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La Constitution à  l'épreuve des accords politiques dans le nouveau constitutionnalisme africain


par Pihame BARBAKOUA
Université de Lomé Togo - Diplôme d'études approfondies en droit public fondamental 2008
  

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SECTION II : UN JUGE CONSTITUTIONEL IMPUISSANT

Devant cette humiliation du pouvoir constituant, le juge constitutionnel, protecteur avéré du temple constitutionnel, se révèle impuissant. Cette impuissance provient du fait que, relativement à la révision, le principe de la souveraineté du pouvoir constituant affaiblit sérieusement son action et le réduit en un véritable spectateur, même si de temps en temps, il s'efforce avec une relative réussite, à sortir de son incompétence. Par ailleurs, il se voit investi de la mission de régulateur du fonctionnement des institutions qui ne sont qu'en apparence sous l'égide de la constitution. Il souffre donc d'un affaiblissement sur le principe (paragraphe I) et d'une véritable mise à l'écart qui ne dit pas son nom (paragraphe II).

Paragraphe I : Un juge déjà affaibli sur le principe

Le juge constitutionnel peut-il contrôler la constitutionnalité d'une loi constitutionnelle surtout lorsqu'elle est exigée par les accords politiques ? En effet, dans le contexte singulier du néo-colonialisme libéral constamment menacé de

130 Ou l'assouplissement.

131 Pour Pierre PACTET, la rigidité de la constitution a disparu avec l'effacement du parlementarisme notabiliaire ou atomiste (chaque député formant un noyau isolé) et l'apparition de grands partis politiques.

132 Lire à cet effet ATANGANA (J.L.), « Les révisions... » op.cit.

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manipulation progressive, il se pose en Afrique la question fort controversée de la contrôlabilité de la « sans réserve » ou « sous réserve » du pouvoir de réviser la constitution133.

Si dans les faits, quelques éléments semblent conduire à répondre par l'affirmative134, d'autant plus que ce contrôle s'analyse comme une nécessité (A), la réalité semble opter pour une impossibilité de contrôle(B).

A : La prétendue nécessité du contrôle de constitutionnalité des lois
constitutionnelles

La nécessité de contrôler la constitutionalité des lois constitutionnelles dérive

du fait que les constituions africaines semblent consacrer une supra constitutionnalité(1). Par ailleurs, ce contrôle servirait de garde-fou contre les dérives des détenteurs du pouvoir(2).

1 : Une nécessité fondée sur le principe de supra constitutionnalité

La théorie de la supra constitutionnalité est celle qui postule l'existence d'un

ordre juridique au-dessus de la constitution135.

Si a priori, cette théorie semble se rattacher au jus naturalisme qui proclame l'existence de normes intemporelles et immuables, et auxquelles nul ne peut déroger qu'il soit roi ou constituant ; elle peut aussi avoir un fondement dans le positivisme juridique d'autant plus que le constituant peut lui-même, inscrire dans la loi fondamentale un ensemble de règles susceptibles d'aucune révision et ceci est récurrent dans le nouveau constitutionnalisme africain d'expression française.

En effet, séduits par l'article 89 alinéa 1 de la constitution française de 1958, les constituants béninois136, togolais137 nigérien138, ont épousé à coeur joie cette tradition, en inscrivant dans le corps même de la constitution, un ensemble de règles immuables, et donc que le pouvoir constituant dérivé ne pourrait, sous quelque prétexte que ce soit, toucher. Il s'agit globalement de la forme républicaine du

133 BOLL(S.), « Le contrôle prétorien de la révision au Mali et au Tchad : un mirage ? » Revue béninoise des sciences juridiques et administratives 2006, p.3

134 ibidem

135 Sur ce point lire utilement BRAMI (C), La hiérarchie des normes en droit constitutionnel français Essai d'analyse systémique, Thèse de doctorat en droit public soutenu le 4 décembre 2008 à l'Université de Cergy Pontoise, p.9

136 Art 154 de la constitution béninoise du 11 décembre 1990

137 Art 144 de la constitution togolaise du 14 octobre 1992

138 Art 134 de la constitution nigérienne du 18 juillet 1999

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gouvernement, la laïcité de l'Etat, la limitation de nombre de mandats et même l'amnistie accordée aux auteurs de mutinerie.

Par ailleurs, le juge constitutionnel peut découvrir lui-même des normes supra constitutionnelles, tel que l'a fait le juge constitutionnel béninois en ce qui concerne le consensus national139.

Le contrôle de la constitutionnalité garantirait alors l'effectivité de cette supra constitutionnalité. Il pourrait en outre, contenir les émotions des gouvernants qui seraient atteints du syndrome d'anti constitutionalité.

2 : Une nécessité fondée sur la mauvaise foi des pouvoirs constituants

Le contrôle de la constitutionnalité des révisions constitutionnelles semble devoir s'imposer en l'absence de textes organisant l'intervention du juge constitutionnel dans le processus de révision à titre contentieux ou même consultatif. Que le juge décline sa compétence serait catastrophique dans un paysage étatique ou le législateur constitutionnel ou le législateur ordinaire peut « errer », commettre un excès de pouvoir140. Dans cette mesure, seul un contrôle juridictionnel parait à même d'éviter une religion liberticide.

Par ailleurs, le droit comparé enseigne que les juridictions ont affirmé et exercé, à des degrés divers, un contrôle de la révision, que ce soit en Allemagne, en Autriche, à Chypre, en Inde, en Italie, en Turquie ou encore dans certains Etats postcommunistes141. Tout récemment, des exemples foisonnent, contre toute attente, en Afrique. Il s'agit de la cour constitutionnelle malienne142, béninoise, du conseil constitutionnel tchadien143 et nigérien qui se sont reconnus compétents pour se pencher à titre contentieux ou consultatif sur la constitutionnalité de la révision constitutionnelle alors même que les conseils constitutionnels sénégalais144 et français145 s'étaient proclamés incompétents.

139 DCC 06-074 du 8 juillet 2006 confirmé par DCC 10-049 du 5 avril 2010

140 BOLLE (S.) « Le contrôle prétorien... » op.cit., p.4

141 Idem

142 Arrêt n°01-128 du 12 décembre 2001.

143 Décision n°001/CC/SG/04 du 11 juin 2004.

144 Décision du 9octobre 1998 sur l'affaire n°9C/C/98 confirmée par la décision du 18 janvier 2006 sur l'affaire n°3/C/2005.

145 Décision 2003-469 DC 26 septembre 2003, Rec., p.293.

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Quoi de plus normal quand on jette un coup d'oeil panoramique sur un continent africain, qui avait pourtant fait montre du « fétichisme » constitutionnel. On constate avec regrets une véritable inflation de révisions constitutionnelles au point d'en faire « un chiffon de papier ».

Vestale146 du temple constitutionnel, le juge se doit d'intervenir. Mais, on s'interroge sur la constitutionnalité d'une telle intervention.

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