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De la saisine des juridictions militaires au regard de l'absence de la procédure de citation directe en procédure pénale militaire de la RDC

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par Etienne MBUNSU BINDU Etienne
Université libre des pays des grands lacs RDC - Licence 2010
  

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CHAPITRE II. LES PERSPECTIVES DE LEGE FERENDA RELATIVE A LA CITATION DIRECTE EN MATIERE DE JUSTICE MILITAIRE

La justice militaire est un des services publics de l'Etat qui sert à aider le commandement à maintenir l'ordre et la discipline dans les rangs. Mais en tant que service public du secteur de la justice, elle a ses propres règles d'organisation et de compétence.

Pour ce qui est de son organisation et de sa compétence, la loi n° 023/2002 du 18 novembre 2002 portant Code judiciaire militaire définit l'organisation et la compétence des juridictions militaires.

Cependant, il ne suffit pas simplement de poser des règles d'organisation et de fonctionnement pour que le service public de la justice puisse correctement fonctionner. Encore faut-il que les administrés, principaux destinataires de ce service, puisse y accéder facilement.

C'est ainsi que le législateur congolais institue les modalités de saisine des juridictions militaires. Il instaure à cet effet la traduction directe, la décision de renvoi émanant de l'Auditeur Militaire près la juridiction compétente, la comparution volontaire ainsi que la saisine d'office.

Toutefois, il convient de remarquer que toutes ces modalités de saisine des juridictions militaires ne répondent qu'à une philosophie, celle qui consiste à considérer la justice militaire comme simplement un bâton du commandement.54(*) Or, considérer la justice militaire comme simplement un bâton de commandement pousse à affirmer que la justice militaire ne poursuit qu'un seul objectif, celui de répondre aux ordres de la hiérarchie militaire.

Ce qui, au regard de l'histoire de la RDC, n'a été valable que pendant un temps bien déterminé. C'est celle de la dictature. Alors que la Constitution de la troise République proclame l'Etat de droit en RDC et que la réforme en cours dans l'armée, enclenchée depuis la promulgation de la loi n° 023/2002 du 18 Novembre 2002 portant Code judiciaire militaire ainsi que la loi n°024/2002 du 18 Novembre 2002 portant Code pénal militaire, prennent en considération l'humanisation de la personne du militaire et de la procédure à lui appliquer en cas de faute. C'est la consécration de la notion des droits de l'homme dans l'armée.

Les droits de l'homme constituent l'achèvement de valeurs et de principes généraux et l'aboutissement d'une évolution inscrite dans l'histoire de la philosophie, dans laquelle ils puisent en premier lieu leurs racines. Mais ils sont aussi une conquête et le résultat d'un processus politique historique.

L'idée de droits de l'homme, riche en développements, demeure au départ simple : celle des facultés d'agir reconnues à chaque individu (et, par extension éventuelle, à des groupes d'individus), antérieurement à et au-dessus de toute institution publique ou privée. Le seul énoncé de cette rapide définition fait clairement ressortir les fondements philosophiques principaux du concept, par contraste d'ailleurs, ou en complémentarité, de la définition plus théorique des droits fondamentaux. En toute hypothèse, une telle approche suppose l'admission d'un certain nombre de postulats.55(*)

En effet, comment imaginer les droits de l'homme dans un Etat où des inégalités subsistent toujours entre les citoyens ? Comment parler d'un Etat de droit de surcroît alors que les libertés fondamentales consacrées par la constitution ne sont pas respectées. Comment dire que la justice militaire est un service public de l'Etat alors que les justiciables, prioritairement les victimes, sont interdits de voir directement le juge et de lui demander la décision de sa compétence.

C'est autour de ces disparités que nous consacrons l'essentiel de notre second chapitre en essayant d'analyser la possibilité de reconnaître de lege ferenda aux justiciables des juridictions militaires le droit de voir directement le juge au lieu de subordonner toujours l'action publique à une éventuelle instruction préparatoire qui peut ne pas aboutir à un procès.

Ainsi donc, nous analyserons dans la première section la citation directe face aux vertus de la justice dans un Etat de droit. Dans la seconde section par contre, nous parlerons de la nécessité de la consécration de la citation directe en droit judiciaire militaire.

Section I. LA CITATION DIRECTE FACE AUX VERTUS DE LA JUSTICE DANS UN ETAT DE DROIT

Le droit pénal détermine les infractions et les peines applicables aux auteurs de ces infractions. Toutes les infractions et toutes leurs peines prévues dans ce pays doivent au préalable être déterminées par la loi pénale. Ainsi donc, le principe de la légalité criminelle est sans nul doute le principe le plus fondamental du droit pénal.

La procédure pénale militaire quant à elle prévoit les règles à suivre pour rechercher les infractions déterminées par le droit pénal militaire, arrêter leurs auteurs, poser les actes d'instruction, poursuivre ces auteurs devant les cours et tribunaux jusqu'à l'obtention des décisions judiciaires et enfin mettre ces dernières en exécution.

Ainsi donc, pour éviter que les individus ne recourent à la vengeance privée, le constituant a institué des organes destinés à assurer de manière efficace la répression de toutes les infractions commises sur le territoire national car la voie de la justice privée ou de la justice informelle est très dangereuse pour le développement et la sécurité d'une nation.

Ainsi que l'indique Bayona ba-Mea,56(*) les règles de procédure pénale viennent à coup sûr faire éviter ces dérapages horribles et fameux car elles viennent humaniser l'être humain, si criminel soit-il. Au niveau des relations entre l'individu et la société, la procédure pénale apparaît comme le thermomètre de la température démocratique d'un Etat car c'est l'expression vivante des libertés publiques reconnues par l'Etat aux individus.

Là où l'Etat brime l'individu, fait observer la doctrine,57(*)l'on constate que le déroulement du procès est rapide et secret ; l'on constate également que les pouvoirs excessifs sont accordés aux magistrats qui n'agissent que pour le seul intérêt, non de la loi mais du pouvoir établi en place. L'on observe encore que la fonction juridictionnelle est placée entièrement sous la dépendance de l'Exécutif. L'on remarque enfin que les arrestations, les détentions ainsi que les enlèvements arbitraires et massifs se font quotidiennement. Tout celui qui détient une parcelle du pouvoir politique ou militaire se sent habilité à arrêter et à détenir, à donner des ordres, si lui ne peut pour faire arrêter ou pour faire détenir n'importe qui, n'importe comment, n'importe quand, n'importe où et n'importe pourquoi. Bref, tout est orienté vers une répression exemplaire, prompte et sanglante pour ainsi éviter que les dirigés aient voix au chapitre.

Tout ceci aboutit au dépérissement de l'Etat et de toutes ses institutions ou du moins, l'Etat et toutes ses institutions deviennent les armes d'oppression entre les mains des dirigeants contre les dirigés. C'est la caractéristique essentielle de ce qu'on ne peut hésiter de qualifier Etat jungle. Par contre, dans un Etat respectueux de l'individu et ses droits ainsi que de toutes les lois, la justice est au dessus de tout le monde. L'appareil judiciaire est réellement indépendant des autres pouvoirs de l'Etat.58(*)

L'Etat de droit privilégie donc le mode juridictionnel de règlement des conflits ; lequel se caractérise par l'intervention en qualité du juge d'une tierce partie investie de la fonction de dire le droit, de trancher les litiges en prenant des décisions qui s'imposent aux parties en conflit, au besoin par la force de la contrainte publique.59(*)

C'est donc dans cet effort de rendre effectif l'idéal d'un Etat de droit en RDC que le législateur congolais s'est rangé derrière le constituant pour humaniser le droit pénal militaire. C'est d'ailleurs la vision du législateur congolais de la loi portant Code pénal militaire.

Dans cette vision, l'important reste certes de se servir de la justice militaire comme bâton de commandement, mais encore de l'utiliser dans le rétablissement des équilibres sociaux. Il s'agit donc de passer d'un juge simplement de discipline à un juge certes de discipline mais aussi de liberté.

La liberté, comme le dit la Constitution de la RDC, est un droit fondamental pour tous les citoyens. C'est au nom de celle-ci que les individus agissent et c'est également au nom de la liberté que la justice existe dans le but principal de sauvegarder les libertés des uns face à celles des autres.

C'est toujours au nom de la liberté, mais aussi de l'égalité que tous les citoyens ont le droit, une fois leurs droits violés, de saisir le juge enfin qu'il puisse prendre une décision de sa compétence les remettant dans leurs droits. Cette revendication peut être directement ou indirectement adressée au juge. Directement elle est faite par citation directe et indirectement par le parquet.

Voilà pourquoi, prenant en compte l'idéal de la RDC, celui de devenir un Etat de droit, nous nous proposons d'analyser tour à tour les arguments en faveur de la citation directe : La citation directe comme traduction du principe de libre accès au prétoire ainsi que les désavantages de la citation directe en droit commun.

Paragraphe 1. La citation directe comme traduction du principe de libre accès au prétoire

La citation a été instituée au profit des parties civiles pour ainsi contourner les manoeuvres dilatoires des parquets. Les articles 54 alinéa 2 et 56 alinéa 2 du Code de procédure pénale proclament clairement et sans ambages le droit qui appartient à la partie lésée de faire citer le prévenu ou le civilement responsable ; l'article 56 alinéa 2 sus mentionné prévoit aussi la citation directe du prévenu contre la partie lésée ou contre les éventuels coprévenus qu'il a intérêt à ce qu'ils soient entendus.

On entend par citation directe, indique Yoka Mampunga, celle intentée par la partie civile directement contre le prévenu et éventuellement contre les co-prévenus. Par contre, celle du prévenu contre la partie civile qui l'a cité ou qui s'est constituée en cours d'instance se dénomme « citation pour action téméraire et vexatoire ».60(*) Il conviendra de noter que la citation de la partie civile est dite « citation directe » car cette dernière n'est pas passée par le truchement du parquet pour que celui-ci mène une instruction préparatoire avant les poursuites devant les cours et tribunaux ; elle a directement, elle-même, saisi les juridictions répressives compétentes pour connaître de son affaire qui l'oppose au prévenu.

Pour que la citation directe soit recevable devant les juridictions répressives, il faut tout d'abord, les fais infractionnels qui ont victimisé la partie civile doivent être établis. C'est pourquoi cette dernière est tenue d'indiquer dans sa citation directe ces faits infractionnels, le lieu et la date de leur commission ainsi que le préjudice que ces faits lui ont causé. Elle doit également évaluer provisoirement ce préjudice. Il doit enfin y avoir un lien de cause à effet entre les faits infractionnels et le préjudice qu'elle prétend avoir subi.61(*)

Au regard de cette définition de la citation directe, nous devons constater qu'elle constitue une des libertés fondamentales que le constituant a reconnu à l'ensemble du peuple, celle d'avoir un libre accès au prétoire. Ce principe découle essentiellement de la constitution du 18 Février 2006 mais aussi du droit administratif. Ce dernier considère en effet la justice comme un des services publics de l'Etat, de surcroît le service public par excellence car sur elle repose le sort de tout le pays.62(*)

Parmi donc les principes qui gouvernent le service public, il y a celui de l'égalité des citoyens devant les services publics de l'Etat. Ce principe entraîne, selon René Chapus, trois conséquences majeures : il impose l'égalité d'accès aux emplois publics, sans discrimination en raison particulièrement des opinions politiques du candidat. Il impose ensuite l'égalité de traitement des fonctionnaires membres du même corps et se manifeste encore en ce qui concerne l'égalité des usagers des services publics. Pour ce qui est des discriminations relatives aux possibilités de bénéficier des prestations du service, on peut faire état de la censure d'une inégalité dans la détermination des journaux bénéficiaires de l'information municipale.63(*)

De ce principe, nous pouvons affirmer que tous les citoyens étant libres et égaux devant les services publics de l'Etat, on ne saurait interdire alors aux justiciables de saisir directement le tribunal, un des services publics de l'Etat. Alors que les personnes civiles peuvent saisir directement leur juge naturel, il ne se justifierait donc pas que les militaires et toutes les personnes justiciables des juridictions militaires ne puissent, en ce qui les concerne, avoir le droit de saisir directement leur juge naturel.

Disons en outre que ce principe d'égalité des usagers devant le service public tient du fait que les usagers du service public de la justice sont égaux en droit et en dignité et méritent une égale protection de la loi.64(*) C'est ce qui ouvre pratiquement la voie à ce dernier principe, celui du libre accès au prétoire. Quid alors de ce principe du droit d'accès au juge sans entrave ni discrimination ?

1. Portée du droit d'accès au juge

Aux termes de l'article 5 de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale de 1965, la RDC s'engage, au même titre que les autres Etats parties, à garantir le droit de chacun devant la loi, sans distinction de race, de couleur ou d'origine nationale ou ethnique, notamment dans la jouissance des droits suivants : a) droit au traitement égal devant les tribunaux et tout autre organe administrant la justice,... L'Etat qui n'accorde pas aux ressortissants étrangers une protection juridictionnelle manque à une obligation qui a longtemps été coutumière et qui est devenue conventionnelle, et il commet un déni de justice entraînant sa responsabilité internationale65(*).

Dans l'ordonnancement juridique interne congolais, cette obligation s'est donc traduite par les articles 11 et 12 de la Constitution du 18 Février 2006 qui accordent le droit d'action à toute personne sans distinction de nature ou de nationalité et cela par leurs dispositions qui font de tous les êtres humains libres et égaux en droit et en dignité. L'absence de discrimination entre les citoyens congolais et les ressortissants étrangers est illustrée par l'absence de l'exigence du versement par le plaideur étranger d'une caution judicatum solvi, conformément à l'article 17 de la Convention de La Haye de 1954 relative à la procédure civile.

* 54 MBUNSU BINDU, Etienne, Op.cit, p.43-44.

* 55 FAVOREU, Louis et alii, Droit des libertés fondamentales, 3e édition, Paris, Dalloz, 2005, p.15.

* 56 BAYONA, ba-MEA, Op.cit, p.15.

* 57 MBUNSU BINDU, Etienne, Op.cit, p.35.

* 58 Articles 149 de la Constitution de la RDC du 18 Février 2006.

* 59 AKELE ADAU, Pierre, Op.cit, p.19.

* 60 YOKA MAMPUNGA, Jean Jacques, Op.cit, p128.

* 61 KILALA Pene-AMUNA, Gabriel, Op.cit, p.555-558.

* 62 Art 11 et 12 de la Constitution de la RDC du 18 Février 2006.

* 63 CHAPUS, René, Droit administratif général, Tome 1, 15e édition, Paris, Montchrestien, 2001, p.613-614.

* 64 Art 12 de la Constitution de la RDC du 18 Février 2006.

* 65 N. Quoc Dinh, P. Daillier et A. Pellet, Droit international public, Paris, L.G.D.J., 1999, n°464, p.751.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille