WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

La Cour de Justice de la CEDEAO à  l'épreuve de la protection des Droits de l'Homme

( Télécharger le fichier original )
par Thierno KANE
Université Gaston Berger de Saint- Louis Sénégal - Maitrises en sciences juridiques  2012
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

B. La définition des modalités d'une application satisfaisante des décisions

En dépit du caractère déclaratoire de ses arrêts et de l'absence d'un pouvoir d'injonction, la Cour de justice de la CEDEAO se doit de préciser plus clairement la portée de ses arrêts en vue d'en faciliter l'exécution. Elle pourrait sous ce rapport indiquer la meilleure forme de réparation ou alors en posant une alternative à l'Etat. En effet, il est important pour éviter une diversité d'interprétation que la Cour de justice de la CEDEAO soit plus précise dans les arrêts qu'elle rende. En effet malgré que les Etats aient acceptés que leurs citoyens puissent s'adresser directement au juge communautaire, il ne faut pas perdre de vue qu'ils ne sont pas encore des démocraties mais en transition démocratique. Sous ce rapport, les juges d'Abuja sont invités à produire une jurisprudence claire et exemplaire dénuée de toute ambigüité. La Cour doit s'efforcer d'indiquer plus explicitement et plus précisément les enseignements généraux qui découlent de ses arrêts, dans le but d'éviter des violations répétitives.

A l'égard des Etats coupables d'avoir violé des droits de l'homme, la Cour de céans se montre souvent, assez « réservée » (peut-être c'est dans le but de ne pas froisser la susceptibilité de ces Etats). Elle n'indique très rarement les conséquences de violations constatées (contrairementà d'autres juridictions internationales ou au Comité des droitsde l'homme des Nations Unies), sauf dans l'hypothèse un peutrop banalisée de l'octroi de dommages et intérêts. La Cour de Justice de la CEDEAO saisie d'une requête introduite par Neuf (09) anciens députés de l'Union des Forces de Changement (UFC) exclus de l'Assemblée Nationale, constate la violation, par l'Etat togolais, d'une liberté fondamentale des requérants, notamment le droit d'être entendu, prévu par les articles 10 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et 7 de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples.155(*)Elle note en effet que les députés n'ont jamais exprimé leur volonté de démissionner de l'Assemblée Nationale. Par conséquent, l'Etat Togolais doit réparer le préjudice et allouer des dommages et intérêts aux victimes. Les autorités togolaises tirant prétexte du « flou artistique » de la décision de la Cour ont refusé  la réintégration des députés déchus à l'hémicycle. Elles estiment en effet que la Cour de justice communautaire n'a point parlé de réintégration mais de réparation (compris seulement comme étant l'octroi de dommages-intérêt fixés à trois (3) million de francs CFA). Les requérants semblent même être en phase avec le défendeur. Ils ont introduit une demande en révision dont le but est d'amener la juridiction communautaire de « remédier à l'omission qu'elle en a faite sur le chef de demande relatif à leur réintégration à l'hémicycle »156(*).

Une telle interprétation pouvait être évitée si le juge communautaire avait pris le soin de dire ce qu'il voulait dire en des termes plus simples. En matière de protection des Droits humains, la réparation d'un droit violé exige que la victime soit complètement rétablie dans ses droits, c'est-à-dire qu'elle soit placée « in statu quo ante », en d'autres termes, dans l'état où les choses étaient auparavant. Cela suppose donc le rétablissement de la situation préexistante, et dans le casd'espèce que les Neuf (09) députés exclus doivent être mis dans les conditions d'êtreentendus sur leur prétendue démission, d'où leur retour à l'Assemblée Nationale quis'impose a priori. Elle suit en cela le régime de la responsabilité internationale ; l'engagement de la responsabilité entraîne trois obligations : l'obligation de cessation de l'illicite, l'obligation de réparation (effacer les conséquences passées du fait internationalement illicite), enfin l'obligation d'éviter des violations semblables (obligation de non-répétition de l'illicite).

Au sein de certaines communautés interétatiques, les textes régissant les Cours de Justice ont indiqué la manière d'exécuter ce genre de condamnation. Il en est ainsi en ce qui concerne la Cour Européenne des Droits de l'Homme, de l'article 50 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « Si la décision de la Cour déclare qu'une décision prise ou une mesure ordonnée par une autorité judiciaire ou toute autre autorité d'une partie contractante se trouve entièrement ou partiellement en opposition avec des obligations découlant de la présente Convention, et si le droit interne de ladite partie ne permet qu'imparfaitement d'effacer les conséquences de cette décision ou de cette mesure, la décision de la Cour accorde, s'il y a lieu, à la partie lésée, une satisfaction équitable ». Les Etats membres de la CEDEAO n'ont pas prévu de pareille disposition dans les protocoles régissant la Cour de Justice. Les parties peuvent, dans ces conditions, s'accorder librement sur la façon de réparer en nature les conséquences politiques des violations. Il faut pallier à cette carence en prévoyant dans le système normatif la satisfaction équitable. Par contre, il faut saluer l'audace dont elle fait montre dans certaines décisions. On peut à ce titre citer l'affaire Hissein Habré contre Etat du Sénégal et Mamadou Tandja contre Etat du Niger et l'affaire ChiefEbrimahManneh.

D'autre part, on ne dira jamais assez que l'information sur les arrêts de la Cour et leur traduction est, le plus souvent, mal assurée. Comment veut-on, dans ces conditions, que les juridictions nationales, à tous les niveaux, tiennent véritablement compte du droit de la CEDEAO? Il faudrait satisfaire ce besoin par un bulletin régulier sur les enseignements des arrêts de la Cour. De tels procédés devraient être généralisés. Ceci est important, mais n'incombe pas directement à la Cour, sauf à l'inciter à avoir une jurisprudence encore plus claire et exemplaire.

Dans le nouvel ordre juridique communautaire intégré de la CEDEAO, la Cour d'Abuja doit s'affirmer en invitant les Etats membres à exécuter totalement et de bonne foi ses décisions.

Mais c'est surtout au plan opérationnel qu'il faut déployer les efforts.

* 155 CJ CEDEAO Isabelle ManaviAmeganvi et Autres contre Etat du Togo du 7 octobre 2011. La décision est ainsi libellée dans son dispositif ; par ces motifs... ; Au fond Dit qu'il y a violation par l'Etat du Togo du droit fondamental des requérants à être entendu tel que prévu aux articles 10 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et 7 de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples. En conséquence, ordonne à l'Etat du Togo de réparer la violation des droits de l'Homme des requérants et à payer à chacun le montant de Trois Millions (3.000.000) Francs CFA.

* 156 CJ CEDEAO Isabelle ManaviAmeganvi et Autres contre Etat du Togo 13 mars 2012

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery