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La garantie des droits fondamentaux au Cameroun

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par Zbigniew Paul DIME LI NLEP
Université Abomey-Calavi, Bénin - DEA en Droit international des Droits de l'Homme 2004
  

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· PREMIERE PARTIE : LA CONSTANCE DE LA CONSECRATION DES DROITS FONDAMENTAUX DANS L'ORDRE JURIDIQUE CAMEROUNAIS

La réglementation du pouvoir par un certain nombre de procédures est un fait dans la majorité des sociétés humaines, qu'elles soient traditionnelles ou modernes. Comme le relève le Pr Charles DEBBASCH, au sein des sociétés modernes, ce pouvoir est soumis à la règle de droit et doit s'insérer dans un cadre juridique qui lui fixe des normes41(*). Ce cadre juridique de l'Etat est la constitution. Dans un Etat, la constitution vise un double objet : déterminer l'organisation des pouvoirs publics et fixer la liste des droits et libertés individuels des citoyens42(*).

Depuis son accession à l'indépendance43(*), le Cameroun a connu deux (2) constitutions : la Constitution du 4 mars 1960 réformée par la loi n° 61/24 du 1er septembre 1961 portant révision de la Constitution du 4 mars 1960 et la Constitution du 2 juin 1972, révisée par la loi constitutionnelle n° 96/06 du 18 janvier 199644(*). Ces différentes lois fondamentales énoncent toutes, dans le souci de montrer l'attachement de l'Etat camerounais à la dignité de la personne humaine, un catalogue des droits fondamentaux qui doivent bénéficier au citoyen. Elles ont poursuivi, dès lors, les objectifs assignés aux constitutions et ont procédé, même si l'on observe une constance, à une certaine évolution quant à la proclamation des droits fondamentaux au Cameroun (Chapitre I). Par voie de conséquence, elles ont conduit, dans l'ordre juridique camerounais, à la consécration d'une multitude de droits fondamentaux aussi divers les uns que les autres (Chapitre II).

CHAPITRE I : LA DYNAMIQUE CONSTITUTIONNELLE DE PROCLAMATION DES DROITS FONDAMENTAUX AU CAMEROUN

La proclamation des droits fondamentaux est une constante dans les différents textes constitutionnels camerounais. Le constituant camerounais a, par cet usage, marqué son attachement aux valeurs prononcées dans les discours en faveur des droits de l'homme.

S'il est admis avec la formule du Pr Joseph OWONA que les droits et libertés fondamentaux sont garantis de trois manières courantes : la constitutionnalisation du préambule, la définition dans le corpus constitutionnel des droits fondamentaux et la reconnaissance de la primauté du droit international, force est d'admettre que le constituant camerounais opère une fusion, un « syncrétisme méthodologique » relativement au choix de la formule à retenir45(*). Il a opté ainsi pour une proclamation préambulaire des droits fondamentaux (Section I). Celle-ci a contribué à la construction d'un bloc de constitutionnalité favorable auxdits droits (Section II).

SECTION I : LA PROCLAMATION PREAMBULAIRE DES DROITS FONDAMENTAUX, CHOIX DU CONSTITUANT CAMEROUNAIS

Le préambule est, selon la formule du Pr Maurice HAURIOU, le siège de la « constitution sociale ». Il est, dans l'ordre juridique camerounais, le lieu d'énonciation des droits dans la constitution. Afin qu'il puisse valablement garantir les droits fondamentaux, le Pr Joseph OWONA propose de le « constitutionnaliser ». Ceci revient au demeurant à affecter une valeur constitutionnelle audit préambule, car ainsi que le constate le Pr Maurice KAMTO, « la détermination du lieu d'énonciation des droits dans les constitutions africaines est une étape essentielle dans la recherche de leur assise juridique, car avant même de s'interroger sur le contenu et leur garantie effective, il faut déjà s'assurer qu'il s'agit de normes juridiques. Or s'ils le sont sans conteste lorsqu'ils sont insérés dans le dispositif de la Constitution, rien n'est moins sûr lorsqu'ils figurent seulement dans le préambule. Du coup se pose le problème de la valeur juridique du préambule. Doit-on le considérer comme étant partie intégrante de la Constitution et ayant par suite valeur constitutionnelle ? »46(*) La question était posée.

L'histoire constitutionnelle camerounaise qui débute avec la Constitution du 4 mars 1960 accorde déjà une grande importance au préambule du texte. Il sert à affirmer les grandes orientations prises par les dirigeants et à consacrer les principes fondateurs de la jeune république camerounaise. Les préambules des textes constitutionnels du 2 juin 1972 et du 18 janvier 1996 poursuivent dans cette même optique, mais on assiste, à travers ces différents textes, à une évolution quant à la valeur juridique du préambule. La question soulevée par le Pr KAMTO sur ce point s'est posée avec acuité dans l'ordre juridique camerounais. Cette valeur juridique du préambule constitutionnel camerounais a évolué d'une valeur constitutionnelle originellement incertaine (Paragraphe 1), vers une constitutionnalisation affirmée (Paragraphe 2), qui ne va pas sans soulever des questions.

PARAGRAPHE 1.- UN PREAMBULE A LA VALEUR CONSTITUTIONNELLE INCERTAINE

La valeur juridique du préambule du texte constitutionnel au Cameroun n'est jamais allée de soi. Comme en droit français, elle a donné lieu à toutes sortes de controverses. Elle a en effet divisé la doctrine (A), et a donné lieu à une incertitude jurisprudentielle (B) résorbée par la promulgation de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996.

A.- La controverse doctrinale sur la valeur juridique du préambule

La doctrine était divisée au Cameroun entre deux positions47(*). Elle consistait en deux thèses opposées :

· celle de la force contraignante des droits énoncés dans le préambule défendue par le Pr Eric BOEHLER et d'autres auteurs,

· celle de l'incertitude de la valeur juridique du préambule défendue notamment par les Pr POUGOUE et KAMTO48(*).

La première position doctrinale est exposée dans les observations faites par le Pr BOEHLER sur les arrêts n° 118/CFJ/CAY du 29 mars 1972, Eitel MOUELLE KOULA c. République fédérale du Cameroun et n° 194/CFJ/CAY du 25 mai 1972, Daniel NANA TCHANA c. République fédérale du Cameroun (R.F.C.)49(*) de la défunte Cour fédérale de justice (CFJ).

Dans ces espèces, le Pr BOEHLER observe que le juge administratif camerounais a affirmé que les droits et libertés inscrits dans la DUDH auxquels la République camerounaise proclame son attachement ont force de droit positif50(*). Il localise cette affirmation dans le préambule de la Constitution du 2 juin 1972 et entrevoit dans les deux décisions jurisprudentielles sus citées la reconnaissance par le juge de la valeur juridique des droits énoncés dans le préambule constitutionnel. En effet, de l'analyse des deux espèces, les requérants fondaient leurs demandes sur la violation de la liberté d'association préalablement inscrite à l'article 1er de la Constitution du 1er septembre 1961, puis incorporée par la suite au préambule de la Constitution de 1972.

Le Pr BOEHLER a ainsi pu estimer que dans les espèces sanctionnées par la CFJ, le juge camerounais avait retenu le principe de la force juridique du préambule de la constitution de 1972 et de la DUDH51(*).

Une affirmation de la valeur juridique du préambule du texte constitutionnel de 1972 est aussi faite par le magistrat François Xavier MBOUYOM. Ce dernier, en s'appuyant sur les arrêts n° 41 du 14 janvier 1964 sur la reconnaissance d'enfant et n° 67 du 11 juin 1963 de la Cour suprême du Cameroun oriental, a pu affirmer que les « dispositions du préambule constitutionnel sont (...) considérées comme des règles de droit positif »52(*).

Mais, cette thèse d'une valeur juridique affirmée du préambule du texte constitutionnel de 1972 n'allait pas avoir l'adhésion de l'ensemble de la doctrine, c'est pourquoi une approche antithétique a aussitôt germé dans le champ de la pensée juridique camerounaise.

La thèse de l'incertitude de la valeur juridique du préambule de 1972 prend le contre-pied de la première approche. Développée par les Pr KAMTO et POUGOUE, elle remet en cause les arguments avancés par les tenants de la première thèse pour soutenir la thèse d'une valeur juridique contraignante du préambule constitutionnel de 1972.

Pour les Pr KAMTO et POUGOUE, c'est à tort que le Pr BOEHLER a cru voir dans les arrêts de la CFJ une quelconque reconnaissance par la juridiction administrative de la valeur juridique contraignante des droits énoncés dans le préambule53(*). De l'avis des deux universitaires, dans ces décisions, les demandes des requérants s'appuyaient sur des dispositions du corpus constitutionnel du 1er septembre 1961 et non sur le préambule de la Constitution de 1972. M. OLINGA se fait même plus dur à l'égard du Pr BOEHLER lorsqu'il qualifie de « distraite », la déclaration faite par lui sur le principe de la force juridique du préambule, le juge n'ayant dans les différentes espèces traité d'aucun préambule d'aucune constitution54(*).

Les Pr KAMTO et POUGOUE estiment, quant à eux que la valeur constitutionnelle du préambule du texte de 1972 est « légitimement contestable ». Elle n'est pas juridiquement avérée, cependant elle ne saurait être nulle. Les auteurs ont essayé ce faisant d'affecter une valeur au préambule à l'aide d'arguments tirés de la simple logique juridique55(*). Selon le Pr KAMTO, cette logique impose, pour que les énoncés relatifs aux droits fondamentaux ne soient pas évacués du champ des règles constitutionnelles, de reconnaître la valeur constitutionnelle du préambule. Cette exigence de logique permet de donner, sur le plan pratique, une chance à l'effectivité des droits fondamentaux. Il pose, ce faisant, le principe selon lequel « les préambules ont une valeur constitutionnelle, mais seulement de lege feranda ou par simple déduction logique »56(*).

Le préambule du texte constitutionnel n'a pas eu ipso facto, en droit camerounais, une valeur juridique qui a unifié la doctrine. Cette controverse sur la valeur du préambule n'a pas non plus épargné le juge camerounais, dont les décisions en la matière se sont ressenties.

* 41 Ch. DEBBASCH et alii, Droit constitutionnel et institutions politiques, 4e éd., Paris, Economica, 2001, p. 81.

* 42 Ibid., p. 83.

* 43 La proclamation de l'indépendance de la République du Cameroun a lieu le 1er janvier 1960.

* 44 V. texte de la loi constitutionnelle n° 96/06 du 18 jan. 1996 in Juridis périodique, n° 25, Jan-Févr-Mars 1996, pp. 1-14, commentaire de M. ONDOA ; J d B. de GAUDUSSON, G. CONAC, C. DESOUCHES, (Textes rassemblés et présentés par), Les constitutions africaines publiées en langue française, Tome I, Bruxelles, Bruylant, La Documentation française, 1997, pp. 129-143.

* 45 A. D. OLINGA, ibid., p. 117.

* 46 M. KAMTO, ibid., p. 12.

* 47 J. MOUANGUE KOBILA, ``Le préambule du texte constitutionnel du 18 janvier 1996 : De l'enseigne décorative à l'étalage utilitaire'', Lex Lata, n° 23-24, févr.-mars 1996, p. 35.

* 48 Ibid., p. 35.

* 49 Observations E. BOEHLER, in Revue Camerounaise de Droit (R.C.D), Yaoundé, n° 31, jan-juin 1973, pp. 54-59.

* 50 E.BOEHLER, cité par A.D. OLINGA, ibid., p. 118.

* 51 Ibid., p. 119.

* 52 F. X. MBOUYOM, ``Les mécanismes juridiques de protection des droits de la personne au Cameroun'', R.J.P.I.C., Tome 36, n° 1, févr. 1982, pp. 58-72, p. 60, cité par J. MOUANGUE KOBILA, ibid., p. 35.

* 53 Cité par J. MOUANGUE KOBILA, ibid., p. 35.

* 54 A. D. OLINGA, ibid., p. 119.

* 55 Ibid., p. 119.

* 56 M. KAMTO, ibid., p. 15.

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