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La Constitution à  l'épreuve des accords politiques dans le nouveau constitutionnalisme africain


par Pihame BARBAKOUA
Université de Lomé Togo - Diplôme d'études approfondies en droit public fondamental 2008
  

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B : Un mépris vis-à-vis des droits de l'homme

L'un des acquis fondamentaux du nouveau constitutionnalisme est, sans nul doute, sa générosité à l'égard des droits de l'homme. En effet, les constitutions africaines de 1990 ont eu le mérite de proclamer les droits et libertés fondamentaux des citoyens et surtout, de mettre sur pied un arsenal de mécanismes pour en garantir le respect. Au rang de ces droits et libertés, figurent en bonne place les libertés politiques auxquelles s'en prennent sérieusement les accords politiques. Il s'agit essentiellement de la violation du droit des citoyens de choisir leurs dirigeants (1) et de celui de certains citoyens de postuler à être dirigeants (2).

1 : La violation du droit des citoyens de choisir leurs dirigeants

En matière de la gestion des affaires publiques, Montesquieu ne reconnaissait aux citoyens que la capacité de choisir leurs représentants par l'exercice de leur droit

105 Voir GONIDEC (P.-F.), Les systèmes politiques africains, Paris, Vançon, 1978.

106 KPODAR (A.), « Politique et ordre juridique : Les problèmes constitutionnels posés par l'accord de Linas Marcoussis de 23javier 2003 » op.cit, p.2522.

107 Idem, p.2521.

108 BOURGI (A.), cité par KPODAR (A.), « Politique et ordre juridique... » op.cit., p.2521.

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du suffrage109. Ce palliatif aux difficultés matérielles de la démocratie directe trouve sa source essentiellement dans la théorie du contrat social110 chère à ROUSSEAU. En effet, les gouvernants ne peuvent gouverner que parce qu'ils ont la légitimité des urnes, c'est-à-dire qu'ils ont été choisis par les citoyens ; et ces derniers n'obéissent que parce qu'ils ont consenti à être gouvernés par ceux qu'ils ont choisis.

Cette réalité incontournable du régime représentatif est purement et simplement méconnue par les accords politiques et ceci selon deux cas de figure.

La première figure est tirée des précédents du Kenya et du Zimbabwe. Dans ce cas, il est fait appel au peuple pour choisir ces représentants (à savoir le président de la République et les parlementaires). Vers la fin du processus électoral, la crise éclate, suite à la contestation de la transparence des élections et donc de la validité des résultats. Comme solution à la crise, des accords sont intervenus entre les belligérants sous la pression de la communauté internationale, lesquels accords ballaient du revers de la main tout le processus électoral et instituent un régime de transition au mépris du droit des citoyens à choisir leurs dirigeants.111

La seconde figure est celle de la Côte d'Ivoire où une « guirlande » d'accords ont gracieusement offert à l'ex Président Laurent GBAGBO, presque une demi-décennie de règne (2005-2010)112, au grand dam du droit des citoyens qui pourtant sont obligés de se soumettre113. La logique du contrat social est définitivement rompue.

Par ailleurs, de façon plus globale, le droit du peuple à se doter d'une constitution, d'une loi fondamentale qui régirait la vie en société, les rapports entre gouvernants et gouvernés passent sous la bannière de l'accord politique. Les citoyens perdent automatiquement leur droit de contrôler la gestion des affaires publiques, et le principe de participation du citoyen agonise, sinon disparaît.

109 Variable interne du principe du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, le pouvoir du suffrage est en réalité la manifestation du principe de participation à travers lequel le peuple exerce sa souveraineté. Voir à ce propos LOADA (A.), « La limitation... », op.cit, pp.153 et suiv. COULIBALEY (B.), « Le pouvoir du suffrage dans le nouveau constitutionnalisme africain » ; Annales de l'Université du Benin, 1997-1998, p.122 et suiv.

110 En philosophie politique le contrat social désigne l'accord par lequel les êtres humains décident de quitter un état de nature originel pour former une collectivité politiquement organisé. Par extension le terme est employé pour désigner les principes qui justifient le consentement des gouvernés au pouvoir des gouvernants. Voir NAY (O.), MICHEL (J.) et ROGER (A.), Dictionnaire de la pensée politique, Paris, Armand Colin, p.37

111 Les élections présidentielles de 2010 en Côte d'Ivoire ont failli emprunter cette voie.

112 Nous estimons que constitutionnellement le mandat de LAURENT GBAGBO devrait prendre fin en 2005.

113 Or, c'est à travers les élections que le peuple exerce son contrôle sur la gestion des affaires par les élus.

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Emmanuel SIEYES peut alors s'écrier : « c'est révoltant, c'est monstrueux. La volonté du peuple exprimée dans la constitution est bafouée »114.

Cette violation des droits de façon collective ne parvient pas à noyer une violation individualisée des droits de l'homme.

2 : La violation du droit de se faire élire

En plus du droit de choisir ses représentants, les citoyens disposent du droit de se faire élire, dès lors qu'ils remplissent les conditions prévues par la loi au sens générique du terme. Cependant, il arrive souvent, dans la pratique des accords politiques, que certains citoyens, jouissant pourtant de tous leurs droits et remplissant par ailleurs les conditions requises, soient tout simplement écartés de la course au pouvoir.

Le phénomène semble incroyable, mais il existe. En effet, le point 3-c de l'accord de Linas Marcoussis dispose que « le gouvernement de réconciliation nationale sera dirigé par un Premier ministre de consensus115 qui restera en place jusqu'à la prochaine élection présidentielle à laquelle il ne pourra pas participer ». De même, l'accord d'Ouagadougou du 15 janvier 2010, dans le cadre de la résolution de la crise guinéenne d'après Lassana CONTE, contiendrait une disposition similaire qui interdit aux membres du comité de transition, de poser leur candidature aux élections présidentielles116.

Si au départ, on peut objecter que ces dispositions ne visent nommément personne et que celui qui décide d'occuper ces postes de « disgrâce », sait à quoi il s'expose, cela ne fait l'ombre d'aucun doute que tout le monde ne fait pas le consensus et que si personne n'accepte occuper ces postes, les fondamentaux de l'accord seraient du coup ébranlés, et la crise aurait encore de beaux jours devant elle. C'est donc un honnête citoyen, celui-là même que les parties à l'accord choisissent comme pouvant juguler la crise, c'est lui qui est évincé de la course. Il est vrai que cela pourrait permettre de garantir la crédibilité du scrutin, mais cela ne semble pas du tout équitable. Peut-être, aurait-t- on dû écarter tous les signataires

114 Cité par CHANTEBOUT (B.) « Sur la coutume : deux contes et un proverbe », in Mélange en l'honneur de Jean GICQUEL, Paris, Montchrestien, 2008, p.115

115 Sur la notion de consensus lire utilement RIGAUD (J.), « Réflexions sur la notion de consensus », Pouvoir, 1978, pp.7-14.

116 Nous l'avons appris sur les médias notamment sur la Radio France International. Mais nous ne sommes pas parvenus à nous procurer une copie dudit accord.

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des accords qui instituent une telle interdiction. Cela ne ferait que renforcer le constat de la violation des droits de l'homme par les accords politiques.

En définitive, il est clair que les accords politiques narguent sérieusement le pouvoir constituant originaire. Ils ne semblent non plus épargner le pouvoir constituant dérivé.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci