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De la saisine des juridictions militaires au regard de l'absence de la procédure de citation directe en procédure pénale militaire de la RDC

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par Etienne MBUNSU BINDU Etienne
Université libre des pays des grands lacs RDC - Licence 2010
  

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Section II. DE LA SAISINE DU JUGE MILITAIRE

Pour éviter que les individus, membres d'une société, ne recourent à la vengeance privée, le constituant a institué des organes destinés à assurer de manière efficace la répression de toutes les infractions commises sur le territoire national. La voie de la justice privée ou de la justice informelle est très dangereuse pour le développement et la sécurité d'une nation. L'une et l'autre voies sont susceptibles d'entraîner de fâcheux dérapages notamment les arbitraires, les violations massives des droits de l'homme et des principes universels de droit pénal, la justice expéditive et sommaire, la justice populaire, l'application des peines barbares, sans oublier la délation, le règlement des comptes, les flagellations, les supplices du collier ou les mises à mort par le feu, les lapidations, en passant par une variété horrifiante de barbarismes pseudo justiciers. D'où la naissance des mouvements d'auto défense populaire, des rébellions, des insurrections et émeutes, etc.

Les règles de procédure pénale viennent à coup sûr faire éviter ces dérapages horribles et fâcheux car elles humanisent l'être humain, si criminel soit-il. Pour paraphraser Bayona Bameya,41(*) au niveau des relations entre l'individu et la société, la procédure pénale apparaît comme le thermomètre de la température démocratique d'un Etat car c'est l'expression vivante des libertés publiques reconnues par l'Etat aux individus.

C'est la raison pour laquelle le législateur organise la procédure pénale tant de droit commun que du droit pénal militaire. Ceci étant, le rôle du MP, organe de la loi, ici représenté par l'auditorat militaire, étant terminé par son acte de saisine de la juridiction de droit, il convient cependant que le ministère public vérifie si l'infraction pour laquelle il veut saisir le juge n'est pas encore prescrite.

En effet, la prescription de l'action publique peut être justifiée par de diverses considérations comme celles d'oubli, de négligence et de preuve.42(*) L'oubli de l'infraction commise est généralement l'une des raisons invoquées pour justifier la prescription de l'action publique. En effet, l'on évite à la société de faire revivre, par l'action publique, le souvenir de l'infraction déjà effacé par le temps ; cela permettra de sauvegarder la paix et la tranquillité.

La négligence quant à elle pourrait justifier légitimement la prescription de l'action publique. Une société, au sein de laquelle l'infraction a été commise, qui n'exerce pas son droit de punir l'auteur de cette infraction dans le délai déterminé, trouvera ainsi le délai de poursuite forclos et par conséquent se verra privée de toute possibilité d'exercer l'action publique née de cette infraction.43(*)

Le dépérissement des preuves constitue la justification fondamentale de la prescription de l'action publique. En effet, après un certain temps, assez plus ou moins long, les preuves d'une infraction se dégradent de plus en plus ou tout au moins perdent beaucoup leur force probante ; les traces matérielles disparaissent graduellement et le souvenir des témoins ayant assisté à la commission des faits infractionnels se sera peut-être évanoui. Engager un procès dans ces conditions serait très dangereux, car les risques de commettre une erreur judiciaire grave ont augmenté.

Le Code judiciaire militaire organise la prescription de l'action publique à ses articles 202 et 203. L'article 204 pour sa part donne les cas pour lesquels la prescription de l'action publique ne peut être imaginée. Il s'agit entre autres de la désertion à bande armée, la désertion à ennemi ou en présence de l'ennemi, lorsque le déserteur ou l'insoumis s'est réfugié ou est resté à l'étranger pour se soustraire à ses obligations militaires, les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité et le génocide.

C'est au terme de cette analyse que le ministère public saisit la juridiction militaire compétente. L'article 214 du Code judiciaire militaire dispose à cet effet que les juridictions militaires sont saisies par voie de traduction directe ou par décision de renvoi émanant de l'auditeur militaire près la juridiction compétente. Elles sont également saisies par voie de comparution volontaire du prévenu suivant les conditions prévues par le présent code.

Paragraphe 1. Voies de saisine Ordinaires

Il ne suffit pas simplement de faire une enquête préjuridictionnelle pour dire que le service public de la justice joue son rôle dans une société. Au-delà de cette procédure préparatoire à l'audience, il faudra faire un effort dans la saisine du juge pour que la personne présumée auteur d'une infraction puisse subir la rigueur de la loi. Ainsi que l'a soutenu le général Likulia Bolongo, les agissements d'un militaire qui troublent l'ordre public dans l'armée doivent être sévèrement sanctionnés et avec toute célérité requise pour ne pas faire tâche d'huile dans la troupe.44(*)

Ainsi, les instances judiciaires constituent un fondement indispensable du maintien de la discipline dans les rangs, reflétant les aspirations profondes de la quasi-totalité de l'opinion publique nationale, du reste convaincue de l'efficacité de l'appareil judiciaire militaire pour le maintien de la discipline au sein de l'armée, pour la sauvegarde du patrimoine collectif, mais encore pour l'harmonisation sans relâche des rapports entre soldat et la population civile dont il se trouve être l'émanation et surtout pour servir d'ultime rempart en cas de péril public.

C'est donc dans ce contexte que des efforts sont consentis pour présenter le plus rapidement que possible les militaires, et même les agents de la police nationale congolaise, devant un juge.

En outre, indique Laurent Mutata, par sa célérité et son exemplarité, la justice militaire rencontre au mieux la mentalité photosynthétique du Congolais qui, présent à la perpétration d'un délit, en est le témoin de la répression. Néanmoins, cette célérité ne peut être bénéfique pour la collectivité nationale que lorsqu'elle procède d'une lecture judicieuse des dispositions légales, facilitée par une contribution jurisprudentielle et doctrinale.45(*) D'où la nécessité d'étudier en profondeur les modalités de saisine ordinaires du juge militaire.

En droit de procédure pénale militaire, le ministère public est seul habilité à saisir un juge des faits qui sont de sa compétence matérielle et territoriale et cela contrairement au droit commun où, même la partie victime et à tout le moins toute personne justifiant d'un intérêt, peut saisir le juge des faits infractionnels et forcer le ministère public à les poursuivre.

En droit de procédure pénale militaire, seul le ministère public peut saisir un juge et cela par une note de fin d'instruction appelant le président de la juridiction compétente à fixer le dossier à l'audience, il s'agit communément de la traduction directe et la décision de renvoi.

L'article 214 alinéa 1er du Code judiciaire militaire dispose en effet que les juridictions militaires sont saisies par voie de traduction directe ou par décision de renvoi émanant de l'auditeur militaire près la juridiction compétente.

La traduction directe est une décision de l'auditorat militaire par laquelle une affaire est déférée devant une juridiction de droit pour solliciter la décision de son pouvoir. Le dictionnaire Larousse indique à cet effet que la traduction c'est le fait de traduire quelqu'un en justice. Traduire en justice c'est citer, appeler devant un tribunal.46(*)

Ainsi donc, la traduction directe équivaut en procédure pénale à la citation. Celle-ci est une voie ordinaire et régulière que le ministère public use pour saisir une juridiction répressive. Elle est donc une notification faite au prévenu et éventuellement à la personne civilement responsable de l'ouverture des poursuites contre eux devant cette juridiction. Le témoin peut aussi être sommé à comparaître soit devant le magistrat instructeur au niveau de l'auditorat militaire soit devant le magistrat citant sur ce qu'il a vu ou entendu dire de l'infraction mise à charge du délinquant militaire ou de tout justiciable devant les juridictions militaires.

La partie civilement responsable que l'auditorat militaire est habilité à citer n'est autre que celle qui est, par la loi ou la coutume, tenue civilement responsable des amendes, des frais et des dommages-intérêts qui pourraient être prononcés, si non, la citation de cette partie revient à la partie civile.47(*)

La traduction directe doit d'abord indiquer à la requête de qui elle est faite ; c'est-à-dire, à la requête de l'auditorat militaire, car c'est lui qui initie la citation à prévenu. Elle doit en outre indiquer la qualité de celui qui effectue et la manière dont elle est effectuée ; l'on doit également y mentionner la date à laquelle notification a été faite. Ces deux éléments permettront, le premier, de vérifier la compétence de l'auditeur militaire ou officier ministériel qui a notifié la citation et le second, de vérifier si les délais de signification ont été respectés (délai entre la notification et la comparution).

La traduction directe contient en outre, l'indication de la nature, de la date et du lieu des faits dont il aura à répondre. La conséquence que l'on peut tirer de cela est que la citation qui ne permet pas de connaître la nature exacte de différents faits dont le prévenu doit répondre et qui oblige la juridiction du premier degré, pour essayer de circonscrire sa saisine, de se baser à tort sur des éléments étrangers à la traduction directe, viole la loi.48(*)

Lorsque le MP militaire clôt l'instruction préparatoire et décide de poursuivre l'inculpé devant les cours et tribunaux, il transmet le dossier de l'affaire au greffe de la juridiction compétente et sollicite du président de cette juridiction la fixation de la date à laquelle l'audience sera appelée. En même temps, il pourvoit à la citation du prévenu, de la personne civilement responsable et de toute personne dont l'audition lui paraît utile à la manifestation de la vérité.

Il sied de noter que l'auditorat militaire ne peut le faire que s'il s'agit des dommages et intérêts à allouer d'office à la partie civile ou des frais et des amendes ; si cette dernière s'est donc constituée, le MP n'est plus habilité à le citer. Par ailleurs, le greffier ne peut faire citer la partie civile que si celle-ci s'est constituée. Le Code judiciaire militaire dispose quant à ce que lorsque la juridiction militaire est saisie, la partie lésée par le fait incriminé peut la saisir de l'action en réparation en se constituant partie civile. La constitution de la partie civile peut intervenir à tout moment de l'instance, depuis la saisine de la juridiction militaire jusqu'à la clôture des débats, par une déclaration reçue au greffe ou faite à l'audience, et dont il est donné acte au requérant. En cas de déclaration au greffe, celui-ci en avise les parties intéressées.49(*)

Pour ce qui est des modalités de signification de la citation, l'article 324 du Code judiciaire militaire indique que qu'elle est faite régulièrement à personne. Ce qui veut dire à ce niveau que le militaire, bien qu'appartenant à une unité et vivant dans une caserne, ne peut être prioritairement notifié par son commandant d'unité ou son commandant de camps.

En effet, si les citations, assignations et notifications ne peuvent être faites à personne, les règles ci-après sont appliquées. S'il s'agit d'un militaire en état d'absence irrégulière, la citation ou notification est faite au Commandant d'unité ; la copie de l'acte lui est remise sous pli fermé, ne portant d'autres indications que les noms, le grade et l'unité du destinataire de l'acte. Quel que soit le destinataire d'un acte, s'il n'a pas de domicile connu, ou s'il réside à l'étranger, les citations, assignations et notifications sont faites au Parquet Militaire près la juridiction militaire saisie. Le Ministère Public vise l'original de l'acte et envoie, le cas échéant, la copie à toutes les autorités intéressées de qui dépend le militaire.

Cependant, lorsque la décision à notifier est susceptible d'une voie de recours, le procès-verbal doit mentionner, le cas échéant, la date et l'heure auxquelles le recours est formé.

Quand aux mentions que doit contenir la citation à comparaître à délivrer au prévenu, l'article 319 du code sous examen dispose qu'elle mentionne les nom et qualité de l'autorité requérante ; se réfère à la décision de renvoi ou de traduction directe et à l'extrait de rôle de la juridiction militaire saisie, lequel précise les lieu, date et heure de l'audience ; énonce la prévention, indique le texte de loi applicable ainsi que les noms des témoins et experts que le Ministère Public se propose de faire entendre ; l'avertit qu'il doit notifier au Ministère Public avant l'audience, par déclaration au greffe, la liste des témoins qu'il propose de faire entendre. Elle est datée et signée.

De l'analyse de ces dispositions, nous pouvons affirmer que les justiciables des juridictions militaires, qu'il s'agisse des membres des forces armées ou non, ne peuvent nullement être signifié au domicile. La seule modalité envisagée pour les atteindre est de passer par eux seuls. A défaut de les atteindre, alors auprès du commandant de l'unité à laquelle ils appartiennent et le cas échéant au Parquet Militaire près la juridiction militaire saisie.

Mais, l'article 323 du Code judiciaire militaire envisage la possibilité de l'absence du destinataire à son domicile. Dans ce cas, un procès verbal doit être dressé si la durée de l'absence est indéterminée ou est telle que la notification ne puisse être faite dans les délais mentionnés à l'article 319 du même code. Lorsque les renseignements ont pu être recueillis sur le lieu où réside le destinataire, ceux-ci sont consignés au procès-verbal d'absence. A défaut de renseignements utiles, le Ministère Public peut requérir tous agents de la force publique de procéder à des recherches en vue de découvrir l'adresse de l'intéressé.

Les agents de la force publique dressent, dans les formes ordinaires, procès-verbal des diligences requises, même si elles sont restées infructueuses. Les procès-verbaux, accompagnés d'une copie certifiée conforme, sont transmis au Ministère Public.

Comme pour l'essentiel des actes juridictionnels, les citations à prévenu ont aussi un délai au-delà duquel la signification serait irrégulière. Lorsque les délais sont insuffisants, la citation n'est pas pour autant nulle nécessairement ; elle produit certains effets notamment la mise en demeure et l'interruption de la prescription ; mais, le tribunal demeure non saisi lorsque le prévenu y fait exception. Cette dernière trouve son fondement dans l'article 28 du Code de procédure civile qui veut qu'il ne puisse y avoir nullité d'un acte de procédure que lorsque la partie qui la sollicite détermine en quoi cet acte lui cause préjudice. D'où la formulation, pas de nullité sans grief.

Le délai entre le jour où la citation à comparaître est délivrée au prévenu et le jour fixé pour sa comparution est de deux jours francs au moins. En temps de guerre, ce délai est réduit à trois heures. Aucun délai de distance ne s'ajoute aux délais précités. Tel est le prescrit de l'article 320 du Code judiciaire militaire.

Il sied alors de constater que cette diminution de délai devant les juridictions militaires procède d'une volonté manifeste de rencontrer la célérité, un des attributs de la justice militaire. Toutefois, cette réduction de délai n'emporte pas seulement des avantages. Elle ne permet pas au prévenu de préparer efficacement sa défense.

Tous points considérés, le juge militaire peut être saisi par la traduction directe et la décision de renvoi. Par la traduction directe, on fait allusion à la décision par laquelle l'auditeur militaire saisit le juge dans une procédure de flagrance. L'auditeur militaire décide de déférer directement le militaire devant le juge et cela sans passer par les formalités de l'instruction préparatoire. Ces situations arrivent le plus souvent lorsque les militaires sont engagés sur le théâtre des combats. C'est donc la modalité principale de saisine de la cour militaire opérationnelle.

La décision de renvoi quand à elle fait référence aux poursuites engagée par l'auditeur militaire au terme de l'instruction préparatoire de l'auditorat. Cependant, il convient de constater que le juge militaire n'est pas seulement saisi par la décision de renvoi ou par la traduction directe. Il peut également être saisi de manière extraordinaire par comparution volontaire et la saisine d'office.

* 41 BAYONA, BAMEA, Cours de procédure pénale, 2e graduat, Droit, UNIKIN, 1975-1976, p.15.

* 42 KISAKA Kia-NGOY, Procédure pénale, Cours, Deuxe graduat, Droit, UNIKIN, 1985-1986, p.76.

* 43 Ibidem.

* 44 LIKULIA BOLONGO, Op.cit, p.25.

* 45 MUTATA LUABA, Laurent, Op.cit, p.6.

* 46 LE PETIT LAROUSSE, Le petit Larousse illustré 2010, Paris, Editions Larousse, 2009, V°1024.

* 47 YOKA MAMPUNGA, Jean-Jacques, Codes congolais de procédure pénale, Kinshasa, Editions YOKA, 1999, p.128.

* 48 Telle est la position de la Cour Suprême de Justice dans son arrêt RPA 27, du 25 Juillet 1974, BA 1975, p.166.

* 49 Article 226 du Code judiciaire militaire.

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery