WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Le processus décisionnel au sein de la société dite "fermée": La protection des minorités


par Céline Deschietere
 -   2006
  

Disponible en mode multipage

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Céline Deschietere

Le processus décisionnel au sein de la société anonyme dite« fermée » : La protection des minorités-convocation-procuration-conflit d'intérêts-abus de majorité

Céline Deschietere A l'attention des actionnaires minoritaires de la s.a. Biotec

Messieurs,

Par la présente, nous vous soumettons nos recherches concernant l'attitude de Monsieur
Fog au sein de la société Biotec et les actions possibles pour la contrer.
Dans un monde où « la raison est celle du plus fort (qui crie le plus fort) »1, les
mécanismes de protection de ceux qui sont en minorité se multiplient. Cela ne signifie
pas que les minorités n'aient aucune obligation dans leur chef2. La protection des
minorités est un sujet qui passionne tant le droit privé que le droit public3. D'ailleurs,
l'organisation de la société privée est inspirée du modèle de droit public4.

Pour la compréhension et la clarté du sujet, nous porterons, dans un premier temps,

notre examen sur le fond des questions posées lors de notre première entrevue. Nousprésenterons dans une première partie les règles qui régissent la validité des convocationsdes assemblées générales d'une société anonyme. Dans une seconde partie, nousexaminerons la notion de conflit d'intérêts. Cela nous permettra d'aborder-d'une part, la validité du vote de l'A.G. au regard des règles du conflit d'intérêts en sonsein et notamment de l'abus de majorité ainsi que les autres causes légales de nullité;-d'autre part, le conflit d'intérêts qui peut exister lors de la conclusion du contrat decession de clientèle par le conseil d'administration.Dans un second temps, nous aborderons la question des recours : quels recours, devantquelle juridiction et quelles sont les conditions de recevabilité de l'action ?

Cet exposé ne se veut pas exhaustif en la matière. Nous vous proposons d'introduire
certaines actions qui sont présentées brièvement, elles pourront faire l'objet d'une
consultation ultérieure.

Je vous souhaite bonne réception de cet exposé.
Je vous prie, Messieurs, de recevoir mes meilleures salutations.

Céline Deschietere

E. Pottiers, , « Abus de majorité, de minorité ou d'égalité, conditions, recours, sanction », in le séminaire les conflits d'actionnaires,

éd. Vanham Vanham, 2004 , p.2 ; J. de La Fontaine, « Le loup et l'agneau » et « les animaux malades de la peste », oeuvres complètes tome I, éd. La Pléiade,p. 44 et 249 2 Ces obligations dépassent cependant le cadre de l'examen de notre affaire sauf, dans une consultation ultérieure, à examiner l'abus de minorité dont le juge vous rendrait responsable, voy. E. Pottiers, , « Abus de majorité, de minorité ou d'égalité, conditions,

recours, sanction », in le séminaire les conflits d'actionnaires, éd. Vanham Vanham, 2004 , p. 23.

3 Pour cet aspect qui dépasse l'examen de notre affaire, voy. M. Uyttendaele, Précis de droit constitutionnel belge, éd. Bruylant, 2001,

p. 263 (mécanisme de la sonnette d'alarme), p. 651 (compétences exclusives du Sénat en matière de conflit d'intérêts), p. 854 (pour la notion de conflit d'intérêts) ; Convention-cadre pour la protection des minorités nationales , http://www.coe.int

4 M. Tison, « l'égalité de traitement dans la vie des affaires sous le regard du droit belge », J.T., 2002, p.702, n°25 ; le pouvoir exécutif se retrouve dans le conseil d'administration et le pouvoir législatif dans l'assemblée générale en une sorte de démocratie directe. L'analogie n'est pourtant pas complète. Nous vous invitons à lire les notes de bas de page soulignant les éléments de cette comparaison

Remarques concernant la société Biotec et les opérations concernées

Les administrateurs sont nommés par l'assemblée générale (il s'agit d'une compétence exclusive). Ils sont rééligibles sauf disposition contraire dans les statuts de la société5. L'AG doit avoir une liberté effective de nommer le candidat : pour ce faire, il faut qu'elle puisse choisir entre au moins deux candidats par mandat à pourvoir6.

Cette élection et le vote sur le contrat de cession de clientèle n'entrent pas dans le cadre des décisions soumises à quorum et majorité spéciaux7.

La société Biotec n'est pas une société cotée ni une société faisant ou ayant fait publiquement appel à l'épargne.

5 articles 518 §2 et 520 CS ; cette limitation est devenue une clause de style dans les statuts des S.A. (P. Hermant, « la fonction d'administrateur... », in les administrateurs de sociétés, séminaire sous la présidence de Xavier Dieux, 12 mai 2005, éd. Vanham & Vanham, p. 19), il faudra donc vérifier si elle n'est pas présente dans les statuts de la société Biotec.

Comm. Bruxelles, 21 décembre 1998, R.D.C., 2000, p. 401

7 Articles 63, 558 et 559 CS ; l'article 558 CS prévoit un quorum de la majorité du capital social et une majorité spéciale pourl'apport d'universalité mais la cession de clientèle, en tant que « élément d'universalité que constitue le fonds de commerce » (Mons, 5 février 1987, J.T., 1988, p. 172) n'est pas un apport d'universalité : « La cession, comme universalité, d'une partie du fonds de commerce est contraire à la notion même d'universalité. » (T.P.I . Verviers, 16 mai 1988, J.F., 1989, p.120) ; J.F.Goffin et E.Viatour, « l'assemblée générale des actionnaires ou associés dans les SA, SPRL, SCRL », in Droit des sociétés commerciales, 2ième

éd., 2002, éd. Kluwer,p.503 : pour ces votes, la majorité exigée sera une majorité simple (moitié plus un) et le nombre de présence est indifférent.

Section I : les questions de fond : la convocation de l'assemblée générale, la validité d'une décision de l'assemblée générale, le conflit d'intérêts au sein du conseil d'administration.

I. La convocation de l'assemblée générale: conditions et vices8

L'assemblée générale est « la réunion des associés qui ont répondu à une convocation régulièrement adressée à l'ensemble d'entre eux en vue de délibérer sur les points qui figurent sur cette convocation »9. La matière des convocations est expressément réglementée par la loi10. Il appartient au conseil d'administration de convoquer les actionnaires à l'AG. Les modalités diffèrent selon que les titres de la société soient nominatifs, au porteur (ou dématérialisés) ou que ces deux types de titres existent au sein de la société. Il s'agit d'impératifs minimaux auxquels les statuts peuvent déroger en émettant des conditions raisonnablement plus strictes11 .

a. Les modalités de convocation

1) Régime commun à ces trois types de sociétés La convocation doit dans tous les cas faire l'objet d'une publicité par le biais d'annonces dans le moniteur belge et dans un organe de presse de diffusion nationale12. Un délai de 15 jours minimum est exigé entre la publication et la tenue de l'AG. L'exception prévue pour les AG annuelles n'est pas applicable en l'espèce dès lors que l'AG de la SA Biotec portera sur la réélection de Monsieur Fog en tant qu'administrateur et sur un contrat de cession de clientèle13 . En l'espèce, aucun accomplissement de ces mesures n'a été porté à notre connaissance.

2) Tous les titres sont nominatifs Une convocation « spéciale » est adressée par lettre recommandée à la poste à tous les porteurs de titres nominatifs. Cependant il est possible de déroger à cette modalité si le destinataire a, individuellement, expressément et par écrit, accepté d'être convoqué par un autre moyen de communication (par exemple par email avec accusé de réception14). Ainsi ce destinataire ne pourra contester cette modalité de convocation15 . En l'espèce, si les actions répondent à cette catégorie, la lettre devait être « recommandée par la poste », sauf à prouver que les destinataires ont, individuellement, expressément et par écrit, accepté d'être convoqué par email ou simple lettre. La question sera essentiellement une question probatoire.

8 voy. P. Hainaut-Hamende et G. Raucq, Les sociétés anonymes, tome 1, constitution et fonctionnement, éd. Larcier 2005, p.605 et suiv. ; T. Boedts, R.D.C., 2005/3, p. 303 et suiv. ; J.F.Goffin et E.Viatour, « l'assemblée générale des actionnaires ou associés dans les SA, SPRL, SCRL », in Droit des sociétés commerciales, 2ième éd., 2002, éd. Kluwer,p. 4839 J.F.Goffin et E.Viatour, « l'assemblée générale des actionnaires ou associés dans les SA, SPRL, SCRL », in Droit des sociétés commerciales, 2ième éd., 2002, éd. Kluwer,p. 48310 art. 532 à 535 CS , l'article 533 a été modifié par la loi programme du 27 décembre 2004 entrée en vigueur le 10 janvier 2005.11 P. Hainaut-Hamende et G. Raucq, op. cit., p. 607 et 60812 Art. 533 CS 13 T. Boedts, art. cit., p. 304, n°414 aucune limitation quant à la nature des moyens de communication n'est prévue par le Code des Sociétés mais les règles de preuve de droit commun devront être prises en considération dès lors que les conditions de délai et de forme doivent être remplies, voy. T. Boedts, art. cit., p.304, n°615 il s'agit d'un droit d'option appartenant à chaque destinataire de la convocation : il faut considérer la validité de celle-ci au cas par cas, voy. T. Boedts, art. cit., p. 305

3) Les titres sont au porteur ou dématérialisés Le régime commun est seul applicable. Comme mentionné plus haut, aucune information ne nous a été transmise à ce propos.

4) Certains titres sont au porteur, d'autres sont nominatifs La seule différence avec le point 2) est que les porteurs de titres nominatifs sont convoqués par lettre (simple) « sans qu'il doive être justifié de l'accomplissement de cette formalité ». La même dérogation est possible dans des conditions similaires à celles ci mentionnées. En l'espèce, la lettre simple et l'email suffiront à remplir les conditions de la convocation, de plus il ne doit pas être justifié de l'accomplissement de ces formalités.

b. Le contenu des convocations

Outre les conditions reprises à l'article 78 CS, la convocation doit contenir l'ordre du jour de la réunion16. L'assemblée générale ne peut délibérer que sur les points repris dans l'ordre du jour17 . Cette condition semble être remplie en l'espèce : les points dont vous m'avez parlé sont repris par l'ordre du jour.

c. La demande de procuration

Les actionnaires peuvent voter par procuration, toute interdiction statutaire de se faire représenter par mandataire est illicite18 . Les statuts peuvent néanmoins en conditionner la validité19. Aucune information sur d'éventuelles conditions statutaires ne nous a été communiquée en l'espèce. La demande de procuration est une sollicitation privée de procuration par laquelle le conseil d'administration ou un administrateur propose aux actionnaires de le désigner comme mandataire à l'assemblée20. Le régime des demandes de procuration n'est soumis à aucune règle s'agissant de sociétés « fermées » c'est-à-dire n'ayant pas fait ou ne faisant pas appel public à l'épargne21. S'agissant d'une sollicitation privée et non publique, les conditions de l'article 549 CS ne doivent pas être remplies22 . Ainsi, la procuration mentionnée lors de l'entrevue est un mandat donné « en termes généraux », c'est-à-dire sans instruction précise de vote. Seul l'abus résultant de l'exécution des mandats pourra être sanctionné23 .

16 art. 533 al. 1 CS 17 art. 533 dernier alinéa ; art. 64 2° : nullité de la décision sur un sujet étranger à l'ordre du jour ; l'ordre du jour doit reprendre les sujets soumis à délibération de manière précise : Bruxelles, 10 février 1998, R.P.S., 1998, p. 40218 art.547CS ; J.F.Goffin et E.Viatour, « l'assemblée générale des actionnaires ou associés dans les SA, SPRL, SCRL », in Droit des sociétés commerciales, 2ième éd., 2002, éd. Kluwer,p. 498 ; P. Hainaut-Hamende et G. Raucq, Les sociétés anonymes, tome 1, constitution et fonctionnement, éd. Larcier 2005, p.61919 art. 536 CS ; P. Hainaut-Hamende et G. Raucq, Les sociétés anonymes, tome 1, constitution et fonctionnement, éd. Larcier 2005,

20 P. Hainaut-Hamende et G. Raucq, Les sociétés anonymes, tome 1, constitution et fonctionnement, éd. Larcier 2005, p.620-621 ; S. Watillon, A.P. André-Dumont, J.P. Renard, le guide pratique du conseil d'administration et de l'assemblée générale, 2000, éd. De la chambre de commerce et d'industrie, p.165

21 à ces sociétés, s'applique l'article 548 CS.

22 la sollicitation privée ne se confond pas avec la sollicitation publique de procuration qui s'applique dans les cas visés par l'AR du 30 janvier 2001, www.juridat.be

23 Dès lors que l'article 548 et 579 ne sont applicables, seul l'abus constitutif dans l'exercice de ces mandats pourra faire l'objet d'une censure. Voy. infra.

d. Les vices de convocation

Les statuts peuvent prévoir d'autres conditions plus strictes de convocation. Ainsi, les vices de celle-ci doivent s'analyser par le biais de la loi et des statuts. En l'occurrence, aucune information ne nous a été transmise quant aux statuts. Le vice d'une convocation peut entraîner la nullité de l'assemblée générale. Le vice peut être de forme (cela se rapporte à ce que nous venons d'exposer) et doit dès lors avoir eu une influence sur la décision de l'AG pour que celle-ci soit annulée24. Le vice peut aussi résider dans une intention frauduleuse en cas de violation des règles de fonctionnement25 .

e. La couverture d'une convocation irrégulière Toute présence de l'actionnaire à l'assemblée générale couvre l'irrégularité de la convocation la concernant26. Ainsi la nullité de la décision de l'AG ne pourra plus être fondée sur cette irrégularité. Votre présence à l'AG du 7 novembre aura pour conséquence que la remise en question de la décision de l'AG ne pourra plus être invoquée sur cette base.

f. La suspension des effets de la convocation Un recours devant le juge des référés aurait permis de suspendre les effets d'une convocation27. Nous ne sommes plus dans les temps pour demander de suspendre l'AG qui a eu lieu le 7 novembre. Par contre, nous examinerons la suspension des effets des décisions prises lors de cette assemblée28 .

II. Le conflit d'intérêts-l'abus de majorité-la violation des règles de fonctionnement

a. Présentation générale
1) Définition

En droit, le conflit d'intérêts se caractérise par une opposition entre les intérêts personnels d'une personne et d'autres intérêts qu'elle doit défendre lors d'opérations déterminées29 . Ainsi la « dualité » d'intérêt est insuffisante à produire une situation qualifiée juridiquement de « conflit »30. De même, l'opposition doit résider entre un intérêt personnel d'une personne et un intérêt d'autrui que cette même personne a l'obligation active de défendre31 . Ainsi, la rencontre de l'intérêt de Monsieur Fog, en tant qu'actionnaire et administrateur, et du vôtre, en tant qu'actionnaires minoritaires, donne-t-elle lieu à une situation potentiellement conflictuelle32 .

24 Comm. Hasselt, 19 décembre 1997 (réf.), T.R.V., 1998, p. 536 ; Comm.Turnhout, 17 avril 1998, T.R.V., 1998, p. 539 25 P. Hainaut-Hamende et G. Raucq, op. cit., p.614, pour les conditions d'annulation des décisions de l'AG nous vous renvoyons infra et à l'article 64 1° et 2° 26 P. Hainaut-Hamende et G. Raucq, op. cit., p.614 ; Cass, 4 mars 1988, Pas.1988 I, p. 80227 E. Pottier, « Abus de majorité, de minorité ou d'égalité, conditions, recours, sanction », in le séminaire les conflits d'actionnaires, éd. Vanham Vanham, 2004, p.34 ; S. Watillon, A.P. André-Dumont, J.P. Renard, le guide pratique du conseil d'administration et de l'assemblée générale, 2000, éd. De la chambre de commerce et d'industrie, p. 147 n°391

28 Voy. la section II29 V. Simonart, « les conflits d'intérêts au sein de l'assemblée générale de la société anonyme en droit comparé » in Les conflits d'intérêts, Bruxelles, Bruylant, 1997, p.19530 P.A.Foriers, « les administrateurs et la gestion des conflits d'intérêts », Séminaire Droits, devoirs et responsabilités des administrateurs de sociétés, 2001, organisateur Vanham & Vanham, p. 1 ; voy. modification législative de l'article 60 LCSC en 1991, devenu l'article 523 CS 31 V. Simonart, op. cit., p. 196 : sinon il s'agit d'une application de la théorie de l'abus de droit, impliquant une obligation passive32 sous réserve des approfondissements ci-après.

2) Distinction selon l'organe concerné

Le conflit d'intérêt peut apparaître dans plusieurs organes de la société anonyme : nous examinerons cette situation au sein de l'assemblée générale ainsi qu'au sein du conseil d'administration dès lors que notre affaire se rapporte à un vote au sein de l'AG ainsi qu'à la conclusion probable d'un contrat par le CA33 avec la société Bioplus.

3) Fondements juridiques

Le fondement juridique du conflit d'intérêts et son règlement diffèrent selon l'organe au sein duquel il surgit : L'article 523 et 524 CS concernent cette situation au sein du conseil d'administration alors qu'au sein de l'assemblée générale, le législateur semble avoir laissé cette situation s'analyser au regard du droit commun, plus spécialement par un principe général du droit34 . Il ne peut cependant pas primer sur l'application de la loi : la nullité d'une décision générale prévue à l'article 64 du C.S. ne peut être demandée sur cette base35.Un autre principe, le principe de loyauté, avait été consacré par une juridiction36 mais la Cour de cassation a définitivement rejeté ce principe en tant que principe général du droit37 .

b. Le conflit d'intérêts au sein de l'Assemblée Générale

1) L'existence d'un conflit d'intérêts

L'examen de cette question concernera tant le vote sur le contrat de cession de clientèle avec la S.A. Bioplus que le vote concernant le renouvellement du mandat de Monsieur Fog38 .

2) Absence de réglementation-solutions

33 V. Simonart, « les conflits d'intérêts au sein de l'assemblée générale de la société anonyme en droit comparé » in Les conflits d'intérêts, Bruxelles, Bruylant, 1997, p.19534 Cass, 18 mars 2004, www.cass.be :« Attendu qu'il existe un principe général du droit suivant lequel quiconque accomplit des actes juridiques pour le compte d'un tiers ne peut intervenir en qualité de partie adverse de ce tiers ; que l'acte ainsi accompli est nul par nature ». 35 Ce principe ne peut s'appliquer qu'en cas de silence de la loi : voy. Bruxelles, 19 janvier 2001, éd. Du Jeune barreau de Bruxelles 2003, p.173 soulignant le caractère subsidiaire du principe général du droit : « encore resterait-il que ce recours à un tel principe général du droit ne pourrait faire obstacle à l'application de la loi, laquelle doit être privilégiée chaque fois qu'elle règle concrètement la situation à apprécier en l'espèce »; V.I., obs sous cet arrêt dans J.T., 2001, p.108 ; C. Croes, « het openbaar ruilbod op tractebel : de rechtspratijk herademt », T.R.V., p. 110 : « zelfs al sou worden aanvaard dat een algemeen rechtsbeginsel inzake belangenconflicten bestaat, dit beginsel in casu geen toepassing kan vinden. Een algemaeen rechtsbeginsel kan immers de toepassing van de wet niet verhinderen : indien de wet een welbepaalde situatie specifiek regelt, dient deze wettelijke regeling voorrang te krijgen, ook al zou ze afwijken van een algemeen rechtsbeginsel »36 Ordonnance de la Présidente du Tribunal de commerce, 26 octobre 1999, Journ. Procès n°380, p.20, plus spécialement p. 21 : la Présidente a, en l'espèce, considéré que l'inapplication des anciens articles 60 et 60 bis des LCSC ( 523 et 524 CS) n'empêchait pas de recourir au principe général du droit de loyauté dont les articles suscités n'étaient qu'une illustration particulière. Cette ordonnance a été réformée en appel ( Bruxelles, 19 janvier 2001, R.P.S., 2001, p. 93,) et le pourvoi contre cette réformation rejeté (Cass, 17 octobre 2002, www.cass.be). Voy. commentaires de la jurisprudence de la Présidente du tribunal de commerce : M. Caluwaerts, « les conflits d'intérêts et droit des groupes » in dernières évolutions en droit des sociétés, éd. Du Jeune barreau de Bruxelles 2003, p. 173 ; pro : B. Demonty, « la réglementation des conflits d'intérêts complétée par un principe de loyauté en droit des sociétés », DAOR, 2000, p. 256 et suiv. ; Ch. Brüls, « OPA, conflits d'intérêts et Corporate governance », JLMB, 1999, p. 1793 et suiv. ; contra : H. De Wulf, « Bestuurders tussen hamer en aambeeld bij een groepsintern overnamebod », Rev. Banque, 1999, p.468 et suiv. ; C. Croes, « het openbaar ruilbod op tractebel : de rechtspratijk herademt », T.R.V., p. 110 n°12. La doctrine francophone avait accueilli favorablement cette jurisprudence alors que les auteurs flamands l'avaient fortement critiquée.37 Cass, 5 mars 2002 , WWW.cass.be: « Attendu que le principe de loyauté n'est pas un principe général du droit » 38 V. Simonart, op. cit., p. 197, 223 et 224

En l'absence de toute intervention législative concernant le conflit d'intérêts au sein de
l'A.G.39, l'actionnaire mécontent peut recourir à plusieurs solutions :-au plan individuel, analyser les droits de chaque actionnaire en des droits-fonctions etcréer ainsi une obligation active de défendre un intérêt autre que le sien. (3)-au niveau de l'assemblée, se prévaloir de l'obligation de l'A.G. de respecter l'intérêtsocial ou le principe de bonne foi, ce qui nous donnera l'occasion d'examiner lasanction de l'abus de majorité40.(4)
D'autres moyens sont donnés par la loi pour obtenir la nullité de la décision de l'AG (5):
-prouver la violation de règles de fonctionnement et une intention frauduleuse,
-prouver une irrégularité de formes de la décision, irrégularité qui a influencée celle-ci.

3) Les droits des actionnaires analysés en des droits-fonctions41

Le droit de l'actionnaire serait un droit-fonction en ce sens qu'il doit l'exercer pour l'intérêt commun42. La société, analysée en tant que contrat ou en tant qu'institution43, ne donne pas naissance à des droits absolus. Une partie de la doctrine considère que certaines règles font obstacle à ce que ce droit soit reconnu en tant que droit-fonction : l'actionnaire n'a aucune obligation de voter à l'assemblée générale, ni même d'y assister. Le fait que le droit puisse ne pas être exercé mettrait à néant l'analyse de ce droit en un droit-fonction44 . Une autre doctrine pense que la consécration de la théorie de l'abus de majorité a mis un terme à l'aspect prérogatif du droit de vote des actionnaires45 . Quoi qu'il en soit, la doctrine majoritaire46 semble considérer qu'en tous les cas, la sanction n'apparaît pas au niveau individuel (exclusion, obligation d'abstention) mais au

39 P. Ernst, Belangenconflicten in naamloze vennootschappen, éd. Intersentia Rechtswetenschappen, 1997, p.610 et 611 ; pour l'évolution historique, voy. P. Ersnt, op. cit, p. 615 à 618 ; V. Simonart, op. cit., p. 233 et plus spécialement p. 234 : « lors des travaux préparatoires de la loi du 13 avril 1995, le législateur a confirmé que les décisions prises par l'A.G. ne sont pas visées par l'article 60 LCSC (actuellement 523 CS). » ; il en est de même en droit néerlandais, par contre, en droit français, le législateur a réglementé cette situation et notamment celle qui nous occupe aux articles 103 et 145 d'une loi du 24 juillet 1966, en consacrant l'exclusion de l'actionnaire-administrateur dans le vote d'appobation d'un contrat conclu dans lequel il est personnellement intéressé in D. Schmidt, les conflits d'intérêts dans la société anonyme, éd. Joly, 2004, p. 47 et 93 à 96. ; Pour l'examen de ce cas, nous considérons que les statuts ne prévoient aucune interdiction de vote en cas de conflit d'intérêts, pour cette possibilité, voy. P. Ernst, op. cit, p. 61840article 64 3°CS ; M. Tison, art. cit., p.703, n°26 : cet auteur examine l'existence d'un principe d'égalité de traitement au sein des sociétés et conclut que c'est surtout à travers le principe de bonne foi et d'abus de majorité que la sanction de nullité se manifeste. Le principe d'égalité existant en droit public ne se retrouve donc pas en des termes similaires au sein d'une société privée.41 P. Van Ommeslaghe, Droit des obligations, tome 3, p. 735 ; le droit-fonction est accordé par le législateur dans un but déterminé. L'exercice de ce droit dans une autre finalité est constitutif d'abus. Ce type de droit s'oppose au droit discrétionnaire, absolu et, par conséquent, non susceptible d'abus42 P. Coppens, l'abus de majorité dans les sociétés anonymes, 1947, p.83, n°56 : « (...) comme un procédé de gestion de la société » 43 L'analyse de droit de l'actionnaire en tant que droit-fonction procède, selon certains, d'une conception institutionnelle de la société :

V. Simonart, op. cit, p. 215, Cependant la Cour de cassation a depuis longtemps consacré le principe d'abus de droit en matière contractuelle : Cass., 19 septembre 1983, www.cass.be, voy. A. François, vennootschapsbelang, éd. Intersentia Rechtswetenschappen, 1999, Antwerpen, p.4344 V. Simonart, op. cit., p. 21645 X. Dieux, « Nouvelles observations sur l'abus de majorité ou de minorité dans les personnes morales fonctionnant selon le principe majoritaire », R.G.D.C., 1998, p.19 n°10 ; J.F.Goffin et E.Viatour, « l'assemblée générale des actionnaires ou associés dans les SA, SPRL, SCRL », in Droit des sociétés commerciales, 2ième éd., 2002, éd. Kluwer,p.517. Pour cette théorie, voy. infra.46 P. Ernst, Belangenconflicten in naamloze vennootschappen, éd. Intersentia Rechtswetenschappen, 1997, p. 599 et suiv. : « wordt in de Belgische rechtsleer overwegend aangenomen dat dit stemrecht beantwoordt aan een dubbele finaliteit : « droit fonction ». Enerzijds es het stemrecht een essentieel prerogatief van de aandelhouder, dat hem toelaat waakzaam te zijn ten aanzien van de aan zijn inbreng gekoppelde belegging, maar dat hij naar eigen goeddunken mag uitoefenen in de door hem gewenste zin of niet uitoefenen. Anderzijds is het stemrecht ook functioneel van aard : de stem draagt bij tot de besluitvorming en dus de werking van de vennootschap ; de meerderheid der stemmen bepaald ook het lot van de aandelen van de tegenstemmende minderheid, van de aandeelhouders die zich onthouden en van de afwezigen » et plus loin, p. 619, n°720 : « de overwegende optvatting over de aard van de stemrecht, ziet het stemrecht in de eerste plaats als een prerogatief dat de aandeelhouder toelaat om zijn eigen belangen te

niveau de l'assemblée générale elle-même. En effet, aucune interdiction de vote en cas de
conflit n'a été consacrée par la loi et les recommandations de la Commission bancaire,
financières et des assurances n'a pas eu d'impact sur les sociétés privées47 .Ainsi, à ce stade, Monsieur Fog, en tant qu'actionnaire de la société Biotec, peut exercerson droit de vote et n'a aucune obligation active vis-à-vis du reste de l'actionnariat48 .

4) Le détournement de pouvoir :l'abus de majorité au sein de l'assemblée générale-application particulière de la théorie de l'abus de droit


· Définition générale

Une autre solution est de prouver l'abus de majorité dans le processus de décision de l'assemblée, tant pour le vote de renouvellement du mandat que pour le vote à propos du contrat de cession de clientèle. En effet, en pratique, Monsieur Fog pourrait se retrouver en position dominante à l'assemblée par le fait des procurations ou par l'absentéisme des actionnaires49 .

La théorie de l'abus de majorité50 permet de faire prononcer la nullité des décisions de l'assemblée générale qui sont contraires à l'intérêt social et qui portent atteinte aux droits des autres actionnaires51. Le critère légal est le détournement de pouvoirs52·. Cette théorie peut sembler entrer en contradiction avec le principe fondamental des sociétés anonymes qu'est la loi majoritaire53. Cependant, quelle que soit la dénomination donnée au droit de vote de l'actionnaire, il existe une obligation passive qui consiste à ne pas porter atteinte à l'intérêt de la société54 .

behartigen en zijn mening door te drukken », contra : voy. X. Dieux, « Nouvelles observations sur l'abus de majorité ou de minorité dans les personnes morales fonctionnant selon le principe majoritaire », R.G.D.C., 1998, p.19 n°10 ; J.F.Goffin et E.Viatour, « l'assemblée générale des actionnaires ou associés dans les SA, SPRL, SCRL », in Droit des sociétés commerciales, 2ième éd., 2002, éd. Kluwer,p.517.47 P. Ernst, op. cit, p. 618 : « De commissie suggereerde dat de personeelsleden die reeds aandeelhouder waren zich op de algemene vergadering van de stemming zouden onthouden, om elk vermoeden van belangenconflicten te vermijden ».48 V.Simonart, op.cit, p.235 ; tant au niveau du vote concernant le renouvellement de son mandat et de la décharge des administrateurs que celui au sujet du contrat de cession de clientèle ; M. Tison, art. cit., p. 703, n°27 : seule la bonne foi peut limiter ce droit de vote et créer une obligation de prendre en compte les intérêts des autres actionnaires ; Rem : A ce stade, nous pouvons comparer cette situation à la situation de la « société belge » : le cumul d'un mandat en tant que ministre et celui en tant que parlementaire est prohibé, art. 50 Const. Et art. 23 de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 198049 voy. les remarques du début de cette consultation au sujet des opérations concernées50 nous ne parlerons pas des deux pendants de cette théorie qui sanctionnent l'abus de minorité et d'égalité51 V. Simonart, art. cit., p. 20552 E. Pottier, « abus de majorité, de minorité ou d'égalité, conditions, recours, sanction » in le séminaire les conflits d'actionnaires, Vanham & vanham 2004, p. 14 : le détournement de pouvoirs vise une irrégularité quant au but d'une décision alors qu'un excès de pouvoir vise la violation de la loi ou des statuts par l'objet d'une décision ; V Simonart, art. cit., p.206 : ces concepts sont issus du droit administratif mais ne peuvent être tranposés tels quels en droit privé ; Bruxelles, 18 décembre 1999, www.juridat.be : « que constitue au sens de cette disposition un excès de pouvoir non seulement toute irrrégularité d'une décision de l'assemblée générale quant à son objet à la suite de la violation de la loi ou de ses statuts mais également celle qui est prise en vue de porter atteinte aux droits acquis par des tiers ou des associés »53 Pour un historique de cette loi, voy. E. Pottier, « Abus de majorité, de minorité ou d'égalité, conditions, recours, sanction », in le séminaire les conflits d'actionnaires, éd. Vanham Vanham, 2004 ;P. Van Ommeslaghe et X. Dieux, « les sociétés commerciales, examen de jurisprudence », R.C.J.B.,1993 p. 809 ; P. De Wolf, « l'exercice du pouvoir et le fonctionnement de la SA : régime de liberté (moins) surveillée, J.T., 2003, p. 593 n°1754 S. Watillon, A.P. André-Dumont, J.P. Renard, le guide pratique du conseil d'administration et de l'assemblée générale, 2000, éd. De la chambre de commerce et d'industrie, p. 170 n°458 ; cette théorie est consacrée en droit des sociétés par l'article 64 C.S. 3° : Est frappée de nullite, la décision prise par une assemblée générale 3° lorsque la décision prise est entachée de tout autre excès de pouvoir ou de détournement de pouvoir ; pour une comparaison entre l'application de l'abus de droit en droit civil et en droit des sociétés, nous vous renvoyons à l'arrêt de principe de la Cour de cassation concernant la théorie de l'abus de droit du 10 septembre 1971, www.cass.be, note sous cassation : P. Van Ommeslaghe, R.C.J.B., 1976, p.303 et suiv. ; la doctrine et la jurisprudence semble unanime à considérer que l'abus de droit est le fondement de l'abus de majorité, voy. E. Pottier, « Abus de majorité, de minorité ou


· Conditions d'application de la sanction du détournement de pouvoirs

Critère d'application consistant en la prise en considération d'un intérêt étranger sacrifiant l'intérêt social dans la prise de décision.

L'ambivalence du droit de vote des actionnaires est l'élément qui devra nécessairement tempérer l'action du juge55. Quoi qu'il en soit de la nature du droit de vote de l'actionnaire, il doit également être exercé de manière conforme à l'intérêt social. Cette notion est controversée en doctrine56et en jurisprudence57. Un contenu pluriel lui est reconnu58. L'intérêt social est « un going concern dans une perspective de continuité et de rentabilité à long terme »59. En dehors de la poursuite de ses finalités, les organes sont dépourvus de pouvoir et leurs décisions peuvent donc être sanctionnées60. Il est plus aisé de donner un contenu négatif à ce concept61. Ainsi, pour l'examen de notre affaire, -l'intérêt de la société Biotec ne rencontre pas l'intérêt de la S.A. Bioplus -l'intérêt de la société Biotec ne rencontre pas l'intérêt de l'actionnaire Monsieur Fog62 .

? La conclusion d'un contrat de cession de clientèle constitue un actif non négligeable dans le fonctionnement d'une société63. Le bon sens laisse penser que la cession de clientèle est dommageable pour la société, sous réserve d'éléments nouveaux64, elle le sera d'autant plus si la contrepartie est exceptionnellement petite65 . Quant à

d'égalité, conditions, recours, sanction », in le séminaire les conflits d'actionnaires, éd. Vanham Vanham, 2004 , p.13 ; X. Dieux, « Nouvelles observations sur l'abus de majorité ou de minorité dans les personnes morales fonctionnant selon le principe majoritaire », R.G.D.C., 1998, p. 11, n°3 55 E. Pottier, art. cit. , p. 16 n°23 ; Pour certains auteurs la distinction entre la nature du droit de vote de l'actionnaire et celle du droit de vote de l'administrateur doit être abandonnée :X. Dieux, « Nouvelles observations sur l'abus de majorité ou de minorité dans les personnes morales fonctionnant selon le principe majoritaire », R.G.D.C., 1998, p.19 n°10 ; J.F.Goffin et E.Viatour, « l'assemblée générale des actionnaires ou associés dans les SA, SPRL, SCRL », in Droit des sociétés commerciales, 2ième éd., 2002, éd. Kluwer,p.517.56 Voy. A. François, vennootschapsbelang, éd. Intersentia Rechtswetenschappen, 1999, Antwerpen ; X. Dieux, « Nouvelles observations sur l'abus de majorité ou de minorité dans les personnes morales fonctionnant selon le principe majoritaire », R.G.D.C., 1998, p.15, n°7 ; J.M. Nelissen Grade, « de la validité et de l'exécution de la convention de vote dans les sociétés commerciales », R.C.J.B., 1991, p. 230 ; nous n'entrerons pas dans la description de ces différends entre la conception « patrimoniale » et la conception « entrepreneuriale » de l'intérêt social.57 Comm. Bxl, 22 juin1992, R.P.S., 1993, p. 36 ; Bruxelles, 20 décembre 1995, T.R.V., 1996, p. 54 ; voy. cependant E. Pottiers, art. cit., p. 19 qui considére que, dès lors que le juge ne sanctionne que les décisions « manifestement » contraires à l'intérêt social, la jurisprudence n'éprouve pas trop de difficultés à sanctionner les abus au regard de ce critère58 X. Dieux, « La société anonyme comme « modèle » et la société cotée comme « prototype » », in Liber Amicorum Lucien Simont, éd. Bruylant, 2002, p. 628 n°859 Une définition de l'intérêt social est l'intérêt commun des associés, voy. X. Dieux, art. cit., p.11 ; contra : Comm. Liége, 17 octobre 2003, R.D.C., 2005/4, p. 437 : « l'intérêt social ne peut se confondre avec l'intérêt individuel ou commun des actionnaires. En tant qu'être doté de la personnalité juridique, la société a un intérêt propre qui peut d'ailleurs être distinct, voire opposé à celui de ses actionnaires » ; T. Tilquin et V. Simonart, Traités des sociétés, tome I, p. 812, n°1082 et p. 816-817, n° 1087-108860 X. Dieux, « nouvelles observations... », art. cit., p. 10 n°2 et 3 : la sanction est la nullité de la décision en tant que forme de réparation en nature ; J.M. Nelissen Grade, art. cit., p.231 n°3161 V. Simonart, art. cit., p. 20562 J.M. Nelissen Grade, art. cit., p. 233 et 234 : l'intérêt de la société ne se confond pas avec celui des actionnaires car la société est une entité indépendante dont l'intérêt est la continuité de l'entreprise.63 voy. Mons, 5 février 1987, J.T., 1988, p. 172 : « La clientèle est un élément de l'universalité que constitue un fonds de commerce. (...est) un élément d'actifs »

64 Par exemple la cessation future de telle activité, ...voy. plus loin les motifs d'opportunité économique

65 E. Pottier, art. cit. , p.32

l'existence in concreto d'un abus66, l'appréciation du juge est souveraine. Il en

dépendra de la conception personnelle du juge quant à la notion d'intérêt social67 .

? En ce qui concerne le renouvellement des mandats : l'actionnaire qui est également administrateur peut participer au vote de sa décharge ainsi qu'au vote de renouvellement de son mandat68. Monsieur Fog peut donc voter sa décharge et le renouvellement de son mandat. Cette situation montre les limites de l'application du détournement de pouvoirs : on ne peut reprocher à Monsieur Fog de voter « pour son intérêt personnel » dès lors qu'aucune abstention n'est exigée.

Second critère d'application : le contrôle marginale (marginale toetsing) du juge pour apprécier la licéité de la décision litigieuse69 .

La société commerciale jouit d'une autonomie que les Cours et Tribunaux se gardent d'amoindrir. Ainsi, l'assemblée générale, souveraine en son Etat, peut-elle, de manière indépendante, apprécier l'opportunité d'une opération, que ce soit en interne (renouvellement d'un mandat) ou en externe (conclusion d'un contrat)70. Dépassera manifestement cette marge d'appréciation la décision qu'aucun actionnaire normalement prudent et diligent n'aurait raisonnablement prise71. Cette appréciation marginale tend à réduire le nombre de décisions annulées sur base de l'abus de majorité72 . Les contours de ce critère ne sont pas aisés à définir. Le caractère manifeste de l'abus pourra être dénié par l'actionnariat majoritaire sur base de motifs d'opportunité (économique)73 .

5) L'irrégularité de formes ayant eu une influence sur la décision74 et la violation des règles de fonctionnement avec une intention frauduleuse75

66 Comm. Liège (réf), 3 mai 1996, J.L.M.B., p. 12, III.2.1. : « l'abus de majorité implique que la majorité ait sacrifié les intérêts de la société aux siens propres ou à ceux de tiers, et que la décision ait causé un préjudice à la société ou ait été à tout le moins susceptible d'en causer un » 67 Comm. Liège, 17 octobre 2003, op. cit., p. 438: « la violation de l'intérêt social n'est pas prise en considération sur le plan juridique comme telle pour justifier l'annulation d'une décision ; la violation de l'intérêt social apparaît comme critère de reconnaissance d'un abus de droit par les actionnaires ou les administrateurs, abus qui justifie l'annulation. »68 voy. supra pour l'absence d'interdiction de cumul de ces deux fonctions69 E. Pottiers, art. cit., p. 20 ; Comm. (réf), 3 mai 1996, J.L.M.B., 1996, p.81270 Comm. Liège, 17 octobre 2003, R.D.C., 2005/4, p. 437 : « le juge ne peut s'immiscer dans la gestion de la société et porter une appréciation quant à l'opportunité des décisions prises par les organes sociaux. Seul un contrôle marginal peut être opéré par le juge » ; E. Pottiers, art. cit., p.20 et 21 ; X.Dieux, « nouvelles observations.... », art.cit., p. 13 ; V. Simonart, art.Cit., p. 204 ; remarque : de même le principe de la séparation des pouvoirs ne permet pas au juge de l'ordre judiciaire de sanctionner une décision que l'administration publique a prise en opportunité. Cette comparaison n'est pas raison : l'administration publique est soumise à un contrôle du juge administratif. De même, le législateur peut voir une de ses oeuvres sanctionnées par la Cour d'arbitrage au regard de principes jugés fondamentaux.71 Nous retrouvons ici le critère du bon père de famille et de la bonne foi ; E. Pottiers, art. cit., p.21 n°38 ; Sur le caractère manifeste : Comm. Liège (réf), 3 mai 1996, op. cit. ; ainsi la simple mésentente entre associés et des divergences d'opinions ne peuvent suffire, Mons, 12 mars 1996, R.P.S., 1996, p. 304 et Comm. Courtrai (réf), T.V.R., 1999, p. 32672 E. Pottiers, art. cit., p.21 n°38 ; X. Dieux, « nouvelles observations.. ; », p.13 ; Liège, 9 septembre 2004, J.T., 2005 n°6167, p. 85.73 Cass., 17 mai 2002, www.juridat.be : » Dans l'appréciation des intérêts en présence le juge doit tenir compte de toutes les circonstances de la cause» ; Comm. Liège, 3 mai 1996, op.cit., p.813 : pour le référé, motifs qui n'apparaissent pas prima facie sérieusement contestables ; Comm. Mons, 26 janvier 2000, J.L.M.B., 2001, p.836 concernant des ventes : « il n'est, en effet, pas normal que le Conseil d'administration ait entamé la vente de tous les actifs immobiliers de la société en dehors de tout contexte de liquidation » ; nous ne parlons pas d'une condition anciennement appliquée, l'intention de nuire, que la loi ne reprend pas et que les Cours et Tribunaux appliquaient contra legem. Cette condition a été abandonnée ces dernières années, voy. X. Dieux, « nouvelles observations... », art. cit., p. 10 n°2 ; E. Pottiers, art. cit., p. 14.74 art. 64 1°CS, nous vous renvoyons à la partie concernant les convocations.75 Art. 64 CS : Est frappée de nullite, la décision prise par une assemblée générale :2° en cas de violation des règles relatives à son fonctionnement ou en cas de délibération sur une question étrangère à l'ordre du jour lorsqu'il y a intention frauduleuse; par exemple le non-respect des règles statutaires concernant les procurations

La loi permet d'obtenir la nullité d'une décision de l'assemblée générale prise en violation des règles de fonctionnement ou lors de vices de forme. Il faut prouver soit une intention frauduleuse76 soit que l'irrégularité a eu une influence sur la décision prise77. Si les convocations à l'AG de Biotec se révèlent irrégulières, nous opterons pour la deuxième possibilité : prouver que cette irrégularité a entraîné la position dominante de Monsieur Fog au sein de l'AG et que celle-ci a abouti à la décision litigieuse : que, sans cette position dominante, la décision n'aurait pas été la même.

Les recours judiciaires d'annulation seront examinés dans la section II.

c. Le conflit d'intérêts au sein du Conseil d'administration d'une société « fermée »78

Contrairement à la situation au sein de l'assemblée générale, le conflit d'intérêt au sein du conseil d'administration a été réglementé par le législateur79 .

1) L'inapplication de l'article 523 §1 alinéa 4 et de l'article 524 du Code des

Sociétés L'article 523 §1 alinéa 4 qui prévoit l'obligation d'abstention de l'administrateur n'est applicable qu'aux sociétés faisant ou ayant fait appel à l'épargne publique. L'article 524 qui prévoit un mécanisme plus lourd en cas de conflits d'intérêts, ne s'applique qu'aux sociétés anonymes cotées. De nombreux auteurs déplorent cette exclusion qui n'est, pour eux, aucunement fondée80. Il est possible d'inclure ce mécanisme légal dans les statuts des sociétés « fermées ». Aucune information ne nous a été transmise en ce sens. L'AG est compétente pour les modifications statutaires: il est possible de prévoir l'inclusion de ce mécanisme.

2) Quatre conditions cumulatives pour l'application de l'article 523 C.S.81

76 Comm. Liège, 17 octobre 2003, op. cit., p. 43577 Bruxelles, 10 février 1998, R.P.S., 1998, p.402 et suiv. 78 Cour d'arbitrage, 14 mai 2003, n°642003, www.juridat.be79 nous ne reproduisons que l'article 523 et plus spécialement ce qui nous concerne dans cette affaire, l'article 524 n'étant applicable qu'aux sociétés cotées : Art. 523. § 1er. Si un administrateur a, directement ou indirectement, un intérêt opposé de nature patrimoniale à une décision ou à une opération relevant du conseil d'administration, il doit le communiquer aux autres administrateurs avant la délibération au conseil d'administration. Sa déclaration, ainsi que les raisons justifiant l'intérêt opposé qui existe dans le chef de l'administrateur concerné, doivent figurer dans le procès-verbal du conseil d'administration qui devra prendre la décision. De plus, il doit, lorsque la société a nomme un ou plusieurs commissaires, les en informer.

En vue de la publication dans le rapport de gestion, visé à l'article 95, ou, à défaut de rapport, dans une pièce qui doit être déposée en meme temps que les comptes annuels, le conseil d'administration décrit, dans le procès-verbal, la nature de la décision ou de l'opération visée à l'alinéa 1er et une justification de la décision qui a été prise ainsi que les conséquences patrimoniales pour la société. Le rapport de gestion contient l'entièreté du procès-verbal visé ci-avant.

Le rapport des commissaires, visé à l'article 143, doit comporter une description séparée des conséquences patrimoniales qui resultent pour la société des décisions du conseil d'administration, qui comportaient un intérêt opposé au sens de l'alinéa 1.

§ 2. La société peut agir en nullité des décisions prises ou des opérations accomplies en violation des règles prévues au présent article (et à l'article 524ter), si l'autre partie à ces décisions ou opérations avait ou devait avoir connaissance de cette violation. 80 K. Geens, « les administrateurs face aux conflits d'intérêts », in les administrateurs des sociétés, séminaire sous la présidence de Xavier Dieux, op. cit, p. 3 ; X. Dieux, « De la société anonyme comme « modèle » et de la société cotée comme « prototype » », in Liber Amicorum Lucien Simont, éd. Bruylant, Bruxelles, 2002, notamment n°13 p. 635, 636, n°14, p.636 et p.638 ; L. Simont, « les conflits d'intérêts, nouvelles implications des articles 60 et 60bis » in Séminaire Vanham & Vanham, 1995, p.2 ; Cependant cela ne signifie pas qu'ils adhèrent au mécanisme d'administrateurs indépendants de l'article 524 : X. Dieux « ...à supposer que l'on trouve la disposition (art. 524) pertinente », art. cit., K. Geens, « ...la recherche de trois administrateurs répondant aux critères d'indépendance (de l'article 524) est considérée comme une tâche impossible », art. cit. 81 Voy. l'affaire Tractebel-Société Générale de Belgique dans les arrêts précités et notamment Bruxelles, 19 janvier 2001 et Cass., 17 octobre 2002 : « Attendu que, dès lors qu'ils ont considéré que les demandeurs " ne peuvent se prévaloir d'aucune apparence de droit

Condition concernant les personnes concernées Il doit s'agir du conseil d'administration qui conclut une opération dans le cadre de ses compétences. La conclusion d'un contrat entre dans le champ de compétences du conseil d'administration82 .

Condition relative à la nature de l'intérêt L'intérêt doit être patrimonial et non simplement moral83. L'intérêt patrimonial se définit comme un avantage (mobilier ou immobilier) susceptible de faire l'objet d'une estimation économique précise et objective. L'intérêt de Monsieur Fog est nettement patrimonial : celui d'enrichir la société Bioplus (dont il est actionnaire majoritaire et administrateur) de la clientèle de la société Biotec.

Condition relative aux caractéristiques de l'intérêt L'intérêt doit être opposé à l'intérêt social. Nous vous renvoyons à la partie consacrée à l'examen de cette notion. Une juridiction a considéré que « l'essence de l'intérêt de la société (est) sa continuité »84. Un intérêt compatible ou parallèle à l'intérêt social ne pourrait donner lieu à l'application du mécanisme de l'article 523 CS. L'intérêt de Monsieur Fog est opposé à l'intérêt de la société Biotec tel que défini par un principe de continuité. L'intérêt de l'administrateur doit être personnel et peut être direct ou indirect. En l'occurrence, il s'agit d'un intérêt personnel indirect85 .

Condition relative à la nature de l'acte L'acte doit être une décision ou une opération relevant du conseil d'administration. Selon une doctrine, sont visées les hypothèses dans lesquelles le conseil d'administration adopte une conclusion définitive sur un sujet86. Il s'agit donc de dissocier la décision du CA de soumettre la conclusion du contrat à un vote par l'AG et celle par laquelle le CA conclut le contrat avec la société Bioplus. Seule cette deuxième hypothèse est susceptible d'être soumise à l'article 52387 .

suffisante quant à l'application, en l'espèce, des articles 60 et 60bis des lois coordonnées sur les sociétés commerciales ", les juges d'appel n'étaient pas tenus de répondre plus amplement aux conclusions des demandeurs sur les notions d'intérêt opposé de nature patrimoniale de certains administrateurs et d'avantage patrimonial direct ou indirect de certains actionnaires au sens de ces dispositions, Qu'il découle de la considération précitée que la Cour ne doit pas poser à la Cour d'arbitrage une question préjudicielle sur la compatibilité de cet article 60 avec les articles 10 et 11 de la Constitution

82 Art. 522 § 1 CS 83 Bruxelles, 19 janvier 2001, op. cit., « que ce conflit d'intérêt n'existe qu'au sujet d'une décision ou d'une opération relevant de la compétence du conseil d'administration qui fait naître un droit ou une obligation dans le chef de la société ayant un impact sur la situation patrimoniale d'un administrateur en écartant désormais toute référence à un intérêt moral ou fonctionnel »

84 Comm. Liège, 17 octobre 2003, R.D.C., 2005/4, p. 43785 Il est indirect dès lors que l'administrateur (Monsieur Fog) contracte au nom et pour le compte de la société Biotec avec une personne morale à laquelle il est lié (in specie, la société Bioplus) ; S. Watillon, A.P. André-Dumont, J.P. Renard, le guide pratique du conseil d'administration et de l'assemblée générale, 2000, éd. De la chambre de commerce et d'industrie, p. 100, n°245 ; contra Cass.17 octobre 2002 ayant conclu au rejet du pourvoi et au rejet de la demande de question préjudicielle des demandeurs basée sur la violation des articles 10 et 11 de la Constitution : « cinquième branche : A supposer qu'il faille interpréter l'article 60 des lois coordonnées sur les sociétés commerciales, tel qu'il résulte de la loi du 13 avril 1995, en ce sens qu'il n'interdit pas à un administrateur de prendre part à la délibération du conseil d'administration en vue de rendre l'avis prévu par les articles 14 et 15 de l'arrêté royal du 8 novembre 1989 relatif aux offres publiques d'acquisition lorsque cet administrateur est, en raison d'une autre fonction, chargé des intérêts de l'offrant, cette disposition viole les articles 10 et 11 de la Constitution puisqu'elle soumet à un traitement différent, sans justification raisonnable, les sociétés et leurs actionnaires dont un des administrateurs participe à une décision à laquelle il a un intérêt patrimonial personnel et les sociétés et leurs actionnaires dont un des administrateurs, également chargé d'un mandat dans une autre société, participe à une décision à laquelle cette autre société a un intérêt patrimonial opposé ; dans les deux cas, la société et ses actionnaires subissent un préjudice (violation des articles 10 et 11 de la Constitution). » 86 S. Watillon, A.P. André-Dumont, J.P. Renard, le guide pratique du conseil d'administration et de l'assemblée générale, 2000, éd. De la chambre de commerce et d'industrie, p.101 ; Bruxelles, 19 janvier 2001, R.D.C., 2001, p. 108 : « opération qui fait naître une obligation dans le chef de la société ayant un impact sur la situation d'un adminsitrateur en écartant toute référence à un intérêt moral ou fonctionnel » 87 Cette condition d'application semble donner lieu à discussion, voy. C. Croes, « noot, het openbaar ruilbod op tractebel : de rechtspraktijk herademt », T.R.V., 2001, p.109 n°9 : krachtens een eerste strekking in de rechtsleer is art. 523 immers toepasselijk op alle beslissingen die behoren tot de bevoegdheid van de raad van bestuur (...) Een tweede, even belangrijke strekking acht de belangenconflictregeling daartentegen niet toepasselijk omdat, huns inziens, enkel beslissingen en verrichtingen die leiden tot een

3) Exceptions : les groupes de sociétés et les opérations habituelles88 Ces deux hypothèses ne rentrent pas dans le cadre de ce cas : il ne s'agit pas d'un groupe de sociétés ni d'opérations habituelles (sous réserve de plus amples informations quant à l'objet social de la société Biotec) 89. Il est certain que cette seconde hypothèse sera la défense de Monsieur Fog face au non-respect de l'article 523CS.

4) Mécanisme prévu par l'article 523 CS L'administrateur doit communiquer l'existence du conflit aux autres administrateurs avant que le conseil ne délibère. Le cas échéant, il doit aussi communiquer cette information aux commissaires. Cependant aucun devoir d'abstention au vote et à la délibération n'est prévu pour la société « fermée »90. Cette information doit apparaître dans le procès-verbal de la réunion du CA. Doivent également être mentionnées dans celui-ci une description de l'acte en question (ici, cession de clientèle), une justification de la décision prise (motifs financiers et d'opportunité) et les conséquences patrimoniales de l'opération pour la société Biotec. Une copie intégrale du procès-verbal sera communiquée aux actionnaires via le rapport de gestion ou, en cas de dispense d'en établir un, dans une pièce déposée en même temps que les comptes annuels. Aucune information ne nous a été communiquée à ce propos : il semble que la conclusion de l'acte n'ait pas encore eu lieu. La question est de savoir si le vote favorable de l'AG concernant ce contrat pourrait être dispensateur de l'application de ce mécanisme. Cependant au cas où la nullité de la décision de l'AG est obtenue91, le vote ne pourra plus couvrir le non-respect du mécanisme de l'article 523 CS.

5) La sanction -La nullité de la décision prise en violation de ces règles pourra être obtenue par la société si l'autre partie contractante a ou doit avoir connaissance de cette violation. -L'actionnariat minoritaire peut agir contre les administrateurs pour le compte de la société sur base de l'article 562 CS et, pour leur compte, sur base de 528-529 CS. Nous examinerons la possibilité de mettre en oeuvre ces actions dans la section II.

recht/verplichting in hoofde van de vennootschap onder art. 523 vallen », l'auteur se range parmi cette dernière tendance ; voy. Cass. 17 octobre 2002, les griefs des demandeurs en cassation notamment la troisième branche

88 art. 523 §389 le caractère habituel est une question de fait, sera habituelle une opération qui entre « dans le cadre de l'activité spécifique de la société (acquisition d'un terrain par une société immobilière) en tenant compte de l'objet social, de sa taille et de ses coutumes », voy.

K. Geens, art. cit., p . 11
90 c'est-à-dire celle qui n'a pas ou ne fait pas appel public à l'épargne.
91 Voy. supra concernant la nullité de la décision de l'AG.

Section II : les questions des recours judiciaires : Recours en référé, recours en annulation, action minoritaire et action en retrait.

Après l'exposé des questions de fond, il reste deux questions à examiner : Que faire, que voulez-vous faire ? Ensuite, quelles sont les modalités des différentes actions ? Nous vous conseillons de saisir le juge des référés qui pourra prendre toute mesure provisoire utile (a.). Dans un second temps, l'annulation de la décision de l'AG pourra être demandée (b.). Dans un troisième temps, l'actionnariat minoritaire possède certaines armes contre Monsieur Fog en tant qu'administrateur d'une part (c., d.) et en tant qu'actionnaire d'autre part (e.). Certaines actions ne seront pas examinées, telles que l'action en responsabilité sur base de 1382 CC92et la demande en dissolution de la société pour justes motifs93. Concernant le règlement des conflits d'intérêts, nous vous proposerons de demander au juge de poser trois questions préjudicielles à la Cour d'arbitrage (f.)

a. Le recours devant le juge des référés94

1) Champ d'action du juge des référés

Dès lors que les conditions de ce recours sont remplies95, le juge des référés96 semble le juge « idéal » pour contrer les actions dommageables de Monsieur Fog et leurs conséquences97. Les actionnaires minoritaires peuvent en leur nom personnel citer la société Biotec ou introduire une requête unilatérale. Le juge des référés peut suspendre les effets de la décision de l'AG98. Il peut interdire la conclusion d'un contrat99. Il serait ainsi possible de demander au Président du Tribunal de première instance ou de commerce : -la suspension des effets des décisions de l'AG concernant le mandat de Monsieur Fog ainsi que sa décharge

92 concernant la responsabilité des administrateurs : cass, 20 juin 2005, www.cass.be: « Les organes d'une société commerciale sont responsables envers la société et envers les tiers de tous dommages et intérêts résultant d'infractions aux dispositions de la législation sur les sociétés commerciales et aux statuts sociaux. Les organes sont responsables des fautes de gestion uniquement envers leur mandant. Ce n'est, en principe, que lorsque les organes ne respectent pas la législation sur les sociétés commerciales et les limites des statuts, qu'ils engagent leur responsabilité civile envers les tiers qui en sont victimes ; Liège, 27 janvier 2005 ; Bruxelles, 12 septembre 2003 93 cette solution est prévue par l'article 645 al. 2 mais est considérée comme un moyen ultime et subsidiaire en cas de conflit interne ; Comm. Mons, 26 janvier 2000, J.L.M.B., 2001, p.832 et 834 : « le comble du subsidiaire », « ultissimum remedium », la juridiction préfère l'action en exclusion ou en retrait.94 voy. J. Englebert, « inédits de droit judiciaire-référés (5) », J.L.M.B., 2005/05, p. 140 à 18395 Prés.Bruxelles, 24 novembre 2000, (réf.), www.juridat.be, cette décision n'a pas été publiée : La mise sous tutelle d'une société commerciale n'est possible que dans le cadre d'une mesure urgente et provisoire visant à prévenir un préjudice grave ou un inconvénient sérieux. Cette mesure est parfois justifiée " dans des situations de mésintelligence grave entre associés " ou encore "

lorsque la majorité de ses membres se rend coupable d'abus et de détournements de pouvoirs, suffisamment caractérisé pour que l'organe soit provisoirement dépouillé de ses compétences légales dans l'attente de la solution, au fond, du conflit. "

Le juge des référés ne doit intervenir que si des indices suffisamment sérieux d'une méconnaissance manifeste de l'intérêt social lui sont présentés.96 art. 584 CJ :le juge des référés est le Président du tribunal de première instance (plénitude de juridiction) ou le Président du tribunal de commerce (compétent pour les matières de la compétence de son tribunal) ; J. Englebert, art. cit., p. 17897 E. Pottier, art. cit., p. 34 ; J.M. Nelissen-Grade, « Procédure de retrait et règlement de conflit entre actionnaires », in Séminaire Vanham et Vanham, 1995, p. 4 ; Comm. L iège (Réf), 3 mai 1996, J.L.M.B., 1996, p. 812, III 2 ; nous ne sommes plus dans les temps pour demander la suspension de la tenue de l'assemblée générale qui a eu lieu le 7 novembre.98 article 179 CS 99 E. Pottier, art. cit., p. 34 ; J.F.Goffin, « les actions en cession forcée et en reprise forcée : premiers pas jurisprudentiels », J.T., 1998,

p. 321 et 322 : interdiction de toute cession d'actifs ; Comm. Mons, 26 janvier 2000, J.L.M.B., 2001, p.836 concernant des ventes : « il n'est, en effet, pas normal que le Conseil d'administration ait entamé la vente de tous les actifs immobiliers de la société en dehors de tout contexte de liquidation ».

-l'interdiction de conclure le contrat avec la SA Bioplus100 , -d'assortir ces mesures d'astreintes101 et -la demande de désignation d'un administrateur provisoire102

2) Condition de compétence : l'urgence

Le juge des référés doit reconnaître l'urgence : cependant dès que l'urgence est invoquée dans la demande, le Président doit se déclarer compétent103. Si l'urgence n'est pas invoquée, il renvoie au tribunal compétent104. Il faudra donc veiller à invoquer l'urgence dans la demande. L'urgence se définit comme la crainte d'un préjudice d'une certaine gravité ou de simples inconvénients mais sérieux qui rend une décision immédiate souhaitable. La reconnaissance de l'urgence appartient au pouvoir d'appréciation du juge105. En l'espèce, la crainte d'un préjudice patrimonial de la société Biotec semble fondée. Il faut cependant que le juge du fond ne puisse pas prendre une mesure provisoire avec la même efficacité106 .

3) L'absolue nécessité107

En cas d'absolue nécessité, la procédure peut être unilatérale c'est-à-dire non contradictoire. L'absolue nécessité existera dès lors que la citation rendrait inutile la mesure demandée108. Tel sera le cas pour la suspension des effets de la décision de l'AG concernant le contrat ainsi que l'interdiction de conclure le contrat de cession de clientèle.

4) La requête unilatérale en abréviation du délai de citer

En cas de célérité, le délai de citation de deux jours peut encore être abrégé par une requête unilatérale en abréviation du délai de citer109. La procédure reste, dans ce cas, contradictoire. Le cas de célérité pourra être reconnu en l'espèce si le contrat de cession doit être conclu dans un délai rapproché.

100 Nous ne nous étendons pas sur le caractère provisoire de la mesure en référé qui n'est pas l'objet de cette consultation.101 J.Englebert. art. cit., p.182102 Comm. Ieper, (réf), 12 december, 2000, T.R.V., 2001, p. 41 : het eventuele belangenconflict in hoofde van het management van een

N.V. met betrekking tot de mogelijke verkoop van activa en het risico van onttrekking van activa aan de Belgische schuldeisers rechtvaardigen de aanstelling van een voorlopige bewindvoerder met als opdracht alle maatregelen te nemen tot behoud en bewaring van de activa van de N.V. » ; Comm. Mons, 26 janvier 2000, op.cit. : « Dès lors que la mésentente entre associés est susceptible de nuire aux intérêts de la société », l'arrêt insiste sur le caractère provisoire de cette mesure et considère que l'action en retrait ou en exclusion est plus apte à remédier au conflit interne ; arrêt plus strict: Bruxelles, 26 septembre 2000, J.L.M.B., 2001, p.825 : il faut un blocage des organes de la société ou que les intérêts de la société soient gravement compromis ; Prés.Tribunal de première instance de Bruxelles (réf), 24 novembre 2000, www.juridat.be (sommaire) : il faut que des indices suffisamment sérieux d'une méconnaissance manifeste de l'intérêt social sont présentés (au juge). 103 Récemment confirmé par Cass. 10 avril 2003, www.cass.be, Cass, 11 mai 1990, www.cass.be: « Attendu qu'aux termes de l'article 9 du Code judiciaire, la compétence d'attribution est le pouvoir de juridiction déterminé en raison de l'objet, de la valeur et, le cas échéant, de l'urgence de la demande ou de la qualité des parties; qu'en vertu de l'article 584, alinéa 1er, du Code judiciaire, le président du tribunal de première instance statue au provisoire dans les cas dont il reconnaît l'urgence, en toutes matières, sauf celles que la loi soustrait au pouvoir judiciaire;Attendu que la compétence du juge tenu de connaître d'une demande doit être déterminée en raison de l'objet de cette demande, tel qu'il est déterminé dans la citation ». ; J. Englebert, art. cit., p.149104 Il s'agit donc bien d'une condition de compétence et non de recevabilité, voy. Cass, 11 mai 1990 précité. Si, après examen, il constate en fait l'absence d'urgence, il épuise sa juridiction et ne doit pas renvoyer l'affaire.105 Cass, 17 mars 1995, www.cass.be, « Attendu qu'en ce qui concerne la question de l'urgence, le juge des référés dispose d'un large pouvoir d'appréciation et, dans une juste mesure, de la plus grande liberté », Cass, 21 mai 1987, Pas, I, 1987, p.1160, « il y a urgence, au sens de cette disposition légale, dès que la crainte d'un préjudice d'une certaine gravité, voire d'inconvénients sérieux, rend une décision immédiate souhaitable; on peut, dès lors, recourir au référé lorsque la procédure ordinaire serait impuissante à résoudre le différend en temps voulu, ce qui laisse au juge des référés un large pouvoir d'appréciation en fait et, dans une juste mesure, la plus grande liberté. », J.P. Renard, « règlement de conflit : de la médiation à l'intervention judiciaire », in séminaire les conflits d'actionnaires, 2004, éd. Vanham & Vanham, p. 16

106 voy. Art. 19 al.2 CJ ; Bruxelles, 4 mai 2001, J.T., 2001, p. 84 ; la jurisprudence applique cette condition de compétence avec rigueur afin d'éviter l'arriéré judiciaire.107 article 584 al. 3 CJ 108 L'absolue nécessité ne se confond pas avec la condition d'urgence, voy. H. Boularbah, « l'intervention du juge des référés par voie de requête unilatérale : conditions, procédure et voies de recours », le référé judiciaire, p. 89109 1035 et 1036 CJ

b. Le recours en annulation devant le juge du fond110 .

1 Concernant la décision de l'AG Ce recours est expressément prévu par le Code des Sociétés. -Tout intéressé peut agir en nullité sauf celui qui a voté en faveur de la décision (à moins que son consentement ne soit vicié) ou celui qui a, tacitement ou expressément, renoncé à se prévaloir de cette nullité (à moins qu'elle ne soit d'ordre public). Il sera nécessaire de faire acter, dans le procès-verbal, votre vote négatif pour les décisions concernant le renouvellement des mandats, la décharge et le contrat de cession111. Aucune nullité d'ordre public n'est applicable dans notre cas. -Le délai pour introduire l'action est de 6 mois à compter de la date d'opposabilité de la décision à celui qui invoque la nullité. En tant qu'actionnaires, le procès-verbal vous est pleinement opposable dès la fin de l'AG, même si vous ne l'avez pas signé112 . -Le tribunal peut déclarer la nullité sans effet à l'égard des droits acquis de bonne foi par les tiers. Il faut que la société Bioplus prouve sa bonne foi, c'est-à-dire qu'elle n'avait pas connaissance de la cause de nullité de la décision de l'AG concernant le vote sur le contrat de cession.

2 Concernant le contrat de cession de clientèle Il s'agit d'une action appartenant à la société113, c'est-à-dire une action qui doit être intentée sur base de la décision d'agir de l'organe compétent114. Cette compétence appartient au conseil d'administration de la société anonyme Biotec115. La mise en oeuvre de cette action semble donc illusoire dans la situation actuelle116 sauf désignation d'administrateurs provisoires.

c. L'action minoritaire117

Au-delà de l'annulation des décisions, l'actionnariat minoritaire118 peut, au profit de la société, mettre en cause la responsabilité de l'administrateur. Elle est un remède au fait que l'actio mandati est normalement réservée à l'assemblée générale qui décide à la majorité simple d'intenter cette action119. La responsabilité de l'administrateur peut être mise en cause pour une faute de gestion ainsi que sur base d'éventuelles infractions au Code des sociétés ou aux statuts120. La doctrine reconnaît que la signature d'une convention est une faute de gestion dès lors que l'intérêt de ce contrat pour la société est

110 articles 64 et 178 CS en ce qui concerne les décisions de l'assemblée générale-L'action est introduite contre la société, par citation
devant le Tribunal de commerce du ressort du siège social de la société.
111 S. Watillon, A.P. André-Dumont, J.P. Renard, le guide pratique du conseil d'administration et de l'assemblée générale, 2000, éd.De la chambre de commerce et d'industrie, p.181, n°496 : en précisant le nom des actionnaires qui ont voté négativement.112 S. Watillon, A.P. André-Dumont, J.P. Renard, le guide pratique du conseil d'administration et de l'assemblée générale, 2000, éd.De la chambre de commerce et d'industrie, p.149, n°397 ; E. Pottiers, art. cit., p. 35

113 Art.523 §2

114 Art. 703 : Les personnes morales agissent en justice à l'intervention de leurs organes compétents.

115 V. Renard, « Action et représentation en justice des personnes morales », J.T., 2002, p. 227 et 229116 Dès lors que le conseil devra prendre sa décision conformément à la nature collégiale de cet organe.117 562 CS 118 l'action peut être intentée par un ou plusieurs actionnaires possédant, au jour de l'assemblée générale qui s'est prononcée sur la décharge des administrateurs, des titres auxquels est attaché au moins 1 % des voix attachées à l'ensemble des titres existant à ce jour ou possédant à ce même jour des titres représentant une fraction du capital égale à 1 250 000 EUR. au moins. L'actionnariat minoritaire de Biotec possède 15 % de titres. Pour les actionnaires ayant droit de vote, l'action ne peut être intentée que par ceux qui n'ont pas vote la décharge et par ceux qui ont voté cette décharge pour autant dans ce cas, que celle-ci ne soit pas valable. Ainsi, l'action sera recevable soit si vous n'avez pas voté la décharge (voy. nos remarques concernant le procès-verbal), soit si la décision de l'AG est annulée

119 Ce qui explique la rareté de cette action; Liège, 9 septembre 2004, J.T., 2005 n°6167, p. 85 ; Bruxelles, 12 avril 2002, J.T., 2002, p.668 et 669120 527CS ; Liège, 9 septembre 2004, art. cit.

discutable ou que la convention peut avoir des conséquences dangereuses pour la société121. Cependant le juge opèrera une appréciation marginale en ne la substituant pas à celle des administrateurs122. Cette action est rarement mise en oeuvre dès lors qu'elle profite exclusivement à la société123 .

d. L'action en dommages et intérêts sur base de l'article 528 CS-529CS

L'actionnaire individuel peut agir contre les administrateurs en infraction au mécanisme de 523 CS sur base de l'article 528 CS124. Il peut agir également, même si ce mécanisme a été respecté, en cas d'avantage abusif, sur base de l'article 529 CS. Cela suppose que le contrat de cession ait été conclu. Cette action tendra à la réparation du préjudice, subi par l'actionnaire individuel, préjudice qui doit être « propre et indépendant du préjudice indirect qu'il pourrait subir à la suite de l'atteinte au patrimoine social » ainsi que « distinct de celui qui serait subi de la même façon par tous les actionnaires en raison de l'appauvrissement de la société »125. L'appauvrissement de la société par le fait de la cession de la clientèle ne pourra donc pas être invoqué dès lors qu'il s'agit d'un préjudice commun à tous les associés. Par contre, la responsabilité de l'administrateur aurait pu être mise en cause même si la décision litigieuse n'était pas annulée126, en l'espèce, même si le contrat de cession n'était pas annulé.

e. L'action en retrait

En cas de conflit d'actionnaires, les mesures exposées ci-dessus ne sont qu'une réponse partielle. Ainsi la loi permet à tout actionnaire de demander en justice, pour des justes motifs, que les autres actionnaires reprennent ses actions127. L'abus de majorité persistant ou la mésentente grave et permanente entre actionnaires pourront être des « justes motifs'· . Il s'agit d'une action « ultime »128 qui tend, au premier chef, à protéger vos intérêts129. Elle pourra être introduite en même temps que le recours en référé.

121 S. Watillon, A.P. André-Dumont, J.P. Renard, le guide pratique du conseil d'administration et de l'assemblée générale, 2000, éd. De la chambre de commerce et d'industrie, p.220, n°629

122 Liège, 9 septembre 2004, op. cit., p. 85 ; voy. nos remarques sur l'appréciation marginale du juge, supra.

123 E. Pottiers, art. cit., p. 35

124 Liège, 9 septembre 2004, op. cit., p. 85125 Liège, 9 septembre 2004, op. cit., p. 85. Ces conditions ne sont pas sans rappeler celles qui ont été fixées par la cour de cassation concernant le concours de responsabilité, voy. Cass, 21 juin 2002, www.cass.be : La responsabilité d'une partie contractante peut être engagée, sur le plan extra-contractuel, du chef d'une faute commise lors de l'exécution d'un contrat, pour autant que la faute qui lui est imputée constitue un manquement non à une obligation contractuelle, mais à l'obligation générale de prudence ou à une obligation, imposée par une norme, de s'abstenir ou d'agir d'une manière déterminée et que cette faute ait causé un dommage autre que celui qui résulte de la mauvaise exécution du contrat; cass, 20 juin 2005, www.cass.be: « Les organes d'une société commerciale sont responsables envers la société et envers les tiers de tous dommages et intérêts résultant d'infractions aux dispositions de la législation sur les sociétés commerciales et aux statuts sociaux. Les organes sont responsables des fautes de gestion uniquement envers leur mandant. Ce n'est, en principe, que lorsque les organes ne respectent pas la législation sur les sociétés commerciales et les limites des statuts, qu'ils engagent leur responsabilité civile envers les tiers qui en sont victimes .

126 Bruxelles, 28 février 2002, www.juridat.be: il n'est nullement contradictoire d'admettre le maintien de la convention tout en condamnant l'associé qui a retiré un avantage financier abusif de celle-ci, au détriment de la société, à réparer le préjudice lié à l'exécution de la convention.

127 art. 642 CS ; ces actions (retrait et exclusion) ne sont possibles que dans des sociétés anonymes ne faisant pas appel à l'épargne(art.635CS). L'action en exclusion de Monsieur Fog est impossible in specie dès lors que l'actionnariat minoritaire n'atteint pas lesseuils prévus. L'action en retrait est introduite devant le Président du tribunal de commerce de l'arrondissement judiciaire dans lequella société a son siège, siégeant « comme en référé ». La société Biotec devra être citée à comparaître. Le prix de la cession sera fixépar le juge, par analogie avec les dispositions concernant l'exclusion.

128 Comm. Charleroi, (réf), 30 avril 1998, J.T., 1998, p. 555 « que cette procédure ne doit en tout état de cause être considérée quecomme un remède ultime qui ne serait appliqué qu'à des conflits entre associés ne pouvant être réglés à l'amiable ».129 J.M. Nelissen-Grade, « procédure de retrait et règlement de conflits entre actionnaires », in Journée d'étude du 28 septembre 1995,

f. Questions préjudicielles à la Cour d'arbitrage

1) Concernant le conflit au sein de l'assemblée générale : carence législative inconstitutionnelle130 ou violation de l'article 10 et 11 de la Constitution par l'article 64 du code des sociétés

Viole-t-elle l'article 10 et 11 de la Constitution, la différence entre une société dans laquelle survient un conflit d'intérêts avec un administrateur donnant lieu à l'application des articles 523 et 524 du code des sociétés et une société dont un actionnaire est administrateur, confrontée à un conflit d'intérêts au sein de son assemblée générale concernant le renouvellement du mandat de cet adminsitrateur, qui ne donne pas lieu à un devoir d'abstention et qui ne peut pas être sanctionné par la nullité de la décision dès lors que celle-ci est limitée aux cas prévus par l'article 64 du code des sociétés ?

2) Concernant les articles 523 et 524 du Code des sociétés En tant que l'article 523 §1 alinéa 4 du code des sociétés ne s'applique qu'aux sociétés ayant fait ou faisant appel à l'épargne, le législateur opère une distinction certes objective mais qui n'est ni justifiable ni raisonnable par rapport au but et aux effets de la norme considérée. En ce que l'article 524 du code des sociétés ne s'applique qu'aux sociétés cotées, le législateur opère une distinction certes objective mais qui n'est ni justifiable ni raisonnable par rapport au but et aux effets de la norme considérée.

130 M. Uyttendaele, op. cit., p. 476, n°460

Conclusion

Voici le calendrier que nous vous proposons de suivre :

En premier lieu, le Président du tribunal de commerce sera saisi pour la demande de mesures urgentes et provisoires ainsi que pour l'action en retrait, le cas échéant. Nous avons particulièrement développé les conditions de cette action qui semble la plus adéquate à court terme.

En second lieu, le tribunal de commerce sera saisi pour la demande d'annulation de la décision de l'AG sur base du détournement de pouvoirs et, le cas échéant, sur base d'une irrégularité de forme.

La responsabilité de l'administrateur pourra être mise en cause, sous réserve des conditions à remplir pour ce faire, par l'action minoritaire au profit de la société, par l'action en responsabilité (528-529 CS ou 1382CC) à votre profit personnel.

En cas de situation de blocage, nous pourrons mettre en oeuvre l'action en retrait.

Lors de ces différentes étapes, nous vous proposons de demander aux juges de poser les questions préjudicielles ci mentionnées à la Cour d'arbitrage.

Nous sommes à votre disposition pour tout renseignement avant de mettre en action ces recours.

Céline Deschietere

Bibliographie

Législation

Constitution Loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980 Code des Sociétés : art. 64, 178,179, 522, 523, 527, 532 à 536, 547, 548, 562, 579, 635,

Loi programme du 27 décembre 2004 entrée en vigueur le 10 janvier 2005.

Arrêté royal du 30 janvier 2001, www.juridat.be

Code Judiciaire : Art. 19 al. 2, 584, 703, 1035, 1036

Jurisprudence

Cour d'arbitrage, 14 mai 2003, n°642003, www.juridat.be

Cass., 10 septembre 1971, www.cass.be Cass., 19 septembre 1983, www.cass.be

Cass, 21 mai 1987, Pas, I, 1987, p.1160

Cass, 4 mars 1988, Pas.1988 I, p. 802 Cass, 11 mai 1990, www.cass.be Cass, 17 mars 1995, www.cass.be Cass., 17 mai 2002, www.juridat.be Cass, 17 octobre 2002, www.cass.be Cass, 21 juin 2002, www.cass.be Cass, 5 mars 2002 , WWW.cass.be Cass. 10 avril 2003, www.cass.be Cass, 18 mars 2004, www.cass.be Cass, 20 juin 2005, www.cass.be

Mons, 5 février 1987, J.T., 1988, p. 172 Bruxelles, 20 décembre 1995, T.R.V., 1996, p. 54

Mons, 12 mars 1996, R.P.S., 1996, p. 304 Bruxelles, 10 février 1998, R.P.S., 1998, p.403. Bruxelles, 18 décembre 1999, www.juridat.be Bruxelles, 26 septembre 2000, J.L.M.B., 2001, p.820 Bruxelles, 19 janvier 2001, R.D.C., 2001, p. 108 Bruxelles, 4 mai 2001, J.T., 2001, p. 84 Bruxelles, 12 avril 2002, J.T., 2002, p. 668 et 669

Bruxelles, 28 février 2002, www.juridat.be

Bruxelles, 12 septembre 2003Liège, 9 septembre 2004, J.T., 2005 n°6167, p. 85.Liège, 27 janvier 2005 ;

Comm. Bxl, 22 juin 1992, R.P.S., 1993, p. 36 L iège (Réf), 3 mai 1996, J.L.M.B., 1996, p. 809 Comm. Charleroi, (réf), 30 avril 1998, J.T., 1998, p. 555 Comm. Courtrai (réf), T.V.R., 1999, p. 326 Comm. Hasselt, 19 décembre 1997 (réf.), T.R.V., 1998, p. 536 ; Comm.Turnhout, 17 avril 1998, T.R.V., 1998, p. 536 Prés. Comm., 26 octobre 1999, Journ. Procès n°380, p.20 Prés.Bruxelles, 24 novembre 2000, (réf.), www.juridat.be Comm. Ieper, (réf), 12 december, 2000, T.R.V., 2001, p.41 Comm. Mons, 26 janvier 2000, J.L.M.B., 2001, II, p.826 Comm. Liége, 17 octobre 2003, R.D.C., 2005/4, p. 429

Doctrine

Ouvrages :

P. Coppens, l'abus de majorité dans les sociétés anonymes, 1947

P. Ernst, Belangenconflicten in naamloze vennootschappen, éd. Intersentia Rechtswetenschappen, 1997

A. François, vennootschapsbelang, éd. Intersentia Rechtswetenschappen, 1999, Antwerpen

P. Hainaut-Hamende et G. Raucq, Les sociétés anonymes, tome 1, constitution et fonctionnement, éd. Larcier 2005

D. Schmidt, les conflits d'intérêts dans la société anonyme, éd. Joly, 2004 (droit français)

T. Tilquin et V. Simonart, Traités des sociétés, tome I

M. Uyttendaele, Précis de droit constitutionnel belge, éd. Bruylant 2001

P. Van Ommeslaghe, Droit des obligations, tome 3

S. Watillon, A.P. André-Dumont, J.P. Renard, le guide pratique du conseil d'administration et de l'assemblée générale, 2000, éd. De la chambre de commerce et d'industrie

Articles :

T. Boedts, « loi programme duu 27 décembre 2004 », R.D.C., 2005/3, p. 303 et suiv

H. Boularbah, « l'intervention du juge des référés par voie de requête unilatérale : conditions, procédure et voies de recours », le référé judiciaire, p. 89 et suiv. Ch. Brüls, « OPA, conflits d'intérêts et Corporate governance », JLMB, 1999, p. 1793

M. Caluwaerts, « les conflits d'intérêts et droit des groupes » in dernières évolutions en droit des sociétés, éd. Du Jeune barreau de Bruxelles 2003, p. 173

C. Croes, « het openbaar ruilbod op tractebel : de rechtspratijk herademt », T.R.V., p. 107 7B. Demonty, « la réglementation des conflits d'intérêts complétée par un principe de loyauté en droit des sociétés », DAOR, 2000, p. 256

P. De Wolf, « l'exercice du pouvoir et le fonctionnement de la SA : régime de liberté (moins) surveillée, J.T., 2003, p. 589

H. De Wulf, « Bestuurders tussen hamer en aambeeld bij een groepsintern overnamebod », Rev. Banque, 1999, p.468

X. Dieux, « Nouvelles observations sur l'abus de majorité ou de minorité dans les personnes morales fonctionnant selon le principe majoritaire », R.G.D.C., 1998, p.8

X. Dieux, « La société anonyme comme « modèle » et la société cotée comme« prototype » », in Liber Amicorum Lucien Simont, éd. Bruylant, 2002, p. 619X.Dieux, « « Corporate Governance » De la loi du 2 août 2002 au Code Lippens », J.T.,2005, n°6166, p. 57

J. Englebert, « inédits de droit judiciaire-référés (5) », J.L.M.B., 2005/05, p. 140

B . Feron et J. Meunier, « la double casquette de l'administrateur de société anonyme »,J.T., 2000, p.688P.A.Foriers, « les administrateurs et la gestion des conflits d'intérêts », Séminaire Droits,devoirs et responsabilités des administrateurs de sociétés, 2001, organisateur Vanham &Vanham

Geens, « les administrateurs face aux conflits d'intérêts », in les administrateurs dessociétés, séminaire de 2005 sous la présidence de Xavier DieuxJ.F.Goffin et E.Viatour, « l'assemblée générale des actionnaires ou associés dans les SA,SPRL, SCRL », in Droit des sociétés commerciales, sous la direction de M. Coipel, 2ième
éd., 2002, éd. Kluwer,p.481

J.F.Goffin, « les actions en cession forcée et en reprise forcée : premiers pas jurisprudentiels », J.T., 1998, p. 321

P. Hermant, « la fonction d'administrateur : conditions et modes de nomination, statut, rémunération, durée et fin du mandat », in Séminaire Vanham & Vanham 2005 sous la présidence de Xavier Dieux

J.M. Nelissen Grade, « de la validité et de l'exécution de la convention de vote dans les sociétés commerciales », R.C.J.B., 1991, p. 214

J.M. Nelissen-Grade, « Procédure de retrait et règlement de conflit entre actionnaires », in Journée d'étude du 28 septembre 1995

E. Pottier, « Abus de majorité, de minorité ou d'égalité, conditions, recours, sanction », in le séminaire les conflits d'actionnaires, éd. Vanham Vanham, 2004

J.P. Renard, « règlement de conflit : de la médiation à l'intervention judiciaire », in séminaire les conflits d'actionnaires, 2004, éd. Vanham & Vanham

V. Renard, « Action et représentation en justice des personnes morales », J.T., 2002, p. 225

L. Simont, « les conflits d'intérêts, nouvelles implications des articles 60 et 60bis » in Séminaire Vanham & Vanham, 1995

V. Simonart, « les conflits d'intérêts au sein de l'assemblée générale de la société anonyme en droit comparé » in Les conflits d'intérêts, Bruxelles, Bruylant, 1997, p.193

M. Tison, « L'égalité de traitement dans la vie des affaires sous le regard du droit belge », J.T., 2002, p. 697

P. Van Ommeslaghe et X. Dieux, « les sociétés commerciales, examen de jurisprudence », R.C.J.B.,1993 p. 768

P. Van Ommeslaghe, R.C.J.B., 1976, p.303 et suiv V.I., obs sous cet arrêt dans J.T., 2001, p.108

Table des matières

Section I : les questions de fond : la convocation de l'assemblée générale, la validité d'une décision de l'assemblée générale, le conflit d'intérêts au sein du conseil d'administration.

I. La convocation de l'assemblée générale: conditions et vices

a. Les modalités de convocation 1) Régime commun à ces trois types de sociétés 2) Tous les titres sont nominatifs 3) Les titres sont au porteur ou dématérialisés 4) Certains titres sont au porteur, d'autres sont nominatifs

b. Le contenu des convocations

c. La demande de procuration

d. Les vices de convocation

e. La couverture d'une convocation irrégulière

f. La suspension des effets de la convocation

II. Le conflit d'intérêts-l'abus de majorité-la violation des règles de fonctionnement

a. Présentation générale1) Définition2) Distinction selon l'organe concerné3) Fondements juridiques

b. Le conflit d'intérêts au sein de l'Assemblée Générale 1) L'existence d'un conflit d'intérêts 2) Absence de réglementation-solutions 3) Les droits des actionnaires analysés en des droits-fonctions 4) Le détournement de pouvoir :l'abus de majorité au sein de l'assemblée générale-

application particulière de la théorie de l'abus de droit 5) L'irrégularité de formes ayant eu une influence sur la décision et la violation des règles de fonctionnement avec une intention frauduleuse

c. Le conflit d'intérêts au sein du Conseil d'administration d'une société « fermée » 1) L'inapplication de l'article 523 §1 alinéa 4 et de l'article 524 du Code des

Sociétés2) Quatre conditions cumulatives pour l'application de l'article 523 C.S.3) Exceptions : les groupes de sociétés et les opérations habituelles4) Mécanisme prévu par l'article 523 CS5) Sanctions

Section II : les questions des recours judiciaires : Recours en référé, recours en annulation, action minoritaire et action en retrait.

a. Le recours devant le juge des référés 1) Champ d'action du juge des référés 2) Condition de compétence : l'urgence 3) L'absolue nécessité 4) La requête unilatérale en abréviation du délai de citer

b. Le recours en annulation devant le juge du fond

1 Concernant la décision de l'AG

1 Concernant le contrat de cession de clientèle

c. L'action minoritaire

d. L'action en dommages et intérêts sur base de l'article 528 CS-529CS

e. L'action en retrait

f. Questions préjudicielles à la Cour d'arbitrage

Conclusion Bibliographie Table des matières






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Tu supportes des injustices; Consoles-toi, le vrai malheur est d'en faire"   Démocrite