauvais contribuables au sein de l'Union Africaine. Le manque de moyens financiers serait-il la fin de non - recevoir de la construction de l'Etat multinational ? Faut-il imaginer un plan Marshal pour l'Afrique ?

Ensuite, l'option de l'Etat multinational ne doit pas en principe s'imposer par la force comme le suggère le professeur Tshiyembe. Le système référendaire devrait permettre aux africains de s'approprier du projet Etats - Unis d'Afrique en leur laissant le moyen de se prononcer sur la question.

Eu égard à ce qui précède, le projet devient susceptible d'être accepté ou non.

Enfin, la mis en place de l'Etat multinational ne doit pas se décréter. Certains des principes qu'elle implique nécessitent une expérimentation préalable. Quoique l'on puisse supputer à l'avance les effets de la multinationalité, il est très difficile de prévoir ce qu'un tel système peut donner au fil du temps.

Nous venons d'examiner ci - haut les enjeux juridiques et opérationnels de la mise en place de l'Etat multinational. Il reste à entrevoir les perspectives d'une telle entreprise.

II. PERSPECTIVES

Après avoir démontré l'intelligibilité et toute l'adéquation de l'Etat multinational au continent africain si celui-ci veut s'unir politiquement et juridiquement, nous avons examiné les enjeux de la mise en place d'un Etat multinational en Afrique. Un tel examen avait pour but de mettre en épreuve l'option de l'Etat multinational afin de voir si une telle option est susceptible de réussir au stade actuel.

Il ressort des développements ci - hauts que l'Etat multinational reste le modèle idéal type d'unification de l'Afrique dans sa pluri identité ethnique et culturelle.

Cependant, la lecture des enjeux d'une telle tâche nous a laissé quelque peu perplexe. Proposer une telle entreprise aux dirigeants africains à l'heure actuelle, avons - nous pensé, serait trop leur demander et les pousser sur un terrain glissant où les aléas sont encore trop nombreux.

La mise en place de la multination africaine ne serait envisageable que :

1. Si les juristes africains réussissent à proposer aux politiques des moyens techniques clairs capables de résoudre les problèmes de la succession d'Etats qui se poseraient si l'on tentait de mettre en place un Etat multinational ;

2. Si les Etats africains acceptent les implications tant juridiques que politiques de la multinationalité ;

3. Si les Etats africains post coloniaux atteignent un niveau plus acceptable de développement ;

4. Si les africains réussissent à disponibiliser des moyens financiers à la hauteur de la tâche ;

5. Enfin, si l'intelligentsia du continent réussit à cerner tous les contours tant institutionnels, juridiques que politiques de la multination. 

Tels sont les résultats qui ressortent des développements précédents. Ceci nous amène à falsifier notre première hypothèse d'après laquelle les Etats - Unis d'Afrique pourraient se bâtir à l'heure actuelle par la mise en place d'un Etat panafricain.

En effet, il ressort des analyses précédentes que l'Etat multinational apparaît comme un des modèle - type d'organisation politique susceptible de concrétiser l'unité de l'Afrique dans sa diversité. Cependant, les enjeux de la mise en place de la multination telle qu'examinés plus haut ont démontré qu'à l'heure actuelle il n'est pas envisageable de décréter une telle entreprise.

DEUXIEME PARTIE

LA RENOVATION DE LA GOUVERNANCE REGIONALE

CHAPITRE III : L'UNION AFRICAINE ET LES DEFIS DE LA GOUVERNANCE REGIONALE

CHAPITRE IV : LA REFORME DE L'UNION AFRICAINE : ENJEUX ET PERSPECTIVES

O. INTRODUCTION

La deuxième hypothèse de notre recherche voit dans la rénovation de la gouvernance régionale de type Union Africaine, une stratégie pouvant aboutir à la réalisation des Etats - Unis d'Afrique. En 1999 déjà, c'est faute de pouvoir ériger les Etats - Unis d'Afrique sous l'impulsion de Kadhafi que les Chefs d'Etats du continent se contentent de la transformation de l'Organisation de l'Unité Africaine en Union Africaine.

Cependant, malgré ce léger dosage, Kadhafi ne renonça pas à son projet. Il le remit sur la table notamment à l'occasion du sommet de l'Union Africaine qui s'est tenu à Accra en 2007. Il a fallu attendre jusqu'en février 2009, pour qu'un compromis soit trouvé autour de la question qui a longtemps divisé la classe politique africaine.

En effet, lors du 12e sommet de l'Union Africaine qui s'est tenu du 1er au 3 février 2009 à Addis-Abeba, les Chefs d'Etats se sont mis d'accord sur la transformation de la Commission de l'Union Africaine en une Autorité de l'Union Africaine plus puissance d'ici 2012 avant qu'en 2017 soient jetées les bases des Etats - Unis d'Afrique.

Ce plan d'Addis-Abeba s'articule autour de trois phases. La première prévoit la transformation des structures actuelles de l'Union Africaine et s'étaleraient jusqu'en 2012. La seconde prévoit la mise en place d'un exécutif continental et s'achèverait en 2016. Enfin, la troisième, fixée en 2017, prévoit l'organisation d'une conférence qui jettera les bases des Etats - Unis d'Afrique.

Malgré ce consensus, la présente partie de ce mémoire se donne pour ambition, d'étudier les tenants et les aboutissants d'une telle option. Elle se propose de déterminer quels genres de modifications substantielles il faut effectuer dans l'architecture de l'union africaine au delà des changements Superficiels à apporter sur les titres des organes si l'on veut vraiment réaliser les Etats - Unis d'Afrique (Chapitre III).

Plus stratégique, la présente partie examinera en plus les enjeux et les perspectives d'une telle démarche afin de mettre réellement en épreuve l'hypothèse d'après laquelle les Etats - Unis d'Afrique pourraient se construire en partant de la rénovation de la gouvernance régionale existante (Chapitre IV).

CHAPITRE III : L'UNION AFRICAINE ET LES DEFIS DE LA

GOUVERNANCE REGIONALE

A Lomé au Togo, le 12 juillet 2000, une page de l'histoire de l'Afrique s'est tournée. Ce jour là, lors du sommet des Chefs d'Etats, les africains adoptèrent l'acte constitutif de l'union qui vint sonner le glas de l'Organisation de l'Unité Africaine dont les structures institutionnelles étaient devenues vétustes.

L'adoption de l'acte constitutif a été un véritable changement de cap dans l'orientation de la gouvernance régionale du continent. L'acte constitutif est venu refondre l'architecture de sa devancière afin de lui donner une forme plus adaptée aux temps actuels à travers des métamorphoses juridiques et institutionnelles non négligeables.

Cependant, si la reconfiguration de l'Organisation de l'Unité Africaine et sa transformation en Union Africaine sont aujourd'hui un acquis, il ne serait pas déraisonnable de se demander dès à présent si l'Union Africaine ne porte pas en elle des éléments dysfonctionnels qui, agissant sur elle comme des pesanteurs, l'empêcheraient de décoller vers l'intégration politique du continent.

L'architecture de l'Union Africaine et son fonctionnement actuels sont-ils conformes à un réel besoin d'intégration ?

Répondre à ces questions reviendrait à cibler les variables sur lesquelles il faudrait agir si l'on veut rénover l'Union Africaine et la canaliser vers les Etats-Unis d'Afrique.

C'est ce qui fera l'objet du présent chapitre.

III.1. LE CADRE DE FONCTIONNEMENT DE L'UNION AFRICAINE

Loin de chercher à interpréter tous les articles de l'acte constitutif de l'Union Africaine, nous examinerons très succinctement son cadre de fonctionnement en survolant successivement ses objectifs, ses principes directeurs et l'étendue des compétences de chacun de ses organes sans manquer d'en dégager une hiérarchie.

III.1.1. LES OBJECTIFS DE L'UNION

A l'article 3 de son acte constitutif, l'organisation se propose de réaliser l'unité du contient. Elle décide expressément de relever les défis lancés par les conflits inter étatiques qui sévissent en Afrique. Dans le même article, elle se propose d'accélérer l'intégration politique et socio économique du contient et à l'alinéa L de coordonner et d'harmoniser les politiques entre les blocs d'intégration économique.

On lit ci-dessus la prise de conscience par les africains de la nécessité de s'unir. L'époque où ils étaient résolus à sauvegarder et à consolider l'indépendance et la souveraineté ainsi qu'à combattre le néo colonialisme semble révolu et laisse la place à la vision commune d'une Afrique Unie.

Les conflits inter et intra étatiques étant devenus le lot quotidien de l'Afrique, les Chefs d'Etats les proscrivent et s'accordent à relever les défis qu'ils leur lancent.

III.1.2. LES PRINCIPES DE L'UNION

Ces principes sont énoncés à l'article 4 de l'acte constitutif. A ce niveau, il convient de relever un certain dosage du principe de non ingérence au profit des nouveaux concepts d'interdépendance et l'auto dépendance collective. C'est en vue de la mise en oeuvre de cette interdépendance et de cette auto dépendance collective qu'à l'alinéa P sont érigées la condamnation et le rejet des changements anticonstitutionnels des gouvernements ainsi que les droits des Etats - membres de solliciter l'intervention de l'union pour restaurer la paix et la sécurité.

III.1.3. LES ORGANES DE L'UNION ET LEURS COMPETENCES

A. LES ORGANES

L'acte constitutif de l'union a institué huit organes à savoir :

1. La conférence de l'union,

2. Le conseil exécutif,

3. Le parlement panafricain,

4. La cour de justice,

5. La commission de l'Union,

6. Le comité des représentants permanents,

7. Le conseil économique, social et culturel

8. Les institutions financières.

Ce qui frappe au premier coup d'oeil ici, c'est le nombre élevé d'organes. En plus, il faut noter que le nombre d'organes n'est pas limitatif, il peut varier à l'infini puisque la commission peut décider d'en créer d'autres au besoin (article 5.2)

B. LES COMPETENCES

- La conférence de l'union

Organe représentatif des Etats-membres, il est sans conteste l'organe suprême de l'Union (article 6,2).

La conférence est composée des Chefs d'Etats et de gouvernements ou de leurs représentants dûment accrédités. En plus de définir la politique de l'organisation, elle détient un grand nombre de pouvoirs sur d'autres organes.

Ainsi, elle nomme et révoque le juge de la cour de justice (article 9 h), donne des directives au Conseil Exécutif (article 9 g), nomme tous les membres de la commission, détermine leurs pouvoirs et leurs attributions ainsi que les règlements qui les régissent (article 9 i et 20.3). La conférence détermine les pouvoirs et attributions du Conseil économique, social et culturel (article 22.2) et peut restructurer les Comités techniques spécialisés existant ou en créer d'autres (article 14.2)

- Le conseil exécutif

Organe représentatif des Etats, il est composé des Ministres des affaires étrangères. Il vient juste après la conférence dans la hiérarchie des organes de l'union.

C'est lui qui a la maîtrise sur les comités des représentants permanents auxquels il donne des instructions (article 21.2) et sur les comités techniques spécialisés auxquels il peut déléguer certains pouvoirs (article 13.3) et qui attendent de lui des directives.

- La commission de l'Union

Organe permanent et représentatif de l'organisation. Elle est composée d'un président, d'un vice - président et des commissaires.

Elle détient une parcelle de pouvoir que la conférence veut bien lui conférer. En réalité, son rôle n'est pas très différent de celui du secrétariat général de l'Organisation de l'Unité Africaine.

- Le parlement panafricain

Organe consultatif de l'union, il est composé des députés issus des parlements des Etats - membres. Il se contente d'une infime parcelle de pouvoir de recommandations sans force obligatoire.

- Les comités techniques spécialisés

Les comités techniques spécialisés sont composés des ministres et des hauts fonctionnaires ressortissants des Etats-membres. Ils oeuvrent sous la direction du conseil exécutif.

- La cour de justice

C'est l'organe judiciaire de l'union. Quoique son existence révèle une avancée par rapport à l'Organisation de l'Unité Africaine, il ne faut y voir concrètement qu'un acquis symbolique.

- Les institutions financières

Leur création, prévue par l'acte constitutif devrait se faire sur base d'un protocole y afférent que devait adopter la conférence de l'union.

- Le conseil économique, social et culturel

Il est composé des représentants des couches socio professionnelles des Etats. Ses pouvoirs et ses attributions sont déterminés par la conférence de l'union.

III.2. LES ELEMENTS DYSFONCTIONELS DE L'UNION AFRICAINE

La présente section est consacrée à l'examen des éléments dysfonctionnels de l'Union Africaine. Un tel examen est d'autant plus important qu'on ne peut pas proposer des réformes pertinentes à l'Union Africaine sans en avoir descellé au préalable des insuffisances.

En effet, en parcourant l'acte constitutif de l'union, l'on a du mal à concilier les objectifs que l'organisation s'est assignée avec son cadre de fonctionnement et la répartition des compétences entre ses organes.

Examinons cela de plus près :

III.2.1. LES LARGES POUVOIRS DE LA CONFERENCE ET DU CONSEIL EXECUTIF : PERSISTANCE DE L'INTER ETATISME

D'entrée de jeu, il faut rappeler que la conférence des Chefs d'Etats et le conseil exécutif sont des organes représentatifs des Etats-membres au sein de l'organisation. La première est composée des Chefs d'Etats, le second des Ministres des affaires étrangères des Etats- membres.

Clé de voute de l'union, la conférence détient des prérogatives exorbitantes. Elle en confie d'autres au conseil exécutif qui reçoit d'elle des directives dans l'exercice de ses compétences.

Qu'est-ce qui justifierait cette suprématie de la conférence et du conseil exécutif (son bras) sinon le fait qu'ils soient tous les deux représentatifs des Etats ?

Une telle hiérarchisation traduit cette position inconfortable dans laquelle se trouvent aujourd'hui les Etats africains. En effet, ils sont coincés entre d'un côté la nécessité de s'unir qui a pour corolaire une espèce de cession partielle de souveraineté et d'un autre le besoin de conserver jalousement leurs souverainetés respectives. Ceci explique l'étendue trop vaste de la marge de manoeuvre dont bénéficient les Chefs d'Etats à travers les larges pouvoirs qui leur sont confiés collectivement par l'article 9 de l'Acte constitutif.

Le fait que le Conseil exécutif détienne une certaine maîtrise sur les comités techniques et les comités des représentants permanents ne doit guère gêner les chefs d'Etats qui peuvent lui donner des directives. Apres tout, n'est il pas composé des ministres qu'ils peuvent aisément contrôler (article 9.g).

Cette quasi complicité qui s'établit entre la Conférence et le Conseil exécutif a pour conséquence de marginaliser la commission en la plaçant à l'écart du cercle réel des décisions de l'Union. Elle se retrouve dans une espèce de subordination, tant et si bien qu'elle ne diffère guère du Secrétariat général de l'Organisation de l'Unité Africaine qui n'avait pas de rôle plus grand que celui d'un greffier d'exécution dans un tribunal.

III.2.2. LA MONSTRUOSITE DU PARLEMENT PANAFRICAIN

A la lecture de l'Acte Constitutif de l'Union Africaine, l'on ne manque pas d'être agréablement frappé par le fait que ce dernier ait organisé la participation des peuples africains au fonctionnement de l'union. Une telle disposition semblait se cristalliser notamment dans le Parlement panafricain.

Cependant, en compulsant minutieusement l'Acte Constitutif, l'on ne manque pas de relever la monstruosité du Parlement panafricain. Une telle monstruosité ressort du mode de désignation de ses membres, de sa place dans l'architecture de l'Union Africaine et de ses pouvoirs.

D'abord, le mode de désignation de ses membres pose un double problème à savoir :

Même si les parlements des Etats-membres sont associés dans la désignation des parlements panafricains, il faut remarquer cependant qu'une telle procédure fait primer des considérations d'ordre politique et laisse aux Etats le pouvoir de contrôle sur ces ``députés africains''.

En plus, puisque ces ``députés'' n'ont pas reçu directement leurs mandats du peuple, ils ont, une fois au pouvoir, du mal à entrer en contact avec la basse. Ils en sont tellement éloignés que celle-ci les ignore purement et simplement. La procédure de cooptation constitue la négation même de la participation des peuples africains au fonctionnement de l'Union.

Ensuite, la place du parlement panafricain dans l'architecture de l'Union soulève un problème juridique. L'acte constitutif de l'Union qui trace le cadre de fonctionnement de l'organisation en déterminant les pouvoirs des organes et leurs rapports se contente de renvoyer la mise en place du Parlement panafricain à un protocole y afférent sans en déterminer les pouvoirs. Ainsi, il l'exclut simplement du circuit. Pourtant, on peut lire dans l'acte Constitutif une séparation des pouvoirs entre un exécutif triarchique (conférence, conseil exécutif et commission) et un pouvoir judiciaire (cour de justice). Le pouvoir législatif ne ressort pas très clairement car la conférence des présidents semble le détenir (adoption de l'acte constitutif, des protocoles etc.).

Face à cette situation, une question mérite de se poser : celle de savoir quelles sont les attributions du parlement panafricain si l'acte Constitutif lui enlève expressément ses pouvoirs traditionnels ?

L'article 17.2 ne se limite qu'à renvoyer la définition de la composition, des pouvoirs et des attributions dudit parlement à un protocole y afférent.

Juridiquement, les actes de création d'une organisation internationale ont des aspects constitutionnels. Pour Nguyen Quoc Dihn, il s'agit de traités d'un type particulier qui ont pour objet de créer des sujets de droit nouveaux21(*). Il ajoute par ailleurs que les organisations internationales sécrètent un ordre juridique hiérarchisé dont le sommet est occupé par leurs chartes constitutionnels [et que] leurs organes n'ont compétence qu'en vertu de l'habilitation contenue dans le traité de base et dans les limites de cette habilitation22(*). Il est donc clair, à la lecture de ce qui précède, que le protocole qui a créé le Parlement panafricain - une sorte de loi organique - ne pouvait pas modifier ou contredire l'acte constitutif.

En sus, sans céder à la tentation d'une assimilation simpliste de l'Acte constitutif de l'Union à une constitution de droit interne, nous constatons que le `` parlement panafricain'' n'est pas un parlement au sens juridique du terme puisqu'au stade de l'inter - étatisme où se trouve actuellement l'Union Africaine, l'on a du mal non seulement à y déceler le pouvoir législatif mais aussi à faire ressortir ne fût-ce qu'une trace de contrôle que cet organe est susceptible d'exercer sur l'exécutif tricéphale de l'Union.

En fin de compte, une analyse structuro fonctionnaliste peut elle aussi permettre de révéler la monstruosité du parlement panafricain.

En effet, considérant l'Union Africaine comme un système, elle devait fonctionner comme un tout cohérent de telle sorte que le dysfonctionnement d'une seule de ses composantes au moins soit susceptible d'entraîner celui de tout le système.

Qu'n est-il réellement ? Elle a été conçue telle qu'elle pouvait fonctionner sans gêne en l'absence de son parlement qui d'ailleurs n'existe pas encore lors de l'adoption de l'Acte Constitutif.

Ainsi, sans le parlement panafricain, la conférence de l'Union peut fonctionner sans entrave avec d'autres organes en l'occurrence le conseil exécutif et la commission. Une telle possibilité relèverait d'une irrationalité juridique dans d'autres systèmes.

En effet, aucun système politique, parlementaire, présidentiel, semi présidentiel soit-il, ne peut fonctionner sans son parlement. Même l'Union Européenne ne peut pas aujourd'hui fonctionner sans son parlement qui détient, si pas le pouvoir législatif strictu sensu, du moins, des larges pouvoirs de codécision et d'avis conforme. Et d'ailleurs, lorsqu'il ne détenait pas des telles prérogatives, le parlement européen ne s'appelait pas ``parlement `' mais simplement ``Assemblée Européenne'' dotée seulement des pouvoirs consultatifs23(*).

En définitive, le Parlement panafricain apparaît dans l'Acte constitutif comme un monstre juridique qui ne relèverait que du mimétisme institutionnel auquel certains africains en manque d'inventivité recourent.

III.2.3. LA VIRTUALITE DE CERTAINS ORGANES

Loin d'être tous opérationnels, certains organes prévus par l'Acte constitutif de l'Union traduisent plus un souhait qu'une réalité.

Sur le plan fonctionnel, il se pose un problème de moyens matériels et humains qui doivent en principe s'ajouter aux moyens juridiques. Il ne suffit pas de ratifier un traité créant une institution. Aussi, faut-il lui donner corps et la doter des moyens de fonctionnement à la hauteur de la tâche qui lui est confiée.

La cour de justice, bien que ``créée'' par l'Acte constitutif, reste aujourd'hui dans un état d'inactivité très alarmant. Sa visibilité laisse à désirer.

Quant aux comités techniques spécialisés qui constituent les bras du conseil exécutif, il faut se demander si ces organes ont des moyens d'action qui leur permettent de déverser leurs décisions sur les populations africaines.

Les institutions financières prévues par l'Acte constitutif sont loin d'être toutes opérationnelles.

Nous avons survolé dans les développements précédents, le cadre de fonctionnement de l'Union Africaine avant d'en déceler certains éléments dysfonctionnels. En effet, il nous a paru nécessaire d'un point de vue technique de rechercher ces variables avant d'examiner dans le chapitre qui va suivre les enjeux de la rénovation de la gouvernance régionale de type Union africaine dans la perspective de la construction des Etats Unis d'Afrique.

CHAPITRE IV : LA REFORME DE L'UNION AFRICAINE :

ENJEUX ET PERSPECTIVES

Tout au long des développements précédents, nous avons réussi à relever les éléments dysfonctionnels de l'Union Africaine. C'est sur ces variables qu'il faudra agir si l'on veut rénover l'organisation pour en faire une instance susceptible de conduire à long terme à la construction des Etats-Unis d'Afrique. Ces éléments dysfonctionnels sont les larges pouvoirs de la conférence et du conseil exécutif, la monstruosité du parlement panafricain et la virtualité des organes tels que les comités techniques et les institutions financières.

IV.1. LES ENJEUX DE LA REFORME DE L'UNION AFRICAINE

IV.1.1. LE PLAN D'ADDIS-ABEBA

Il faut, d'entrée de jeu, rappeler à titre d'information qu'à l'ordre du jour du 12e sommet de l'Union africaine tenu à Addis-Abeba du 1er au 3 février 2009, figurait notamment la question du Gouvernement de l'Union.

A l'issue des débats à huis clos, le compromis prévoyait que le Gouvernement panafricain ne soit pas constitué immédiatement mais qu'à la place, la Commission de l'Union cesse d'être un secrétariat pour devenir une Autorité. Ce plan dit d'Addis-Abeba s'articule, autour de trois phases : la première phase prévoit la transformation des structures actuelles des institutions de l'Union Africaine et s'étalerait jusqu'en 2012, la seconde prévoit la mise en place d'un exécutif continental et s'achèverait en 2016. Enfin, le troisième, fixée en 2017, prévoit l'organisation d'une conférence qui jettera les bases des Etats-Unis d'Afrique.

Au sortir de ce nième compromis, une inquiétude subsiste : au-delà des superficiel changements des titres des organes, quels réaménagements les africains doivent-ils opérer sur le cadre institutionnel de l'Union Africaine s'ils veulent le concilier avec son ambition intégrationnelle ?

Avant de répondre à cette question, il convient de rappeler que sans des réaménagements substantiels de ce genre, le compromis trouvé par les Chefs d'Etats ne sera qu'un quart de tour exécuté dans un cercle vicieux.

Examinons de plus près les réformes dont, il nous semble, l'Union Africaine a besoin afin d'accélérer l'intégration des Etats-membres au regard des éléments dysfonctionnels que nous y avons décelés.

IV.1.2. LE REEQUILIBRAGE DES POUVOIRS ET LE MYTHE DE LA SOUVERAINETE CONFISQUEE

A. LE RENFORCEMENT DE LA COMMISSION

En compulsant l'Acte constitutif de l'union, l'on ne manque pas de s'apercevoir que la conférence et le conseil exécutif y occupent une position privilégiée. Si l'Union était une molécule, la conférence et le conseil exécutif en constitueraient le noyau central autour duquel graviteraient la commission et d'autres organes qui n'en constitueraient que des électrons.

Cette situation inconfortable résulterait du caractère volontariste du droit international ; la tache de chaque Etat étant, bien entendu, de protéger d'abord sa souveraineté.

D'après nos analyses, une reconfiguration de la contexture de l'Union s'avère nécessaire aujourd'hui. Mais comment procéder à ce travail de fond sans se heurter à la réticence des Etats-membres ?

· Fondement du renforcement de la commission

Le renforcement de la commission est constamment évoqué par les doctrinaux qui y voient un des moyens de renforcement de la cohésion des Etats africains. Pour Mwayila Tshiyembe, il convient de rééquilibrer les pouvoirs de l'Union au profit de la Commission à laquelle devrait être confiée la tâche de gouvernance régionale, c'est-à-dire la mise en oeuvre des décisions de la Conférence de l'Union, actuellement confiée au Conseil exécutif. Il ajoute par ailleurs que, comme dans tout gouvernement, il faudrait attribuer à la Commission une partie de pouvoirs d'initiative exclusivement exercé par les Etats-membres.

Parallèlement aux propositions ci - haut, une certaine école conservatrice dénonce l'accroissement des pouvoirs de la commission au nom d'un souverainisme extrême. D'où la nécessité pour nous de dégager les fondements du rééquilibrage des pouvoirs au profit de la commission.

- En droit international

Tout l'enjeu du rééquilibrage des pouvoirs au profit de la commission réside dans la gestion commune des souverainetés étatiques.

Si la souveraineté en tant que caractère suprême du pouvoir étatique fait que ce dernier ne puisse dériver d'aucun autre pouvoir et n'aie d'égal dans l'ordre interne ni de supérieur dans l'ordre international, néanmoins, l'on admet aujourd'hui que la souveraineté soit limitée par les engagements de l'Etat.

En effet, lorsque les Etats acceptent de créer ensemble une situation juridique qui les lierait, ils le font au moyen de leurs souverainetés. En acceptant de se lier par le droit international, les Etats ne font rien que la mise en oeuvre de leurs souverainetés.

Même si le supra étatisme limite ou semble ronger la souveraineté de l'Etat, cela ne devait pas choquer car il ne répond qu'au dynamisme de la société internationale qui n'est pas condamnée à s'accrocher éternellement au souverainisme.

En plus, le fait pour l'Etat de renoncer à la gestion individuelle d'une partie de sa souveraineté ne serait pas du tout antimonique au souverainisme puisqu'il ne s'agirait dans ce cas que d'une autolimitation. Cette théorie a été illustrée par le professeur Jelinek.

D'après ce publiciste, dans l'ordre international, l'Etat ne pouvant être subordonné à aucune autre autorité, sa volonté qui est souveraine peut seule donner naissance au droit international et le fonder. Cependant, ajoute -t- il, la faculté d'autodétermination que l'Etat tire de sa souveraineté englobe aussi la faculté d'autolimitation en vertu de laquelle il peut se lier par sa propre volonté24(*). Cette autolimitation est conforme à son propre intérêt car s'il s'oblige, c'est afin de répondre aux besoins d'une communauté internationale dont il est lui-même membre

En définitive, le renforcement de la commission, s'il est décidé par les Etats africains, ne sera pas antinomique à l'esprit du droit international classique qui, lion d'être une somme de connaissances figées, est dynamique et tente de répondre aux airs du temps actuel caractérisé par une forte tendance des Etats à se regrouper.

L'un des exemples les plus illustratifs d'une telle tendance est l'Union Européenne qui a réussi à créer un ordre juridique communautaire qui tend lentement mais sûrement à dépasser l'inter étatisme classique prôné par les clergés du souverainisme.

- D'après l'Acte constitutif de l'Union Africaine

Le rééquilibrage des pouvoirs au profit de la commission aurait-il une base dans l'Acte constitutif de l'Union ? En d'autres termes, est-il possible de refondre le cadre de fonctionnement de l'Union en renforçant par exemple la commission sans aller à l'encontre de l'esprit de l'Acte constitutif ?

Nous répondrons affirmativement à cette question ; et ce pour deux raisons :

D'abord, l'article 9.2 stipule :

« La conférence peut déléguer certains de ses pouvoirs et attributions à l'un ou l'autre des organes de l'Union ».

La stipulation sus - citée ouvre une brèche sur la super puissance de la conférence en prévoyant la possibilité d'une délégation de certains de ses pouvoirs prévus à l'article 9.1 a-i aux autres organes de l'Union. Une telle possibilité doit être perçue comme un des moyens de renforcement de la commission qui, quoique juridiquement moins solide par rapport à un amendement de l'Acte constitutif, peut se révéler très efficace s'il permet à la commission de s'affranchir un peu de la subordination dans laquelle elle est placée.

Ensuite, il faut relever l'article 32 de l'Acte constitutif qui laisse l'acte constitutif à la disposition des Etats-membres en vue d'un éventuel amendement ou d'une possible révision. Cet article stipule :

« 1. Tout Etat membre peut soumettre des propositions d'amendement ou de révision du présent Acte.

2. Les propositions d'amendement ou de révision sont soumises au président de la commission qui en communique copie aux Etats membres dans les trente jours suivant la date de réception... »

Cette stipulation traduit sans équivoque l'idée que les Etats-membres se faisaient de l'Acte constitutif lors de son adoption : celle d'un instrument imparfait appelé à se plier, aussi longtemps qu'il existerait, à des situations changeantes de la réalité. Et cette réalité est telle qu'aujourd'hui les métamorphoses apportées par l'Acte constitutif de l'Union à la charte de sa devancière n'ont pas permis à l'organisation d'avancer significativement vers son unité.

En sus, à l'heure actuelle, en vue de la construction des Etats-Unis d'Afrique, des innovations et des réaménagements substantiels à porter à l'Acte constitutif de l'Union apparaissent comme des nécessités. Les articles 9 et 32 apparaissent comme la base juridique d'une telle entreprise.

· Conséquences du renforcement de la commission

Les conséquences du rééquilibrage des pouvoirs au profit de la commission peuvent être de trois ordres : d'abord, un tel rééquilibrage cristalliserait le passage de l'inter étatisme au supra étatisme ; ensuite, il permettrait la gestion commune des souverainetés et enfin, il aura le mérite de rendre plus efficace les actions collectives des Etats

- Le passage de l'inter étatisme au supra étatisme

Rappelons d'abord que la conférence et le conseil exécutif sont des organes représentatifs des Etats-membres alors que la commission est composée des agents internationaux désignés par l'organisation sans être représentatifs des Etats dont ils sont ressortissants.

En renforçant la commission, on renforcera un organe supra étatique au détriment des organes inter étatiques. Ceci débouchera à une consolidation de l'unité des Etats-membres.

- La gestion commune des souverainetés

Loin de consister en une confiscation des souverainetés, le renforcement de la commission sera le reflet d'une adhésion des Etats africains à la gestion commune d'une partie de leurs souverainetés.

Donc, ce qui est perçu par certains comme une confiscation de la souveraineté n'en serait pas une. La confiscation a pour conséquence une cession qui dépouille le propriétaire de départ de sa propriété. Pourtant ici, en acceptant d'agir collectivement dans des domaines précis tels que la défense et la santé par exemple, les Etats africains ne cèdent pas leurs souverainetés à une entité qui leur serait distincte strictu sensu. L'union Africaine n'est rien d'autre qu'une collectivité des Etats africains. En réalité, la souveraineté confisquée ne serait qu'un mythe car il s'agit d'un assemblage plutôt que d'une confiscation.

- Efficacité des actions communautaires

Les organes inter étatiques ont du mal à mener efficacement des actions, collectives puisqu'ils sont écartelés entre les volontés des Etats souverains et les objectifs de l'organisation.

C'est ainsi par exemple que l'Union Africaine ne peut prendre aucune mesure objective à l'heure actuelle à l'encontre des Etats-membres sans se heurter à des réticences de certains d'entre eux. Si elle n'a pas pris des mesures à l'encontre du régime de Mugabe qui, après le premier tour des élections présidentielles de 2008, en violation des principes élémentaires de démocratie, se lançait dans une campagne de répression contre les membres de l'opposition, c'était en partie en raison des divergences de points de vue entre les Chefs d'Etats africains autour de la question.

En effet, si feu Mwanawasa de la Zambie et Wade du Sénégal s'insurgeaient contre Mugabe, Bongo le Gabonais et le Sud Africain Mbeki ne l'avaient pas encore lâché du tout. La conséquence : malgré le droit de l'Union d'intervenir dans un Etat-membre sur décision de la conférence dans certaines circonstances graves à savoir : les crimes contre l'humanité (article 4.h), l'Union n'a pas pu tenter de mettre en oeuvre ce droit de peur qu'elle ne se heurte aux vetos de facto de certains Etats-membres tel que l'Afrique du Sud dont l'influence n'est pas négligeable dans la région.

Le 5 mai 2008, Jean Ping, le Président de la Commission ne s'est prononcé qu'en faveur de l'organisation du second tour des élections sans condamner le régime de Mugabe ni se prononcer sur des mesures à adopter ultérieurement afin de renforcer la crédibilité desdites élections.

Si la commission, organe supra étatique disposait des prérogatives plus vastes, l'intervention de l'Union dans la crise zimbabwéenne ne serait-elle pas plus efficace et exemplaire ?

La réalité a été telle qu'elle s'est contentée d'assister passivement aux enlèvements, aux tortures et aux procès irréguliers dont firent l'objet les partisans de Morgan Tsvangiray jusqu'à ce que ce dernier décide enfin de jeter l'éponge et de renoncer au second tour du 27 juin 2008.

Ce désistement a conduit à l'élection de Mugabe et un peu plus tard à un partage de pouvoir d'après les critères d'une ``jurisprudence'' à la Kenyane d'après laquelle, face à un président sortant, un candidat de l'opposition ne peut espérer au plus qu'à la primature.

Le dosage du volontarisme au sein de l'Union et le renforcement de la commission consistant à lui octroyer certains pouvoirs d'initiative et la direction des programmes dans certains domaines clés rendra plus efficaces les actions communautaires en les affranchissant légèrement de l'emprise totale des Etats membres.

A. LA RATIONNALISATION DU PARLEMENT PANAFRICAIN

a. Fondement de la rationalisation du Parlement Panafricain

Nous avons démontré plus haut la monstruosité du parlement Panafricain qui non seulement ne doit pas être considéré juridiquement comme un parlement mais aussi apparaît comme un élément mis à l'écart du système de fonctionnement de l'Union.

Pour ces raisons, sa rationalisation s'avère nécessaire à l'heure actuelle si l'on veut vraiment opérationnaliser la participation du peuple africain au fonctionnement de l'Union, renforcer l'Unité du continent et tendre vers les Etats-Unis d'Afrique.

La base juridique d'une telle rationalisation réside dans l'article 32 de l'Acte constitutif qui prévoit son amendement et sa révision.

Mais quelles modifications faudra-t-il apporter dans le cadre de fonctionnement de l'Union afin de rationnaliser le parlement panafricain ?

La première forme de rationalisation devra porter sur le mode de désignation des députés panafricains. La procédure de cooptation devrait laisser place à celle d'élection au suffrage universel direct ou indirect. Ceci aura le mérite de faire du parlement panafricain un organe représentatif des intérêts des peuples africains et non de ceux des dirigeants dont la légitimité laisse d'ailleurs à désirer.

La seconde forme de rationalisation, corollaire de la première devra consister au renforcement des prérogatives du parlement panafricain. Ce dernier devra par exemple détenir des pouvoirs de codécision et d'avis conforme dans l'adoption des actes communautaires d'une certaine envergure. Il devra également avoir le pouvoir de contrôle de la commission qu'il pourra contraindre à démissionner par le vote d'une motion de censure en cas de dysfonctionnement. Il devra disposer des pouvoirs budgétaires consistant par exemple en l'amendement des dépenses.

La troisième forme de rationalisation consistera en l'attribution au parlement panafricain des prérogatives para normatives en vue de l'harmonisation progressive des législations nationales des Etats africains dans les domaines techniques les plus variés. Ces prérogatives pourront être mises en oeuvre par l'adoption par le parlement panafricain des nomenclatures, des lignes directrices, des législations types qui pourront être reprises par les législations nationales

b. Conséquences de la rationalisation du parlement panafricain

La rationalisation du parlement panafricain débouchera à une séparation des intérêts représentés au sein de l'organisation. Ainsi, la commission représentera l'intérêt collectif communautaire ; le conseil et la conférence, les intérêts des Etats ; la cour de justice, l'intérêt du droit et le Parlement, l'intérêt des peuples africains.

c. Alternatives à la non rationalisation du Parlement panafricain

Sans la définition des prérogatives réelles du Parlement panafricain, sans la modification du mode de désignation des députés panafricains, le parlement panafricain ne sera qu'une assemblée monstrueuse et budgétivore sans intérêt pratique. Une telle situation devra appeler des mesures drastiques consistant par exemple en sa mise en vieillesse pure et simple. Dans l'entre-temps, la mise en oeuvre effective du partenariat entre les gouvernements et toutes les composantes de la société civile fera office de participation du peuple au fonctionnement de l'Union.

B. LA RADICALISATION DES SANCTIONS A L'ENCONTRE DES ETATS INSOLVABLES

Parmi les éléments dysfonctionnels que nous avons détectés au sein de l'Union Africaine, il faut rappeler notamment la virtualité de certains organes qui, bien qu'étant prévus par l'Acte constitutif, sont non opérationnels jusqu'à l'heure actuelle. Nous avons cité plus haut les comités techniques spécialisés, la cour de justice et les institutions financières.

La majeure difficulté de leur opérationnalisation réside dans l'absence ou l'insuffisance des moyens matériels et financiers mis à leur disposition. Cette défaillance est due à l'insolvabilité de certains Etats-membres, à titre de rappel, le plan stratégique 2004-2007 proposé par Alpha Omar Konaré et comportant des mesures innovatrices susceptibles de renforcer l'Union avait bien été accepté par les Chefs d'Etats ; mais les 567 millions de dollars qu'il nécessitait n'ont jamais été fournis. Ceci illustre clairement la difficulté que pose et risque de poser l'insolvabilité des Etats membres sur le fonctionnement de l'Union et sur la mise en oeuvre des innovations qu'elle pourra proposer à son cadre de fonctionnement.

D'où la nécessité de radicaliser les sanctions prévues par l'acte constitutif à l'encontre des Etats-membres.

L'article 23.1 prévoit comme sanction la privation du droit de prendre la parole aux réunions, du droit de vote, du droit pour les ressortissants de l'Etat-membre concerné d'occuper un poste ou une fonction au sein des organes de l'Union, de bénéficier de toute activité ou de l'exécution de tout engagement dans le cadre de l'Union.

Au sens où le refus par l'Etat de contribuer financièrement au fonctionnement de l'union prive l'organisation des moyens matériels de la mise en oeuvre de ses politiques, il faut ajouter à cet arsenal, la mise en quarantaine de l'Etat concerné.

IV.2. LES PERSPECTIVES DE LA RENOVATION DE LA GOUVERNANCE REGIONALE

L'Union Africaine rénovée n'est pas l'aboutissement des Etats-Unis d'Afrique.

Malgré le rééquilibrage des pouvoirs qui pourrait s'effectuer sur son cadre de fonctionnement, elle restera une organisation intergouvernementale, plus intégrée bien entendu, mais encore loin des Etats-Unis d'Afrique.

Cependant, la rénovation de l'Union constitue au fond, un moyen susceptible de conduire aux Etats-Unis d'Afrique. Elle permettra la correction des dysfonctionnements actuels de l'Union et le déclenchement d'un processus étapiste dont la fin sera la mise en place d'un environnement sur lequel pourront aisément se bâtir les Etats-Unis d'Afrique.

Les Africains doivent donc intégrer cette dimension dans les stratégies intégrationnelles du continent et penser dès à présent à une Afrique post Union Africaine sans faire de l'innovation de cette dernière une fin en soi.

L'Union Africaine rénovée, avec une commission revigorée et un parlement fort constitue une préfiguration des Etats-Unis d'Afrique.

Ceci nous amène à corroborer notre seconde hypothèse d'après laquelle la rénovation de la gouvernance régionale de type Union Africaine serait une des stratégies de la construction des Etats-Unis d'Afrique.

CONCLUSION GENERALE

Le moment le plus difficile de la rédaction d'un travail scientifique est sans conteste celui où le chercheur est appelé à conclure.

En effet, comment simplifier sans dépouiller ? Comment amoindrir sans déformer ? Comment tout exprimer sans tout dire ?

Conscient des enjeux ci - haut, notre tâche a été donc à ce niveau de conclure sans céder à l'horrible tentation de vouloir tout dire.

Aussi, la présente conclusion se veut-elle simple et concise. Elle reposera le problème ayant fait l'objet de notre recherche, survolera les analyses exposées tout le long de ce mémoire, rappellera le sort des hypothèses formulées à l'introduction avant d'ouvrir les horizons aux chercheurs ultérieures que la question intéressera.

Nous sommes parti d'un constat déplorable. Le débat autour du projet ``Etats-Unis d'Afrique'' a, durant quasiment un siècle, été dépourvu de dimension stratégique. Il s'engouffrait dans une tergiversation scolastique entre les maximalistes.

Pour sortir de ce cercle vicieux, nous avons proposé un nouveau paradigme plus stratégique : le néo panafricanisme. Ce recadrage du débat nous a permis de nous évader de la vieille querelle panafricaniste et de poser des questions pratiques.

Nous nous sommes demandé comment les africains devaient-ils procéder in concreto afin de réaliser les Etats-Unis d'Afrique.

A ce questionnement, nous avons formulé deux hypothèses que nous avons vérifié respectivement dans chacune des parties du présent mémoire en ayant recours à la méthode juridique successivement dans ses approches prospective tendant vers l'élaboration d'un droit nouveau et exégétique fondée sur un raisonnement de lege ferenda et une véritable critique législative.

D'après la première hypothèse, la mise en place d'un Etat panafricain serait la stratégie la mieux adaptée à la construction des Etats-Unis d'Afrique.

La vérification de cette hypothèse a appelé une question préalable à savoir : Quel genre d'Etat les africains peuvent-ils mettre en place qui puisse rencontrer la nature pluri - identitaire du continent ?

En réponse à cette question préalable, nous avons proposé le dépassement de l'illusion et l'Etat nation véhiculé par l'occident et l'investissement dans l'Etat - multinational fondé sur une logique de segmentation hérité des sociétés africaines pré - coloniales.

Après avoir vidé cette question préalable, nous avons mis à l'épreuve notre première hypothèse de recherche en la plaçant face aux enjeux de la construction de l'Etat multinational en Afrique.

A ce niveau, les questions de la succession d'Etats, de la résistance des souverainetés au supra étatisme et de la fragilité des Etats post coloniaux nous ont révélé le caractère aléatoire d'une telle entreprise.

Ce dénouement nous a amené à falsifier notre première hypothèse.

En effet, à l'issue de nos analyses, l'Etat multinational, quoi qu'apparaissant idéalement comme le modèle - type d'organisation politique susceptible de contenir le caractère pluri identitaire de l'Afrique n'est pas opérationnalisable au stade actuel et ne doit pas se décréter sans se construire.

D'après notre seconde hypothèse, en vue de réaliser les Etats-Unis d'Afrique, la stratégie la mieux indiquée serait la rénovation de la gouvernance régionale de type Union Africaine.

Afin de vérifier cette hypothèse, il nous a fallu proposer des innovations à apporter au cadre de fonctionnement de l'Union Africaine. Pour ce faire, une question préalable s'est posée une fois de plus. Celle de savoir quels sont à l'heure actuelle les éléments dysfonctionnels de l'Union Africaine sous forme de variables structurelles.

Nous avons décelé la marginalisation et la subordination de la commission au profit des organes représentatifs des Etats-membres, la monstruosité juridique du parlement panafricain ainsi que la virtualité de certains organes prévus par l'Acte constitutif mais inopérationnels jusqu'à ces jours.

Ainsi, avons-nous constaté, ce n'est qu'en agissant sur ces variables à travers le rééquilibrage des pouvoirs au profit de la commission, la rationalisation du parlement panafricain et la concrétisation des organes techniques spécialisés que l'on pourra réussir à rénover l'Union Africaine et à faire d'elle une préfiguration des Etats-Unis d'Afrique.

Sans nous écarter de la vision stratégique de l'Unité d'Afrique prônée par le néo panafricanisme, nous avons ici aussi étudié les enjeux de la rénovation de l'Union Africaine et déterminé les conditions dans lesquelles le plan d'Addis-Abeba qui prévoit la création d'une ``Autorité'' de l'Union d'ici 2012 pourra se réaliser dans la perspective des Etats-Unis d'Afrique.

Nous avons découvert à l'issue des analyses ci-dessus que la rénovation de l'Union Africaine était une tâche opérationnalisable à court terme, qu'elle avait une base juridique dans l'Acte constitutif de l'Union et qu'elle pouvait tendre vers la réalisation des Etats-Unis d'Afrique.

Ceci nous a amené à corroborer notre seconde hypothèse d'après laquelle la rénovation de la gouvernance régionale serait une stratégie appropriée pouvant réaliser à long- terme les Etats-Unis d'Afrique.

Au dénouement du présent mémoire, nous avons face à nous des résultats épars qui semblent avoir un certain nombre de rapports entre eux et desquels il ressort une certaine cohérence dont nous ne soupçonnions pas l'existence lorsque nous formulions nos hypothèses de recherche.

Examinons cela de plus près :

Si l'hypothèse de l'Etat a été falsifiée c'est à cause du fait que l'Etat multinational, bien qu'apparaissant comme modèle-type de réinvention de l'Unité Africaine, son opérationnalisation a soulevé quelques problèmes délicats et a paru quelque peu aléatoire à l'heure actuelle.

Cependant, les vertus de la rénovation de l'Union Africaine font d'elle un moyen de renforcement de la cohésion des Etats africains et non une fin en soi. Non seulement une telle rénovation pourra dévoiler aux Etats africains les avantages de la gestion commune d'une part des souverainetés mais aussi, elle atténuait les effets de la fragilité des Etats africains en les revigorant et à travers la coopération dans le domaine de la recherche scientifique, en laissant à l'intelligentsia un temps et une opportunité pour que celle-ci travaille sur la question.

Remarquez donc que les effets escomptés de la rénovation de l'Union Africaine résolvent des préalables qui font défaut à l'opérationnalisation de l'Etat multinational. Il faut rappeler ici que la pertinence de ce dernier et son adéquation à l'Afrique n'ont pas été remises en cause. Seule son opérationnalisation a posé problème.

Une telle opérationnalisation, nous l'avons démontré, ne réussirait qu'après que les intellectuels aient eu le temps et les moyens de bien cerner tous les contours de la multinationalité afin de la dépouiller de tous les inconnus ; et après que les Etats africains soient devenus moins fragiles.

L'Union faisant la force, la gouvernance régionale rénovée et empreinte de bonne gouvernance pourrait vider les préalables ci-dessus en renforçant les actions communautaires dans les domaines tels que la défense, l'industrie, la santé et la recherche par exemple.

Ceci ouvre la voie à une nouvelle hypothèse que nous laissons à la merci des générations postérieures. Il pourrait se trouver parmi nos lecteurs, des chercheurs passionnés qui pourront éventuellement étudier les rapports entre nos deux hypothèses. Ils pourront se poser des questions du genre :

« Dans quelles conditions la rénovation de la gouvernance régionale de type Union Africaine pourra-t-elle mettre en place à long terme un environnement sur lequel pourrait se bâtir aisément l'Etat multinational africain ? »

En d'autres termes, ils se demanderont dans quelles mesures la rénovation de la gouvernance régionale et la mise en place de l'Etat multinational en Afrique pourraient constituer respectivement un moyen et une fin.

En sus, la myopie intellectuelle ayant été brisée par ce travail qui ouvre simultanément plusieurs questions stratégiques autour de l'idée Etats-Unis d'Afrique, l'afro pessimisme devient donc injustifié.

Nous pensons sincèrement avoir donné du grain à moudre aux politiques et aux intellectuels du continent en nourrissant un vieux débat qui, puisqu'il revêt une dimension stratégique, renaît des ses cendres et cherche à s'adapter aux airs du temps actuel.

BIBLIOGRAPHIE

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3. DORMOY, D., L'Union Européenne et les organisations internationales, Bruylant, Bruxelles, 1997.

4. DUPUY, J, M ; Droit international public, éd. Dalloz, Paris 2006.

5. Elvadine S.

6. KABA Lansiné : Kwame Nkrumah et le rêve de l'Unité Africaine, chaka, Accra, 199

7. NGUYEN, Q.D. ; PELLET A. et DAILLIER P. ; Droit international public, L.G.D., Paris 2002

8. RAMONET, I ; Géopolitique du chaos, Galilée, paris 1997

9. TSHIYEMBE, M ; Etat multinational et démocratique africaine. Sociologie de la renaissance politique, l'Harmattan, Budapest, Toronto, 2001, p.14 (en ligne) : http://editiondharmattan.fr

10. TSHIYEMBE, M ; L'Afrique face au défi de l'Etat multinational,(en ligne) : http://mondediplomatique.fr/2000/09

11. TSHIYEMBE, M ; L'idée des Etats - Unis d'Afrique, mythe et réalité, S.E, Kinshasa, 2007, p.3

12. TSHIYEMBE, M ; op cit, p.5

TABLE DES MATIERES

0. INTRODUCTION 4

1. ETAT DE LA QUESTION 4

a. Le panafricanisme messianique 4

b. La cristallisation politique du panafricanisme 4

c. Bilan du panafricanisme 5

2. PROBLEMATIQUE 5

3. HYPOTHESES 6

4. APPROCHES METHODOLOGIQUES 6

a. L'approche tendant à l'élaboration d'un droit nouveau 7

b. La critique législative 7

c. La méthode structuro fonctionnelle 7

d. Les techniques 8

5. INTERET ET OBJECTIF 8

6. SUBDIVISION DU TRAVAIL 9

PREMIERE PARTIE LA CONSTRUCTION DE L'ETAT PANAFRICAIN 10

0. INTRODUCTION 11

CHAPITRE I : DE LA LOGIQUE D'UNIFICATION A LA LOGIQUE DE SEGMENTARITE 12

I.1. LE DEPASSEMENT DE L'ILLUSION DE L'ETAT - NATION 12

I.2. L'ETAT MULTINATIONAL 15

I.2.1. LA MULTINATION : UN PACTE ORIGINAL 16

I.2.2. LA MULTINATION : UNE REVANCHE DE L'HISTOIRE 16

I.2.3. LA MULTINATION : UN APPORT AFRICAIN A LA MONDIALISATION 17

I.3. NATURE ET IMPLICATIONS JURIDIQUES DE L'ETAT MULTINATIONAL 17

I.3.1. NATURE JURIDIQUE DE L'ETAT MULTINATIONAL 17

I.3.2 IMPLICATION JURIDIQUES DE L'ETAT MULTINATIONAL 18

A. LA CAPACITE DE PRODUIRE DES ACTES JURIDIQUES INTERNATIONAUX 18

B. LA CAPACITE DE SE VOIR IMPUTER DES FAITS ILLICITES INTERNATIONAUX 18

C. LA CAPACITE D'ACCES AUX PROCEDURES CONTENTIEUSES INTERNATIONALES 18

D. LA CAPACITE DE DEVENIR MEMBRE D'UNE ORGANISATION INTERNATIONALE 18

E. LA CAPACITE D'ETABLIR DES RELATIONS DIPLOMATIQUES 19

I.3.3. L'ETAT MULTINATIONAL FACE AU DROIT CONSTITUTIONNEL CLASSIQUE 19

A. SA CONFORMITE 19

B.SON ORIGINALITE 19

LE PLURALISME JURIDIQUE 20

LA DOUBLE REPRESENTATIVITE ET LA SOUVERAINETE PARTAGEE 20

LA CITOYENNETE A PARALISATION VARIABLE 21

LA MODERATION DE LA DEMOCRATIE MAJORITAIRE 22

CHAPITRE II : LA CONSTRUCTION DE L'ETAT MULTINATIONAL : ENJEUX ET PERSPECTIVES 24

II.1. LES ENJEUX 24

II.1.1. LES ENJEUX JURIDIQUES 24

A. LE PROBLEME DE LA SUCCESSION D'ETATS 24

B. LA SOUVERAINETE PARTAGEE FACE AUX SOUVERAINISTES CONSERVATEURS 26

II.1.2. ENJEUX OPERATIONNELS 27

A. ETATS FRAGILES D'AFRIQUE ET SUPRAETATISME 27

B.LES INELIMINABLES ALEAS 28

II. 2. PERSPECTIVES 29

DEUXIEME PARTIE LA RENOVATION DE LA GOUVERNANCE REGIONALE 31

O. INTRODUCTION 32

CHAPITRE III LUNION AFRICAINE ET LE DEFI DE LA GOUVERNANCE REGIONALE 33

III.1. LE CADRE DE FONCTIONNEMENT DE L'UNION AFRICAINE 33

III.1.1. LES OBJECTIFS DE L'UNION 34

III.1.2. LES PRINCIPES DE L'UNION 34

III.1.3. LES ORGANES DE L'UNION ET LEURS COMPETENCES 34

A. LES ORGANES 34

B. LES COMPETENCES 35

-La conférence de l'union 35

-Le conseil exécutif (article 10) 35

-La commission de l'union (article 20) 36

-Le parlement panafricain (article 17) 36

-Les comités techniques spécialisés (article 14) 36

-La cour de justice article 18) 36

-Les institutions financières (article 19) 36

-Le conseil économique, social et culturel (article 22) 36

III.2. LES ELEMENTS DYSFONCTIONELS DE L'UNION AFRICAINE 36

III.2.1. LES LARGES POUVOIRS DE LA CONFERENCE ET DU CONSEIL EXECUTIF : PERSISTANCE DE L'INTERETATISME 37

III.2.2. LA MONSTRUOSITE DU PARLEMENT PANAFRICAIN 38

III.2.3. LA VIRTUALITE DE CERTAINS ORGANES 40

CHAPITRE IV : LA REFORME DE L'UNION AFRICAINE : 42 ENJEUX ET PERSPECTIVES 42

IV.1. LES ENJEUX DE LA REFORME DE L'UNION AFRICAINE 42

IV.1.1. LE PLAN D'ADDIS-ABEBA 42

IV.1.2. LE REEQUILIBRAGE DES POUVOIRS ET LE MYTHE DE LA SOUVERAINETE PARATGEE 43

A. LE RENFORCEMENT DE LA COMMISSION 43

a. Fondement du renforcement de la commission 43

b. Conséquences du renforcement de la commission 46

B. LA RATIONNALISATION DU PARLEMENT PANAFRICAIN 48

B. LA RADICALISATION DES SANCTIONS A L'ENCONTRE DES ETATS INSOLVABLES 50

IV.2. LES PERSPECTIVES DE LA RENOVATION DE LA GOUVERNANCE REGIONALE 51

CONCLUSION GENERALE 52

BIBLIOGRAPHIE 56

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* 1 Lire à ce sujet : KABA Lansiné : Kwame Nkrumah et le rêve de l'Unité Africaine, Chaka, Accra, 1991.

* 2 TSHIYEMBE, M ; L'idée des Etats - Unis d'Afrique, mythe et réalité, S.E, Kinshasa, 2007, p.3

* 3 Le camp Kadhafi - Wade en faveur d'un gouvernement africain et le camp Museveni - Zenawi, plus réticent au supra étatisme.

* 4 CORNU, G ; La pensée juridique, Montchrestien, Paris 1990, p.83

* 5 THIYEMBE, M ; op cit, p.4

* 6 COLAS, D ; Dictionnaire de la pensée politique, Larousse, Paris, 1997, p.97

* 7 NGUYEN, Q.D ; PELLET A. et DAILLIER P ; Droit international public, L.G.D., Paris 2002, p.62

* 8 Idem, p. 62.

* 9 RAMONET, I ; Géopolitique du chaos, Galilée, paris 1997, p.99

* 10 TSHIYEMBE, M ; op cit, p.5

* 11 LACAN ; cité par COLAS, D ; op cit, p.97

* 12 LACAN, cité par COLAS, D ; op cit p.97

* 13 TSHIYEMBE, M ; L'Afrique face au défi de l'Etat multinational, (en ligne) : http://mondediplomatique.fr/2000/09

* 14 TSHIYEMBE, M ; op cit.p.9

* 15 TSHIYEMBE, M ; Etat multinational et démocratique africaine. Sociologie de la renaissance politique, l'Harmattan, Budapest, Toronto, 2001, p.14 (en ligne) : http://editionlharmattan.fr

* 16 TSHIYEMBE, M ; op. cit; p.14

* 17 DUPUY, P. M ; Droit international public, Dalloz, Paris 2006, p.62.

* 18 DUPUY, J-M, op. cit, p.63

* 19 TSHIYEMBE, M ;op. cit ;p.6 (en ligne) op. cit.

* 20 DUPUY, P-M ; op. cit ; p.51

* 21 NGUYEN, Q.D ; DAILLIER, P. et PELLET, A., op cit ; p.581.

* 22 Idem, p.58

* 23 Lire à ce sujet DORMOY, D., L'Union Européenne et les organisations internationales, Bruylant, Bruxelles, 1997.

* 24 JELINEK, cité par NGUYEN, Q, D ; op cit ; p.99






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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry