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La Cour de Justice de la CEDEAO à  l'épreuve de la protection des Droits de l'Homme

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par Thierno KANE
Université Gaston Berger de Saint- Louis Sénégal - Maitrises en sciences juridiques  2012
  

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B. Le caractère incertain de l'exécution des décisions de la Cour

Nous sommes convaincus que la bonne foi et la volonté des Etats constituent les gages d'une protection effective des droits de l'homme. Cependant au-delà de cet aspect, il y a lieu de s'interroger si les pouvoirs du juge et l'armature institutionnelle telle qu'aménagée sont de nature à permettre une protection plus efficace des droits de l'homme. La première interrogation consiste à se demander si la Haute cour de justice dispose de moyens coercitifs ou de pouvoirs d'injonction pour un respect plus scrupuleux de ses arrêts. Faute de « police générale » et en raison du caractère déclaratoire de ses décisions, la Cour de céans n'a aucune emprise sur les Etats ni aucun moyen coercitif pour s'assurer de la bonne exécution de ses arrêts. Le juge communautaire ne serait alors qu'un aiguilleur laissant la latitude aux Etats qui risque d'affadir selon leur humeur les bonnes intentions affichées. Les Etats ont certes, l'obligation d'exécuter les décisions rendues par la Cour, mais l'exécution des arrêts est subordonnée à la bonne volonté des Etats parties qui ont été condamnés.Cette marge d'appréciation laissée aux Etats peut altérer l'application des décisions de la Cour. Certains Etats peuvent refuser systématiquement d'exécuter les décisions ainsi rendues, d'autres peuvent se complaire dans une exécution partielle en se parant de subterfuges pour échapper à une exécution totale. Tel est le cas dans l'arrêt Isabelle ManaviAmeganvi et Autres contre Etat du Togo du 7 octobre 2011. Dans cette affaire, les autorités nationales togolaises ont estimé que le juge communautaire n'a point parlé d'une réintégration des députés mais d'une réparation en valeur vénale. Pourtant dans sa décision, le juge malgré les critiques qu'on peut lui reprocher dans cet arrêt a affirmé que « les députés n'avaient jamais régulièrement exprimé leur volonté de démissionner ». Donc ce qui signifie aux yeux de la Cour « qu'il y a violation par l'Etat du Togo du droit fondamental des requérants à être entendu tel que prévu aux articles 10 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et 7 de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples ». En effet, en matière de protection des Droits humains, la réparation d'un droit violé exige que la victime soit complètement rétablie dans ses droits, c'est-à-dire qu'elle soit placée « in statu quo ante », en d'autres termes, dans l'état où les choses étaient auparavant. Cela suppose donc le rétablissement de la situation préexistante, et dans le cas d'espèce que les Neuf (09) députés exclus doivent être mis dans les conditions d'être entendus sur leur prétendue démission, d'où leur retour à l'Assemblée Nationale qui s'impose a priori143(*). Cette exécution partielle de la décision de la haute cour de justice communautaire est la preuve d'une mauvaise foi de certains Etats caractérisée par le refus de se soumettre totalement. Le manque de volonté de certains Etats, à respecter les arrêts de la Cour pour une meilleure garantie des droits de l'homme semble remettre en question la pertinence de la protection des droits de l'homme par la CJ CEDEAO. Certes, les textes prévoient une panoplie de sanctions qui peuvent aller même jusqu'à l'exclusion de la CEDEAO d'un Etat qui n'exécute pas la décision de la Cour. Des sanctions politiques (mise à l'écart de la CEDEAO) qui viennent appuyer la force des décisions rendues au plan juridictionnel. Mais on voit mal l'exclusion d'un Etat de l'organisation du seul fait qu'il n'a respecté une décision de la Cour (on le rappelle encore l'objectif premier de la CEDEAO n'est pas la garantie des droits de l'homme mais l'intégration économique).

La deuxième question renvoie à l'existence d'un organe de suivi chargé de vérifier si l'Etat incriminé à honorer ses engagements ou non. Une réponse négative s'impose à ce niveau. En effet d'après la législation communautaire, il appartient à l'Etat de tirer les conséquences d'une décision de justice. Or, une telle marge de manoeuvre peut susciter des suspicions de la part des citoyens de la manière dont l'Etat s'acquitte de ses obligations. Rien ne garantit à la Cour dans l'esprit et la lettre de son arrêt, qu'elle a été suivie. L'utilisation individualisée d'un pouvoir d'enquête confié à un organe indépendant de la Cour permettrait à cet effet de demander à chaque Etat membre de la CEDEAO incriminé de fournir des explications sur la manière dont il applique les décisions de la justice communautaire.

En outre, il faut relever qu'au sein de certaines communautés interétatiques, les textes régissant les Cours de Justice ont indiqué la manière d'exécuter ce genre de condamnation. Il en est ainsi en ce qui concerne la Cour EDH selon l'article 50 de la CEDH « Si la décision de la Cour déclare qu'une décision prise ou une mesure ordonnée par une autorité judiciaire ou toute autre autorité d'une partie contractante se trouve entièrement ou partiellement en opposition avec des obligations découlant de la présente Convention, et si le droit interne de ladite partie ne permet qu'imparfaitement d'effacer les conséquences de cette décision ou de cette mesure, la décision de la Cour accorde, s'il y a lieu, à la partie lésée, une satisfaction équitable ». Les Etats membres de la CEDEAO n'ont pas prévu de pareille disposition dans les protocoles régissant la Cour de Justice. Les parties peuvent, dans ces conditions, s'accorder librement sur la façon de réparer en nature les conséquences politiques des violations. Notons cependant que ce tempérament dans l'exécution des arrêts des juridictions internationales n'est pas l'apanage exclusif des Etats africains. Le mécanisme de protection des droits de l'homme très élaboré n'empêche cependant pas que dans certains cas certaines caractéristiques des relations internationales144(*)

Les considérations qui précèdent montrent que cette garantie juridictionnelle des droits de l'homme n'est pas encore tout à fait effective. La première critique tient d'abord à des facteurs endogènes (surabondance des textes de référence, modicité des moyens d'exécution etc.) qui ont pour conséquence d'affaiblir le contrôle juridictionnel des droits de l'homme. La deuxième critique est liée à des facteurs exogènes. Il s'agit du comportement peu élégant des justiciables étatiques qui refusent manifestent de se plier à l'autorité de la Cour et à honorer leurs engagements relativement à l'exécution de ses arrêts.

Afin de dissiper les incohérences et corriger ainsi les insuffisances d'ordre factuel relevé, il devient nécessaire d'optimiser la protection juridictionnelle des droits de l'homme assuré par la Cour de justice de la CEDEAO

* 143La Cour.EDH a ainsi clairement affirmé dans l'affaire Papamichalopoulosqu'« un arrêt constatant une violation entraîne pour l'Etat défendeur l'obligation juridique au regard de la Convention de mettre un terme à la violation et d'en effacer les conséquences de manière à rétablir autant que faire se peut la situation antérieure à celle-ci »Papamichalopoulos et autres c/ Grèce (article 50) du 31 octobre 1995

* 144 Lire à ce propos J. MOURGEON, Les droits de l'homme, PUF, « Que sais-je ? » n1728, 1996. L'auteur note à la page 10 que « le pouvoir est simultanément le pourvoyeur et le fossoyeur des droits de l'homme ».

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery