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La garantie des droits fondamentaux au Cameroun

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par Zbigniew Paul DIME LI NLEP
Université Abomey-Calavi, Bénin - DEA en Droit international des Droits de l'Homme 2004
  

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B.- Le statut du chef traditionnel

A ce stade, deux problèmes méritent d'être soulevés :

· qui peut être chef traditionnel ?

· quels sont les droits et obligations d'un chef traditionnel ?

Le problème de la désignation du chef traditionnel a évolué de manière significative en droit camerounais, car elle n'est pas allée sans soulever de difficultés. Dans l'Afrique ancestrale, la possibilité d'être chef est réservée à une catégorie infime de personnes180(*). A l'instar de la monarchie absolue de type européen classique, la dévolution du pouvoir se fait à l'intérieur d'un groupe familial ou d'un clan spécifique181(*). Le décret de 1977 va dans le même sens et dispose en son article 8 : « les chefs traditionnels sont, en principe, choisis au sein des familles appelées à exercer coutumièrement le commandement traditionnel. Les candidats doivent remplir les conditions d'aptitude physique et morale requises, et savoir autant que possible lire et écrire ».

Selon le Pr NLEP, malgré la clarté apparente de la disposition, son interprétation n'a pas toujours été facile. En effet, que faut-il entendre par « familles appelées coutumièrement à exercer le commandement traditionnel » et par « conditions d'aptitude physique et morale » ?182(*)

La notion de « familles de commandement » n'est pas définie dans le texte de 1977 et c'est le juge qui a eu à en préciser les contours. Dans une affaire ESSOMBA Marc Antoine, objet du jugement n° 7/CS-CA/79-80 du 29 novembre 1979, le juge administratif a eu à se prononcer sur cette notion.

Les faits sont les suivants : à la suite du décès du chef du groupement MVOG FOUDA MBALLA, le nommé ESSOMBA NSENGUE Marc Antoine, des consultations sont organisées à l'initiative et sous l'égide du préfet du département de la Mefou. Elles aboutissent à la désignation de TSOUNGUI ESSOMBA Joseph comme chef du groupement, désignation confirmée par un arrêté n° 84/A/MINATDOT du ministre de l'administration territoriale en date du 25 mai 1977.

C'est cette désignation qui est déférée devant la CS/CA par le candidat débouté à la dite chefferie, le sieur ESSOMBA Marc Antoine. Celui-ci fonde sa demande sur le fait que lors de la tenue des consultations, il a été écarté sans raison valable et que l'intéressé choisi provient d'une famille trop éloignée de la sienne. Le juge n'admettra pas cette argumentation et décidera que « par famille, on entend un ensemble de personnes issues d'un même sang, d'une même lignée ou souche (...). Il importe donc de ne pas y voir seulement les gens d'un même foyer, issus d'un même père et d'une même mère ou seulement du premier ». La famille est ainsi entendue par le juge administratif au sens large. Mais, en plus de l'appartenance du « candidat-chef » à une « famille de commandement », s'ajoute la condition de son aptitude.

Selon la lettre du texte de 1977, le « candidat-chef » se doit d'avoir des aptitudes physique, morale et intellectuelle. S'il va de soi que l'intéressé se doive de jouir de bonnes facultés physiques et de ses droits civiques, le minimum de capacité sollicité par le décret suscite quelques interrogations. Le juge administratif camerounais va même lui attacher une importance notable dans une décision n° 40/CS-CA/79-80 du 29 mai 1980, MONKAM TIENTCHEU David c. Etat du Cameroun.

Les faits de l'espèce sont fort explicites. Suite à la désignation d'un jeune garçon âgé de 10 ans comme chef du groupement BANKA, le sieur MONKAM TIENTCHEU attaque l'arrêté ministériel de désignation au motif que le nouveau chef ne remplit pas les conditions d'aptitude physique et morale requises par le décret de 1977. Tirant conséquence des dispositions du décret, la CS/CA annule l'arrêté ministériel en estimant fondé le moyen tiré de l'inaptitude du jeune chef POKAM NITCHEU. Cependant, le juge fait ressortir le caractère de service public de la chefferie traditionnelle camerounaise, si bien que le Pr NLEP pose la question de savoir si l'on aboutit pas ainsi à une « fonctionnarisation du chef traditionnel »183(*). Autrement dit, est ce que le chef traditionnel camerounais ne tombe pas ainsi, du fait des textes régissant la collectivité traditionnelle, dans le statut d'un fonctionnaire de l'administration publique camerounaise ?

Le chef traditionnel, une fois désigné, a alors des droits et obligations affectés à sa tâche. Il est un auxiliaire de l'administration au sens de l'article 20 du décret de 1977. Il a le pouvoir de procéder à des conciliations ou arbitrages entre les administrés, mais il se trouve soumis à un régime disciplinaire et d'appréciation proche de celui des agents de l'Etat relevant du Statut général de la fonction publique.

Le texte constitutionnel de 1996 fait de la protection des valeurs traditionnelles diverses existant au sein de l'Etat camerounais un droit fondamental des citoyens. La collectivité traditionnelle à laquelle sont attachés les citoyens a à sa tête un chef qui doit être désigné selon les coutumes propres à cette collectivité. La protection des valeurs traditionnelles est en conséquence une obligation de l'Etat et le juge protège ce droit et c'est ainsi qu'il sanctionne les écarts qui peuvent être faits de son usage. Si cela n'a pas toujours été aisé, la consécration d'autres droits semble soulever aussi d'autres problèmes. Ce sont la protection des minorités et la préservation des droits des populations autochtones.

* 180 Ibid., p. 128.

* 181 Ibid., p. 128.

* 182 Ibid., p. 128.

* 183 Ibid., p. 129.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon