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De la saisine des juridictions militaires au regard de l'absence de la procédure de citation directe en procédure pénale militaire de la RDC

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par Etienne MBUNSU BINDU Etienne
Université libre des pays des grands lacs RDC - Licence 2010
  

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B. Les arguments tenant à la lutte contre l'impunité et à la protection des droits subjectifs par le juge militaire

Dans un Etat de droit, c'est l'Etat seul qui est juge et qui juge à travers les différents organes juridictionnels, les services judiciaires et les auxiliaires de justice. Il ne peut en être autrement puisque l'Etat de droit se définit notamment par la situation qui résulte, pour une société, de sa soumission à un ordre juridique excluant l'anarchie et la justice privée. Il proclame le respect du droit et la garantie des droits reconnus aux citoyens. Il consacre la prééminence de la loi, laquelle doit garantir les libertés publiques, les droits fondamentaux de l'homme et des citoyens, l'égalité de tous devant la loi, la protection des sujets de droit contre l'arbitraire. Il est inséparable de l'idée de justice, entendue fonctionnellement comme l'instance, l'institution qui dit le droit en toute impartialité et indépendance. Ce qui, en effet, caractérise l'Etat de droit, c'est notamment la nécessité de recourir aux voies et moyens de droit pour assurer le maintien ou le rétablissement de l'ordre public troublé par une infraction ou ébranlé par des querelles entre justiciables autour de conflits, de convoitises ou de contestations d'importance variée.92(*)

L'Etat de droit privilégie donc, et du moins en matière pénale, le mode juridictionnel de règlement des conflits ; lequel se caractérise par l'intervention en qualité de juge d'une tierce partie investie de la fonction de dire le droit, de trancher les litiges en prenant des décisions qui s'imposent aux parties en conflit, au besoin par la force de la condamnation publique.

Cette situation engendre forcément le progrès et le développement d'un pays et permet la consolidation de la démocratie et de la nation. Lorsque les lois d'un Etat sont respectées par tout le monde, les grands investisseurs s'installeront dans ce pays. Ces investissements qui se font dans la sécurité juridique permettront non seulement, à chacun, d'avoir du travail bien, rémunéré, mais aussi et surtout à l'Etat, d'avoir assez de moyens pour mener sa politique.

La RDC possède une armature juridictionnelle devant assurer la protection des droits fondamentaux par les juges. C'est ainsi que la constitution de la IIE République pose en son article 150 le principe selon lequel le pouvoir judiciaire est le garant des libertés individuelles et des droits des citoyens. Il en résulte donc que les cours et tribunaux sont les principaux organes de protection des droits des citoyens dans l'ordre juridique congolais même s'ils ne sont pas les seuls.93(*)

Comme l'affirme Yao Biova Vignon, la sanction normale de la règle de droit réside dans le recours au juge. C'est le juge qui a le pouvoir de constater les violations de la règle de droit et le cas échéant, de les sanctionner afin d'assurer le respect du droit. C'est à cette condition que l'on constate que l'on est dans un véritable Etat de droit, un Etat dans lequel tous, gouvernants comme gouvernés, sommes soumis au droit.

Le juge a ainsi un rôle important à jouer dans la protection de la règle de droit et partant des droits fondamentaux, proclamés au sein de l'ordre juridique. En RDC, le pouvoir judiciaire est un pouvoir constitutionnellement organisé dont les juridictions sont chargées de trancher les litiges nés des rapports au sein de la société, qu'ils surviennent entre l'administration et les particuliers ou qu'ils soient interindividuels.

C'est dans ces deux cas de figure que la protection des droits et libertés fondamentaux des citoyens en RDC ressort de la compétence du juge administratif, tantôt de celle du juge judiciaire. Ceux-ci sont donc les premiers mécanismes protecteurs des droits, mais leur protection est assistée par celle du juge constitutionnel, assortie des recours juridictionnels. C'est à ces différents juges qu'est confiée la tâche ardue de la protection juridictionnelle des droits et libertés fondamentaux des citoyens en RDC, une tâche qui ne va pas sans rencontrer des obstacles divers.

En matière de droits fondamentaux, le juge judiciaire a un rôle traditionnel de gardien des libertés individuelles des citoyens. Cette mission le conduit à connaître essentiellement des litiges nés des rapports entre les particuliers.

En matière de droits fondamentaux, comme le disent Jacques Robert et Jean Duffar, la compétence judiciaire apparaît triple au premier abord. Il s'agit, primo, d'une compétence répressive. C'est en effet devant les tribunaux répressifs que seront traduits tous les agents publics coupables d'atteintes aux libertés ; Secundo, le juge judiciaire est compétent pour tout ce qui concerne la protection des libertés dans les rapports entre les privées. Tertio, le juge judiciaire voit affirmer sa compétence en ce qui concerne les rapports de l'administration.94(*)

Dans l'ordre juridique congolais, concernant les violations verticales des droits fondamentaux, le juge judiciaire intervient en premier lieu dans la régulation des rapports qui tendent à restreindre les libertés individuelles des citoyens. A ce sujet la Constitution de la Troise République laisse entendre à son article 150 alinéa 1 que le pouvoir judiciaire est le garant des libertés individuelles et des droits fondamentaux des citoyens. Il y a à ce niveau une affirmation du rôle qu'a le juge dans la protection de ces libertés.

Le juge militaire, à l'instar de son collègue de droit commun, est donc, aux termes de la constitution le garant des droits et libertés fondamentaux des citoyens. C'est encore une fois l'importance de marteler l'opportunité qu'il y a à reconnaître aux victimes des infractions qui relèvent de sa compétence le droit de le saisir par citation directe.

L'exercice de l'action publique, c'est-à-dire la faculté de saisir les cours et tribunaux répressifs et soutenir devant eux l'accusation en vue de faire punir les coupables est la mission dévolue essentiellement au ministère public.95(*)

Cependant, la mise en mouvement d'une juridiction de type accusatoire peut requérir l'intervention d'un agent extérieur. La loi bien qu'en attribuant le monopole de l'action publique au MP de manière générale, reconnaît néanmoins l'exercice de cette action par la partie privée et ce par la seule voie de citation directe prévue par les articles 54 et suivants du code de procédure pénale. Il faut signaler d'emblée, qu'en droit procédural pénal congolais, il n'existe aucune condition particulière requise pour l'exercice de l'action publique par voie de citation directe: c'est le principe du libre accès au prétoire.

La citation directe produit essentiellement deux effets :

- Elle tend à l'allocation des dommages et intérêts à la partie victime de l'infraction. En effet, il est normal que la partie victime puisse trouver réparation des préjudices subis par le fait de l'infraction;

- Elle met en mouvement l'action publique et l'action civile. La victime déclenche l'action publique même si le parquet voulait s'abstenir de poursuivre.96(*)

Au-delà de ces effets de la citation directe, la doctrine retient que plusieurs raisons militent en faveur de l'instauration de la citation directe en procédure pénale militaire.97(*) Il s'agit entre autres de : les militaires doivent être protégés au même titre que tous les autres citoyens contre les violations de leurs droits et libertés fondamentaux ; il y a nécessité de bannir l'impunité en évitant de faire jouer l'adage les loups ne se mangent pas entre eux ; le seul moyen de faire échec aux manoeuvres du parquet est le contrôle hiérarchique. Or celui-ci a montré ses limites et beaucoup d'affaires sont souvent classées, laissant les victimes frustrées ; dans la plupart des cas ce sont les civils qui sont victimes des atteintes à leur intégrité physique et à leur patrimoine. Pourquoi leur interdire la possibilité de saisir le juge militaire s'ils trouvent que le parquet traîne les pieds, mais aussi l'éventualité même d'une citation directe pourrait inciter le parquet militaire à plus de diligence et de sérieux dans le traitement des affaires qui lui sont soumises pour éviter de se voir forcé de suivre la victime dans son action devant la juridiction.

Il est par ailleurs tout à fait clair que le rejet de la citation directe procède d'une conception désuète de la justice militaire comprise non comme faisant partie du pouvoir judiciaire mais plutôt comme un bras, mieux comme un bâton dont dispose le commandement pour maintenir et au besoin rétablir, à tous les prix et sous toutes les conditions, l'ordre et la discipline dans les rangs.

L'évolution observée même dans la nouvelle constitution, qui place la justice militaire dans le pouvoir judiciaire et non dans les forces armées, devrait se traduire par une évolution des textes afin de les adapter aux exigences d'un Etat démocratique soucieux de la protection des droits de tous les citoyens, civils ou militaires.

Comment toujours méconnaître le droit de saisir le juge militaire par citation directe alors que la constitution dispose que... En temps de guerre ou lorsque l'état de siège ou d'urgence est proclamé, le Président de la République, par une décision délibérée en Conseil des ministres, peut suspendre sur tout ou partie de la République et pour la durée et les infractions qu'il fixe, l'action répressive des Cours et Tribunaux de droit commun au profit de celles des juridictions militaires...98(*)

Cette disposition constitutionnelle reconnaît la possibilité de voir les actions des juridictions civiles être substituées par celles des juridictions militaires. Ce qui commande de nouveau une harmonisation des textes en matière de procédure notamment de peur que cette opportunité offerte aux juridictions militaires ne soit une occasion de brimer sans merci les droits et libertés des citoyens.

La ratio legis de cet octroi de compétence des matières de droit commun aux juridictions militaires tient compte du moment. Il s'agit en effet du moment des troubles, moment pendant lequel il faut impérativement tout mettre en oeuvre pour maintenir la paix et la sécurité. C'est donc à juste titre que les juridictions militaires qui sont caractérisées par la célérité soient préférées aux juridictions de droit commun. C'est même dans cet intérêt de la célérité qu'intervient la logique de la citation directe qui a aussi l'avantage d'épargner la justice de ces longues instructions du parquet pendant que le besoin de rétablir la paix et la sécurité est immédiat. Raison de plus, ainsi que nous l'avons évoqué, que le droit processuel soit harmonisé en RDC quant aux questions répressives.

Outre les raisons liées au rôle du juge, les raisons liées au droit militaire comparé militent en faveur de la consécration de citation directe. En effet, les justiciables militaires congolais et les victimes des faits infractionnels commis par les militaires doivent avoir une garantie de protection en matière des droits de l'homme selon la tendance internationale. Les blocages des poursuites des crimes graves peuvent trouver une issue par la saisine de la cour pénale internationale conformément au statut de Rome.

Dans d'autres cieux, le droit militaire a évolué. Pour éviter l'ingérence dans l'instruction des dossiers judiciaires par l'Etat Major des Armées, et d'autre raisons liées à la bonne administration de la justice, le gouvernement français a initié des reformes. La loi du 29 décembre 1966 a jeté des bases suivantes : d'une part, appel aux magistrats du corps judiciaire pour assurer les fonctions judiciaires militaires ; d'autre part, extinction pure et simple du corps des magistrats militaires.

Cette réforme présentait, entre autre les avantages suivants : elle était conforme à la volonté du gouvernement de civiliser la justice militaire ; elle réglait le problème du recrutement des magistrats militaires mais aussi elle permettait un fonctionnement plus souple de la justice militaire, le nombre des personnels détachés pouvant être augmenté ou diminué selon les besoins du moment ; etc.99(*)

Une autre réforme a eu lieu en 1982 et 1992 modifiant l'article 698-2 du Code de procédure pénale permettant aux victimes de mettre en mouvement l'action publique.

En France, la procédure pénale militaire est proche de celle de droit commun avec l'incorporation des magistrats civils détachés tout en restant soumis aux obligations de la discipline générale des armées et au secret de la défense nationale.

En Allemagne, la loi pénale militaire du 30 mars 1957 est le siège du droit pénal spécial applicable aux infractions militaires commises par des soldats. On applique en outre le Code pénal et le droit pénal des délinquants mineurs à toutes les infractions non militaires et dans la mesure où ils définissent les notions générales de l'illégalité, de la responsabilité, de la corréité, de la complicité, pour autant que la loi pénale militaire n'en dispose autrement.

Les soldats sont justiciables non pas de tribunaux militaires, mais des juridictions pénales ordinaires. Le réquisitoire se fait par des procureurs civils. Le réquisitoire se fait par des procureurs civils.100(*)

Dans son arrêt du 6 mars 1968, la Cour militaire d'appel d'Israël s'est prononcée dans le dossier n° AYIN 17/68 d'après la section 157 du Code criminel. En faisant lecture de cet arrêt, il apparaît clairement qu'un militaire avait été cité en justice par une dame victime des attouchements et condamné par le premier juge du Conseil de guerre de circonscription suite à la déposition de la plaignante et à quelques preuves indirectes.

Ces exemples ainsi que d'autres de divers pays à travers le monde, contribuent à la mise sur pied d'une justice pénale militaire juste basée sur l'indépendance de la magistrature. La citation directe doit contribuer à la possibilité de faire comparaître certains intouchables de l'armée devant leur juge naturel.

En fin de nos développements, encore faudra-t-il noter que tout en suggérant l'intégration en matière militaire de cette voie de procédure, consistant à forcer la main du ministère public à devenir malgré lui partie poursuivante, il nous faut retenir en matière militaire les hypothèses dans lesquelles la citation directe est irrecevable en droit commun, en l'occurrence lorsque :

- les faits ne rentrent pas dans la compétence du tribunal saisi;

- l'action publique est éteinte au moment de la citation ;

- la partie civile ne remplit pas les conditions de capacité, intérêt et qualité requises pour introduire une action civile ;

- elle est introduite devant la Haute cour militaire, autant que c'est le cas d'exclusion devant Cour suprême de justice en droit commun ;

- elle met en cause une personne jouissant de privilège de juridiction.

* 92 AKELE ADAU, Pierre, Op.cit, p.19.

* 93 RUBBENS, Antoine, Droit judiciaire congolais, T3, L'instruction criminelle et procédure pénale, Ferdinand, Larcier, SA, Bruxelles, 1965, p. 116.

* 94 ROBERT et DUFFAR, Droits de l'homme et libertés fondamentales, 7e édition, Paris, Montchrestien, 1999, p.265.

* 95RUBBENS, Antoine, Op.cit, p. 116.

* 96 SOYER, JC, Droit pénal et procédure pénale, 9e édition, Paris, LGDJ, 1992, p. 124

* 97 MUKENDI TSHINDA-MANGA, Freddy, Op.cit, p.52.

* 98 Article 156 de la Constitution de la RDC du 18 Février 2006.

* 99 GIRARD, R, L'exercice des fonctions judiciaires militaires, In Revue de droit pénal miliaire et de droit de la guerre, Bruxelles, 1969, p.232.

* 100GIRARD, R,, Op.cit, p.356.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci